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28/02/2017 | FRANCE | N°16/03434

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 28 février 2017, 16/03434


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 28 Février 2017



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03434



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/11697





APPELANTE

SAS SYNCHRONE TECHNOLOGIES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 438 313 843

représentée par M

e Yann ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMEE

Madame [R] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 28 Février 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03434

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/11697

APPELANTE

SAS SYNCHRONE TECHNOLOGIES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 438 313 843

représentée par Me Yann ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [R] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Françoise TROMPE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Madame [R] [J] a été engagée par la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES par contrat à durée indéterminée à compter du 5 juillet 2010, en qualité de consultante, au dernier salaire annuel de 63.000 euros augmenté d'une prime de 1.500 euros tous les deux mois à compter de septembre 2012. La salariée s'est retrouvée en 'inter mission' à compter du 2 janvier 2014 puis a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre du 1er septembre 2014 énonçant le motif suivant :

' (...) Après avoir entendu vos explications, nous avons pris la décision de vous notifier votre licenciement pour causes réelles et sérieuses, aux motifs exposés ci-dessous.

Depuis quelques mois maintenant, vous êtes en inter-contrat au sein de notre société. Nous vous avons confié des missions internes, au sein de notre centre de services et forfaits basé à Clermont Ferrand. Nous nous sommes rencontrés à ce sujet et avons échangé par courriers à plusieurs reprises. Nous vous avions demandé de bien vouloir respecter la clause 7.2.4 de votre contrat de travail, qui stipule : 'dans le cadre de ses activités pour le compte de la société, le salarié pourra être amené à effectuer des déplacements de courte ou de longue durée, en France et à l'étranger hors du site habituel d'intervention visé au 7.2.1" . Malgré nos relances, explications, vous avez continué de refuser d'effectuer ces missions. Vous avez été en absence injustifiée avant vos congés, soit du 22 au 31 juillet 2014. Votre conduite s'apparente à de l'insubordination.

De même nous ne reviendrons pas sur votre attitude le jour de l'entretien où avec aplomb vous avez refusé de serrer la main à la Directrice des ressources humaines le 27 août dernier ; un simple geste de politesse est à la portée de tous.

Par la présente nous vous notifions votre licenciement pour causes réelles et sérieuses (...)'.

Par jugement du 18 février 2016, le Conseil de prud'hommes de PARIS a dit le licenciement de Madame [R] [J] sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES à lui verser les sommes suivantes :

- 7.730 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 15.750 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.575 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 4.264,52 euros au titre des rappels de salaires,

- 35.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et exécution de mauvaise foi du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement, jusqu'au jour du paiement,

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Enfin, le Conseil de prud'hommes a débouté Madame [J] du surplus de ses demandes ainsi que la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à condamné cette dernière aux dépens.

La société SYNCHRONE TECHNOLOGIES en a relevé appel.

Par conclusions visées au greffe le 12 décembre 2016 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES demande à la cour d'infirmer le jugement et de débouter la salariée de ses demandes. A titre subsidiaire, elle demande de réduire le montant des dommages et intérêts sollicités.

Elle demande de condamner Madame [J] à lui verser la somme nette de 11.749,48 euros à titre d'indemnité pour le préavis non effectué pour la période du 4 septembre au 4 décembre 2014 et sollicite la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 12 décembre 2012 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [J] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et demande la condamnation de la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES à lui verser les sommes suivantes :

- 70.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et exécution de mauvaise foi du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

- 20.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral en raison du harcèlement avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Enfin, Madame [J] sollicite la condamnation de la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES à lui remettre les documents suivants sous astreinte de 100 euros par jour de retard :

- attestation Pôle emploi;

- certificat de travail du 5 juillet 2010 au 30 novembre 2014,

- bulletins de paie rectifiés pour les mois de mars, juin, juillet et août 2014,

- bulletins de paie des mois de septembre, octobre et novembre 2014.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

****

MOTIFS

Sur la rupture

Principe de droit applicable

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Application du droit à l'espèce

En l'espèce, il est reproché à Madame [J] une insubordination résultant de son refus d'être affectée au sein d'un département de la société situé à CLERMONT FERRAND dans le cadre de sa mobilité. Afin d'établir cette faute, la société rappelle dans la lettre de licenciement les éléments du contrat de travail de la salariée qui n'auraient pas été respectés par l'intéressée. Le contrat de travail de Madame [J] stipule effectivement à l'article 7.2.1 intitulé Lieu d'exercice que 'L'activité du conseil de la société s'exerce principalement dans les locaux des clients et plus rarement à partir des locaux de la société. Dès lors, le salarié exercera ses fonctions à partir des bureaux de la société et/ou du client (...) Sis en France ou à l'étranger, étant souligné que le lieux d'exercice sera le site habituel d'intervention et pourra être modifié par la société, ce que le salarié accepte d'ores et déjà. Toute modification du site habituel d'intervention fera l'objet d'un ordre mission. ' Par ailleurs, la société rappelle qu'il résulte de l'article 7.2.4 intitulé Déplacements justifiés par l'exercice de la mission que 'Dans le cadre de ses activités pour le compte de la société, le salarié pourra être amené à effectuer des déplacements de courte durée, en France et à l'étranger hors du site habituel d'intervention visé au 7.2.1".

Sur ces dispositions du contrat, Madame [J] fait cependant remarquer à juste titre que la modification du site habituel d'intervention est conditionnée par l'existence d'un ordre de mission. De plus, les déplacements de courte ou longue durée évoqués dans l'article 7.2.4. concernent uniquement l'exercice d'une mission comme l'indique le titre de la disposition.

Or, il résulte des éléments versés au débat que l'ordre de déplacement à CLERMONT FERRAND de Madame [J] ne réfère à aucun document d'ordre de mission. En effet, les seuls éléments se rapportant à ce déplacement sont des courriels de la société adressés à la salariée annonçant à celle-ci son 'affectation' et ne mentionnent ni la date de fin, ni même l'objet de la mission. Ces simples courriels ne saurait être assimilés en l'espèce à un ordre de mission réel et complet, exigé par le contrat de travail.

Malgré cette absence effective d'ordre de mission, la société tente lors des débats de caractériser ces affectations à CLERMONT FERRAND par des 'missions internes'. Pourtant, cette affirmation, qui n'est établie que par les allégations de la société, est aussi contredite par le fait que l'affectation du 10 mars 2014 a été annulée en raison d'un rendez-vous avec un client pour 'repositionner' Madame [J] sur une nouvelle mission.

Ainsi, les refus de Madame [J] d'être affectée à CLERMONT FERRAND étaient justifiés, puisque ces affectations ne peuvent être considérées ni comme une modification du site habituel d'intervention prévu à l'article 7.2.1 du contrat de travail, ni comme un déplacement justifié par l'exercice de la mission prévu à l'article 7.2.4 de ce contrat. Ces affectations n'étant pas prévues au contrat de travail de la salariée, elles constituaient donc une modification du contrat que Madame [J] était en droit de refuser.

L'insubordination de Madame [J] n'étant pas caractérisée, il s'ensuit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Evaluation du montant des condamnations

Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu du fait que Madame [J] a plus de deux ans d'ancienneté et que la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

Par ailleurs, les demandes de la salariée au titre de l'indemnité de licenciement, au titre de l'indemnité de préavis et au titre des rappels de salaire pour les retenues du fait des prétendues absences sont fondées et ont été correctement évalué par le conseil de prud'hommes.

Sur le harcèlement

Il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Madame [J] soutient que la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES l'a poussée a démissionner par des actes répétés de harcèlement moral.

La salariée prétend dans un premier temps avoir été obligée de prendre des congés payés, mais verse comme unique élément de preuve des emails lui étant adressés et lui annonçant en ces termes 'nous te proposons le planning suivant (...) Qu'en penses-tu'', qui ne permettent pas de dire que Madame [J] a été tenue d'une quelconque obligation de prendre des congés.

D'autre part, la salariée affirme avoir fait l'objet de pressions pour accepter une mission qui n'était pas de sa compétence. Il ne résulte cependant des éléments du débat aucune pression concernant l'acceptation de la mission, puisqu'il ressort uniquement des échanges de mails que la salariée a fait part de sa crainte d'être incompétente et la mission ne lui a donc pas été confiée.

Madame [J] affirme par ailleurs avoir été enjointe à accepter une rupture conventionnelle de son contrat de travail le 5 mars 2014, sous peine d'être affectée à CLERMONT FERRAND. Pour établir cette menace, la salariée verse comme unique élément une lettre en date du 20 mars 2014 qu'elle a rédigée elle-même à l'attention de la directrice des ressources humaines et qui énonce que 'Clermont Ferrand constitue le moyen d'une pression de votre part pour me faire accepter le marchandage proposé. Cependant, ce simple échange de courriel qui résulte des seules allégations de Madame [J] ne suffit pas à établir une menace réelle dont elle se dit victime.

Sur les affectations répétées et refusées à CLERMONT FERRAND, ainsi que les retenues de salaires opérées du fait de ses absences, la salariée considère qu'il s'agissait de mesures de rétorsion à son encontre. Cependant, la société maintient qu'elle a continué de convoquer la salariée en considérant que ce déplacement était prévu par son contrat de travail. Cette interprétation faussée du contrat apparaît donc comme une raison objective et étrangère à tout fait de harcèlement à l'encontre de Madame [J].

La salariée souligne par ailleurs que le harcèlement aurait perduré postérieurement au licenciement en ce que la société ne lui a rien versé à l'occasion du solde de tout compte et en ce qu'elle lui a refusé la portabilité de la mutuelle. Cependant, il résulte du courrier en réponse à la salariée que celle-ci n'a pas demandé la portabilité de la mutuelle dans le délai de dix jours comme le rappelait sa lettre de licenciement.

Sur le solde de tout compte, ce simple élément postérieur à la rupture du contrat de travail ne saurait caractériser des faits répétés de harcèlement moral.

En outre, Madame [J] verse au débat des avis d'arrêts de travail du 4 avril au 23 juin 2014. Cependant, les prétendus faits de harcèlement moral n'étant pas établis, la dégradation de l'état de santé de la salariée ne peut en elle-même caractériser une preuve des faits de harcèlement.

Ainsi, bien qu'il ressorte des éléments versés au débat des conditions difficiles de la rupture injustifiée du contrat de travail, celles-ci ne peuvent suffire à caractériser des faits répétés de harcèlement de la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES à l'encontre de Madame [J].

La demande de la salariée au titre de la réparation du préjudice moral en raison du harcèlement moral n'est donc pas fondée.

Sur la demande de remise de documents

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif. Il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte en l'état.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Ordonne la remise par la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES à Madame [J] des documents rectifiés suivants conformes au présent arrêt :

- attestation Pôle emploi

- certificat de travail du 5 juillet 2010 au 30 novembre 2014

- bulletins de paie rectifiés pour les mois de mars, juin, juillet et août 2014

- bulletins de paie des mois de septembre, octobre et novembre 2014

DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES à payer à Madame [J] en cause d'appel la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société SYNCHRONE TECHNOLOGIES.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/03434
Date de la décision : 28/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°16/03434 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-28;16.03434 ?
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