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28/02/2017 | FRANCE | N°15/06036

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 28 février 2017, 15/06036


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 28 FEVRIER 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/06036



Décision déférée à la Cour : Sentence rendue à Paris le 11 février 2015 par le tribunal arbitral composé de Mme [F] et de M. [A], arbitres, et de M. Garaud, président



DEMANDERESSES AU RECOURS :



Société DRESSER-RAND GROUP INC Société

de droit du Delaware - EU

prise en la personne de ses représentants légaux



[Adresse 1]

[Localité 1] - DELAWARE - USA



représentée par Me François TEYTAUD, avocat pos...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 28 FEVRIER 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/06036

Décision déférée à la Cour : Sentence rendue à Paris le 11 février 2015 par le tribunal arbitral composé de Mme [F] et de M. [A], arbitres, et de M. Garaud, président

DEMANDERESSES AU RECOURS :

Société DRESSER-RAND GROUP INC Société de droit du Delaware - EU

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1] - DELAWARE - USA

représentée par Me François TEYTAUD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : J125

assistée de Me Karim BOULMELH, avocat plaidant du barreau de PARIS, de la SCP BAKER & MCKENZIE, toque : P445

Société DRESSER-RAND HOLDINGS SPAIN, S.LU. Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 2]- ESPAGNE

représentée par Me François TEYTAUD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : J125

assistée de Me Karim BOULMELH, avocat plaidant du barreau de PARIS, de la SCP BAKER & MCKENZIE, toque : P445

DÉFENDERESSES AU RECOURS :

Société DIANA CAPITAL I, F.C.R. Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 3] - ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

Société FOND-ICOPYME, F.C.R. DE REGIMEN SIMPLIFICADO Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 4] - ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

Société E-NOVATING VENTURE, S.L. Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Localité 5]-ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

Société OPCION FOTOVOLTAICA 24, S.L. Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 6]

[Localité 6]-ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

Société CAIXA CAPITAL FONDOS,venant aux droits de et anciennement dénommée CAJASOL INVERSIONES DE CAPITAL, S.A. S.C.R. DE REGIMEN SIMPLIFICADO UNIPERSONAL Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 7]

[Localité 7] - ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

Société CENTAURO CAPITAL, S.L.U. Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 8]

[Localité 6] - ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

Société VILLAMENDI, S.L. Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 9]

[Localité 6] - ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

Société SEI TA LAU, S.L. Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 10]

[Localité 8]-ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

Société SUGAR MAGNOLIA 2003, S.L. Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 11]

[Localité 6]-ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

Société IBAINARKO, S.L. Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 12]

[Localité 6]-ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

Société ALDAIA BI, S.L. Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 13]

[Localité 6]-ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

Société EL PORTILLO 2005, S.L. Société de droit espagnol

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 14]

[Localité 6]-ESPAGNE

représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03

assistée de Me Claire MAURICE BENHAIM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: T03

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 janvier 2017, en audience publique, le rapport entendu, les avocats des parties ne s'y étant pas opposé, devant Madame GUIHAL, présidente et Monsieur LECAROZ, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame GUIHAL, présidente

Madame SALVARY, conseillère

Monsieur LECAROZ, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Mélanie PATE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Madame Dominique GUIHAL, présidente

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique GUIHAL, présidente et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

Aux termes d'un contrat d'acquisition d'actions signé le 3 mars 2011, douze sociétés de droit espagnol, Centauro Capital SLU, Villamendi SL, Sei Ta Lau SL, Sugar Magnolia 2003 SL, Ibainarko SL, Aldaia Bi SL, ElPortillo 2005 SL, Diana Capital I FCR, Fond-ICopyme FCR, E-Novating Venture SL, Opcion Fotovoltaica 24 SL, Caixa Capital Fondos (ci-après, les cédantes) se sont engagées sous conditions suspensives à céder toutes les actions de la société espagnole Grupo Guascor SL à la société de droit du Delaware Dresser-Rand Group Inc. Le 29 avril 2012, Dresser-Rand Group Inc. a transféré tous les droits qu'il tenait de cette convention à la société de droit espagnol Dresser-Rand Holdings Spain SLU.

La vente des actions de Grupo Guascor a été réalisée le 4 mai 2011.

Le contrat d'acquisition, régi par le droit français à l'exception des dispositions impératives des droits espagnol et du Delaware, prévoyait que le prix d'achat de base de 375.493.000 euros ferait l'objet d'un ajustement au moment de la réalisation de l'opération en fonction de certains paramètres comptables et qu'en cas de désaccord, la fixation se ferait à dire d'expert en application de l'article 1592 du code civil.

Les parties n'ayant pu s'entendre sur les éléments du prix, Dresser Rand Holdings Spain a assigné les cédantes devant le président du tribunal de commerce le 13 juillet 2012 aux fins de désignation d'un expert. Une ordonnance du 16 octobre 2012 a désigné M. [B] [O] en cette qualité.

Parallèlement, le 9 octobre 2012, les cédantes ont déposé auprès du secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, contre les deux sociétés Dresser-Rand, une demande d'arbitrage en vertu de la clause compromissoire stipulée par le contrat d'acquisition.

Par une sentence rendue à Paris le 11 février 2015, le tribunal arbitral composé de Mme [F] et de M. [A], arbitres, et de M. Garaud, président, a décidé :

- à l'unanimité, que le prêt Mercapital était inclus dans les éléments potentiellement constitutifs de la dette et qu'il devait donc être examiné par l'expert [O],

- à la majorité, que les cédantes, concernant la dette Eletrobras, avaient violé leur obligation de fournir des documents comptables sincères et complets mais que les sociétés Dresser-Rand ne seraient néanmoins pas en droit de se prévaloir de la garantie de passif à ce titre dans la mesure où elles avaient eu une connaissance effective de cette violation avant la date de réalisation de la vente.

Les sociétés Dresser Rand ont formé un recours en annulation partielle de cette sentence le 19 mars 2015.

Par des conclusions signifiées le 17 janvier 2017, elles demandent à la cour d'annuler les dispositions figurant aux paragraphes 286 à 296 et au septième tiret du dispositif de la sentence (dispositions relatives à la dette Eletrobras), de rejeter les demandes des parties adverses et de condamner solidairement celles-ci au paiement de la somme de 75.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elles invoquent la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1520, 3° du code de procédure civile), ainsi que la violation du principe de la contradiction et des droits de la défense (article 1520, 4° et 5° du code de procédure civile).

Par des conclusions signifiées le 12 janvier 2017, les cédantes demandent à la cour de rejeter le recours, de dire que ce rejet aura pour effet de conférer l'exequatur à la sentence en cause et de condamner les sociétés Dresser-Rand à leur payer la somme globale de 150.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI :

Sur le premier moyen d'annulation tiré de la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1520, 3° du code de procédure civile) et sur les deuxième et troisième moyens tirés de la violation du principe de la contradiction et des droits de la défense (article 1520, 4° et 5°) :

Les recourantes soutiennent, en premier lieu, que les arbitres ont méconnu leur mission en mettant en oeuvre un principe issu des règles IBA (International Bar Association) sur la présomption défavorable tirée du défaut de production de pièces, sans consulter préalablement les parties sur l'application de ces règles, ce qu'ils étaient tenus de faire pour toute disposition procédurale autre que celles figurant au règlement de la C.C.I et à l'acte de mission.

Elles invoquent, en second lieu, la violation du principe de la contradiction et des droits de la défense, en faisant valoir que le tribunal arbitral s'est fondé sur la présomption défavorable tirée du défaut de production des rapports UBS et KPMG sans avoir à aucun moment ordonné la production de ces rapports, ni avoir invité les parties à s'expliquer sur la non-production de ces pièces ou sur l'application de la présomption, et sans que les venderesses aient précisément demandé ces documents, ni formé un incident de production de pièces, ni sollicité la mise en oeuvre de la présomption.

Considérant que l'article 9 du contrat d'acquisition des actions de la société Grupo Guascor prévoyait une garantie de passif notamment en cas d'inexactitude des informations financières fournies par les cédantes au cours de l'audit préalable à la réalisation de la vente;

Considérant qu'en mai 2012 les sociétés Dresser-Rand ont mis en oeuvre cette stipulation à l'égard du préjudice qui pourrait résulter de l'obligation de rachat par Guascor do Brasil, filiale brésilienne de Grupo Guascor, des parts de son capital détenues par la société Eletrobras; que la dette correspondant à cet engagement s'est finalement élevée à la somme de 20.312.381 USD à la suite d'une transaction intervenue le 21 novembre 2012 entre Guascor do Brasil et Eletrobras;

Considérant que les cédantes ont demandé au tribunal arbitral de juger que les sociétés Dresser-Rand n'étaient pas fondées à se prévaloir de la clause de garantie de passif dans la mesure où elles avaient une connaissance effective de ce que cet engagement existait et ne figurait pas au bilan de Guascor do Brasil;

Considérant que le tribunal arbitral a rappelé que, préalablement à la signature du contrat, le 3 mars 2011, un audit de la société Grupo Guascor avait été réalisé à partir de novembre 2010, avec l'ouverture d'une 'data room' physique pendant 12 jours et d'une 'data room' électronique pendant toute la période de négociation et jusqu'à la signature du contrat (sentence, § 66); que des informations relatives à l'engagement de Guascor do Brasil de racheter la participation prise dans son capital par Eletrobras figuraient au rapport du commissaire aux comptes pour l'exercice fiscal 2008 et au rapport d'audit pour l'exercice 2009 (sentence, § 69 et 70); que parallèlement à l'audit, les parties sont convenues de déclarations de garantie des cédantes complétées par des 'annexes d'information des cédants' (AIC) préparées conjointement par les cédantes et le cessionnaire; que l'article 3 de la déclaration de garantie prévoyait qu'il n'existait aucune obligation de la société cédée ou de ses filiales de procéder au rachat de leurs titres, sous réserve de ce qui était énuméré à l'AIC 3.4 (e); que cette annexe visait l'obligation de procéder au rachat de la participation d'Eletrobras au capital de Guascor do Brasil conformément au pacte d'actionnaires du 10 décembre 1998 et à ses avenants (sentence, § 77 et 78);enfin, que l'AIC 3.14 (a), qui contenait une liste des contrats de la société et de ses filiales, identifiait quatre accords afférents à Eletrobras, un du 10 décembre 1998, un de 2006 et deux de juin 2009, et indiquait le chemin d'accès pour les trouver dans la 'data-room' électronique (sentence, § 80);

Considérant que le tribunal arbitral a estimé que ces informations divulguaient l'existence d'un passif mais qu'elles n'étaient pas assez précises dans leur montant ni assez claires dans leur présentation comptable pour qu'il soit jugé qu'était satisfaite la déclaration souscrite par les cédantes à l'article 3.5 du contrat, selon laquelle les états financiers étaient corrects et exhaustifs et donnaient une image fidèle de la dette nette (sentence, § 260);

Considérant que pour dire que les cédantes n'étaient néanmoins pas tenues de garantir le passif résultant des engagements de Guascor do Brasil à l'égard d'Eletrobras, le tribunal arbitral s'est fondé sur l'article 4.10 du contrat qui prévoyait que le cessionnaire ne pouvait invoquer la garantie s'il avait une 'connaissance effective' des faits ou des circonstances constitutifs d'une violation substantielle par les cédantes (sentence, § 286);

Que la sentence énonce :

'287. Au cas d'espèce, en considération du niveau d'information à l'égard d'Eletrobras (Dossier d'Informations, mentions dans les AIC, mention par les commissaires aux comptes dans les rapports financiers de Guascor do Brasil que le bilan n'était pas correct concernant Eletrobras), une majorité des arbitres du tribunal arbitral considère que le Cessionnaire disposait d'une connaissance effective des faits ou circonstances constitutifs d'une violation substantielle.

288. En effet, une majorité des arbitres du tribunal arbitral considère que le Cessionnaire a analysé les éléments présents dans le cadre de l'audit et afférents à Guascor do Brasil, qui était l'une des affiliées les plus importantes de la Société, et notamment la détention de ses titres par des tiers.

289. L'obligation de rachat de titres était expressément mentionnée à l'AIC 3.14. Une majorité des arbitres du tribunal arbitral considère que ceci fait la preuve que le Cessionnaire avait réfléchi au prix de rachat en consultant les comptes de Guascor do Brasil et les rapports des commissaires aux comptes joints. Les rapports des commissaires aux comptes de Guascor do Brasil indiquent expressément l'existence d'une violation en soulignant que la dette Eletrobras n'était pas comptabilisée.

290. Une majorité des arbitres du tribunal arbitral considère que tant la reconnaissance de la violation à l'égard des comptes de Guascor do Brasil et la connaissance de la violation de l'article 3.5 du Contrat de cession d'actions à l'égard des comptes consolidés de la Société sont établies, puisqu'une dette qui fait défaut dans les comptes d'une affiliée ferait nécessairement défaut dans les comptes consolidés.

291. En outre (moreover) l'ordonnance de procédure n° 1 prévoit que le tribunal arbitral devra se fonder sur les Règles de l'IBA sur l'Administration de la Preuve dans l'Arbitrage international de 2010.

L'article 9.5 de ces Règles dispose que 'Si une Partie, sans raison satisfaisante, ne produit pas tout document à l'égard duquel une autre Partie a formulé une demande de production et à laquelle elle n'a pas formulé d'objections dans le délai imparti, ou ne produit pas tout Document dont la production a été ordonnée par le tribunal arbitral, le tribunal arbitral peut en déduire que ce Document est contraire aux intérêts de cette partie'. Dans le cas d'espèce, il a été demandé aux Défendeurs de produire et ceux-ci n'ont pas produit les rapports d'audit d'UBS et de KPMG. Une majorité des arbitres du tribunal arbitral en déduit que ces documents seraient préjudiciables aux intérêts des Défendeurs, notamment dans la mesure où ils seraient susceptibles de démontrer que les Défendeurs avaient connaissance effective de la violation des articles 3.5 (b) et (c) par les Cédants à l'égard d'Eletrobras.

292. En conclusion, une majorité des arbitres du tribunal arbitral considère que le Cessionnaire a violé l'article 4.10 à l'égard d'Eletrobras';

Considérant qu'il en résulte que, contrairement à ce que soutiennent les recourantes en s'appuyant sur l'opinion dissidente de l'arbitre minoritaire, la majorité du tribunal arbitral n'a pas estimé que les références à la dette Eletrobras dans les documents fournis au cessionnaire et dans les AIC étaient 'éparpillées, incomplètes et anciennes', de sorte que le mécanisme de déduction défavorable aurait été 'central' pour la résolution du litige; que les arbitres majoritaires ont, en réalité, fondé leur décision sur les pièces soumises à l'audit et ne se sont référés au défaut de production par Dresser-Rand des rapports d'UBS et de KPMG que de manière surabondante;

Que les moyens dirigés contre la mise en oeuvre de la déduction défavorable ne sont donc pas de nature à entraîner l'annulation de la sentence;

Considérant, au demeurant, en premier lieu, que la clause compromissoire du contrat d'acquisition (art. 10.11) prévoyait un 'arbitrage conformément au Règlement d'Arbitrage de la Chambre de commerce internationale alors applicable'; et que l'acte de mission précisait que : 'Pour toutes questions non résolues par ces règles, le tribunal arbitral, après consultation des parties, adoptera et appliquera les règles qu'il estimera appropriées'; que le président du tribunal arbitral a soumis aux parties par courriel du 14 février 2013 un projet d' 'ordonnance de procédure n° 1" qui prévoyait à l'article 11 : 'Sujets non prévus. Concernant les points de procédure qui ne seraient pas prévus par la présente ordonnance de procédure, le tribunal arbitral s'engage, après consultation des parties, à déterminer la procédure applicable.

Le tribunal arbitral peut se reporter aux Règles de l'IBA 2010 sur l'administration de la preuve sans pour autant être lié par lesdites Règles'; qu'il résulte de ces termes, repris dans le texte définitif de l'ordonnance tel qu'approuvé après plusieurs échanges avec les parties, que la consultation au cas par cas des parties sur les dispositions procédurales non prévues ne concernait pas les règles de l'IBA 2010 que les parties permettaient par avance aux arbitres d'appliquer;

Qu'en mettant en oeuvre le mécanisme de déduction défavorable issu de ces règles le tribunal n'a donc pas méconnu sa mission;

Considérant, en second lieu, que l'article 9.5 des règles de l'IBA 2010 sur l'administration de la preuve dans l'arbitrage international énonce : 'Si une partie, sans raison suffisante, ne produit pas tout document à l'égard duquel une autre partie a formulé une demande de production et à laquelle elle n'a pas formulé d'objection dans le délai imparti ou ne produit pas tout document dont la production a été ordonnée par le tribunal arbitral, le tribunal arbitral peut en déduire que ce document est contraire à l'intérêt de cette partie';

Considérant que dans la phase d'échange de pièces, les cédantes ont demandé à l'acquéreur la production des documents suivants (demande n° 4) : 'Versions finales et intermédiaires (même partielles) de tout rapport ou présentation d'audit préparé (i) en interne chez D-R [Dresser-Rand], et ou (ii) tout prestataire de service qui a participé aux opérations d'audit pour D-R (en ce inclus Baker & Mckenzie, KPMG et UBS) en relation avec l'acquisition de GG [Grupo Guascor]. Période de temps couverte par cette demande : du 1er juillet 2010 au 31 août 2011";

Considérant que Dresser-Rand a répondu en ces termes : 'D-R fait objection à la production du rapport d'audit et des projets de rapport d'audit préparés par Baker & McKenzie dès lors que ce rapport contient des information couvertes par le secret professionnel entre un avocat et son client. D-R objecte également à la production de toutes parties des rapports d'audit préparés en interne et couvertes par le secret. Sous réserve de ces objections, D-R fournira les documents répondant à la requête et qui sont en sa possession, sa garde ou son contrôle';

Considérant que Dresser-Rand n'a pas produit les rapports d'audit de KPMG et d'UBS et que la majorité du tribunal arbitral a estimé, à titre surabondant, que ces documents étaient défavorables à l'acquéreur;

Considérant, d'une part, que les parties ayant accepté que les arbitres se réfèrent aux règles de l'IBA sur l'administration de la preuve, le mécanisme de la déduction défavorable était nécessairement dans les débats sans qu'il soit nécessaire que les cédantes s'en prévalent expressément ni que le tribunal invite spécialement les parties à s'expliquer sur ce point;

Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Dresser-Rand, la demande de production des rapports d'audit de KPMG et d'UBS était parfaitement claire et précise, que la défenderesse a été en mesure de la commenter et n'y a fait aucune objection et que, dès lors, il n'était pas nécessaire que le tribunal arbitral ordonne la production des pièces en cause pour que soient remplies les conditions de la déduction défavorable; qu'il ne peut donc être reproché aux arbitres aucune méconnaissance du principe de la contradiction, ni des droits de la défense;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les trois moyens doivent être écartés et le recours en annulation partielle, rejeté; que ce rejet a pour effet de conférer l'exequatur à la sentence en vertu de l'article 1527 du code de procédure civile;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que les sociétés Dresser-Rand, qui succombent, ne sauraient bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et seront condamnées sur ce fondement à payer aux cédantes la somme globale de 100.000 euros;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le recours en annulation partielle de la sentence rendue entre les parties à Paris le 11 février 2015.

Dit que ce rejet confère l'exequatur à la sentence.

Condamne les sociétés Dresser-Rand Group Inc et Dresser Rand Holdings Spain SLU aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et au paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de la somme globale de 100.000 euros aux sociétés Centauro Capital SLU, Villamendi SL, Sei Ta Lau SL, Sugar Magnolia 2003 SL, Ibainarko SL, Aldaia Bi SL, ElPortillo 2005 SL, Diana Capital I FCR, Fond-ICopyme FCR, E-Novating Venture SL, Opcion Fotovoltaica 24 SL, Caixa Capital Fondos.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/06036
Date de la décision : 28/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°15/06036 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-28;15.06036 ?
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