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28/02/2017 | FRANCE | N°15/03771

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 28 février 2017, 15/03771


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2017



(n°059/2017, 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/03771



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/10879





APPELANTE



SAS JEAN CHEREAU

agissant poursuites et diligences en la personne de son D

irecteur Général y domicilié

[Adresse 1]

[Adresse 2]



Représentée par Me Dominique OLIVIER de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Assi...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2017

(n°059/2017, 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/03771

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/10879

APPELANTE

SAS JEAN CHEREAU

agissant poursuites et diligences en la personne de son Directeur Général y domicilié

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Dominique OLIVIER de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Assistée de Me Arnaud CASALONGA de la SELAS CASALONGA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0177

INTIMÉE

La société FRAPPA,

Société par Actions Simplifiée,

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de sous le numéro 336 320 072 00042

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée et assistée de Me Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Mme Nathalie AUROY, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON

ARRET :

contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société JEAN CHEREAU (ci-après, la société CHEREAU), immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 8 octobre 2003, est spécialisée dans la conception, la construction et la vente de châssis, de carrosseries et de véhicules automobiles, notamment de poids lourds destinés au transport de marchandises.

Elle se présente comme le leader français et l'un des leaders européens de la fabrication de châssis et de carrosseries frigorifiques.

Un châssis combiné à une carrosserie frigorifique forme une semi-remorque frigorifique qui est ensuite associée à un tracteur routier pour obtenir un véhicule de type poids lourd.

La société CHEREAU fabrique par ailleurs des véhicules nommés véhicules porteurs, également destinés aux transports de marchandises, mais présentant un plus faible tonnage que les poids lourds et qui comprennent, sur le même châssis, la carrosserie et le tracteur.

La société CHEREAU est titulaire du brevet européen n°1 612 126 (ci-après, le brevet EP 126) concernant un dispositif de châssis de véhicule automobile qui désigne la France, déposé le 1er juillet 2004 et dont la délivrance a fait l'objet d'une publication le 23 septembre 2009.

Au cours de la procédure d'examen du brevet par l'Office Européen des Brevets, une société allemande, SCHMITZ CARGOBULL, exerçant le même type d'activité que la société CHEREAU, a déposé des observations sur la brevetabilité de l'invention. Suite à la délivrance du brevet, la société SCHMITZ CARGOBULL a formé opposition le 2 juin 2010. Par décision du 24 janvier 2012, l'OEB a rejeté cette opposition et maintenu le brevet tel que délivré sans modification, la clôture de la procédure d'opposition ayant été notifiée aux parties le 9 mai 2012.

La société CHEREAU indique qu'elle fabrique et commercialise ce premier type de dispositif de châssis depuis 2005.

La société CHEREAU est également propriétaire du brevet européen n° 1 792 785 (ci-après, le brevet EP 785) concernant un dispositif de châssis de véhicule automobile désignant la France, déposé le 16 février 2006 et publié le 19 janvier 2011.

Elle indique fabriquer et commercialiser ce second type de dispositif de châssis depuis 2007.

La société FRAPPA, immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 26 juillet 2003, est une société française qui exerce le même type d'activités que la société CHEREAU sur le territoire français et en Europe.

Elle fabrique et commercialise des semi-remorques, notamment frigorifiques, pour véhicules de type poids lourds et des véhicules porteurs de tonnage réduit.

Elle a reçu le prix de l'innovation technique de la carrosserie industrielle décerné au salon Solutrans 2010 pour la semi-remorque frigorifique 'Neway FT1 Silent Green'.

La société CHEREAU expose qu'en juin 2007, elle a découvert la commercialisation par la société FRAPPA de semi-remorques reprenant des châssis similaires à celui faisant l'objet du brevet européen EP 126 et qu'elle a, le 6 juillet 2007, adressé une lettre de mise en garde à la société FRAPPA qui est restée sans réponse.

En mai 2012, la société CHEREAU a constaté que la société FRAPPA commercialisait sur son site internet www.frappa.com des semi-remorques comprenant des châssis portant la dénomination ' Neway FT1", similaires, selon elle, à celui faisant l'objet du brevet européen EP 126, ainsi que des véhicules porteurs dénommés 'Neway FR1" reproduisant, selon elle, les caractéristiques faisant l'objet de ce même brevet.

Le 7 juin 2012, elle a fait établir un procès-verbal de constat sur le site internet de la société FRAPPA portant sur la fabrication et la commercialisation de semi-remorques 'Neway FT1" et 'Neway FR1".

Le 20 juin 2012, autorisée par ordonnance président du tribunal de grande instance de Paris elle a fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège de la société FRAPPA.

Par acte d'huissier du 20 juillet 2012, elle a assigné la société FRAPPA en contrefaçon de la partie française du brevet européen EP 126 devant le TGI de [Localité 1]. Au cours de cette instance, elle a formé une demande additionnelle portant sur la contrefaçon de la partie française de son brevet européen EP 785.

Par jugement du 6 novembre 2014, le TGI de [Localité 1] a :

déclaré la société CHEREAU recevable à agir en ses demandes fondées sur le brevet européen EP 126 et sur le brevet européen EP 785,

prononcé la nullité de la partie française du brevet EP 126 en ses revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8 et 10, pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande,

prononcé la nullité de la partie française du brevet EP 785 en ses revendications 1, 2, 5, 6, 7, 8 et 9, pour le même motif,

rejeté la demande de publication judiciaire,

débouté la société FRAPPA de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

condamné la société CHEREAU à verser à la société FRAPPA la somme de 35 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné la société CHEREAU aux dépens.

Le 17 février 2015, la société CHEREAU a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 3, transmises le 14 octobre 2016, la société CHEREAU demande à la cour :

de débouter la société FRAPPA de son appel incident et de toutes ses demandes,

d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé recevables ses demandes basées sur les parties françaises de ses brevets européens n° EP 126 et n° EP 785 et en ce qu'il a débouté la société FRAPPA de ses demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive et de publication judiciaire,

de juger que :

les châssis des semi-remorques 'Neway FT1" de la société FRAPPA, objets des opérations de constat du 7 juin 2012 et de saisie-contrefaçon du 20 juin 2012, constituent une contrefaçon de la partie française du brevet européen n° EP 126 en ses revendications 1, 3, 4, 5, 7 et 8,

que les véhicules porteurs ' Neway FR1" de la société FRAPPA, objets des opérations de constat du 7 juin 2012 et de saisie-contrefaçon du 20 juin 2012, constituent une contrefaçon de la partie française du brevet européen n° EP 785 en ses revendications 1, 2, 5, 6, 7, 8 et 9,

de juger que la société FRAPPA, en fabricant, détenant, offrant à la vente, commercialisant et vendant des semi-remorques ' Neway FT1" et des véhicule porteurs ' Neway FR1" a porté atteinte à ses droits et commis des actes de contrefaçon en application de l'article L. 613-3 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle,

de constater que la société FRAPPA a poursuivi les actes de contrefaçon des brevets postérieurement au jugement ainsi qu'il résulte du constat d'huissier du 29 avril 2015,

de désigner un expert aux fins d'établir son entier préjudice économique et financier jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir,

d'ordonner la production, sous astreinte de 2 500 € par jours de retard, ladite astreinte prenant effet dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de tous documents détenus par la société FRAPPA établissant les quantités de produits commercialement référencés 'Neway FT1" et 'Neway FR1" fabriquées, détenus, commercialisés, livrés et/ou commandés, le prix de vente ainsi que la valeur des châssis par rapport aux prix de vente des semi-remorques et porteurs commercialisés, outre le chiffre d'affaire et la marge brute obtenus pour l'ensemble de ces produits, la marge brute devant s'entendre du prix de vente moins le cout de fabrication et de commercialisation directs des produits, et dire que la société FRAPPA devra fournir, pour toutes les informations demandées, une attestation certifiée par son commissaire aux comptes,

de condamner par provision la société FRAPPA à lui payer la somme de 1 000 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon,

d'interdire à la société FRAPPA de poursuivre les actes de contrefaçon sous astreinte de 50 000 € par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, chaque infraction étant constituée par la fabrication, la détention, l'offre à la vente, la commercialisation ou la vente de semi-remorques ' Neway FT1" ou de véhicules porteurs ' Neway FR1",

de condamner la société FRAPPA à procéder, à ses frais, à la destruction devant huissier de l'ensemble des produits contrefaisants qu'elle détient en stock, à la date de la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 10 000 € par jour de retard,

de condamner la société FRAPPA à lui payer la somme de 200 000 € en réparation de son préjudice moral,

d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues à son choix et aux frais avancés de la société FRAPPA sans que le coût de chaque publication n'excède toutefois la somme de 5 000 € H.T. et ce, à titre de supplément de dommages intérêts, et de dire que le paiement avancé de ces publications interviendra sous astreinte de 2 500 € par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la réception des bons à tirer par la société FRAPPA,

d'ordonner la publication complète de l'arrêt à intervenir sur le site Internet de la société FRAPPA, www.frappa.com, et ceci avec un lien hypertexte apparent sur la première page avec une police d'une taille de 20 points au moins mentionnant : ' la société FRAPPA, condamnée pour contrefaçon de la partie française du brevet européen n° 1 612 126 et de la partie française du brevet européen n° 1 792 785 appartenant à la société CHEREAU', et ce pendant une durée ininterrompue de trois mois, aux frais exclusifs de la société FRAPPA et sous astreinte de 10 000 € par jour de retard ou d'omission à compter de la signification du jugement à intervenir,

de dire que la cour se réservera le pouvoir de liquider les astreintes ordonnées,

de condamner la société FRAPPA au paiement de la somme de 100 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

de la condamner la société FRAPPA aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de constat et de saisie-contrefaçon.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 4 et transmises le 25 octobre 2016, la société FRAPPA demande à la cour :

à titre principal :

d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit la société CHEREAU recevable en ses demandes fondées sur le brevet européen EP 126 et de la déclarer irrecevable en ses demandes,

de confirmer le jugement en ce qu'il a :

prononcé la nullité de la partie française du brevet EP 126 en ses revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8 et 10, ainsi que la nullité de la partie française du brevet EP 785 en ses revendications 2, 5, 6, 7, 8 et 9,

condamné la société CHEREAU aux dépens et au paiement d'une somme de 35 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

de dire que les dispositifs butoirs équipant les semi-remorques 'Neway FT1" et ces véhicules ne constituent pas une contrefaçon de la partie française du brevet européen EP 126 en ses revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8 et 10,

et de dire que les dispositifs butoirs équipant les véhicules porteurs 'Neway FR1" et ces véhicules ne constituent pas une contrefaçon de la partie française du brevet européen EP 785 en ses revendications 1, 2, 5, 6, 7, 8 et 9,

encore plus subsidiairement :

de fixer les dommages et intérêts dus à la société CHEREAU à un montant inférieur à 80 000 €,

en tout état de cause :

de débouter la société CHEREAU de l'ensemble de ses demandes,

de la condamner à lui payer la somme de 30 000 € pour procédure abusive,

d'ordonner la publication complète de l'arrêt à intervenir sur le site internet habituel de la société CHEREAU à l'adresse http:// http://[Courriel 1]/, et ce avec un lien hypertexte apparent sur la première page dans une police d'une taille de 20 points au moins mentionnant : « la société Jean Chéreau SAS est déboutée par la Cour d'appel de Paris de son action en contrefaçon du brevet n° EP 1 612 126 à l'encontre de Frappa » et ce pendant une durée minimale de six mois, aux seuls frais de la société CHEREAU, sous astreinte de 5 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision,

de l'autoriser à publier l'arrêt à intervenir sur son propre site internet,

d'ordonner la publication par extraits du dispositif de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux choisis par elle, aux seuls frais de la société CHEREAU, à hauteur de 7 500 € par publication, hors T.V.A.,

d'ordonner la consignation par la société CHEREAU du montant correspondant de 44 850 € auprès du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de [Localité 1], agissant comme séquestre pour ce montant, dans les huit jours de la signification de la décision, sous astreinte de 5 000 € par jour de retard et d'autoriser le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de [Localité 1] à remettre tout ou partie de ce montant à la société Frappa sur simple production d'une ou plusieurs commandes de publication,

de condamner la société CHEREAU à lui payer la somme de 90 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,

de condamner la société CHEREAU aux entiers dépens de l'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2016.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

Sur la recevabilité des demandes formées par la société CHEREAU au titre de ses brevets européen EP 126 et EP 785

Au titre du brevet EP 785

Considérant que la société FRAPPA ne conteste plus en cause d'appel la recevabilité de la société CHEREAU en ses demandes en contrefaçon au titre du brevet EP 785, qui a été reconnue par le tribunal ;

Que le jugement doit être, par conséquent, confirmé sur ce point ;

Au titre du brevet EP 126

Considérant que la société FRAPPA expose qu'à l'appui de ses demandes en contrefaçon de son brevet, la société CHEREAU adopte une interprétation contraire à celle qu'elle a soutenue devant l'Office Européen des Brevets, selon laquelle le dispositif du brevet EP126 présente un 'bras de butée (19) monté à rotation', désignant un mouvement pivotant se distinguant donc d'un dispositif coulissant, alors qu'elle prétend désormais, devant les juridictions nationales, que le brevet couvre un 'bras de butée purement coulissant' ; qu'elle soutient qu'en vertu du principe de l'estoppel, qui interdit de se contredire au détriment d'autrui, les demandes de la société CHERAU fondées sur le brevet EP126 sont par conséquent irrecevables ;

Que la société CHEREAU demande la confirmation du jugement sur ce point ;

Considérant que c'est par des motifs pertinents et exacts, adoptés par la cour, que le tribunal, après avoir relevé que la procédure suivie devant l'OEB ne concernait pas les mêmes parties, a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société FRAPPA et déclaré la société CHEREAU recevable à agir en contrefaçon de son brevet EP126 ;

Que le jugement est confirmé sur ce point ;

Sur la validité des brevets européens EP 126 et EP 785 de la société CHEREAU

Sur la validité du brevet EP 126

Sur le domaine technique de l'invention

Considérant que l'invention du brevet est intitulée 'Dispositif de châssis de véhicule automobile' et concerne le domaine des châssis de véhicules automobiles ;

Que la description du brevet indique que les châssis de véhicules automobile de type poids lourd de l'art antérieur présentent l'inconvénient de comprendre des éléments amortisseurs prévus pour venir en contact contre un quai de chargement et qui subissent une détérioration rapide dans la mesure où lors du chargement du véhicule, le châssis a tendance à s'abaisser par rapport au quai de chargement, ce qui génère des efforts de cisaillement au niveau de la surface de contact des éléments amortisseurs avec le quai de chargement ;

Que l'invention vise à proposer un dispositif de châssis de véhicule automobile permettant d'accroître sensiblement la fiabilité et la durée de vie des éléments amortisseurs du dispositif ;

Sur la solution préconisée par l'invention

Considérant que pour parvenir à l'invention, le brevet propose un dispositif de châssis de véhicule automobile pourvu d'un corps de châssis allongé s'étendant sensiblement horizontalement, d'au moins un élément de butée monté à une extrémité arrière du corps de châssis, de façon sensiblement transversale par rapport audit corps et s'étendant vers l'extérieur, d'un élément amortisseur apte à amortir les efforts lors d'un choc de l'élément de butée avec un élément extérieur au dispositif ; que l'élément amortisseur est monté entre le corps de châssis et l'élément de butée ;

Que le brevet indique qu'un tel dispositif de châssis présente l'avantage de comprendre un élément amortisseur monté entre le corps de châssis et l'élément de butée, permettant de se dégager de contraintes de remplacement dudit élément amortisseur dues à une usure prématurée causée par le frottement de l'élément amortisseur contre un quai de chargement lors du chargement du véhicule automobile ;

Qu'il est précisé que la conception du châssis permet ainsi d'éviter de générer, au niveau de l'élément amortisseur élastique, des sollicitations mécaniques de cisaillement, causes de détérioration rapide, l'élément amortisseur travaillant ici uniquement en compression et ayant donc uniquement pour fonction l'amortissement du choc contre le quai de chargement ;

Que le brevet se compose de 10 revendications dont seules les revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8 et 10 sont opposées ; que ces revendications se lisent comme suit :

1. Dispositif de châssis de véhicule automobile pourvu d'un corps de châssis (2) allongé s'étendent sensiblement horizontalement, d'au moins un bras de butée (19) monté a une extrémité arrière du corps de châssis (2) et s'étendant vers l'extérieur de façon sensiblement transversale par rapport audit corps, d'un élément amortisseur (26) apte à amortir les efforts lors d'un choc du bras de butée avec un élément extérieur au dispositif, et d'au moins un rouleau (27, 26) monté à rotation sensiblement horizontalement et apte à venir en appui contre un élément extérieur au dispositif lors dudit choc, caractérisé en ce que le bras de butée (19) est mobile longitudinalement par rapport au corps de châssis (2), et en ce que l'élément amortisseur (26) est monté entre le corps de châssis et une face avant du bras de butée (19), la ou les rouleaux (27, 26) étant montés sur une face arrière dudit bras de butée.

3. Dispositif selon la revendication 1 ou 2, comprenant deux bras de butée (19, 20) symétriques entre eux par rapport a un plan médian longitudinal du corps de châssis (2).

4. Dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes, comprenant un bras d'appui (13, 14) monté de façon transversale par rapport au corps de châssis (2) et décalé vers l'avant par rapport au bras de butée (19, 20), l'élément amortisseur (26) étant monté entre ledit bras d'appui et le bras de butée.

5. Dispositif selon la revendication 4, comprenant une jambe de force (17) montée obliquement entre le corps de châssis (2) et le bras d'appui (13).

7. Dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes, dans lequel le rouleau est réalisé en matière métallique.

8. Dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes, dans lequel le rouleau comprend une surface extérieure de révolution sensiblement bombée.

10. Véhicule automobile, du type poids lourd, comprenant un dispositif de châssis selon l'une quelconque des revendications précédentes.

Sur la définition de l'homme du métier

Considérant que l'homme du métier est celui qui possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable, à l'aide de ses seules connaissances professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l'invention ;

Considérant que les parties s'accordent pour reconnaître que l'homme du métier est ici un spécialiste de la conception et de la fabrication des châssis de véhicules automobiles ;

Sur la demande de nullité des revendications du brevet

Considérant que la société FRAPPA demande la nullité du brevet EP 126 pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande ou insuffisance de description, pour défaut de nouveauté et pour défaut d'activité inventive ;

Considérant que, sur le premier point, la société FRAPPA fait valoir que la revendication 1 du brevet EP 126 a été largement remaniée au cours de la procédure d'examen devant l'OEB par rapport à la revendication 1 figurant dans la demande de brevet telle que déposée et que l'adverbe « sensiblement » a été omis lors de la modification de la revendication 1 en cours de procédure de délivrance, de sorte que la revendication 1 du brevet, grâce à l'omission de l'adverbe 'sensiblement', vise désormais une forme de mobilité exclusivement longitudinale, alors que selon l'enseignement de la demande telle que déposée, seul était protégé un mouvement de pivotement quasi-longitudinal, ou sensiblement longitudinal ; qu'elle fait valoir que ce vice affecte non seulement la revendication 1 du brevet, mais également l'ensemble des revendications dépendantes 3 à 10 qui, comme la revendication 1, couvrent également des dispositifs dans lesquels le déplacement du bras de butée est exclusivement longitudinal ; qu'elle argue que ce vice peut être invoqué également au titre de l'insuffisance de description ;

Que la société CHEREAU répond que pour apprécier les modifications apportées à une revendication d'un brevet européen, il convient, d'une part, de considérer l'ensemble des éléments divulgués dans la demande telle que déposée et, d'autre part, d'examiner si ces modifications peuvent être déduites objectivement de l'enseignement technique fourni à l'homme du métier ; qu'elle fait valoir que la modification de la revendication 1 par suppression du terme 'sensiblement' a été apportée pour préciser comment est obtenue la compression de l'élément amortisseur monté entre le corps de châssis et une face avant du bras de butée permettant l'amortissement des chocs horizontaux contre le quai de chargement, que la description de la demande présente le montage à rotation du bras de butée seulement comme une caractéristique optionnelle de l'invention ('de préférence') et non comme une caractéristique essentielle et que ce n'est que dans le mode de réalisation décrit et illustré sur les figures que le montage à rotation du bras de butée est prévu, ce mode de réalisation étant 'pris à titre d'exemple nullement limitatif' comme précisé explicitement par la description de la demande de brevet telle que déposée ; que pour la société appelante, la description et les dessins de la demande de brevet initiale divulguent explicitement le caractère mobile longitudinalement du bras de butée par rapport au corps de châssis ; qu'elle fait valoir que, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, la portée de la revendication 2 de la demande telle que déposée précisant le caractère mobile "sensiblement" longitudinalement du bras de butée n'était déjà pas limitée à l'origine à un déplacement en rotation de ce bras mais visait déjà tout type de déplacement longitudinal du bras de butée par rapport au corps de châssis, que la suppression dans la revendication 1du terme "sensiblement" ne modifie donc pas la portée du brevet et ne saurait constituer une modification ou une extension du contenu de la demande telle que déposée ; que la société CHEREAU soutient enfin que l'invention est exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ;

Considérant que les articles L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle et 138, 1 c) de la Convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens prévoient que le brevet européen peut être déclaré nul si l'objet du brevet européen s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ;

Qu'en vertu des articles L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle et 138,1 b) de la Convention sur le brevet européen prévoient que le brevet européen peut être déclaré nul s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ;

Considérant, en l'espèce, que la description et les figures du brevet EP 126 enseignent un bras de butée (19) articulé autour d'un axe de rotation (21) commandant le pivotement de ce bras de butée, lequel, lorsqu'il y a contact entre les rouleaux (27, 28) et le quai de chargement, se déplace vers l'avant par rotation de quelques degrés autour de l'axe en écrasant l'amortisseur (26) ;

Que le paragraphe 41 de la description de la demande de brevet comme du brevet délivré enseigne que 'Si le véhicule automobile contenue de reculer, le déplacement vers l'arrière du châssis 1 provoque un pivotement des bras de butée 19, 20, respectivement autour des axes d'articulations 21 et 22, vers l'avant par rapport au corps de châssis 2, à l'intérieur des guides 24 et 47. Les bras de butée 19, 20 se rapprochent respectivement des longerons 5, 4 jusqu'à ce que l'élément amortisseur 26 élastique de chacun desdits bras 19, 20 soit entièrement comprimé.

Une telle compression correspond sensiblement à un déplacement longitudinal des bras de butée 19, 20 de l'ordre de 40 mm (...) Le déplacement des bras de butée 19, 20 correspondent en réalité à une rotation de quelques degrés pouvant être assimilé à un déplacement longitudinal'
1:Mises en gras rajoutées

;

Que dans la demande de brevet telle que déposée, la caractéristique de la mobilité longitudinale

du bras de butée figure dans la revendication 2 qui est rédigée comme suit : 'Dispositif selon la revendication 1, caractérisé par le fait que l'élément de butée comprend un bras de butée (19) mobile sensiblement longitudinalement
2: Mise en gras rajoutée

par rapport au corps de châssis (2)' ;

Qu'ainsi, comme l'a relevé le tribunal, la caractéristique de la mobilité longitudinale du bras de butée a été divulguée comme étant indissociable de la caractéristique d'un pivotement du bras de butée ;

Que la société CHEREAU fait valoir que la caractéristique relative à la mobilité longitudinale du bras de butée permettant d'obtenir la compression de l'élément amortisseur n'a pas été divulguée exclusivement en association avec le montage rotatif du bras, mais que ce montage à rotation a été présenté à plusieurs reprises dans la description de la demande de brevet (aux paragraphes 10, 23, 46) comme étant seulement une caractéristique optionnelle, le paragraphe 45 de la demande faisant d'ailleurs seulement mention d'un déplacement longitudinal ; que cependant, alors que le paragraphe 41 cité supra décrit précisément une mobilité du bras de butée liée à un pivotement de ce bras, les paragraphes de la demande de brevet invoqués par la société CHEREAU ne permettent pas de déduire l'extension de l'invention à un mouvement purement longitudinal du bras de butée ; qu'ainsi, le paragraphe 10 de la description qui indique que 'De préférence, le bras de butée est monté à rotation sur le corps de châssis autour d'un axe d'articulation sensiblement vertical' ne suggère pas la possibilité d'un mouvement purement longitudinal ; qu'il en est de même du paragraphe 23 ('La présente invention sera mieux comprise à la lecture de la description détaillée d'un mode de réalisation pris à titre d'exemple nullement limitatif et illustré par les dessins annexés, sur lesquels : - la figure 1 est une vue en perspective d'un dispositif de châssis de véhicule automobile selon un aspect de l'invention, - les figures 2 et 3 sont des vues de dessus partielles du dispositif de châssis de la figure 1 ; et - la figure 4 est une vue éclatée partielle du dispositif de châssis de la figure 1') ; que le paragraphe 46, qui vise les avantages procurés par l'invention 'parmi lesquels, une durée de vie augmentée des éléments amortisseurs, par exemple par la réalisation d'un corps de châssis comprenant des bras de butée montés à rotation sur le corps de châssis et le montage desdits éléments amortisseurs sur une face arrière des bras de butée', ne décrit pas davantage un mouvement purement longitudinal ; que le paragraphe 45, qui indique notamment que 'Dans le cas d'un recul suivant une direction sensiblement inclinée par rapport à une direction normale au quai de chargement, seul un des bras de butée 19, par exemple le bras 20 comme illustré sur les figures 2 et 3, se déplace longitudinalement par rapport au corps de châssis 2", vise la situation toute particulière où seul l'un des bras de butée encaisse le mouvement de recul et l'on ne peut en retirer qu'il étend l'enseignement de l'invention à un mouvement purement longitudinal du bras de butée ;

Que dans le brevet tel que délivré, après modification de la revendication 1 au cours de la procédure d'examen suivie devant l'OEB, la caractéristique de la mobilité longitudinale du bras de butée figure dans la revendication 1, citée ci-dessus, qui indique que ' le bras de butée (19) est mobile longitudinalement par rapport au corps de châssis (2)'
3: Mise en gras rajoutée

; que ce n'est que dans la revendication 2 dépendante qu'il est indiqué que 'le bras de butée (19) est monté à rotation sur le corps de châssis (2) autour d'un axe d'articulation (21) sensiblement vertical' ;

Considérant qu'il en résulte, comme le soutient la société FRAPPA et comme l'ont retenu les premiers juges, que grâce à l'omission de l'adverbe 'sensiblement', la revendication 1 du brevet protège désormais une forme de mobilité exclusivement longitudinale, alors que, selon l'enseignement de la demande telle que déposée, seul était protégé un déplacement sensiblement longitudinal correspondant à une rotation ou un pivotement de quelques degrés ;

Qu'en conséquence, la revendication 1 du brevet sera annulée pour extension de l'objet au-delà de la demande ;

Considérant que les revendications dépendantes 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 couvrant également des dispositifs dans lesquels le déplacement du bras de butée est longitudinal, comme la revendication 1, encourent également l'annulation pour extension de l'objet au-delà de la demande ;

Considérant, en conséquence, que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du brevet EP 126 pour extension de l'objet au-delà de la demande en ses revendications 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10 et débouté la société CHEREAU de l'ensemble de ses demandes relatives à la contrefaçon de ce brevet ;

Sur la validité du brevet EP 785

Sur le domaine technique de l'invention

Considérant que l'invention du brevet est intitulée'Dispositif de châssis de véhicule automobile' et concerne le domaine des châssis de véhicules automobiles, notamment des châssis de véhicules de type poids-lourds ;

Que la description du brevet indique que les châssis de véhicules automobile de type poids lourd de l'art antérieur présentent l'inconvénient de comprendre des éléments amortisseurs prévus pour venir en contact contre un quai de chargement et qui subissent ainsi une détérioration rapide ;

Que l'invention, comme pour le brevet EP 126, vise à proposer un dispositif de châssis de véhicule permettant d'accroître la fiabilité et la durée de vie des éléments le constituant ; qu'elle vise également à prévoir un dispositif de châssis apte à amortir des chocs horizontaux lors d'un accostage et apte à résister à un arrachement vertical, de manière simple, efficace et économique ;

Sur la solution préconisée par l'invention

Considérant que le dispositif de châssis de véhicule selon l'invention est pourvu d'un corps de châssis allongé s'étendant horizontalement, d'au moins une partie mobile par rapport au corps de châssis et comprenant au moins un rouleau en matériau rigide monté à rotation suivant un axe horizontal et un élément amortisseur en matériau souple ; que la partie mobile est montée de façon coulissante par rapport au corps de châssis et comprend des bras et une platine de support s'étendant transversalement entre l'extrémité avant des bras ; que le rouleau est monté à l'extrémité arrière des bras ; que l'élément amortisseur est monté sur une face avant de la platine de support ; que le dispositif est en outre pourvu d'un fourreau de guidage fixé sur le corps du châssis et à l'intérieur duquel sont montés le support et les bras de la partie mobile ; que le fourreau comporte des parois latérales et une plaque d'appui avant contre laquelle l'élément amortisseur vient en contact ;

Que le brevet se compose de 9 revendications dont seules les revendications 1, 2, 5, 6, 7, 8 et 9 sont opposées ; que ces revendications se lisent comme suit :

1. Dispositif de châssis de véhicule pourvu d'un corps de châssis (2) allongé s'étendant sensiblement horizontalement, d'au moins une partie mobile (12) par rapport au corps de châssis et comprenant au moins un rouleau (28) en matériau rigide monté à rotation suivant un axe horizontal et un élément amortisseur (27) en matériau souple, caractérisé en ce que la partie mobile est montée de façon coulissante par rapport au corps de châssis et comprend des bras (22, 23) et une platine (26) de support s'étendant transversalement entre l'extrémité avant des bras, le rouleau (28) étant monté à l'extrémité arrière des bras et l'élément amortisseur (27) monté sur une face avant de la platine de support, ledit élément amortisseur (27) présentant dans les sens transversal et vertical un encombrement sensiblement égal à celui de la platine (26) de support, et en ce que le dispositif est en outre pourvu d'un fourreau (10) de guidage fixé sur le corps de châssis et à l'intérieur duquel sont montés la platine (26) de support et les bras (22, 23) de la partie mobile, le fourreau comportant des parois latérales et une plaque d'appui (20) avant contre laquelle l'élément amortisseur (27) vient en contact.

2. Dispositif selon la revendication 1, dans lequel la partie mobile (12) coulisse longitudinalement par rapport au corps de châssis.

5. Dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes, comprenant au moins un bras (6) monté a une extrémité arrière du corps de châssis de façon sensiblement transversale par rapport audit corps et s'étendant vers l'extérieur, la partie mobile (12) étant montée sur ledit bras.

6. Dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes, dans lequel le rouleau (28) est réalisé en matière métallique.

7. Dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes, dans lequel le rouleau (28) comprend une surface extérieure de révolution sensiblement bombée.

8. Dispositif selon l'une quelconque des revendications précédentes, dans lequel l'élément amortisseur (27) comprend un bloc élastomère.

9. Véhicule automobile, du type poids lourd, comprenant un dispositif de châssis selon l'une quelconque des revendications précédentes.

Sur la définition de l'homme du métier

Considérant que les parties s'accordent pour reconnaître que l'homme du métier est ici un spécialiste de la conception et de la fabrication des châssis de véhicules automobiles ;

Sur la demande de nullité des revendications du brevet

Considérant que la société FRAPPA demande la nullité du brevet EP 785 pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande et pour défaut d'activité inventive ;

Considérant que, sur le premier point, la société FRAPPA fait valoir que la revendication 1 du brevet EP 785 a été entièrement réécrite lors de la procédure d'examen devant l'OEB, la société CHEREAU, pour échapper au reproche de défaut d'activité inventive du coulissement revendiqué émis par l'examinateur, ayant limité la revendication pour y inclure des détails de forme dudit dispositif issus de divers passages de la description, de sorte que l'objet de la revendication s'étend au-delà de la demande telle que déposée ; que selon l'intimée, ce vise affecte trois caractéristiques de la revendication 1: la plaque d'appui du fourreau de guidage ; les parois latérales du fourreau de guidage ; l'élément amortisseur en matériau souple ;

Que la société CHEREAU rappelle que pour apprécier les modifications apportées à une revendication d'un brevet européen, il convient, d'une part, de considérer l'ensemble des éléments divulgués dans la demande telle que déposée et non pas seulement la description détaillée de l'exemple de réalisation illustré sur les figures comme l'a fait le tribunal et, d'autre part, d'examiner si ces modifications peuvent être déduites objectivement de l'enseignement technique fourni à l'homme du métier ;

. En ce qui concerne la plaque d'appui du fourreau de guidage

Considérant que dans la demande telle que déposée, comme dans le brevet tel que délivré, le fourreau de guidage (10) est divulgué au paragraphe 37 de la description comme comprenant 'au niveau d'une extrémité avant, une plaque d'appui 20 (...) sur laquelle est montée une extrémité de la jambe de force 14" ; qu'il est précisé au paragraphe 42 de la description de la demande et du brevet délivré que 'Du côté opposé à la platine 26, l'élément amortisseur 27 vient en contact contre la plaque d'appui 20 sur laquelle est rapportée la jambe de force 14. Ainsi, l'élément amortisseur 27 est disposé entre la platine 26 de la partie mobile 12 et la jambe de force 14 du longeron 4 (...)" ; que le paragraphe 19 de la demande et du brevet délivré indique encore que 'De préférence, le dispositif comprend une jambe de force montée obliquement entre le corps de châssis et le fourreau de guidage'
4: Mises en gras rajoutées

;

Qu'il en résulte que la plaque d'appui (20) du fourreau de guidage est divulguée comme étant associée avec la jambe de force (14) ; que ce montage est visible sur les figures 2 et 3 de la demande et du brevet tel que délivré ;

Que dans la revendication 1 du brevet tel que délivré, la plaque d'appui du fourreau de guidage n'est pas divulguée comme étant associée à une jambe de force ; que la jambe de force, décrite comme 'montée obliquement entre le corps de châssis (2) et le fourreau de guidage (10)', n'est évoquée que dans la revendication 4 du brevet qui n'est pas opposée à la société FRAPPA ;

Considérant que la société CHEREAU oppose qu'à la lecture de la description de la demande de brevet telle que déposée (paragraphes 15, 19, 25, 35), il est clair pour l'homme de métier qu'il est possible de prévoir un agencement du dispositif de châssis dans lequel aucune jambe de force n'est prévue entre le corps de châssis et le fourreau de guidage et que la description prise dans son ensemble présente le montage de la jambe de force sur la plaque d'appui du fourreau comme ne jouant aucun rôle nécessaire pour la résolution du problème technique posé ;

Que le paragraphe 15 de la description précise que 'Dans un mode de réalisation préféré, le dispositif comprend également un fourreau de guidage de la partie mobile. Le dispositif peut encore comprendre des éléments de friction montés sur la partie mobile et aptes à coopérer avec des parois du fourreau de guidage pour le guidage de la partie mobile relativement au fourreau' ; que le paragraphe 19, reproduit ci-dessus, utilise les termes 'De préférence' ; que le paragraphe 25 précise que le mode de réalisation décrit est 'pris à titre d'exemple nullement limitatif' ; que s'il en résulte que la présence d'une jambe de force rapportée à une partie du fourreau de guidage n'est pas présentée dans ces paragraphes comme étant obligatoire, force est cependant de constater que, comme l'ont relevé les premiers juges, la description et les figures de la demande initiale ne font pas état d'autres dispositifs que celui d'une plaque d'appui du fourreau de guidage associée à la jambe de force, tel qu'il ressort explicitement des paragraphe 37 et 42 précités, et qu'il n'est nullement démontré qu'il serait clair pour l'homme du métier, comme il est soutenu, qu'il est possible de prévoir un dispositif dans lequel aucune jambe de force ne serait nécessaire entre le corps de châssis et le fourreau de guidage ; que le paragraphe 35 qui précise que 'Afin d'accroître la résistance mécanique des fourreaux de guidage 10 et 11 ainsi que des bras 6 et 7, notamment lors de l'accostage du véhicule automobile, le dispositif 1 comprend également des jambes de force 14 et 15, montées respectivement obliquement entre les longerons 4 et 5, et une extrémité avant des fourreaux de guidage 10 et 11" ne permet pas d'en déduire que la jambe de force serait dissociable de la plaque d'appui du fourreau de guidage ;

Considérant, dans ces conditions, qu'en omettant de préciser dans la revendication 1 que la plaque d'appui est associée à la jambe de force, la société CHEREAU a étendu l'objet du brevet au-delà de la demande ;

. En ce qui concerne les parois latérales du fourreau de guidage

Considérant que dans la demande telle que déposée, comme dans le brevet tel que délivré, les parois latérales du fourreau de guidage sont décrites au paragraphe 49 en ces termes : ' la partie mobile 12 comprend également, au niveau de chacun des bras 22 et 23, des plots cylindriques 31. Les plots cylindriques 31, ici au nombre de deux pour chacun desdits bras, peuvent par exemple être réalisés en caoutchouc. Les plots cylindriques 31 sont rapportés sur les bras 22 et 23 au niveau d'alésages spécialement dédiés à cet effet, de manière à venir légèrement en saillie vers l'extérieur pour obtenir un frottement entre lesdits plots et des parois latérales du fourreau de guidage 10"
5: Mise en gras rajoutée

; que le paragraphe 15 indique que 'Le dispositif peut encore comprendre des éléments de friction montés sur la partie mobile et aptes à coopérer avec des parois du fourreau de guidage pour le guidage de la partie mobile relativement au fourreau' ; que la revendication 5 initiale prévoyait un 'Dispositif selon la revendication 4, comprenant en outre des éléments de friction (31) montés sur la partie mobile et aptes à coopérer avec des parois du fourreau de guidage (10) pour le guidage relatif de la partie mobile (12) et dudit fourreau' ;

Qu'il en résulte que les parois latérales du fourreau de guidage sont divulguées comme étant associées aux plots cylindriques (ou éléments de friction) afin d'obtenir un frottement ;

Que dans la revendication 1 du brevet tel que délivré, les parois latérales du fourreau de guidage ne sont pas divulguées comme étant associées aux plots cylindriques (ou éléments de friction) ; que les plots cylindriques (ou éléments de friction) aptes à coopérer avec les parois latérales du fourreau de guidage ne sont évoqués que dans la revendication 3 du brevet qui n'est pas opposée à la société FRAPPA ;

Considérant que la société CHEREAU fait valoir que la rédaction du paragraphe 15 de la description dans la demande vise 'un mode de réalisation préféré' dans lequel le dispositif comprend un fourreau de guidage de la partie mobile, de sorte que n'est pas présenté à l'homme du métier un agencement obligatoire du fourreau de guidage en association avec des éléments de friction, le caractère optionnel et non obligatoire des éléments de friction étant confirmé par les termes 'peut encore comprendre' ; qu'elle ajoute que le paragraphe 25 décrit un mode de réalisation'pris à titre d'exemple nullement limitatif' et que le paragraphe 37 divulgue de façon implicite la présence de parois latérales du fourreau de guidage sans qu'il soit fait référence aux éléments de friction ; qu'elle soutient qu'ainsi, il est parfaitement clair pour l'homme du métier que le fourreau de guidage peut être utilisé sans les éléments de friction qui ne sont pas indispensables pour l'exécution de l'invention ; que cependant, le paragraphe 37 de la description fait référence aux figures 2 et 4 et que cette dernière figure fait apparaître clairement les plots cylindriques (ou éléments de friction) (31) ; que comme précédemment, nonobstant l'utilisation des expressions 'mode de réalisation préféré', 'exemple nullement limitatif', 'peut (...) comprendre', la description et les figures de la demande initiale ne font pas état d'autres dispositifs que celui de parois latérales du fourreau de guidage associées aux plots cylindriques (ou éléments de friction), tel qu'il ressort explicitement du paragraphe 49 et de la revendication 5 de la demande telle que déposée, précités, et il n'est nullement démontré que serait claire pour l'homme du métier, comme il est soutenu par la société FRAPPA, la possibilité de prévoir un dispositif de châssis dans lequel aucun élément de friction ne serait prévu ;

Considérant, dans ces conditions, qu'en omettant de préciser dans la revendication 1 que les parois latérales du fourreau de guidage sont associées avec les plots cylindriques (ou éléments de friction), la société CHEREAU a étendu l'objet du brevet au-delà de la demande ;

. En ce qui concerne l'élément amortisseur en matériau souple

Considérant que c'est par des motifs pertinents et exacts, adoptés par le cour, que le tribunal a estimé qu'il n'y a pas d'extension de l'objet au-delà de l'objet de la demande en ce qui concerne l'élément amortisseur en matériau souple ;

Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que l'objet de la revendication 1 du brevet qui divulgue une plaque d'appui du fourreau de guidage et des parois latérales de ce même fourreau de guidage sans divulguer les caractéristiques essentielles selon lesquelles, d'une part, la plaque d'appui coopère avec la jambe de force et, d'autre part, les parois latérales interagissent avec les plots cylindriques (éléments de friction), est étendu au-delà du contenu de la demande ; qu'il s'ensuit que la revendication 1 doit être annulée ;

Considérant que les revendications dépendantes 2, 5, 6, 7, 8 et 9 retranscrites supra souffrant de la même cause de nullité doivent également être annulées ;

Considérant, en conséquence, que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du brevet EP 785 pour extension de l'objet au-delà de la demande en ses revendications 1, 2, 5, 6, 7, 8 et 9 et débouté la société CHEREAU de l'ensemble de ses demandes relatives à la contrefaçon de ce brevet ;

Sur les demandes incidentes pour procédure abusive et aux fins de publication

Considérant que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ;

Que le rejet des prétentions de la société CHEREAU ne permet pas de caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, l'intéressée ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société FRAPPA de sa demande pour procédure abusive formée et sa demande présentée en appel sera rejetée ;

Considérant que la société FRAPPA n'explicite pas les raisons qui justifieraient les mesures de publication qu'elle sollicite ; que ces demandes seront rejetées ainsi que la demande de consignation afférente ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que la société CHEREAU qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;

Que la somme qui doit être mise à la charge de la société CHEREAU au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société FRAPPA peut être équitablement fixée à 60 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société FRAPPA de sa demande pour procédure abusive présentée en appel,

Condamne la société CHEREAU aux dépens d'appel et au paiement à la société FRAPPA de la somme de 60 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/03771
Date de la décision : 28/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°15/03771 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-28;15.03771 ?
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