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23/02/2017 | FRANCE | N°16/05837

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 février 2017, 16/05837


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 23 FEVRIER 2017



(n°146, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05837



Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation (pourvoi n°Y 12-26.895) d'un arrêt du Pôle 1 Chambre 3 de la cour d'appel de PARIS en date du 30 septembre 2014 (RG 13/22167) rendu sur appel d'une ordonnance en la forme des référés du tribun

al de grande instance de CRETEIL en date du 31 octobre 2013 (RG 13/01194)



APPELANT



L'ETAT

représenté par Monsieur le directeur général des finances ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 23 FEVRIER 2017

(n°146, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05837

Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation (pourvoi n°Y 12-26.895) d'un arrêt du Pôle 1 Chambre 3 de la cour d'appel de PARIS en date du 30 septembre 2014 (RG 13/22167) rendu sur appel d'une ordonnance en la forme des référés du tribunal de grande instance de CRETEIL en date du 31 octobre 2013 (RG 13/01194)

APPELANT

L'ETAT

représenté par Monsieur le directeur général des finances publiques (2ème bureau du Service de la Publicité Foncière de CRETEIL)

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté et assisté par Me Francesca PARRINELLO de l'AARPI MPGV, avocat au barreau de PARIS, toque : R098

INTIMEE

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Henri DE LANGLE de la SELARL HENRI DE LANGLE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0663

Assistée de Me Pierre-Ingmar MOUGENOT substituant Me Henri DE LANGLE de la SELARL HENRI DE LANGLE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0663

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

M. Thomas VASSEUR, Conseiller

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. Aymeric PINTIAU, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Les faits et la procédure

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er août 2013, le comptable des finances publiques du service de la publicité foncière de Créteil a notifié au conseil de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile-de-France (ci-après 'la Caisse d'Epargne') son refus de publier l'inscription de l'hypothèque judiciaire définitive se substituant à l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire enregistrée le 24 novembre 2010 sous les références 2010 V n° 4064.

Ce refus de dépôt a pour motif la "non présentation des documents attestant du respect du délai de deux mois pour requérir l'inscription définitive. Article 57.2 du décret du 14 octobre 1955".

Par acte délivré le 12 août 2013, la Caisse d'Epargne a assigné l'Etat, représenté par le Directeur Général des Finances Publiques, devant le président du tribunal de grande instance de Créteil aux fins de contester ce refus et demander l'enregistrement de l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive sus mentionnée.

Le président du tribunal, statuant en la forme des référés a, par ordonnance du 31 octobre 2013 :

- ordonné la publication du bordereau de l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive se substituant à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire enregistrée le 24 novembre 2010 sous les références 2010 V n° 4064 déposé par la Caisse d'Epargne au service de la publicité foncière de Créteil, 2ème bureau, le 2 avril 2013 ;

- dit que cette publication prendra rang au 2 avril 2013, date du dépôt de ce bordereau ;

- rejeté les autres demandes formées par les parties ;

- condamné l'Etat, représenté par le Directeur Général des Finances Publiques, aux dépens.

L'Etat, représenté par le Directeur Général des Finances Publiques, a fait appel de cette ordonnance par déclaration du 20 novembre 2013.

Par arrêt de la chambre 3 du pôle 1 rendu le 30 septembre 2014, la cour de Paris a :

- confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné la publication du bordereau de l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive se substituant à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire enregistrée le 24 novembre 2010 sous les références 2010 V n° 4064 déposé par la Caisse d'Epargne au service de la publicité foncière de Créteil, 2ème bureau, le 2 avril 2013 ;

-infirmé celle-ci en sa disposition disant que cette publication prendra rang au 2 avril 2013, date du dépôt de ce bordereau ;

statuant à nouveau,

- dit que l'hypothèque judiciaire définitive prendra rang à la date de sa publication à intervenir en exécution du présent arrêt.

L'Etat a formé un pourvoi contre cet arrêt.

La Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 10 décembre 2015, a cassé ledit arrêt en toutes ses dispositions et remis la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant celui-ci devant la cour de Paris autrement composée.

La Cour de cassation a fondé sa décision sur le motif suivant :

' Attendu que, pour accueillir le recours et ordonner la publication du bordereau de l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive, l'arrêt retient qu'il appartient au juge d'examiner si la requérante avait formé une première demande dans les délais requis alors même que l`absence de réponse du service de la publicité foncière à la demande initiale avait empêché toute régularisation de cette requête en temps utile et généré une nouvelle demande effectivement tardive ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle devait examiner le bien-fondé de la décision déférée en l'état de la demande dont avait été saisi le service de la publicité foncière et non d'une demande formulée antérieurement à laquelle il n'avait pas été répondu, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.

Les demandes et les moyens et arguments des parties

L'Etat

Au terme de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 novembre 2016, l'Etat demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Créteil en date

du 31 octobre 2013 en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

- déclarer bien fondée la décision de refus de dépôt du Service de la Publicité Foncière

du 2ème Bureau de Créteil, en date du 1er août 2013 ;

subsidiairement,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prétendu faire rétroagir la publication de

l'hypothèque au 2 avril 2013 ;

statuant à nouveau,

- rejeter la demande de la Caisse d'Epargne tendant à la rétroactivité de cette inscription avec prise d'effet au 2 avril 2013 ;

- condamner la Caisse d'Epargne au paiement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Parrinello.

L'Etat fonde ces réclamations, en substance, sur les moyens et arguments suivants :

sur la demande de nullité

- la saisine résultant du recours formé en application de l'article 26 du décret du 4 janvier 1955 à l'encontre de la décision de refus en date du ler août 2013 est limitée à l'examen du motif du refus d'inscrire l'hypothèque judiciaire définitive déposée par courrier du 30 juillet 2013 ;

- en statuant sur le prétendu manquement qu'aurait commis le service de la publicité foncière en avril 2013, en ne traitant pas le deuxième bordereau d'inscription d'hypothèque concernant l'immeuble de [Localité 3], le premier juge a dépassé sa saisine et excédé ses pouvoirs ;

- la question de savoir si le service de la publicité foncière a reçu par courrier du 27 mars 2013 le bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire définitive concernant l'immeuble de [Localité 3], n'était pas de la compétence du président du tribunal de grande instance, ainsi que la Cour de cassation l'a dit dans son arrêt du 10 décembre 2015 ;

- la Caisse d'Epargne, au vu de cet arrêt, ne saurait donc soutenir que le service de la publicité foncière était saisi d'une seule demande, celle du 27 mars 2013, à laquelle il n'avait pas été répondu, ni que le dit service n'aurait jamais pris de décision de rejet ou de refus alors qu'elle a intenté un recours le 1er août 2013 ;

- enfin, l'argument de la Caisse d'Epargne selon lequel, si elle est privée, dans le cadre du présent recours, du droit de se prévaloir de ce premier depôt, elle subirait sans aucun recours 'les conséquences de la négligence fautive du service de la publicité foncière en voyant sa demande déposée dans les délais purement et simplement ignorée', est inexact ; l'appréciation de cette supposée négligence de ne pas avoir répondu au premier dépôt aux fins de publication du 27 mars 2013, relève de la compétence du tribunal de grande instance saisi d'une action en responsabilité de droit commun, ce qui suppose que la Caisse d'Epargne puisse non seulement démontrer l'existence d'un tel manquement, mais également celle d'un préjudice, lequel s'avère, en réalité, inexistant, le prix d'adjudication des immeubles de [Localité 4] et de [Localité 3] ayant été, respectivement, de 290 000 euros et de 170 000 euros soit d'un montant très inférieur à celui des créances primant celle de la Caisse d'Epargne, lesquelles s'élevaient à 658 461 euros.

Subsidiairement, sur la rétroactivité

- si la cour faisait droit au recours, elle devrait infirmer la décision frappée d'appel en ce qu'elle a dit que la publication refusée devait prendre date au 2 avril 2013 ; en effet, un refus de dépôt de formalité, comme en l'espèce, ne donne lieu à aucune inscription sur le registre des dépôts, le bordereau n'est pas enregistré et il est retourné au déposant en application de l'artic1e 74 du décret du 14 octobre 1955 ;

- la rétroactivité n'est possible qu'en cas de notification de cause de rejet opposée par le service de la publicité foncière puis de notification d'un rejet définitif, s'il est jugé que ce rejet n'est pas fondé ; en ce cas, conformément à l'article 34-3 du décret du 14 octobre 1955, le dépôt de la formalité a été en effet accepté par le service de la publicité foncière qui porte l'annotation «formalité en attente '' et le déposant dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification de cause de rejet pour régulariser telle ou telle insuffisance du bordereau ou fournir toute pièce manquante.

La Caisse d'Epargne

Dans ses conclusions communiquées par voie électronique le 1er juillet 2016, la Caisse d'Epargne demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du 31 octobre 2013 rendue par le président du tribunal de grande instance de Créteil ;

- ordonner l'enregistrement de l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive se substituant à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire enregistrée le 24 novembre 2010 sous les références 2010 V n°4064 ;

- dire que cette inscription gardera le bénéfice du rang de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire enregistrée le 24 novembre 2010 sous les références 2010 V n° 4064 ;

- condamner la Direction Générale des Finances Publiques à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse d'Epargne soutient en substance ce qui suit :

- le service de la publicité foncière ne conteste pas avoir reçu le 2 avril 2013 le courrier que

lui a adressé son conseil le 27 mars 2013, dans lequel il était demandé que deux hypothèques judiciaires provisoires soient converties en définitives et qui listaient les pièces jointes, parmi lesquelles figuraient les bordereaux d inscription d'hypothèque judiciaire définitive en deux exemplaires chacun ; de surcroît, le chèque joint à ce courrier correspondait aux frais d'inscription de deux hypothèques définitives ;

- la preuve du contenu du pli du 27 mars 2013 étant rapportée et le dépôt du bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire définitive concernant le bien sis à [Localité 3] ayant bien été effectué à la date du 2 avril 2013, soit avant l'expiration du délai expirant le 14 avril, le refus du service de la publicité foncière d'inscrire l'hypothèque judiciaire définitive sur le bien sis à [Localité 3] est motivé sur la base d'une appréciation erronée des faits ;

- l'arrêt de la Cour de cassation repose sur la prémisse que la demande adressée au service de la publicité foncière le 27 mars 2013 est restée sans réponse, ce qui équivaudrait à un refus tacite à une date indéterminée, de sorte que la relance en date du 30 juillet 2013 devrait être analysée comme une demande nouvelle ;

- or, en l'absence de délai de réponse incombant au service de la publicité foncière, la cour

ne pourra que constater l'absence de refus à la suite du courrier du 27 mars 2013 ; aucun délai, au terme duquel la demande de régularisation déposée au service de la publicité foncière deviendrait caduque, n'est prévu par la loi ou le règlement et le point de départ du délai de huit jours prévu par l'article 26 du décret n°5 5-22 du 4 janvier 1955 est la notification d'un refus du dépôt ou d'un rejet de la formalité ;

- le service de la publicité foncière n'ayant pas pris de décision de refus ou de rejet à la suite de la demande adressée le 27 mars 2017, il restait saisi de celle-ci et le courrier de relance en date du 30 juillet 2013, qui faisait expressément référence à la demande initiale du 27 mars 2013, ne constituait pas une demande nouvelle ;

- admettre le contraire aurait pour conséquence qu'un créancier, dont la demande a été déposée dans les délais mais a été ignorée, ne dispose d'aucun recours ;

- l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive ayant été requise dans le délai de 2 mois, elle se substitue à 1'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire du 24 novembre 2010, enregistrée sous les références volume 2010 V n°4064 ;

- la rétroactivité de la formalité est en l'espèce parfaitement justifiée dans la mesure où aucun refus ni aucun rejet n'est intervenu de la part du service de la publicité foncière.

SUR CE, LA COUR

L'article R 533-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose :

'La publicité définitive est effectuée dans un délai de deux mois courant selon le cas :

1) Du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée ;

[...]

Le créancier présente tout document attestant que les conditions prévues ci-dessus sont remplies.'

L'article 34 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 dispose :

'1. Lorsqu'il a accepté le dépôt et inscrit la formalité au registre prévu à l'article 2453 du code civil, le service de la publicité foncière :

- vérifie l'exactitude des références à la formalité antérieure ;

- s'assure de la concordance du document déposé et des documents publiés depuis le 1er janvier 1956, tels qu'ils sont répertoriés au fichier immobilier, en ce qui concerne :

a) La désignation des parties [...]

b) la qualité du disposant ou du dernier titulaire [...]

c) la désignation individuelle des immeubles.

2. Lorsqu'il ne relève ni inexactitude ni discordance et que, par ailleurs, le document déposé contient toutes les mentions exigées par les articles 2428 du code civil, 5,6 et 7 du décret du 4 janvier 1955, et 61 à 63 du présent décret, le service de la publicité foncière termine l'exécution de la formalité.

[...]

3. En cas d'inexactitude ou de discordance, ou à défaut de publication du titre du disposant ou de l'attestation de transmission par décès à son profit, le service de la publicité foncière ne procède pas aux annotations sur le fichier immobilier ; il notifie, dans le délai maximum d'un mois à compter du dépôt, les inexactitudes, discordances ou défaut de publication relevés au signataire du certificat d'identité porté au pied de tout bordereau, extrait, expédition ou copie conformément aux prescriptions des articles 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955.

Le fichier immobilier sur lequel la formalité aurait été immédiatement répertoriée si le dépôt avait été régulier est simplement annoté de la date et du numéro de classement du document déposé, avec la mention " formalité en attente ".

[...]

Avant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de la notification selon le procédé défini au troisième alinéa, il appartient au signataire du certificat d'identité :

- soit de compléter le bordereau d'inscription ;

- soit de représenter les pièces (notamment, titres antérieurs, extraits cadastraux, extraits d'actes de naissance) justifiant l'exactitude des références à la formalité antérieure, ou des énonciations relatives à la désignation des parties et des immeubles ; dans ce cas, le service de la publicité foncière procède dans les conditions ordinaires, à l'exécution de la formalité qui prend rang à la date du dépôt.

L'article 57-2 du décret 55-1350 prévoit :

'Pour l'application des articles R 511-6 et R 533-4 du code des procédures civiles d'exécution, le service de la publicité foncière s'assure :

[...]

b) De la présentation des documents visés au dernier alinéa de l'article 263 du décret précité, à l'appui du titre exécutoire ou de la décision passée en force de chose jugée, lors de l'inscription définitive de l'hypothèque judiciaire conservatoire.

Le non-respect de ces conditions est sanctionné par le refus du dépôt. '

L'article 74 de ce même décret énonce :

'1. Lorsqu'il refuse le dépôt de documents, par application, notamment, des articles [...] 57-2 [...] du présent décret, le service de la publicité foncière notifie au déposant, dans le délai maximum de 15 jours à compter de la remise des documents, sa décision datée et signée indiquant les causes de refus relevées. Ce délai est fixé à 8 jours pour les commandements valant saisie et à 1 mois pour les formalités requises en vertu de l'article 2430 du code civil.

La décision de refus est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé.

2. Le rejet d'une formalité, prévu notamment aux articles 2428 du code civil, au 3 de l'article 34 et aux articles 39 et 40 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 modifié, à l'article 16-1, au 4 de l'article 30, aux articles 31 et 33, au 2 de l'article 35, au 1 de l'article 38, aux 2 et 3 de l'article 55, au 2 de l'article 56, à l'article 57-2, au 1 de l'article 61, au 2 de l'article 64, au 1 de l'article 67, de l'article 71-13 et au 2 de l'article 76 du présent décret, est prononcé, et la régularisation intervient, selon les modalités fixées par le 3 de l'article 34 du présent décret.

3. En dehors des cas prévus au 2, les règles du rejet peuvent être appliquées par le service de la publicité foncière lorsqu'après l'acceptation du dépôt, il apparaît, au moment de l'annotation de la formalité, que le dépôt aurait dû être refusé.

[...].'

Enfin, l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 est rédigé comme suit :

' Lorsqu'un document sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière a fait l'objet d'un refus du dépôt ou d'un rejet de la formalité, le recours de la partie intéressée contre la décision du service chargé de la publicité foncière est porté, dans les huit jours de la notification de cette décision, devant le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les immeubles.

Il est statué comme en matière de référé.

L'ordonnance du président du tribunal de grande instance n'est pas susceptible d'exécution provisoire.

En cas d'exercice des voies de recours, il est statué par priorité et d'extrême urgence.

Dès que la décision est passée en force de chose jugée, la formalité litigieuse est, suivant le cas :

- soit définitivement refusée ou rejetée ;

- soit exécutée dans les conditions ordinaires. Dans ce cas, elle prend rang à la date d'enregistrement du dépôt.'

Dans l'affaire en examen, il est constant que la Caisse d'Epargne, créancière de M. [T] [P], a inscrit le 24 novembre 2010 deux hypothèques judiciaires provisoires sur des immeubles appartenant à celui-ci, l'un situé à [Localité 4] (2010/V 4065), l'autre situé à [Localité 3] (2010/V 4064).

Il est également constant que le titre constatant le droit de la Caisse d'Epargne a été constitué par un jugement définitif du tribunal de commerce de Créteil rendu le 11 décembre 2012, signifié au débiteur le 14 janvier 2013.

Il s'ensuit que, en application de l'article R 533-4, précité, la Caisse d'Epargne devait former ses demandes d'inscription d'hypothèque judiciaire définitives dans le délai de deux mois courant à partir du 14 février 2013, soit jusqu'au 14 avril suivant.

Il résulte des pièces produites les éléments de fait suivants :

- par LRAR en date du 27 mars 2013 adressée au service de la publicité foncière de Créteil, le conseil de la Caisse d'Epargne a écrit ceci :

' J'ai inscrit deux hypothèques judiciaires provisoires, le 24 novembre 2010, sous les références Volume 2010 V n° 4065 et Volume 2010 V n ° 4064.

Le jugement en vertu duquel nous inscrivons l'hypothèque judiciaire définitive a été acquis forcé de chose jugée un mois après sa signification, soit le 14 février 2013.

Afin de procéder à l'inscription définitive, vous trouverez ci-joint :

- les bordereaux d'inscription d'hypothèque définitive en deux exemplaires chacun,

- une copie du jugement du 11 décembre 2012 condamnant M. [P] à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 122 000 euros,

- copie de la signification du jugement à partie,

- copie du certificat de non appel,

- un chèque d'un montant de 70 euros à l'ordre du Trésor Public.'

- par lettre en date du 8 avril 2013, intitulée 'notification de rejet', le service de la publicité foncière a répondu au conseil de la Caisse d'Epargne ce qui suit :

'Vous nous avez déposé aux fins de publication [...] le 2 avril 2013 sous le n° [...] le document suivant : hypothèque judiciaire définitive se substituant à provisoire du 27 mars 2013 CEP Iles de France /[P] de la formalité initiale du 24/11/2010 Vol V n° 4065 ;

la vérification effectuée après l'acceptation du dépôt m'a conduit à constater l'irrégularité (ou les irrégularités) suivante(s) : [...]désignation des immeubles art. 74§3 - D 14/10/55. Avant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la présente notification, il vous appartient de régulariser le document. A défaut, la formalité sera définitivement rejetée.'

- un bordereau rectificatif de l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive publiée le 2 avril 2013 relativement à l'immeuble de [Localité 4], qui avait fait l'objet de l'hypothèque judiciaire provisoire 2010/V 4065, a été publié et enregistré le 16 avril 2013.

- par lettre du 30 juillet 2013 le conseil de la Caisse d'Epargne a écrit au Service de la Publicité Foncière :

'Je vous ai adressé le 27 mars derniers deux bordereaux en double exemplaire afin de procéder à la conversion en inscription définitive de deux hypothèques judiciaires provisoires enregistrées sous les références suivantes :

- volume 2010 V n° 4065

- Volume 2010 V n° 4064.

Or, seule l'inscription d'hypothèque enregistrée sous la référence volume 2010 V n° 4065 nous a été retournée.

Compte tenu de la défaillance de vos services, je vous mets en demeure de régulariser l'inscription d'hypothèque définitive se substituant à l'hypothèque judiciaire provisoire enregistrée le 24 novembre 2010 sous le numéro 2010 V n° 4064.

Vous trouverez à cette fin à nouveau [...]'

Par LRAR en date du 1er août 2013, intitulée notification de refus, qui fait l'objet du recours devant le président du tribunal de grande instance de Créteil, le service de la publicité foncière a répondu dans les termes suivants au conseil de la Caisse d'Epargne :

'Vous avez déposé aux fins de publication (ou d'inscription) le 31 juillet 2013 le document suivant :

Hypothèque judiciaire définitive se substituant à provisoire de la formalité initiale du 24/11/2010 Vol 2010 V n° 4064 [...]

La vérification effectuée avant l'acceptation du dépôt m'a conduit à refuser la formalité ci-dessus suite à l'irrégularité (ou aux irrégularités) suivante(s) :

non-présentation des documents attestant du respect du délai de 2 mois pour requérir l'inscription définitive art 57-2 D 14/10/55".

Il se déduit de ces éléments les considérations suivantes qui doivent être retenues pour la solution du présent litige.

Certes, il ressort de l'article 26 du décret du 4 janvier 1955 que le recours exercé en vertu de ce texte ne peut porter que sur la décision de refus ou de rejet contesté.

Toutefois, il est établi et non contesté par le service de la publicité foncière qu'il a bien reçu la lettre de la Caisse d'Epargne en date du 27 mars 2013, dans laquelle celle-ci demandait l'inscription d'une hypothèque judiciaire définitive à la fois sur l'immeuble de [Localité 4] (2010/V 4065) et sur celui de [Localité 3] (2010/V/4064).

Le service de la publicité foncière a répondu à ce courrier par une notification de rejet prise en application de l'article 74, paragraphe 3, du décret n° 55/1350 en ce qui concerne l'immeuble de [Localité 4] (2010/V/4065), laquelle a permis la régularisation de la demande.

Dans sa lettre du 30 juillet 2013, la Caisse d'Epargne rappelle que son courrier du 27 mars 2013 avait aussi pour objet l'inscription d'une l'hypothèque définitive sur l'immeuble de [Localité 3] (2010/V/4064) et demandait à l'administration (la mettait en demeure) de donner suite à celle-ci.

Dans la lettre du 1er août 2013 portant refus de dépôt, le service de la publicité foncière a traité ce courrier du 30 juillet 2013 comme une demande nouvelle.

Ainsi que la Caisse d'Epargne l'a fait valoir, cette interprétation est erronée.

Force est de constater, en effet, que la demande de la Caisse d'Epargne dans sa lettre du 27 mars 2013 portant sur l'inscription d'une hypothèque judiciaire définitive sur l'immeuble de [Localité 3] (2010/V/4064) n'avait donné lieu à aucune décision.

Force est également de constater que le service de la publicité foncière ne justifie pas ni ne soutient qu'une décision de rejet implicite serait intervenue à la suite de ladite demande.

Quant à la circonstance, invoquée par le service de la publicité foncière dans sa lettre au conseil de la Caisse d'Epargne du 2 août 2013, selon laquelle la demande du 27 mars 2013 n'aurait contenu que le bordereau afférent à l'immeuble de [Localité 4], elle ne saurait mettre en cause le fait que ladite demande portait aussi et très clairement sur l'immeuble de [Localité 3].

A cet égard, la Caisse d'Epargne soutient, sans être contredite, que le montant du chèque joint à ladite demande, soit 70 euros, couvrait les frais d'inscription des deux hypothèques.

L'absence de bordereau relativement à l'inscription de l'hypothèque définitive sur l'immeuble de [Localité 3], à supposer qu'elle soit établie, ne saurait donc justifier de considérer que la demande du 27 mars 2013 relativement à cette inscription est inexistante.

Il s'ensuit que le refus de dépôt notifié par l'administration dans son courrier du 1er août 2013 et fondé sur le caractère tardif de la demande de la Caisse d'Epargne faite par lettre en date du 31 juillet 2013 repose sur un motif erroné, dès lors que cette lettre ne constituait pas une nouvelle demande mais un rappel de la demande du 27 mars 2013, laquelle a été faite dans le délai de deux mois imparti par l'article R 533-4 du code des procédures civiles d'exécution.

Le service de la publicité foncière, ainsi qu'il a été vu ci-dessus, a soutenu dans sa lettre du 2 août 2013 au conseil de la Caisse d'Epargne qu'il ressortait des recherches entreprises dans ses services qu'un seul bordereau, celui relatif à l'immeuble de [Localité 4] (2010V 4065), avait été déposé le 2 avril 2013.

Toutefois, force est de constater que, dans sa lettre du 8 avril 2013, portant notification de rejet en ce qui concerne l'inscription de l'hypothèque définitive sur cet immeuble ni dans aucun autre courrier concomitant à celui-ci, l'administration n'en a fait état.

Ce courrier, fondé sur des recherches effectuées a posteriori, ne saurait donc suffire à mettre en cause l'exactitude de la mention de la lettre du 27 mars 2013, selon laquelle étaient joints à celle-ci les bordereaux d'inscription d'hypothèque définitive en deux exemplaires.

En outre, le fait que, en réponse à la demande de la Caisse d'Epargne du 27 mars 2013, le service compétent ait opposé une notification de rejet en ce qui concerne uniquement la demande d'inscription définitive sur l'immeuble de [Localité 4] sans émettre aucune critique sur celle relative à l'immeuble de [Localité 3], corrobore l'analyse selon laquelle cette dernière était complète.

En l'état des éléments du dossier, la cour retiendra donc que la Caisse d'Epargne justifie avoir adressé au service compétent une demande d'inscription d'une hypothèque judiciaire définitive se substituant à la formalité initiale du 24/11/2010 Vol 2010 V n° 4064 dans le délai de deux mois prescrit par l'article 57-2 du décret 55-1350 et que cette demande était accompagnée des pièces justificatives.

Il résulte de l'ensemble de ces considérations que l'ordonnance rendue en la forme des référés le 31 octobre 2013 par le président du tribunal de grande instance de Créteil doit être confirmée en ce qu'elle a fait droit au recours de la Caisse d'Epargne formé contre le refus du 1er août 2013 et ordonné la publication du bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire définitive se substituant à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire enregistrée le 24 novembre 2010 sous les références 2010 V n° 4064.

Sur la demande d'enregistrement rétroactif

Selon l'article 26 du décret du 4 janvier 1995, dès que la décision rendue par le président du tribunal de grande instance est passée en force de chose jugée, la formalité litigieuse accordée est exécutée dans les conditions ordinaires et prend rang à la date d'enregistrement du dépôt.

Ainsi que le service de la publicité foncière l'a fait valoir, en cas de refus, la rétroactivité des effets de la publication à la date d'enregistrement du dépôt est impossible, dès lors que la demande de publication n'est pas enregistrée par le conservateur des hypothèques, contrairement à ce qu'il en est en cas de rejet, qui donne lieu à dépôt de la formalité et ouvre droit à la régularisation en vertu de l'article 34 3° du décret n° 55-1350.

Dès lors, c'est à tort que le premier juge a ordonné que la publication prendra rang au 2 avril 2013, date à laquelle le service de la publicité foncière de Créteil aurait dû procéder à l'enregistrement du bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire définitive.

A fortiori, la publication de l'inscription de l'hypothèque judiciaire définitive ne saurait conserver le rang de celle inscrite le 24 novembre 2010, comme le réclame la Caisse d'Epargne en cause d'appel.

L'ordonnance attaquée sera donc infirmée en ce qu'elle a dit que la publication prendra rang au 2 avril 2013 et, statuant à nouveau, il sera dit que l'hypothèque judiciaire prendra rang à la date de sa publication à intervenir en exécution du présent arrêt.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le premier juge a fait une application équitable de l'article 700 du code de procédure civile

et fondée de l'article 696 du même code. L'ordonnance attaquée doit aussi être confirmée en ce qu'elle a fait application de ces articles.

En cause d'appel, l'équité commande de décharger la Caisse d'Epargne comme il sera dit dans le dispositif.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, l'Etat, qui succombe à l'instance, devra supporter les dépens. La demande d'application de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de son conseil sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l'ordonnance rendue en la forme des référés le 31 octobre 2013 par le président du tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'elle a ordonné la publication du bordereau de l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive se substituant à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire enregistrée le 24 novembre 2010 sous les références 2010 V n° 4064, déposé par la Caisse d'Epargne au service de la publicité foncière de Créteil, 2ème bureau, le 2 avril 2013 ;

L'INFIRME en sa disposition disant que cette publication prendra rang au 2 avril 2013, date du dépôt de ce bordereau ;

Statuant à nouveau,

DIT que l'hypothèque judiciaire définitive prendra rang à la date de sa publication à intervenir en exécution du présent arrêt ;

CONFIRME l'ordonnance du 31 octobre 2013 en ce qu'elle a fait application de l'article 700 du code de procédure civile et statué sur les dépens ;

En cause d'appel, CONDAMNE l'Etat à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

REJETTE la demande d'application de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Me Parrinello.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/05837
Date de la décision : 23/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°16/05837 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-23;16.05837 ?
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