RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 22 Février 2017
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/13063
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/11523
APPELANT
Monsieur [Q] [E]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Elena GUEROULT-D'AUBLAY, avocat au barreau de VAL D'OISE substitué par Me Laurent IVALDI, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : T129
INTIMEE
SA DYNAMICARD
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Patricia TALIMI, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001 substitué par Me Mathieu BOMBARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K 0020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M Benoît DE CHARRY, Président de chambre
Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère
Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par M Benoît DE CHARRY, Président et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
M. [Q] [E] a été engagé par la société Multipap, aux droits de laquelle vient la société Dynamicard, suivant contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 1er septembre 2009, en qualité de directeur général délégué Dynamicard.
Par lettre du 24 avril 2013, M. [E] a démissionné.
Considérant ne pas avoir été rempli de l'intégralité de ses droits, il a saisi, le 22 juillet 2013, le conseil de prud'hommes de Paris.
En cours de procédure, il a sollicité la requalification de sa démission.
Par jugement rendu le 8 octobre 2014, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes l'a débouté de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à la société Dynamicard la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
Le 26 novembre 2014, M. [E] a interjeté appel partiel de ce jugement.
Il demande à la cour de rejeter les pièces 30 à 48, communiquées le 19 janvier 2017 par l'intimée, pour non respect du principe du contradictoire. La société Dynamicard déclare s'en rapporter sur cette demande.
Par conclusions déposées le 23 janvier 2017, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [E] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande en rappel de salaire et condamné au titre des frais irrépétibles. Il conclut à la condamnation de la société Dynamicard à lui payer les sommes de 41 500 euros à titre de rappel de salaire et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions déposées le 23 janvier 2017, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société Dynamicard conclut à la confirmation du jugement entrepris et au rejet de toutes les demandes de M. [E]. À titre reconventionnel, elle sollicite la condamnation de ce dernier à lui payer une indemnité de procédure d'un montant de 2 000 euros, ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS
Sur l'incident de procédure
L'article 135 du code de procédure civile énonce que le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.
La société Dynamicard ne conteste pas avoir communiqué près de 500 pages de pièces à M. [E] le 19 janvier 2017, soit 4 jours avant l'audience.
M. [E] n'ayant pu en prendre connaissance en temps utile, les pièces concernées, soit les pièces 30 à 48, sont écartées du débat.
Sur le rappel de salaire
Il est constant qu'un salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail.
En l'espèce, le contrat de travail stipule qu'à la rémunération fixe du salarié, s'ajoute une rémunération variable sous forme de prime sur objectifs de 24 000 euros bruts en année pleine et à objectifs atteints. Il précise : 'pour l'exercice 2009-2010, les objectifs correspondent au CA et le résultat d'exploitation tels que définis et approuvé dans le budget révisé'. Il prévoit, également, que les objectifs du salarié seront redéfinis chaque année en début d'exercice, par avenant au contrat, et que, pour les six premiers mois de son activité, sa rémunération variable est garantie au prorata temporis.
M. [E] a perçu les sommes suivantes au titre de sa rémunération variable :
- 12 000 euros conformément au contrat de travail, pour l'année 2009-2010,
- 19 000 euros pour l'année 2010-2011,
- 15 000 euros pour l'année 2011-2012,
- et 2 500 euros pour l'année 2012-2013.
Il soutient qu'il n'a pas été réglé de tous ses droits avant son départ de la société. Il expose que, pour la partie variable de sa rémunération, aucun avenant n'a défini, à compter de l'exercice 2010-2011, ses objectifs en début d'année et que les modalités de son calcul ne lui ont jamais été communiquées, de sorte qu'il n'a pu se livrer à aucune vérification sur les sommes versées de ce chef.
La société Dynamicard ne produit aucun avenant définissant les objectifs de M. [E] pour les exercices postérieurs à 2009-2010. Les pièces qu'elle communique pour établir que M. [E] avait connaissance des dits objectifs ne peuvent valablement se substituer aux avenants exigés dans le contrat. Au surplus, sur ces pièces, la cour constate :
- que les entretiens individuels allégués par l'employeur, au cours desquels des objectifs auraient été assignés à M. [E], ne sont étayés par aucun compte-rendu,
- que la lettre d'objectifs datée du 20 juillet 2012 n'est pas signée par M. [E],
- que les documents relatifs aux objectifs des deux salariés se trouvant sous la responsabilité de M. [E], dont le contrat n'a pas été versé au débat, n'apportent pas d'éclairage utile sur le calcul de rémunération variable de M. [E],
- et que, si les reporting d'activité établis mensuellement par M. [E], tels ceux loyalement produits pour les mois de février et mars 2013, montrent que l'intéressé était informé, pour chaque exercice litigieux, du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation budgétés, ainsi que des écarts de réalisation, ils n'établissent pas que ce chiffre et ce résultat budgétés étaient les objectifs de M. [E].
Par ailleurs, aucune pièce n'explique comment l'atteinte ou non des objectifs prêtés à M. [E] était mesurée pour calculer sa rémunération variable ni ne démontre que l'intéressé avait connaissance de ces mesures.
La société Dynamicard n'ayant pas défini dûment les objectifs de son salarié et ne lui ayant pas communiqué les modalités de calcul de sa rémunération variable pour lui permettre de vérifier le respect de ses droits, la rémunération maximale prévue au contrat doit être intégralement payée à M. [E].
Il est donc alloué à ce dernier la somme totale de 41 500 euros à titre de rappel de ce chef, ce qui tient compte des sommes d'ores et déjà versées comme suit :
- 5 000 euros pour l'année 2010-2011 (24 000 - 19 000),
- 9 000 euros pour l'année 2011-2012 (24 000 - 15 000),
- 21 500 euros pour l'année 2012-2013 (24 000 - 2 500),
- et 6 000 euros pour l'année 2013-2014 (24 000 / 12 x 3), somme calculée au prorata temporis entre le 1er avril 2013, date du début de l'exercice, et le 28 juin 2013, date de son départ, comme cela avait été pratiqué à son arrivée conformément aux stipulations du contrat.
Le jugement déféré est, en conséquence, infirmé sur le rejet prononcé.
Sur les autres demandes
Il est précisé que la somme allouée à titre de rappel de salaire est assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2013, date de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes.
La société Dynamicard succombant à l'instance, il est justifié de la condamner aux dépens de première instance et d'appel et de la condamner à payer à M. [E] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser la charge.
Sa demande reconventionnelle de ce chef est rejetée et la condamnation prononcée en première instance en sa faveur sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile infirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande en rappel de salaire et condamné ce dernier à payer à la société Dynamicard la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau de ces chefs :
CONDAMNE la société Dynamicard à payer à M. [E] la somme de 41 500 euros à titre de rappel de salaire ;
PRÉCISE que cette somme est assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2013 ;
DÉBOUTE la société Dynamicard de sa demande présentée en première instance au titre des frais irrépétibles ;
Ajoutant,
CONDAMNE la société Dynamicard à payer à M. [E] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Dynamicard de sa demande présentée en cause d'appel au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la société Dynamicard aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT