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17/02/2017 | FRANCE | N°13/06435

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 17 février 2017, 13/06435


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 17 Février 2017

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06435



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 12/00134







APPELANT

Monsieur [X] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] ( ALL

EMAGNE)



comparant en personne, assisté de Me Marjana PRETNAR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0922





INTIMEE

SA SOCIETE AIR FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 4]



représentée par...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 17 Février 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06435

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 12/00134

APPELANT

Monsieur [X] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] ( ALLEMAGNE)

comparant en personne, assisté de Me Marjana PRETNAR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0922

INTIMEE

SA SOCIETE AIR FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

M. Christophe BACONNIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Nicole BEAUSSEAUX, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

FAITS ET PROCEDURE

Le 31 janvier 1977, Monsieur [B] [X] est embauché initialement par la compagnie UTA par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de stagiaire pilote, selon la convention d'entreprise du personnel navigant technique et du code de l'aviation civile (CAC).

Ce contrat est ensuite repris par la société Air France.

Le 21 janvier 1994, il devient commandant de bord.

Le 24 juillet 2008, la société Air France informe par courrier Monsieur [B] [X] que son activité de navigant cessera le 04 avril 2009, en raison de l'atteinte de la limite d'âge de 60 ans.

Le 16 décembre 2008, la société Air France notifie à Monsieur [B] [X] la rupture de son contrat de travail à effet au 30 avril 2009.

Le 17 décembre 2008, le législateur réforme l'article L. 421-9 du CAC et déplafonne l'âge limite impératif d'exercice de l'activité de pilote transport aérien civil de 60 à 65 ans avec entrée en vigueur au 1er janvier 2010.

Le 31 décembre 2008, Monsieur [B] [X] fait valoir son droit à un congé sabbatique du 03 avril au 31 décembre 2009.

Le 08 janvier 2009, la société Air France refuse cette demande et maintient sa décision de rupture.

Le 11 janvier 2012, Monsieur [B] [X] saisit le conseil des prud'hommes de Bobigny pour obtenir la nullité de son licenciement ou subsidiairement sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le 24 avril 2013, la juridiction prud'homale déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes et condamne Monsieur [B] [X] aux dépens.

Le jugement a été notifié le 13 juin 2013 et le 1er juillet 2013, Monsieur [B] [X] interjette appel.

MOYENS ET PRETENTIONS

Monsieur [B] [X] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, à titre principal, sur le fondement d'un licenciement nul parce que discriminatoire du fait de l'âge, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, Monsieur [B] [X] demande à la cour de condamner la société Air France à lui verser les sommes de :

- 192 657 € bruts à titre d'indemnités de licenciement, assorties des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2012, avec anatocisme, la somme déjà payée venant en compensation ;

- 500 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;

- 13 932 € au titre des dommages et intérêts pour non respect du droit au DIF ;

- 50 000 € au titre des dommages et intérêts pour rupture prématurée et fautive du contrat de travail ;

- 10 000 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral et rupture déloyale ;

- 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre reconventionnel, la société Air France demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur [B] [X] de l'ensemble de ses demandes ainsi que de le condamner au paiement d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'audience des débats, les parties se sont référées à leurs écritures auxquelles la cour renvoie expressément pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.

Monsieur [B] [X] a régulièrement interjeté appel, lequel est recevable, et demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris.

Sur le licenciement de Monsieur [B] [X]

Le 16 décembre 2008, la société Air France notifie par LRAR à Monsieur [B] [X] la rupture de son contrat de travail à compter du 30 avril 2009 au motif des impossibilités, d'une part, légale de le maintenir dans ses fonctions au-delà de la limite d'âge de 60 ans et, d'autre part, de reclassement dans un emploi au sol compatible avec sa formation, ses compétences et son expérience professionnelle.

Monsieur [B] [X] soutient qu'en lui refusant le congé sabbatique d'une année qu'il sollicite le 31 décembre 2008, la société Air France le prive de la possibilité d'exercer à nouveau après le 1er janvier 2010, comme le permet l'article L. 421-9 du CAC modifié.

Dès lors, outre que la société Air France ne soutient nullement que la rupture du contrat de travail de Monsieur [B] [X] ait permis l'embauche d'un nouveau pilote, la cour constate que les dispositions en vigueur au moment de la décision de rupture du contrat de travail de celui-ci, instaurant une différence de traitement fondée sur l'âge, n'étaient pas justifiées par un motif légitime et contrevenaient à la directive européenne CE 2000/78. En effet, la limite d'âge à 60 ans des pilotes de ligne ne constitue pas une exigence professionnelle essentielle et déterminante ce que le législateur a reconnu en modifiant la législation nationale par le vote de la loi du 17 décembre 2008;

En outre, Air France ne peut sérieusement soutenir qu'elle était dans l'application d'appliquer l'article L.412-9 du code de l'aviation civile le 16 décembre 2008, à un moment même où le salarié n'avait pas encore atteint 60 ans, alors que le licenciement était à effet du 30 avril 2009, que la loi modifiant cet article allait intervenir le lendemain le 17 décembre 2008 et que M. [B] avait proposé de prendre un congé sabbatique pour lui permettre d'exercer à nouveau ses fonctions de pilote de ligne.

En conséquence, un tel licenciement fondé sur l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile non modifié doit être déclaré nul comme discriminatoire en raison de l'âge et comme prohibé tant par la directive européenne 200/78 que par les articles L.1132-1 et L.1132-4 du code de travail.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnité de licenciement

La rupture du contrat de Monsieur [B] [X] s'analysant en un licenciement nul, celui-ci est en droit de réclamer le versement d'une indemnité de licenciement en application des articles L1234-9 et R1234-2 du code du travail, qui disposent que celle-ci ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

La cour constate que Monsieur [B] [X] a été employé par la société Air France pendant 32 ans et 3 mois et qu'il appert de ses bulletins de paie versés aux débats que sa moyenne mensuelle de salaire brut des 12 derniers mois est de 17 257,46 €, de sorte que la société Air France sera condamnée à lui verser une indemnité de licenciement calculée sur la base de 1/5 de cette moyenne sur 32 mois et 3 mois auxquels s'ajoutent 2/15 de celle-ci sur 22 mois et 3 mois.

L'indemnité s'élève donc à la somme de 162 507,75 €.

Pour autant, la cour constate que Monsieur [B] [X] a déjà perçu une indemnité de fin de carrière de 167 439 € dont l'article L.423-1 du CAC et la jurisprudence constante confirment qu'elle est exclusive de toute autre indemnité de rupture, de sorte que M. [B] doit être débouté de cette demande.

Sur la demande d'indemnité pour licenciement nul

Le paragraphe 2 de l'article 421-9 du CAC dispose que ' Le personnel navigant de la section A du registre qui remplit les conditions nécessaires à la poursuite de son activité de navigant est toutefois maintenu en activité au-delà de soixante ans ' .

En conséquence, Monsieur [B] [X] soutient que la société Air France doit être condamnée à lui verser la somme de 500 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement nul et de sa privation de pouvoir continuer d'exercer son activité de commandant de bord pendant 4 ans et 3 mois à compter du 1er janvier 2010.

Air France s'oppose à cette demande faisant essentiellement valoir que son préjudice n'est pas d'une telle importance notamment parce qu'il a déjà bénéficié d'une pension de retraite au titre de la CRPN à taux plein dès 50 ans en contrepartie de 25 annuités (pièce 31 du salarié) et de sa retraite à taux plein au titre de la CNAV depuis la rupture de son contrat de travail (pièce 30 du salarié).

Mais la cour ne saurait retenir cet argument dans la mesure où M. [B], évalue son préjudice sur la base des salaires de pilote qu'il aurait dû percevoir pendant la période de 51 mois durant laquelle il a été mis à la retraite, contre son gré, tout en déduisant du calcul de son préjudice les sommes perçues au titre des retraites ;

De même Air France ne saurait être reçu dans son argumentation tendant à limiter le préjudice de M. [B] au regard de ce qu'il aurait pu gagner s'il avait occupé un poste au sol alors qu'un tel poste ne lui a a pas été proposé et que ce salarié qui demandait à poursuivre son activité de pilote, a été écarté de ses fonctions pour des raisons discriminatoires tenant à son âge.

En l'espèce, compte tenu de l'ancienneté de M. [B] de plus de 32 ans, de son salaire moyen brut perçu sur les 12 derniers mois de 17 257,46 €, de la période d'inactivité de vol de 9 mois, de la perte de rémunération subie par lui pendant 51 mois, des sommes perçues par lui au titre de la CNAV et de la CRPN, son préjudice est estimé à la somme de 500.000 €.

Sur le droit au DIF

Monsieur [B] [X] soutient que la société Air France doit être condamnée à lui verser la somme de 13.932 € à titre de dommages et intérêts pour non respect du droit au DIF parce que la société Air France, dans sa lettre de rupture datée du 16 décembre 2008, ne lui a pas rappelé ses droits individuels à la formation qu'il pouvait faire valoir au plus tard avant le terme de son contrat.

A cet égard, la société Air France oppose avoir informé Monsieur [B] [X] chaque année du total de ses droits et relève que celui-ci les a liquidés au lendemain de la fin de son préavis à la CRPN et à la CNAV.

En l'espèce, la cour constate que Monsieur [B] [X] ne verse aux débats aucune pièce permettant d'établir le préjudice qu'il aurait subi du fait de l'absence de notification de son droit à DIF, il est donc débouté de sa demande.

En conséquence, le jugement déféré est confirmé de ce chef.

Sur la demande de préjudice moral pour rupture déloyale

Monsieur [B] [X] soutient que la société Air France doit être condamnée à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et rupture déloyale.

Pour autant, la cour constate que Monsieur [B] [X] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui réparé au titre de la rupture discriminatoire, il est donc débouté de cette demande.

En conséquence, le jugement déféré est confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture anticipée

Monsieur [B] fait valoir que la rupture de son contrat par Air France par lettre du 16 décembre 2008, envoyée le 17 décembre 2008, soit près de 4 mois avant l'échéance de ses 60 ans a eu pour effet que la compagnie Air France s'est dispensée de la recherche d'un poste au sol et de le priver de son droit à préavis ; il expose que le point de départ de son préavis aurait dû être celui du jour de ses 60 ans soit le 4 avril 2009 et non le 1er février 2009.

Mais la cour relève que le préjudice ainsi subi par M. [B] est déjà réparé par l'allocation de dommages et intérêts pour licenciement nul la somme fixée ci-dessus tenant compte du fait que le salarié a été privé d'emploi à compter du 1er janvier 2009.

En conséquence, M. [B] est débouté de cette demande et le jugement est confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Air France succombant en la présente instance, le jugement est infirmé du chef de ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Air France est déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et il est fait droit à celle de Monsieur [B] dans la limite de 4.000 €.

Air France est condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour par arrêt contradictoire, mis à disposition des parties,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 24 avril 2013 sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [B] portant sur un licenciement discriminatoire, sur des dommages et intérêts pour licenciement nul, sur des frais irrépétibles et l'a condamné aux dépens, l'infirme de ces derniers chefs ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Air France à verser à Monsieur [B] [X] la somme de 500.000 € en réparation de son licenciement discriminatoire ;

Condamne la société Air France à verser à Monsieur [B] [X] la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Air France aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 13/06435
Date de la décision : 17/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°13/06435 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-17;13.06435 ?
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