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16/02/2017 | FRANCE | N°15/19206

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 16 février 2017, 15/19206


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 3



ARRET DU 16 FEVRIER 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/19206



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2015 -Tribunal d'Instance de PARIS 19éme - RG n° 11-14-001169



APPELANT



Monsieur [D] [R]

Né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1] (Tunisie)

[Adresse 1]>
[Localité 2]



Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant : Me David SELLAM, avocat au barreau de PARIS, toque : D 425





IN...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRET DU 16 FEVRIER 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/19206

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2015 -Tribunal d'Instance de PARIS 19éme - RG n° 11-14-001169

APPELANT

Monsieur [D] [R]

Né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1] (Tunisie)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant : Me David SELLAM, avocat au barreau de PARIS, toque : D 425

INTIME

Monsieur [Q], [U], [K] [E]

Né le [Date naissance 2] 1931 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Ayant pour avocat plaidant : Me Georges SIMONIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0581

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Isabelle VERDEAUX, Présidente de chambre

Madame Isabelle BROGLY, Conseillère

M. Philippe JAVELAS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA

Un rapport a été présenté à l'audience pa M. Philippe JAVELAS, Conseiller, dans les conditions prévues par l'articles 785 du Code de procédure civile.

ARRET : Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle VERDEAUX, présidente et par Mme Viviane REA, greffière présente lors du prononcé.

****

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [Q] [E] est locataire d'un appartement sis [Adresse 2] depuis le 1er avril 1976.

M. [D] [R] a acquis l'appartement en décembre 1994.

Par acte d'huissier de justice du 28 mars 2014, M. [E] ayant constaté une augmentation importante du loyer et des charges qui lui étaient réclamées, a fait assigner M. [R] devant le tribunal d'instance du 19eme arrondissement en répétition de loyers et de charges indus.

Par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 26 mai 2015, le tribunal d'instance a :

- déclaré prescrite la demande en répétition des loyers de l'année 2008,

- condamné M. [R] à payer à M. [E] une somme de 29 508, 77euros au titre de la restitution des loyers indus et charges non justifiées sur la période de janvier 2009 à mars 2015 inclus,

- condamné M. [R] à régulariser les quittances au nom de M. [E] et de M. [Q] à compter de novembre 2014, et ce dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant trois mois,

- dit n'y avoir lieu à se réserver la liquidation de l'astreinte,

- condamné M. [R] à payer à M. [E] une indemnité de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné M. [R] aux dépens et à payer à M. [E] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. [R] a relevé appel de cette décision le 28 septembre 2015.

Dans le dispositif de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2016, il demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la demande de M. [E] prescrite pour l'année 2008,

- dire que la demande en paiement de M. [E] est également prescrite au titre de l'année 2009,

- juge que M. [R] a régulièrement justifié de l'intégralité des charges pour la période 2009 à 2014,

- déclarer M. [E] irrecevable en son exception de prescription de toute régularisation annuelle antérieure à 2011,

- déclarer irrecevable, du fait qu'elle est nouvelle en cause d'appel, la demande en prescription triennale sur le fondement de la loi du 24 mars 2014,

- condamner M. [E] à payer à M. [R] une somme de 25 710, 51 euros au titre de la régularisation des charges pour les années 2009 à 2015 inclus,

- dire que M. [E] devra régler à compter du 1er janvier 2016 une provision sur charges mensuelle de 321, 24 euros soit au 1er novembre 2016, une somme de 3 533, 64 euros, et condamner M. [E] à payer cette somme sous réserve de la régularisation annuelle de l'année 2016 et jusqu'à l'arrêt à intervenir,

- ordonner la compensation entre les condamnations prononcées à l'encontre de M. [R] et celles prononcées à son bénéfice et à l'encontre de M. [E],

- débouter M. [E] de ses demandes et le condamner aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. [E], intimé et appelant à titre incident, dans le dispositif de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 29 novembre 2016, demande à la Cour de:

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle relatives à la prescription,

à titre principal, juger que l'absence de régularisation annuelle de charges locatives conforme à l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 et l'absence de mise à disposition des pièces justificatives entraîne l'absence d'exigibilité de toute charge locative,

à titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que les relevés de copropriété valent régularisation, dire prescrites les régularisations de charges locatives antérieures au 7 décembre 2013 en application de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989,

- dire illégales les augmentations de loyers faites par le bailleur,

- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [R] à payer à M. [E] une somme de 31 832, 17 euros au titre du trop-perçu de loyers et de charges arrêté au 1er mars 2015,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [R] à régulariser les quittances de loyers aux deux noms de [E] et [Q] en portant le montant de l'astreinte à 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- confirmer, à titre subsidiaire, l'astreinte ordonnée en son quantum,

- condamner M. [R] aux dépens et à payer à M. [E] une indemnité de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I) Sur la prescription de l'action en répétition des loyers

M. [E] fait grief à la décision contestée d'avoir jugé que la demande en répétition des loyers payés indûment en 2008 était prescrite, du fait qu'elle avait été formée par assignation du 28 mars 2014, et que l'action en répétition des loyers, des fermages et des charges locatives se prescrit par cinq ans depuis la loi du 18 janvier 2005 ayant modifié les dispositions de l'ancien article 2277 du Code civil.

M. [E] soutient que sa demande de répétition des loyers s'analyse, non pas comme une demande en paiement de loyers, mais comme une action en répétition de l'indu engagée sur le fondement des articles 1235 et 1376 du Code civil, qui constitue le paiement d'une indemnité globale et réparatrice du préjudice subi, qui n'est pas, de ce fait, soumis à la prescription quinquennale.

Il demande à la Cour, à titre subsidiaire et pour le cas où la Cour considérerait que l'action se prescrit par cinq ans, de retenir la prescription à compter du 5 novembre 2008, au motif que, si l'assignation a été délivrée le 28 mars 2014, les premières correspondances et contestations ont été adressées en juillet et août 2013 et qu'une lettre de mise en demeure a été expédiée le 5 novembre 2013.

Par ailleurs, M. [E] demande à la Cour de juger irrecevable la demande de M. [R] visant à voir déclarée prescrite la demande en remboursement des loyers du 1er trimestre 2009, du fait qu'il s'agit d'une demande nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile.

M. [R] réplique que le jugement querellé doit être confirmé en ce qu'il a déclaré que l'action en répétition des loyers se prescrivait pas cinq ans, et que la Cour doit également déclarer prescrite, du fait de ce délai de prescription, la demande en paiement des loyers du premier trimestre de l'année 2009, dès lors que l'acte introductif d'instance a été délivré le 24 mars 2014.

En réponse au moyen tirée de l'irrecevabilité de cette demande, motif pris de sa nouveauté au sens de l'article 564 du Code civil, il réplique qu'une exception de prescription peut être soulevée pour la première fois devant la Cour.

Sur ce

Aux termes des dispositions de l'article 2277 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 18 janvier 2005, le délai de prescription des actions en répétition des loyers, fermages et charges locatives, était déjà de cinq ans.

Ce délai ne s'est pas trouvé modifié par la loi du 17 juin 2008 relative à la réforme des prescriptions en matière civile, qui a fixé à cinq ans - article 2224 du Code civil - le délai de prescription de droit commun, auquel se trouvent soumises les actions en répétition de l'indu.

Les deux seules causes d'interruption de ce délai de prescription sont la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, prévu par l'article 2240 du Code civil, et la demande en justice, prévue par l'article 2241 de ce même code, l'article 2254, alinéa 2 et 3 précisant qu'il est impossible aux parties d'ajouter d'un commun accord des causes d'interruption de la prescription s'agissant des actions en répétition des loyers ou des charges locatives.

M. [E] est donc mal fondé à soutenir que la prescription aurait été interrompue par les correspondances et contestations adressées en juillet et août 2013 à M. [R] ou même la lettre de mise en demeure expédiée le 5 novembre 2013 à son bailleur.

La prescription a, en l'espèce, été interrompue par la citation en justice devant le tribunal d'instance du 19eme arrondissement, délivrée le 28 mars 2014 à M. [R].

Il s'ensuit que la demande en répétition des loyers est prescrite pour la période antérieure au 29 mars 2009, et que M. [R] est fondé à solliciter que l'exception de prescription des loyers afférents au premier trimestre 2009 soit accueillie, sans que l'appelant, M. [E], puisse lui opposer qu'il s'agit d'une demande irrecevable, motif pris de sa nouveauté en cause d'appel, dès lors que, selon l'article 2224 du Code civil, la fin de non-recevoir tirée de la prescription est opposable en tout état de la procédure, y compris la première fois devant la cour d'appel, à moins que la partie qui n'aurait pas opposé ce moyen ne doive, par les circonstances, être présumée y avoir renoncé.

II) Sur la régularisation des charges locatives opérées de 2009 à 2015, exercice 2015 inclus, et la demande en paiement formée par M. [R] de la somme de 3 533, 64 euros au titre des provisions sur charges des mois de janvier à novembre 2016

M. [R] fait grief au premier juge d'avoir accueilli la demande de M. [E] visant à voir juger qu'aucune charge locative n'était exigible pour la période allant de 2009 à 2015, au motif que les prescriptions de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 n'avaient pas été respectées et que les régularisations de charges n'étant pas justifiées, les provisions sur charges n'étaient pas exigibles pour la période considérée.

M. [R] fait valoir, en premier lieu, qu'il justifie avoir fourni à son locataire toutes les pièces et justificatifs des charges imputées et récupérables à son locataire pour les années 2009 à 2015 et qu'il a satisfait aux prescriptions de l'article 23 précité en communiquant à son locataire l'intégralité des comptes de la copropriété donnés par le syndic au titre des assemblées générales annuelles.

M. [R] soutient, en deuxième lieu, que la Cour doit rejeter la demande de M. [E] visant à voir déclarer prescrite les régularisations annuelles antérieures à l'exercice 2011, au motif que les relevés de charges et régularisations afférentes aux années 2009 à 2013 ont été communiqués devant le premier juge par bordereau de communication du 5 décembre 2014, que la demande en paiement des charges afférentes aux années 2009 à 2013 a été formée devant le premier juge par voie de conclusions écrites en mars 2015 et que cette exception de prescription n'a pas été invoquée devant le juge d'instance.

M. [R], soutient, en troisième lieu, que M. [E] ne peut invoquer le bénéfice de la prescription triennale instaurée par la loi du 29 mars 2014, aux motifs que cette loi ne peut s'appliquer à une procédure antérieure à sa date de promulgation et que M. [E] a soulevé l'exception de prescription pour la première fois devant la Cour après avoir soutenu que le délai de prescription applicable était de cinq ans.

M. [E], qui conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que les régularisations de charges n'étaient pas justifiées pour les années 2009 à 2015, réplique, en premier lieu, que le bailleur, en violation des dispositions de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, n'a effectué aucune régularisation annuelle des charges locatives, alors qu'il a exigé de son locataire le règlement d'une provision mensuelle sur les charges locatives fixée à la somme de 349 euros. Il expose que non seulement les régularisations de charges locatives n'ont pas été produites, mais les pièces justificatives n'ont jamais été mises à disposition du locataire.

M. [E] fait valoir, en deuxième lieu, que toute régularisation annuelle antérieure à 2012 est aujourd'hui prescrite et que l'intégralité des sommes versées doit être considérée comme étant des loyers. M. [E] expose que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le bailleur qui n'a pas justifié de sa demande conserve le droit de réclamer les charges ultérieurement en présentant les justifications, mais dans la seule limite du délai de prescription, qui avant la loi ALUR était de cinq ans et a été ramené à trois ans. En l'espèce et du fait que la date de présentation des justifications incomplètes est le 7 décembre 2015, la prescription s'applique aux demandes de M. [R] pour les charges antérieures au 7 décembre 2012 du fait du nouveau délai de prescription de trois ans introduit par la loi ALUR, le contentieux du contrat étant soumis à cette nouvelle prescription depuis le 1er avril 2016, date de sa reconduction tacite.

Sur ce

A) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription " des régularisations annuelles de charges locatives antérieures au 7 décembre 2013" soulevée par M. [E]

Contrairement à ce que soutient M. [E], sur le fondement d'une lecture erronée de la jurisprudence de la Cour de cassation, seule l'action en paiement de charges ou en répétition de charges indûment réglées est enfermée dans le délai de la prescription, et, en aucune manière le délai imparti au bailleur, qui n'est pas conformé aux délais de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, pour présenter les justificatifs des charges dont il réclame le paiement ou dont le remboursement est sollicité par son locataire, ces justificatifs pouvant être fournis en tout état de cause et jusques et y compris devant la Cour. Si les charges sont exigibles sur justification, elles peuvent être présentées à la fin de la location et aucune forclusion n'atteint le bailleur du seul fait qu'il n'a pas communiqué le décompte un mois avant la régularisation.

Par suite, aucune prescription ou forclusion ne saurait être utilement opposée à M. [R], de sorte qu'il n'y a pas lieu, pour la Cour, de rechercher si la nouvelle prescription triennale de la loi ALUR trouve à s'appliquer dans la présente instance.

B) Sur les justifications apportées par M. [R]

Aux termes de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, les charges sont exigibles sur justification et " les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l'objet d'une régularisation annuelle. Les demandes de provisions sont justifiées par la communication des résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l'immeuble est soumis au statut de la copropriété ou lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel. Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges, ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires, et, le cas échéant, une note d'information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire collectifs".

Il résulte de ce texte que les charges locatives ne sont récupérables que sur justifications.

Cependant, le défaut de respect par le bailleur de son obligation de régularisation des charges une fois par an ne le prive pas du droit de réclamer le paiement des charges dès lors qu'elles sont justifiées et que le bailleur justifie, en outre, avoir mis à la disposition du locataire, fût-ce devant la Cour, des pièces justificatives, qui s'entendent des factures, contrats de fourniture et d'exploitation en cours et leurs avenants, ainsi que les décomptes des quantités consommées et les prix unitaire de chacune des catégories de charges, c'est-à-dire, toutes les pièces qui ont été utilisées pour opérer la régularisation des charges.

M. [R] produit, en cause d'appel, les décomptes individuels de charges de copropriété, pour les années concernées (2009 à 2015) , pour les lots concernés , correspondant au bien loué à M. [E] avec l'indication de la part des charges récupérables, détaillées poste par poste, et le relevé général des dépenses de la copropriété.

Ces documents sont suffisamment probants et éclairants pour le locataire en ce qu'ils comportent une ventilation permettant à ce dernier de vérifier l'exactitude des charges récupérables.

Ils ne rapportent certes pas la preuve, en eux-mêmes, de la tenue des pièces justificatives des charges locatives, ci-avant mentionnées, à la disposition de M. [E].

Cependant, M. [R] a adressé le 22 décembre 2015, une lettre recommandée avec demande d'avis de réception à son locataire, dans laquelle il écrit : " je vous confirme que toutes les pièces justifiant des charges que j'ai acquittées en qualité de copropriétaire et récupérables sur le locataire, sont à votre disposition pour que vous puissiez procéder à toute vérification éventuelle et si vous le souhaitez nous pouvons prendre rendez-vous avec le syndic de copropriété pour vous permettre tout contrôle desdites charges".

Il a donc lieu de considérer, sur la base de ces éléments, que les charges sont justifiées et que les pièces ont été tenues à la disposition de M. [E].

Dès lors, le jugement entrepris, compte tenu des justificatifs apportés en cause d'appel, sera infirmé en ce qu'il a dit qu'aucune charge locative n'était exigible pour la période allant de 2009 à 2015.

M. [E] sera condamné à payer à M. [R] une somme de 25 710, 51 euros représentant le montant des charges locatives dues sur la période 2009 à 2015.

S'agissant des provisions sur charges de l'année 2016, M. [R] demande à la Cour de condamner M. [E] à lui payer la somme de 3 533, 64 euros représentant le montant des provisions sur charges de l'année 2016, jusqu'au 1er novembre 2016 inclus, "sous réserve de toute régularisation début 2017".

Il résulte de l'article 23, alinéa 6, de la loi du 6 juillet 1989, que des provisions peuvent être réclamées, mais qu'elles doivent être elles-mêmes justifiées par la communication, lorsque l'immeuble est soumis au statut de la copropriété, du budget prévisionnel.

En l'espèce, M. [R] ne verse pas aux débats le budget prévisionnel de la copropriété pour l'année 2016, se bornant à produire le procès-verbal de l'assemblée générale du 29 juin 2016 ayant approuvé, en sa résolution n°7, la rectification du budget prévisionnel 2016, joint à la convocation adressée aux copropriétaires avec l'ordre du jour, et arrêté à la somme de 430 000 euros.

Par suite, M. [R] sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 3 533, 64 euros.

III) Sur les somme perçues en trop au titre des loyers et leur demande de restitution formée par M. [E], locataire

M. [R] conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande en restitution des loyers perçus en trop, à hauteur de la somme de 29 508, 77 euros et sous la seule déduction des sommes réclamées au titre du trop-perçu de l'année 2008, pour cause de prescription.

M. [R] expose que si le loyer contractuel était effectivement soumis au 1% patronal, le loyer mensuel de l'appartement est estimé aujourd'hui à une somme comprise entre 1 600 euros et 1 700 euros charges comprises et que le loyer actuel est manifestement sous-évalué par rapport aux prix du marché. M. [R] estime que, dans ces conditions, les calculs de M. [E] à l'appui de sa demande de remboursement du trop-perçu de loyer ne peuvent être admis et que le jugement entrepris doit être infirmé.

M. [E] réplique qu'il est locataire de ce logement depuis le 1er avril 1976, soit plus de 40 ans, qu'il est protégé par les dispositions des articles 17 et suivants de la loi du 6 juillet 1989, qu'il s'est rapproché de l'institut national de la consommation, afin que soit établi un historique des augmentations annuelles légales concernant son contrat de bail, que ce document a été communiqué par lettre recommandée à son bailleur, que le trop-perçu de loyers, au 30 mars 2015, s'élève à la somme totale de 31 832, 17 euros et que M. [R] ne saurait justifier son refus de respecter les dispositions légales en faisant valoir que la valeur locative du bien serait plus élevée.

Sur ce

Il résulte des dispositions de l'article 1134 ancien et 1103 nouveau du Code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l'espèce, le bail renouvelé consenti par la société Parimmo à M. [E] pour trois ans, à compter du 1er septembre 1988 contient une clause de révision ainsi libellée : " le loyer sera révisé chaque année, sans formalité préalable, à la date anniversaire de la date d'effet du bail, en fonction des variations de l'indice du coût de la construction du premier trimestre, échelon national, publié par L'INSEE, par comparaison avec l'indice utilisé pour la précédente révision. Pour la première révision, le loyer sera calculé en prenant pour base l'indice du 1er trimestre 2008".

Le premier juge a exactement relevé que les réévaluations du loyer effectuées par M. [E] à l'aide du calculateur de loyers du site internet du site de l'institut national de la consommation, étaient conformes aux lois successives ayant modifié l'article 17 d de la loi du 6 juillet 1989, que le comparatif produit par le locataire permettait de comparer, mois par mois, le montant du loyer payé, qui n'est pas contesté par M. [R], et celui du loyer dû réellement, qu'enfin, sur la période janvier 2009/mars 2015, le trop-perçu s'élevait à la somme totale de 29 508, 77 euros.

Le moyen soulevé par M. [R] et tiré du fait que la valeur locative de l'appartement serait largement supérieure aux calculs de son locataire, est inopérant, la convention tenant lieu de loi aux parties devant recevoir application.

Il convient, toutefois, de déduire du trop-perçu retenu par le premier juge, la somme de 558, 39 euros représentant le montant du trop-perçu du premier trimestre 2009, la demande de M. [E] relative à cette période étant prescrite pour les motifs exposés précédemment au paragraphe I.

Par suite, M. [R] sera condamné à payer à M. [E] une somme de 28 950, 38 euros (29 508,77- 558, 39 euros).

IV) Sur la demande de régularisation de quittances formée par M. [E]

M. [R] justifie avoir transmis tardivement les quittances de loyers et avoir exécuté les termes du jugement entrepris.

M. [E] sera, en conséquence, débouté de sa demande de condamnation sous astreinte, cette demande étant devenue, au jour où la Cour statue, sans objet.

V) Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [E] pour résistance abusive (3 500 euros)

Le fait, pour M. [R], d'avoir exercé les voies de droit qui lui étaient offertes pour obtenir du premier président la suspension de l'exécution provisoire et du juge de l'exécution la consignation des sommes dues en exécution du jugement entrepris auprès d'un séquestre, avant d'exécuter les causes du jugement querellé, qui est en grande partie infirmé par la Cour, ne saurait constituer une faute, même si M. [R] a été débouté de ses demandes.

M. [E] sera, en conséquence, débouté de sa demande de dommages et intérêts.

VI) Sur les demandes accessoires

Chaque partie succombant partiellement, il sera fait masse des dépens de la procédure d'appel qui seront partagés par moitié entre les parties, les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles non compris dans les dépens étant, par ailleurs, confirmées

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant condamné M. [D] [R] à payer à M. [Q] [E] la somme de 29 508,77 euros et à régulariser, sous astreinte, les quittances de loyers aux deux noms de M. [Q] [E] et [T] [Q] ;

Statuant à nouveau de ce chef

Condamne M. [D] [R] à payer à M. [Q] [E] une somme de 28 950, 38 euros au titre des sommes perçues en trop sur la période allant du mois d'avril 2009 au mois de mars 2015 ;

Déboute M. [Q] [E] de sa demande formée à nouveau en cause d'appel et visant à obtenir la condamnation sous astreinte de M. [D] [R] à régulariser les quittances de loyers aux noms de [Q] [E] et [T] [Q] ;

Ajoutant au jugement entrepris

Condamne M. [Q] [E] à payer à M. [D] [R] la somme de 25 710, 51 euros au titre des charges locatives pour la période allant de l'année 2009 à l'année 2015 incluse ;

Déboute M. [D] [R] de sa demande en paiement de la somme de 3 533, 64 euros au titre des provisions sur charges sur la période allant de janvier à novembre 2016 ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de toutes les régularisations antérieures à 2011, soulevée par M. [Q] [E] ;

Ordonne la compensation des créances respectives des parties ;

Déclare prescrite la demande en répétition des loyers du premier trimestre de l'année 2009;

Déboute M. [Q] [E] de sa demande visant à voir déclarer non prescrite la demande en répétition des loyers de l'année 2008 ;

Déboute M. [Q] [E] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile, déboute M. [D] [R] de sa demande en paiement ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile, déboute M. [Q] [E] de sa demande en paiement ;

Fait masse des dépens de la procédure d'appel et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 15/19206
Date de la décision : 16/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°15/19206 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-16;15.19206 ?
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