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16/02/2017 | FRANCE | N°15/04868

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 16 février 2017, 15/04868


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 3



ARRÊT DU 16 FEVRIER 2017



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04868



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2015 -Tribunal d'Instance de PARIS 16ème - RG n° 11-14-000727





APPELANT



Monsieur [I] [R]

Né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]

[Adresse 1

]

[Adresse 2]



Représenté et assisté par Me Philippe BERN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0984





INTIMEE



Madame [N] [C] épouse [K]

Née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 2] ([Local...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 16 FEVRIER 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04868

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2015 -Tribunal d'Instance de PARIS 16ème - RG n° 11-14-000727

APPELANT

Monsieur [I] [R]

Né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représenté et assisté par Me Philippe BERN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0984

INTIMEE

Madame [N] [C] épouse [K]

Née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 2] ([Localité 2])

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée et assistée par Me Emmanuel RAVANAS de la SELEURL ERAVANAS - AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1318

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Isabelle VERDEAUX, Présidente de chambre

M. Philippe JAVELAS, Conseiller

M. Fabrice VERT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA

Un rapport a été présenté à l'audience par M. Philippe JAVELAS, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

ARRET : Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle VERDEAUX, présidente et par Mme Viviane REA, greffière présente lors du prononcé.

****

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 30 juin 1993, Mme [L] [C] a donné à bail à

M. [I] [R] et à Mme [R] [E] un appartement de 170 mètres carrés, agrémenté d'une terrasse de plain-pied de 493 mètres carrés, situé au 10ème étage d'un immeuble sis [Adresse 5].

Le loyer mensuel s'élevait à 22 450 francs, soit l'équivalent de 3 423 euros.

Le bail a été renouvelé plusieurs fois par tacite reconduction à partir du 14 août 1996 et pour la dernière fois le 14 août 2008.

Par acte d'huissier de justice du 9 février 2011, Mme [N] [C], fille de Mme [L] [C], a fait délivrer à M. [R] et à Mme [R] [E] un congé aux fins de reprise personnelle, à effet au 14 août 2011.

Par acte d'huissier de justice du 16 avril 2014, M. [R], invoquant le caractère frauduleux du congé en raison de l'absence d'occupation des lieux par la bailleresse, près de trois ans après la date d'effet du congé, a fait assigner Mme [N] [C] devant le tribunal d'instance du 16eme arrondissement de Paris aux fins de voir annuler le congé délivré le 9 février 2011 et d'obtenir la condamnation de la bailleresse à l'indemniser de ses préjudices matériel et moral.

Par jugement contradictoire du 3 février 2015, le tribunal d'instance a débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens et à verser à Mme [C] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le juge d'instance a estimé que le congé n'était pas frauduleux, par ce que Mme [C] avait été contrainte de faire réaliser d'importants travaux de remise en état du bien, et que la durée et l'importance de ces travaux constituaient une cause légitime justifiant que la bailleresse eût pu s'exonérer de son obligation d'occuper le bien.

M. [R] a relevé appel de cette décision, le 17 février 2015.

Dans le dispositif de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 7 décembre 2016, il demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- juger frauduleux le congé délivré le 9 février 2011,

- condamner Mme [C] à lui payer une somme de 188 689, 26 euros, en réparation de son préjudice matériel arrêté au 31 décembre 2016, une somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral, et une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Mme [N] [C], dans le dispositif de ses dernières conclusions, notifiées le 30 mai 2016, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [R] aux dépens et à lui payer une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I) Sur la validité du congé délivré le 9 février 2011

M. [R] fait grief au premier juge d'avoir déclaré valable le congé pour reprise qui lui a été délivré le 9 février 2011. Il expose que :

- Mme [C], après avoir fait rénover l'appartement pendant plus d'un an, ne s'y est pas installée personnellement mais l'a reloué à un tiers, M. [I], ce qui démontre le caractère frauduleux du congé,

- les travaux importants réalisés par Mme [C] ne constituent pas une cause légitime, du fait que le propriétaire, pendant toute la durée de la location, 18 ans, n'a procédé à aucune des grosses réparations lui incombant , malgré des demandes réitérées de ses locataires, et que, devant effectuer ces travaux, Mme [C] a voulu se débarrasser de son locataire afin de pouvoir, une fois les travaux réalisés, relouer le bien beaucoup plus cher. En effet, le loyer s'élevait au départ de M. [R] et de Mme [E] à 4 695, 65 euros et l'appartement a été reloué, après travaux pour un montant de plus de 400 000 euros- à 7 224 euros. Le rendement des sommes investies dans les travaux s'élève donc à 7 %.

Mme [C] réplique qu'elle n'a pas pu intégrer les lieux au départ de ses locataires, parce que l'appartement était en très mauvais état d'entretien et qu'elle a dû faire procéder à de très importants travaux de réfection, pour un montant de 428 500 euros, et que la validité du congé ne peut être remise en cause, du fait qu'elle n'a pu reprendre les lieux pour une raison qui lui est extérieure.

Sur ce

Le bailleur qui donne congé pour reprise du local à son profit doit l'habiter dans un délai raisonnable et pour une durée sérieuse.

Il appartient à la Cour de vérifier que le congé traduit bien une volonté réelle de la part du bailleur de venir habiter les lieux repris. Si la reprise n'est pas effective de la part du bénéficiaire, le logement étant reloué ou mis à la vente, la fraude doit être constatée, sauf raison légitime du propriétaire.

En l'espèce, Mme [N] [C] a fait délivrer, le 9 février 2011, à ses locataires un congé prenant effet le 14 août 2011, sur le fondement de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, pour habiter personnellement les lieux.

M. [R] ne s'est pas maintenu dans les lieux après la date d'effet du congé et s'est relogé au [Adresse 6].

Mme [C], après avoir fait réaliser d'importants travaux de rénovation du bien, l'a reloué à M. [I], par acte sous seing privé du 1er mars 2013.

Pour justifier l'inoccupation des locaux, Mme [C] fait valoir qu'elle a été contrainte de faire réaliser d'importants travaux de remise en état du bien.

Toutefois, cette circonstance, pour être établie au vu du procès-verbal de constat d'huissier de justice et des clichés photographiques versés aux débats par l'intimée, n'est pas, à elle seule, de nature à exonérer Mme [C] de son obligation d'occuper les lieux.

En effet, le courrier du 4 janvier 2010 adressé par Mme [X], gestionnaire du bien à

M. [R] permet d'établir que Mme [C] connaissait les travaux à réaliser et, incombant pour partie à la bailleresse, avant la délivrance du congé pour reprise et qu'il lui était loisible, compte tenu de l'obligation contractuelle du locataire de laisser exécuter les travaux nécessaires au maintien en l'état des lieux loués, de faire réaliser ces travaux, et notamment la réfection de la terrasse, sans attendre le départ de son locataire.

Au surplus, la durée des travaux, qui est de dix-huit mois, ne peut, en elle-même, contrairement à ce qui a été relevé par le premier juge, constituer un motif légitime exonérant la bailleresse de son obligation d'occuper les lieux, dès lors que Mme [C] n'explique pas en quoi sa situation aurait évolué dans ce laps de temps, qui n'est pas dû à une faute du locataire et qui n'est pas même imputable comme il vient d'être dit à sa présence dans les lieux, ni quel évènement aurait fait obstacle à l'occupation des lieux une fois les travaux réalisés et justifié leur remise en location. Ainsi, Mme [C] de démontre-t-elle pas que le motif légitime du congé aurait perdu, pour une cause extérieure à la bailleresse, son actualité.

L'absence de reprise effective des lieux et leur location à un tiers démontrent, dans les circonstances de l'espèce et à défaut de motif légitime justifiant l'inoccupation des locaux une fois les travaux terminés, le caractère frauduleux du congé et le défaut de volonté réelle de la bailleresse de venir habiter les lieux repris, malgré les affirmations de Mme [C] selon lesquelles cet appartement, dans lequel son père a notamment écrit l''uvre d'Astérix, d'Iznogoud et de Lucky Lucke, est la mémoire de ses parents et qu'elle y a vécu avec son père jusqu'à ses neuf ans.

Par suite, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déclaré valable le congé délivré pour reprise délivré le 9 février 2011.

II) Sur les demandes indemnitaires de M. [R]

A) Frais de déménagement

M. [R] sollicite une indemnisation de 29 505, 76 euros au titre des frais de déménagement, des honoraires de l'agence immobilière ayant trouvé le nouvel appartement, des frais de travaux d'aménagement de ce nouveau logement, de la reproduction de clefs d'accès et des frais de transfert du siège de son entreprise dans la nouvelle location.

Mme [C] conteste le préjudice invoqué par l'appelant en faisant valoir qu'il n'était pas obligé d'avoir recours à une agence immobilière pour se reloger, que les frais de déménagement sont trop élevés, que les frais d'aménagement du nouveau local ne peuvent être pris en charge, que l'on ne sait pas, enfin, qui paye le loyer, de M.[R] ou de son entreprise, de sorte que les frais de transfert du siège de la société dans le nouveau logement ne peuvent être retenus.

Sur ce

Les honoraires d'agence, pour un montant de 13 526, 18 euros, ne pourront être retenus, dès lors que le recours à une agence immobilière n'était pas indispensable, même si l'appelant recherchait un appartement avec une grande terrasse, et que M. [R] disposait d'un délai de six mois pour trouver un nouveau logement.

Les frais de déménagement, justifiés par facture, seront retenus pour le montant demandé, soit 11 457, 68 euros toutes taxes comprises.

L'indemnisation de M. [R] devant être limitée aux frais occasionnés par le déménagement lui-même, les frais exposés pour l'aménagement du nouvel appartement, soit la somme de 3 227, 12 euros, ne pourront être acceptés.

Il en va de même des frais de reproduction de clefs pour accéder au nouvel appartement, d'un montant de 528 euros, dès lors qu'il ne sont pas en rapport direct avec le déménagement.

Enfin, les frais de transfert du siège de la société de conseils de M. [R] dans le nouvel appartement ne pourront être acceptés, dès lors qu'ils ont été réglés par la personne morale, qui n'est pas dans la cause, et non par M. [R].

B) Différentiel de loyers (159 183, 50 euros)

Le préjudice subi est établi par le fait que pendant trois ans, délai à partir duquel un autre congé pouvait être régulièrement dénoncé, M. [R] s'est trouvé dans l'obligation, pour disposer d'un bien comparable en ce qu'il disposait d'une vaste terrasse à celui dont Mme [C] lui avait indûment retiré la jouissance, de procéder à une location plus onéreuse, compte tenu de la rareté de ce type de bien, puisque le nouveau bail a été conclu pour une superficie plus petite moyennant paiement d'un loyer d' un montant sensiblement plus élevé.

Mme [C] est mal fondée à soutenir que l'appelant aurait pu se reloger dans le même quartier pour le même montant de loyer, dès lors que [R] était en droit de se reloger dans un bien comparable et que le caractère exceptionnel du bien de Mme [C] réside, non pas dans surface même de l'appartement, mais dans l'existence de la vaste terrasse - 495 mètres carrés - de plain-pied, qui l'agrémente.

La comparaison des baux concernant les deux locations successives ne permet pas d'établir un avantage particulier dont bénéficierait M. [R] du fait de son nouvel emménagement, même si la nouvelle location est située dans un quartier un peu plus huppé.

Son préjudice s'établit donc sur les trois ans pendant lesquels il pouvait prétendre au maintien dans les lieux à la différence de loyer, soit 3 158, 19 euros sur 28 mois et 1 845, 22 euros sur 8 mois, représentant la somme totale de 103 191, 08 euros (88 429, 32 + 14761, 76).

Mme [C] sera condamnée au paiement de cette somme.

C) Préjudice moral (25 000 euros)

M. [R] ne justifie pas avoir subi un préjudice moral distinct du préjudice matériel indemnisé par ailleurs, du seul fait que la terrasse - 140 mètres carrés contre 493 mètres carrés précédemment - et l'appartement - 136 mètres carrés contre 170 précédemment - de sa nouvelle location dans le VIIeme arrondissement de [Localité 1] sont plus petits.

Il n'est, en effet, pas démontré que le nouvel appartement, pour être un peu moins vaste, serait pour autant moins agréable à vivre.

M. [R] sera, en conséquence, débouté de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral.

V) Sur la demande de M.[R] visant à ce que la Cour lui donne acte de ce qu'il se réserve le droit de demander ultérieurement les suppléments de loyers qu'il aura eu à supporter postérieurement au 31 décembre 2016

La simple demande de donner acte de la réserve de formuler ultérieurement de nouvelles prétentions faite par M. [R] ne constitue pas une demande en justice tendant à ce que soit tranché un point litigieux, de sorte que la Cour, qui a entendu au surplus et pour les motifs exposés dans le paragraphe précédent, limiter à trois ans l'indemnisation de M. [R] au titre des suppléments de loyers acquittés, n'a pas à répondre à cette demande.

VI) Sur les demandes accessoires

Mme [C], qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

Déclare le congé délivré le 9 février 2011 frauduleux ;

Condamne, en conséquence, Mme [N] [C], épouse [K], à payer à M. [I] [R] la somme de 114 648, 76 euros en réparation de son préjudice matériel ;

Déboute M. [I] [R] du surplus de ses demandes et de sa demande en paiement en réparation de son préjudice moral ;

Déboute Mme [N] [C], épouse [K], de ses demandes ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile, condamne Mme [N] [C], épouse [K], à payer à M. [I] [R] une indemnité de 6 000 euros ;

Condamne Mme [N] [C], épouse [K], aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 15/04868
Date de la décision : 16/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°15/04868 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-16;15.04868 ?
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