RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 15 Février 2017
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/06127
Décision déférée à la Cour : SUR RENVOI APRES CASSATION du 26 mai 2015 suite à l'arrêt de la cour d'appel de Paris (6-7) du 23 janvier 2014 concernant un jugement rendu le 14 Février 2012 par le conseil de prud'hommes d'EVRY - section encadrement - RG n° 10/01143
APPELANT
Monsieur [B] [A]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Christine BORDET LESUEUR, avocat au barreau de CHARTRES
INTIMEE
SAS BOLLIG ET KEMPER
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Patricia AUBRY, avocat au barreau de METZ substitué par Me José FERNANDEZ, avocat au barreau de METZ
PARTIE INTERVENANTE :
POLE EMPLOI (REMBOURSEMENT)
DE NANTERRE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 octobre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Christine LETHIEC, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par une décision du 14 février 2012, le conseil de prud'hommes d'Evry a':
- condamné la SAS BOLLIG & KEMPER à payer à M. [B] [A] les sommes de':
'4'740 € d'indemnité de licenciement
'11'850 € d'indemnité compensatrice de préavis et 1'185 € de congés payés afférents
'2'334,09 € de rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire et 234,40 € d'incidence congés payés
'1'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté M. [B] [A] de ses autres demandes
- condamné la SAS BOLLIG & KEMPER aux dépens.
M. [B] [A] a interjeté appel de ce jugement par une déclaration reçue au greffe de la cour de Versailles le 13 mars 2012.
Par un arrêt du 29 avril 2011, la cour d'appel de Paris :
- confirmé le jugement entrepris sauf en ses dispositions de condamnation au titre des indemnités de rupture, du rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire, et l'article 700 du code de procédure civile
- l'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, condamné la SAS BOLLIG & KEMPER à payer à M. [B] [A] la somme de 32'000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que celle complémentaire de 3'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné le remboursement par la SAS BOLLIG & KEMPER à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [B] [A] dans la limite de six mois
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions
- condamné la SAS BOLLIG & KEMPER aux dépens.
Sur un pourvoi formé par la SAS BOLLIG & KEMPER, la Cour de cassation, par un arrêt du 26 mai 2015, a censuré en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris, avec renvoi de la cause et des parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Aux termes d'une lettre reçue au greffe le 10 juin 2015, M. [B] [A] a saisi la cour d'appel de Paris comme cour de renvoi dans le délai de quatre mois requis à l'article 1034 du code de procédure civile.
A l'audience du 12 octobre 2016, M. [B] [A] sollicite de la cour la confirmation du jugement déféré sauf en ses dispositions sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, de condamner la SAS BOLLIG & KEMPER FRANCE à lui payer la somme à ce titre de 82'000 € sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, ainsi que celle complémentaire de 4'500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A cette même audience, la SAS BOLLIG & KEMPER FRANCE demande à la cour, infirmant la décision querellée et statuant à nouveau, de juger bien-fondé le licenciement pour faute grave de M. [B] [A] qui sera en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné à lui payer la somme de 4'500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
La SA VERNIS ET SOUDEE a initialement engagé M. [B] [A] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée sur la période du 4 décembre 2006 au 31 décembre 2007 en tant que «Responsable sécurité, environnement, travaux neufs, maintenance», catégorie cadre-coefficient 400 de la convention collective nationale des industries chimiques, moyennant une rémunération de 50 000 € bruts mensuels, et au terme duquel les parties ont poursuivi leur collaboration aux mêmes conditions en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2008.
Courant 2009, la SA VERNIS ET SOUDEE a vu son activité reprise par la SAS BOLLIG & KEMPER France, à laquelle a été transféré le contrat de travail de M. [B] [A].
Par une lettre du 7 septembre 2010, la SAS BOLLIG ET KEMPER FRANCE a convoqué l'appelant à un entretien préalable prévu le 17 septembre avec mise à pied conservatoire, et lui a notifié le 23 septembre 2010 son licenciement pour faute grave reposant sur les griefs suivants :'«Au cours de l'année 2010, vous avez commis de graves manquements à vos obligations contractuelles en faisant preuve de négligence en terme de maintenance, de management, et plus grave, de sécurité. Ainsi, Monsieur [X], Directeur des ressources humaines est alerté le 1er juillet 2010 de graves négligences afférentes à la maintenance des cuves mobiles, opérations sous votre responsabilité, et qui perdure depuis de nombreux mois malgré de multiples relances de Monsieur [M], Directeur de production. Le 5 juillet 2010 nous apprenons que vous n'avez pas fait le nécessaire relativement au contrôle technique d'un des véhicules de la société, ce qui constitue un grave manquement de la part d'un responsable de sécurité. En terme de management, il apparaît que vous ne communiquez pas à vos collaborateurs les informations relatives au comité de direction et qu'aucun de vos salariés n'a fait l'objet d'un entretien annuel d'appréciation en vue de l'audit de qualité qui a eu lieu mi-juillet. Vous êtes informé le 2 septembre 2010 par votre responsable hiérarchique de ce qu'un salarié refuse d'effectuer des prélèvements sur une passerelle en raison de l'absence d'équipements de sécurité. CE n'est que le 7 septembre 2010 que vous vous décidez à effectuer une demande de travaux auprès de votre collaborateur Monsieur [H] ' Nous vous rappelons que l'employeur est tenu à l'égard de ses salariés d'une obligation de sécurité, laquelle s'analyse en une obligation de résultat ' ».
Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, M. [B] [A] percevait une rémunération en moyenne de 3 950 € bruts mensuels.
*
La SAS BOLLIG & KEMPER FRANCE sur laquelle pèse la charge de la preuve de la faute grave, produit seulement aux débats quelques courriels adressés entre juillet et septembre 2010 par M. [M], directeur opérationnel, à M. [B] [A], courriels auxquels ce dernier a toujours répondu et qui, dans leur contenu, lui demandent certaines précisions ou corrections techniques s'agissant des équipements utilisés.
La cour observe que ces courriels ont été échangés entre les parties sur une très courte période, sachant que M. [B] [A] était en congés payés du 14 août au 6 septembre 2010, et que jusque-là il n'avait jamais été rappelé à l'ordre dans l'exercice de ses fonctions depuis son recrutement fin décembre 2006.
En eux-mêmes, contrairement à ce que prétend l'employeur, ces quelques éléments sont insuffisants pour démontrer de la part de M. [B] [A] « de graves manquements à (ses) obligations contractuelles en faisant preuve de négligence en terme de maintenance, de management, et plus grave, de sécurité ».
Les griefs invoqués dans la lettre de licenciement ne sont donc pas établis.
Le licenciement pour faute grave du salarié sera ainsi jugé injustifié.
La décision déférée sera en conséquence confirmée en ses dispositions sur les indemnités de rupture et le rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire du 7 au 23 septembre 2010, ces sommes n'étant pas contestées en leur montant.
L'infirmant pour le surplus, l'intimée sera condamnée à payer à M. [B] [A] sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, compte tenu de son âge (55 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise (3 ans et 9 mois) lors de la rupture, la somme de 32'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant l'équivalent de 8 mois de salaires, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.
L'application de l'article L.1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L.1235-4 concernant le remboursement par l'employeur fautif à Pôle emploi de la totalité des indemnités de chômage versées à M. [B] [A] dans la limite de six mois.
*
La SAS BOLLIG & KEMPER FRANCE sera condamnée en équité à payer à l'appelant la somme complémentaire de 3'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ses dispositions sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE la SAS BOLLIG & KEMPER FRANCE à payer à M. [B] [A] la somme de 32'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt';
Y ajoutant,
ORDONNE le remboursement par la SAS BOLLIG & KEMPER FRANCE à Pôle emploi de la totalité des indemnités de chômage versées à M. [B] [A] dans la limite de six mois ;
CONDAMNE la SAS BOLLIG & KEMPER FRANCE à régler à M. [B] [A] la somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la SAS BOLLIG & KEMPER FRANCE aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT