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09/02/2017 | FRANCE | N°15/10295

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 09 février 2017, 15/10295


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 09 Février 2017



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10295



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 juillet 2015 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 13/01406





APPELANT

Monsieur [X] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représenté par Me Laurence HUBERT, avocat au barreau de MEA

UX





INTIMEE

SA MORGANA

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représentée par Me Violaine CHAUSSINAND NOGARET, avocat au barreau de PARIS,P0009





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dis...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 09 Février 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10295

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 juillet 2015 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 13/01406

APPELANT

Monsieur [X] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représenté par Me Laurence HUBERT, avocat au barreau de MEAUX

INTIMEE

SA MORGANA

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représentée par Me Violaine CHAUSSINAND NOGARET, avocat au barreau de PARIS,P0009

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

Monsieur Philippe MICHEL, Conseiller

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, président, et par Madame Roseline DEVONIN, greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [X] [U] a été engagé le 02 mai 2007 par la SA MORGANA qui emploie plus de dix salariés, en qualité de Agent de machine, Niveau III échelon 1, coefficient 215 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté de 27 ans et 8 mois et occupait dans le dernier état des relations contractuelles régie par la convention collective de Métallurgie de la Région parisienne, un poste d'agent de maîtrise d'atelier 2, niveau III échelon 3 coefficient 240 pour un salaire mensuel moyen de 2.583,20 € brut.

Souffrant d'une hernie discale, M. [U] a été en arrêt maladie du 10 avril 2012 au 15 mai 2012.

Cette affection a été prise en charge par la CPAM le 2 juillet 2012 au titre de la rechute du 16 mai 2012 (ultérieurement fixée au 10 avril 2012 ) de la maladie professionnelle reconnue le 14 septembre 2005.

M. [U] qui a repris son travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique le 12 juin 2012, a été arrêté dès le 18 juin 2012 pour maladie professionnelle jusqu'au 7 juillet 2012, date à laquelle il a repris son activité dans les mêmes conditions.

A l'issue de la visite de reprise organisée à son retour de congés payés le 29 août 2012, le médecin du travail a déclaré M. [U] "apte à la reprise du travail, s'agissant d'une aptitude limitée à un poste administratif en favorisant le télétravail idéalement 4 jours par semaine, adaptation au poste télétravail à prévoir ".

Des démarches ont été engagées par la médecine du travail auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de Seine Saint Denis, afin de renseigner plus précisément la Société MORGANA sur les types de subventions dont elle pouvait bénéficier pour aider à la mise en place effective du télétravail préconisé.

M. [U] a été placé en arrêt maladie pour maladie professionnelle à compter du 31 août 2012 au 15 septembre 2012.

Courant septembre 2012, la société MORGANA a mis fin, de manière générale au mécanisme de la subrogation.

Ayant repris le travail le 17 septembre 2012, M. [U] a été à nouveau arrêté le 1er octobre 2012. Il a fait parvenir à son employeur un arrêt de travail initial pour maladie de droit commun du 1er octobre au 14 octobre 2012.

Du 15 octobre 2012 au 15 novembre 2012, M. [U] a été placé en arrêt pour " rechute" de maladie professionnelle que la CPAM a imputée à la maladie professionnelle du 14 septembre 2005 par courrier en date du 23 novembre 2012.

M. [U] a fait l'objet le 19 octobre 2012 d'une convocation à un entretien préalable à licenciement, qui s'est tenu le 31 octobre 2012 avant d'être licencié par lettre du 7 novembre 2012 pour absence prolongée obligeant à envisager le recrutement futur d'un salarié pour tenir son poste.

Le 08 avril 2013, M. [U] a saisi le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY aux fins de faire juger que le licenciement intervenu le 7 novembre 2012 était nul et a présenté les chefs de demandes suivants à l'encontre de la société MORGANA :

- Dommages et intérêts pour licenciement nul (sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire) : 69.901 € ;

- Complément de l'indemnité de préavis: 2.355,64 € ;

- Congés payés afférents : 235,56 € ;

- Dommages et intérêts pour préjudice moral : 10.000 € ;

- Rappel d'heures supplémentaires : 10.401,89 € ;

- Congés payés afférents : 1.040,18 € ;

- Remise du certificat de travail sous astreinte,

- Exécution provisoire,

- Article 700 du Code de procédure civile,

- Dépens.

La Cour est saisie d'un appel formé par M. [U] contre le jugement du Conseil de prud'hommes de BOBIGNY en date du 30 juillet 2015 qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Vu les écritures du 28 octobre 2016 au soutien des observations orales par lesquelles M. [U] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de dire que son licenciement est nul, et de :

' Condamner la société MORGANA à lui payer :

- 80.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette nullité (à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) ;

- 2.355,64 € à titre de complément d'indemnité de préavis ;

- 235.56 € au titre des congés payés afférents ;

- 10.401,89 € au titre des heures supplémentaires effectuées de 2008 à 2012 ;

- 1.040,18 € au titre des congés payés y afférents ;

' Assortir les condamnations à intervenir des intérêts au taux légal,

' Condamner la société MORGANA à lui payer : 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu' aux entiers dépens ;

Vu les écritures du 28 octobre 2016 au soutien de ses observations orales au terme desquelles la société MORGANA demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [X] [U] de l'intégralité de ses demandes, de le débouter et de le condamner aux dépens éventuels.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les heures supplémentaires :

Pour infirmation et au soutien de ses prétentions, M. [U] produit aux débats les fiches de pointage de 2008 à 2012 ainsi que les calculs d'heures supplémentaires afférents et fait valoir que sa surcharge de travail est attestée par M. [M] qui confirme qu'elle était énorme et irréalisable par une seule personne en 39 heures hebdomadaires.

M. [U] réfute l'argument de son employeur concernant ses occupations personnelles pendant ses heures de présence au sein de la société, arguant de ce qu'il a systématiquement déduit l'heure de pause méridienne quotidienne au cours de laquelle, il vaquait effectivement à ses occupations personnelles.

L'employeur rétorque que la charge de travail de M. [U] n'a jamais justifié que soient effectuées toutes les heures supplémentaires dont il réclame le paiement, qu'il semble confondre ses heures de présence avec du travail effectif, alors que s'il pouvait arriver plus tôt le matin et repartir parfois plus tard le soir, c'était pour vaquer à ses occupations personnelles, à l'instar d'autres salariés, profitant du matériel informatique de la Société pour consulter sa messagerie personnelle ou effectuer des téléchargements.

Selon l'article L. 3121-10 du Code du Travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaines civile ; l'article L. 3121-22 énonce que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 % ;

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut être inférieur à 10%;

Aux termes de l'article L.3171-4 du Code du Travail , en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire ;

La règle selon laquelle nul ne peut se forger de preuve à soi même n'est pas applicable à l'étaiement (et non à la preuve) d'une demande au titre des heures supplémentaires et que le décompte précis d'un salarié, qui permet à l'employeur de répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, est de nature à étayer la demande de ce dernier ;

En l'espèce, M. [U] produit aux débats les fiches de pointage de 2008 à 2012 ainsi que les décomptes correspondant, mettant en évidence des dépassements horaires hebdomadaires situés entre 1,6 h et plus de 14 h, fréquemment supérieurs à 10 h, de sorte que l'employeur qui ne pouvait pas ignorer ces dépassements, les a implicitement autorisés.

En conséquence, l'employeur auquel il appartient en présence de tels décomptes d'apporter la preuve contraire et qui ne remet pas en cause l'amplitude horaire de présence du salarié dans l'entreprise, ne peut se borner à prétendre qu'il consacrait ce temps à vaquer à ses occupations personnelles, en produisant l'attestation dactylographiée de M. [A], ne faisant pas état de sa vocation à être produite en justice, faisant état de la latitude dont disposait l'intéressé pour disposer de son temps dans l'entreprise, la situation de ce salarié étant à cet égard indifférente, ou en faisant état de l'ouverture de son compte de messagerie orange sur l'ordinateur de la société, alors que M. [U] qui ne le conteste pas, a déduit quotidiennement une heure à ce titre.

Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle il disposait d'une grande latitude pour réaliser son travail, n'est pas incompatible avec la réalisation d'heures supplémentaires, de sorte qu'il y a lieu de considérer que les décomptes des heures supplémentaires produits aux débats correspondent à des heures de travail effectives et de faire droit aux demandes formulées à ce titre par M. [U], en condamnant la société MORGANA à lui verser la somme de 10.401,89 € outre 1.040,18 € au titre des congés payés afférents.

Sur la nullité du licenciement :

Pour infirmation de la décision entreprise et nullité du licenciement intervenu, M. [U] fait essentiellement plaider qu'il bénéficiait de la protection des dispositions relatives aux accidents du travail et des maladies professionnelles, dont la société MORGANA pouvait d'autant moins s'affranchir qu'il en était le salarié quand il a été arrêté pour cette même affection diagnostiquée en 2001.

La société MORGANA conteste à l'intéressé le bénéfice des dispositions invoquées dès lors que l'accident de travail dont il a rechuté est intervenu chez un autre employeur et souligne le caractère contradictoire de l'argumentation du salarié sur l'imputabilité de sa pathologie aux conditions de travail antérieures à 2001 ou postérieures à 2007.

Selon l'article L.1226-7 du code du travail, le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident du trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.

Aux termes de l'article L.1226-9 du même code, au cours de la période de suspension, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail à durée indéterminée que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident.

L'article L.1226-13 du même code prévoit que toute résiliation du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions précédentes est nulle.

La rupture d'un contrat de travail intervient à la date à laquelle l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée notifiant la rupture.

La nullité du licenciement prononcé pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail emporte pour le salarié un droit à réintégration.

Si la rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de l'article L.1226-9 du code du travail est nulle, il n'en résulte pas pour le salarié l'obligation d'accepter la réintégration proposée par l'employeur, ni même de la demander.

Le salarié dont le licenciement est nul, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, en plus des indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire, quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise.

La lettre de licenciement du 7 novembre 2012 qui fixe les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi motivée :

Vous êtes absent de l'entreprise depuis le 10 avril 2012 au titre de plusieurs arrêts maladie successifs. Une tentative de reprise à mi-temps thérapeutique a malheureusement échoué durant l'été 2012 ce qui a donné suite à de nouveaux arrêts maladie successifs qui perdurent encore aujourd'hui. Fort de ce constat et de la difficulté de l 'entreprise à poursuivre l'activité en votre absence, nous vous avons convoqué à un entretien préalable qui s 'est déroulé le 31 octobre 2012 à 7h30 avec Monsieur [O] [L], Directeur Général MORGANA SAS.

Comme suite à cet entretien et compte-tenu du poste que vous occupez dans l'entreprise, j'ai le regret de vous notifier votre licenciement pour absences prolongées et répétées qui impactent et désorganisent la bonne marche de l'entreprise et entraînent la nécessité de vous remplacer définitivement par un salarié en contrat à durée indéterminée.

Nous vous rappelons ce qui vous a été exposé lors de l 'entretien préalable et qui motive votre licenciement :

Votre fonction dans l'entreprise consiste à transformer en programme de fabrication les commandes reçues par MORGANA SAS, ce qui requiert des compétences particulières à votre poste (connaissance et expérience de la programmation de l'outil de production, maîtrise des étapes de conception mécanique de notre gamme de produit spécifique), compétences qui ne se retrouvent pas aujourd'hui au sein de notre entreprise et sont par ailleurs difficiles à trouver sur le marché du travail.

Depuis avril 2012, période de votre début d'arrêt, le service lancement en fabrication est fortement perturbé: - Nous nous appuyons actuellement sur un ingénieur en alternance pour lancer en fabrication les équipements ventilés. Sans expérience aucune et sans base documentaire constituée avant vos absences, il est obligé de reconcevoir les appareils de A à Z. Qui plus est, le travail est mis de côté en attendant son retour, durant ses périodes en école (2 semaines tous les 15 jours).

- Nous vous appuyons actuellement sur un technicien supérieur récemment embauché pour lancer en fabrication les batteries sur mesure. Cette personne, entrée en novembre 2011, s'est retrouvée propulsée au lancement en fabrication de cette gamme de produit, ce qui va détournée des missions à remplir dans le cadre de son embauche et a engendré pour lui une charge de travail supplémentaire. Pour pallier à son inexpérience dans la partie lancement en fabrication, nous avons été obligés de lui financer plusieurs formations accélérées sur le logiciel de conception Topsolid, ce qui représente un coût important pour notre PME.

Par ailleurs, notre Président, [H] [M] [O] est obligé de s'impliquer dans la validation technique de tous les dossiers avant lancement afin de « nettoyer » au maximum les ordres de fabrication et les rendre plus facilement exécutable par les personnes préalablement citées. Cela lui prend beaucoup de temps et le détourne de son activité principale de développement de l'entreprise. Il a été obligé de stopper ses déplacements commerciaux pour gérer au jour le jour le département méthodes. Il en résulte une baisse actuelle des commandes de l'ordre de 5% par rapport à l'année dernière alors que, depuis le rachat de l'entreprise en 2007, l'action commerciale qu'il avait entreprise se traduisait par un accroissement constant de la prise de commande.

Du fait de votre absence, la désorganisation évoquée ci-dessus a notamment comme conséquence :

- le délai de fabrication est passé de 4/5 semaines à 6-8 semaines sans surcroît de travail depuis mai 2012

- les nombreuses erreurs de production liées à la méconnaissance des intervenants qui vous remplacent coûtent cher à l'entreprise et obligent à re-fabriquer des appareils en urgence.

- un climat d'urgence permanent s'est installé dans l'atelier lié au fait que toutes les affaires qui arrivent en production sont en retard.

- une pression des clients s'exerce sur le service commercial à cause du non-respect des délais de fabrication.

- une perte de commandes, en ces temps difficiles, est constatée, soit par manque de compétitivité, soit parce que la Direction ne peut pas s'engager sur des délais acceptables pour notre profession (4 semaines).

Votre absence prolongée nous oblige aujourd'hui à envisager le recrutement futur d'un salarié aguerri pour tenir le poste au lancement en production.

La date de rupture juridique de votre contrat de travail interviendra au jour de la première présentation de cette notification. Conformément à l'article 31 de l'avenant Mensuel applicable aux non cadres de la Métallurgie en Région Parisienne, il vous sera versé, outre votre indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis égale à 2 mois de salaire. »

En l'espèce, non seulement il résulte du dossier médical de M. [U] produit aux débats (pièce 40) que l'intéressé encore salarié de la société MORGANA a fait l'objet d'un arrêt de travail du 19 décembre 2000 au 02 mai 2001 en raison d'une hernie discale récidivante, sur rechute de sciatique à gauche consécutive à une rechute en juillet 2000 postérieure à un lumbago, à l'origine d'un arrêt de travail de dix jours au début de l'année 2000, mais il est établi que la rechute du 10 avril 2012 de l'accident du travail du 14 septembre 2005, est intervenue alors que M. [U] était salarié de la société MORGANA, de sorte que contrairement à ce que soutient cette dernière, la protection des dispositions relatives aux accidents du travail et à la maladie professionnelle, est applicable à l'intéressé et qu'en application des dispositions de l'article L.1226-9 du code du travail, l'employeur ne pouvait rompre le contrat de travail à durée indéterminée au cours de la période de suspension que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident..

A cet égard, l'employeur ne démontre pas l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de M. [U], dès lors qu'il est établi que ses tâches étaient réparties pendant son absence ainsi que cela résulte de la lettre de licenciement et qu'il n'a pas été remplacé à son poste par un salarié extérieur à l'entreprise ou au groupe auquel elle appartient dans un temps voisin de son licenciement.

M. [T] n'a été embauché qu'en septembre 2013, de surcroît en qualité d'ingénieur Pôle Industriel, statut Cadre et non pas au poste d'agent de maîtrise de M. [U], alors qu'il travaillait déjà en contrat d'apprentissage au sein de la société MORGANA, M. [F] ou M [J] ont été recrutés par des sociétés du groupe, pour le premier par la société France ENERGY ENGINEERING le 17 septembre 2012, par la société E3-Europe Energie Engineering dès le 5 décembre 2011 pour le second, et M. [P] par la société MORGANA dès le 26 octobre 2011, en l'occurrence antérieurement au licenciement de M. [U].

En outre, la désorganisation alléguée de l'entreprise au motif des absences du salarié n'apparaît pas établie ou imputable à la seule absence de M. [U], l'employeur indiquant dans un mail du 1er juin 2012 que le retard de production n'était que d'une semaine, contrairement au retard évoqué dans la lettre de licenciement.

Au surplus, il résulte des débats et des pièces produites qu'au seul motif du coût qu'aurait représenté pour l'entreprise, le coût de la prise en charge des trajets médicalisé du salarié deux jours par semaine, pourtant initialement subventionné à hauteur de 4.000 €, l'employeur a refusé l'adaptation de l'emploi de M. [U] tel que défini dans le cadre de l' offre de service pour le maintien de l'emploi, conforme à l'avis du médecin du travail selon lequel le salarié était "apte à la reprise du travail, s'agissant d'une aptitude limitée à un poste administratif en favorisant le télétravail, idéalement 4 jours par semaine, adaptation au poste télétravail à prévoir ".

Il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision entreprise et de déclarer nul le licenciement de M. [U] .

Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de la perte d'une ancienneté de 33 ans et trois mois pour un salarié âgé de 57 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, en particulier de la difficulté avérée de l'intéressé à retrouver un emploi à cet âge, a fortiori en situation de handicap, encore sans emploi ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, et des conditions particulières ci-dessus rappelées, dans lesquelles est intervenu son licenciement, il lui sera alloué, en application de l'article L 1226-13 du Code du travail une somme de 75.000 € à titre de dommages-intérêts ;

Le salarié dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue (décision initiale du 15 janvier 2007 et renouvelée le 23 février 2012), est fondé en application des dispositions de l'article L.4213-9 du Code du Travail, prétendre au complément d'indemnité de préavis et de congés afférents tel qu'il est dit au dispositif.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DÉCLARE nul le licenciement de M. [X] [U],

CONDAMNE la SAS MORGANA à payer à M. [X] [U] :

- 75.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- 2.355,64 € à titre de complément d'indemnité de préavis ;

- 235.56 € au titre des congés payés afférents ;

- 10.401,89 € au titre des heures supplémentaires effectuées de 2008 à 2012 ;

- 1.040,18 € au titre des congés payés y afférents ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la SAS MORGANA à payer à M. [X] [U] 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la SAS MORGANA aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

R. DEVONINP. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 15/10295
Date de la décision : 09/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°15/10295 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-09;15.10295 ?
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