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08/02/2017 | FRANCE | N°15/07459

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 08 février 2017, 15/07459


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 08 Février 2017

(n° , pages)



Rédacteur de l'arrêt : Madame Séverine TECHER, vice-présidente placée



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07459



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Juin 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° F12/01610







APPELANTE

Madame [B] [O]

[Ad

resse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 2]

représentée par Me Bijar ACAR, avocat au barreau de PARIS, toque : L0161







INTIMEE

SA CS SYSTEMES D'INFORMATION

[Adres...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 08 Février 2017

(n° , pages)

Rédacteur de l'arrêt : Madame Séverine TECHER, vice-présidente placée

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07459

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Juin 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° F12/01610

APPELANTE

Madame [B] [O]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 2]

représentée par Me Bijar ACAR, avocat au barreau de PARIS, toque : L0161

INTIMEE

SA CS SYSTEMES D'INFORMATION

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 393 135 298

représentée par Me Jean-michel CHEULA, avocat au barreau de PARIS, toque : D0699 substitué par Me Olga OBERSON, avocat au barreau de PARIS, toque : B0348

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Madame Séverine TECHER, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Mme [B] [O] a été engagée par la société CISI Télématique, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 9 juin 1987, en qualité de cadre administratif.

Elle a été promue chef comptable à compter du 1er juillet 1992, puis, après transfert, en 1999, de son contrat de travail à la société CS Systèmes d'Informations, consolideur à compter de novembre 2001.

Par lettre du 22 juillet 2011, Mme [O] a été licenciée pour motif économique.

Se plaignant de faits de discrimination et contestant le bien fondé de son licenciement, Mme [O] a saisi, le 13 février 2012, le conseil de prud'hommes de Paris. Par jugement rendu le 11 juin 2015, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le juge départiteur a condamné la société CS Systèmes d'Informations à lui payer les sommes suivantes :

- 63 000 euros à titre de rappel de salaires par suite d'une violation du principe 'à travail égal, salaire égal' et 6 300 euros au titre des congés payés y afférents,

- 3 500 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 996 euros à titre de complément de salaire pour le congé de reclassement du 1er novembre 2011 au 30 avril 2012,

- 8 788 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

- 2 358 euros à titre de complément d'indemnité complémentaire de licenciement,

- et 63 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Le juge départiteur a, en outre, ordonné :

- la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle emploi conformes au jugement,

- le remboursement par la société CS Systèmes d'Informations des indemnités de chômage versées à Mme [O] dans la limite de six mois d'indemnité,

- et l'exécution provisoire.

Il a débouté Mme [O] du surplus de ses demandes et la société CS Systèmes d'Informations de sa demande d'indemnité, puis condamné cette dernière aux dépens.

Le 21 juillet 2015, Mme [O] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions déposées le 3 janvier 2017, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme [O] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'infirmation pour le surplus. Elle demande la condamnation de la société CS Systèmes d'Informations à lui payer les sommes suivantes :

- 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement pour non respect des critères d'ordre des licenciements,

- au titre d'une discrimination liée au sexe :

* 63 000 euros à titre de rappel de salaires et 6 300 euros au titre des congés payés y afférents,

* 3 500 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

* 8 788 euros à titre de complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 3 996 euros à titre de complément pour le congé de reclassement du 1er novembre 2011 au 30 avril 2012,

* 2 358 euros à titre de complément d'indemnité complémentaire de licenciement,

* 38 088 euros en réparation du préjudice financier résultant de la discrimination,

* 20 000 euros en réparation du préjudice financier résultant de la discrimination,

- subsidiairement, au titre d'une inégalité de traitement :

* 63 000 euros à titre de rappel de salaires et 6 300 euros au titre des congés payés y afférents,

* 3 500 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

* 8 788 euros à titre de complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 3 996 euros à titre de complément pour le congé de reclassement du 1er novembre 2011 au 30 avril 2012,

* 2 358 euros à titre de complément d'indemnité complémentaire de licenciement,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat, subsidiairement pour non-exécution de bonne foi du contrat de travail,

- 999, 25 euros en remboursement de cotisations de mutuelle et de prévoyance et 69,43 euros en remboursement de l'avantage imposable y afférent,

- et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réclame, en outre, la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document à l'expiration du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt.

Par conclusions déposées le 3 janvier 2017, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société CS Systèmes d'Informations conclut à l'infirmation du jugement s'agissant des condamnations dont elle a fait l'objet, subsidiairement à la limitation du quantum alloué au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive à la somme de 26 337,66 euros. Elle sollicite reconventionnellement une indemnité de procédure d'un montant de 4 000 euros.

MOTIFS

Sur une inégalité de traitement

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, en raison de son sexe ou encore de son âge.

L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Par ailleurs, il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal' que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L. 3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, ainsi que de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

S'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Mme [O] considère avoir été victime d'une discrimination liée à son sexe et à son âge. Elle prétend que son niveau de rémunération était inférieur :

- à celui de son prédécesseur, Mme [X] [L],

- à celui du responsable comptable du groupe, alors qu'il avait la même position et le même coefficient qu'elle, M. [K] [V],

- à celui d'un consolideur sur le marché,

- à celui des hommes travaillant dans la même section qu'elle, MM. [C] [U], [A] [Z] et [K] [Q],

- et à celui de salariés, hommes comme femmes, qui avaient, au sein de l'entreprise, la même position et le même coefficient qu'elle, le salaire moyen des femmes ayant été globalement, sur la période, inférieur à celui des hommes de l'entreprise.

La société CS Systèmes d'Informations estime qu'aucune discrimination n'est établie. Elle soutient qu'elle a appliqué à Mme [O] la politique de progression salariale appliquée à tous les salariés de l'entreprise et que l'intéressée n'occupait pas toutes les fonctions attribuées à un consolideur ni même à un cadre de sa classification. Elle ajoute que Mme [O] opère des comparaisons qui ne sont pas pertinentes puisqu'elle n'avait pas les mêmes attributions, qualifications, formations, expériences et responsabilités que les salariés objets de son panel.

Mme [O] n'a fourni aucune explication ni aucune pièce au soutien de la discrimination alléguée en raison de son âge. Ce moyen est donc écarté purement et simplement.

S'agissant des faits de discrimination invoqués en raison de son sexe, Mme [O] opère des comparaisons :

- avec un consolideur sur le marché, par référence à un article de presse évoquant des fourchettes de rémunération au regard du seul paramètre de l'ancienneté,

- et avec les salariés de l'entreprise ayant la même classification qu'elle, sans aucune précision sur les fonctions occupées, les qualifications détenues et les expériences professionnelles acquises.

Ces éléments, par leur généralité, ne laissent nullement présumer l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe dès lors qu'ils n'établissent pas que Mme [O] aurait été traitée de manière moins favorable que des salariés masculins se trouvant dans une situation comparable à la sienne. Ils ne peuvent davantage être utilement retenus pour constituer une violation du principe 'à travail égal, salaire égal' faute de caractériser, également du fait de leur généralité, le travail égal ou de même valeur exigé par l'article L. 3221-4 du code du travail.

Mme [O], qui a occupé, à compter de 2001, le poste de consolideur, effectue des comparaisons plus précises avec cinq salariés de l'entreprise.

Elle produit des pièces relatives à son évolution salariale, notamment entre le 1er janvier 2001 et le 1er décembre 2010, faisant apparaître une fourchette de salaires mensuels bruts comprise entre 3 335 euros et 3 650 euros.

Elle communique, en outre, des pièces relatives à l'évolution salariale de :

- Mme [X] [L], entre le 1er janvier 2000 et le 1er janvier 2002, suivant une classification distincte de la sienne, cette dernière ayant exercé les fonctions de consolideur avant Mme [O], faisant apparaître une fourchette de salaires mensuels bruts comprise entre 25 625 francs (3 906,51 euros) et 4 009,41 euros,

- M. [K] [V], entre le 1er janvier 2004 et le 1er juillet 2008, suivant une classification identique à la sienne, ce dernier occupant le poste de 'chargé de la comptabilité', faisant apparaître une fourchette de salaires mensuels bruts comprise entre 4 611 euros et 4 774 euros,

- M. [C] [U], entre le 1er janvier 2004 et le 1er juillet 2009, suivant une classification distincte de la sienne, ce dernier occupant le poste de 'trésorier du groupe', faisant apparaître une fourchette de salaires mensuels bruts comprise entre 3 244 euros et 3 809 euros,

- M. [A] [Z], entre août 2001 et le 1er juillet 2008, suivant une classification distincte de la sienne, ce dernier occupant le poste de 'contrôleur de gestion dans filiale', faisant apparaître une fourchette de salaires mensuels bruts comprise entre 3 232 euros et 3 740 euros,

- et M. [K] [Q], entre le 1er janvier 1999 et le 1er juillet 2009, suivant une classification distincte de la sienne, ce dernier occupant le poste de 'contrôleur financier dans filiale', faisant apparaître une fourchette de salaires mensuels bruts comprise entre 3 548 euros et 4 790 euros.

Le cas de Mme [L] excepté, puisqu'elle est une femme, ces éléments laissent présumer l'existence d'une discrimination en raison du sexe.

À l'aune de l'étude de rémunérations de [D] [W], citée par les deux parties, la société CS Systèmes d'Informations démontre que les fonctions occupées par MM. [U], [Z] et [Q] recouvrent des attributions et des qualifications distinctes de celle occupée par Mme [O].

En effet :

- un consolideur est issu d'une formation généraliste type école de commerce, complétée par un diplôme en comptabilité ou en expertise-comptable, il bénéficie d'une expérience en audit externe et/ou en cabinet d'expertise-comptable et/ou dans le conseil comme assistant à la consolidation, il collecte les données fiscales et financières au sein du groupe, il requiert la maîtrise de techniques comptables complexes et de normes, de fortes capacités de visualisation et d'analyse, et la maîtrise d'outils informatiques, il est en interface avec le contrôleur de gestion et le contrôleur financier, ces deux métiers constituant une évolution naturelle pour lui (fourchette de salaire fixe annuel brut entre 35 000 et 70 000 euros),

- un trésorier est issu d'une formation universitaire ou d'une école de commerce, complétée par un diplôme en trésorerie ou en finance internationale, il gère les flux, les risques, le 'reporting' et les relations avec les institutions financières et bancaires, il peut avoir des fonctions de management fonctionnel ou hiérarchique (fourchette de salaire fixe et variable brut annuel entre 55 000 et 120 000 euros),

- un contrôleur de gestion est diplômé d'une école de commerce ou d'un master en finance, il doit maîtriser l'anglais, il collecte l'information dans son domaine, valide sa fiabilité, l'analyse et la synthétise pour les équipes de management (fourchette de salaire fixe brut annuel entre 40 000 et 70 000 euros),

- un contrôleur financier est issu d'une formation généraliste type école de commerce, complétée par un diplôme en comptabilité, il justifie d'une expérience en cabinet d'audit, complétée par une expérience en contrôle de gestion, en audit interne ou en consolidation, il couvre le contrôle de gestion, le contrôle interne, parfois la consolidation de gestion, il supervise la production des contrôles sociaux en veillant au respect des règles comptables et fiscales y afférentes, il anime la remontée d'informations et il coordonne des projets transverses (fourchette de salaire fixe brut annuel entre 50 000 et 90 000 euros).

MM. [U], [Z] et [Q] n'étant pas dans une situation comparable à celle de Mme [O], la discrimination invoquée est écartée en ce qui les concerne. Les travaux accomplis par ces trois salariés exigeant, en outre, des connaissances et/ou des expériences professionnelles distinctes de celles exigées pour un consolideur, la situation de MM. [U], [Z] et [Q] n'est pas davantage retenue comme susceptible de caractériser une inégalité de rémunération avec Mme [O] faute de constituer des travaux égaux ou de valeur égale au sens de l'article L. 3221-4 du code du travail.

M. [V] a exercé la fonction de chargé de la comptabilité, dont l'une des appellations courantes est consolideur selon la fiche de poste. Mme [O] le décrit, dans ses écritures, comme le 'responsable comptable de CS'.

Dans l'étude de rémunérations de [D] [W], le responsable comptable est diplômé en comptabilité (un seul BTS suffit), il doit avoir des qualités managériales et un bon niveau d'anglais, puis maîtriser des référentiels internationaux, il doit savoir s'organiser, être opérationnel et prendre du recul, il est en charge de la qualité et de la fiabilité des informations comptables et fiscales de l'entreprise et, dans ce cadre, il produit les états financiers de la société, il s'assure du respect des obligations légales et réglementaires, il supervise une équipe en charge des comptabilités, il veille à l'établissement des déclarations fiscales et sociales, puis contrôle le recouvrement des créances clients (fourchette de salaire fixe brut annuel entre 45 000 et 150 000 euros).

Dans le cadre d'une comparaison entre ces deux salariés, la société CS Systèmes d'Informations produit des pièces relatives à leur situation professionnelle, qui font apparaître :

- pour Mme [O], qu'elle est titulaire du diplôme d'études comptables supérieures, qu'elle a travaillé en qualité de comptable, puis chef de groupe, avant d'être engagée le 9 juin 1987 par la société CISI Télématique, en qualité de cadre administratif 2A au sein du service comptabilité, qu'elle a été promue chef comptable à compter du 1er juillet 1992 et qu'elle est devenue cadre administratif position 3.1 suivant la convention collective SYNTEC à compter du 1er novembre 1998,

- et pour M. [V], qu'il est titulaire d'un diplôme de l'Institut du droit des affaires, d'un diplôme d'études approfondies en performances économiques et financières des organisations, d'un diplôme d'études comptables supérieures et d'un diplôme d'expertise-comptable, qu'il a travaillé en qualité d'auditeur interne au sein de l'agence Havas, de responsable du service inspection et audit dans une autre société, de chargé de missions auprès de l'inspecteur général de la Caisse centrale des banques populaires, puis de directeur administratif et financier au sein d'une autre entreprise, avant d'être embauché le 3 septembre 1990 par la société Compagnie de signaux et d'équipements électroniques, en qualité de cadre position III A, que son contrat de travail a été transféré à la société CS Systèmes d'Informations à compter du 1er janvier 2004 au service de la comptabilité, classification 3.1, un passage de la convention collective de la métallurgie à la convention collective SYNTEC s'étant opéré à cette occasion, et qu'il travaillait selon une convention de forfait annuel en jours en raison de ses responsabilités et de la nature spécifique de ses fonctions.

Au regard de ces éléments, les attributions et expériences professionnelles de M. [V], notamment en ce qui concerne le management, sont supérieures à celles de Mme [O], qui était seul consolideur au sein de la société CS Systèmes d'Informations et n'avait donc aucun salarié sous sa responsabilité.

Dans ces conditions, la société CS Systèmes d'Informations rapporte la preuve que la différence de traitement était justifiée par des données objectives, étrangères à toute discrimination en raison du sexe.

Compte tenu de l'ensemble des développements qui précèdent, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté les demandes relatives à une discrimination.

S'agissant de la violation du principe 'à travail égal, salaire égal', la société CS Systèmes d'Informations communique, outre les pièces susvisées, et au-delà des constatations d'ores et déjà effectuées, des éléments sur la situation de Mme [L], qui a exercé la fonction de consolideur, faisant apparaître qu'elle était salariée d'une autre entreprise, la société Quadral entre le 1er octobre 1993 et le 3 janvier 2000, au sein de laquelle elle était responsable administrative et comptable, puis la société CS Communication & Systèmes à compter de cette date, qu'elle avait la qualité d'expert-comptable et qu'elle avait une classification de cadre position II.

Mme [L] ayant travaillé dans une autre entreprise, qui appliquait une convention collective distincte de celle appliquée au contrat de travail de Mme [O], aucune atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' ne peut être retenue en ce qui la concerne dès lors qu'elles ne se trouvaient pas dans une situation identique.

Par ailleurs, les attributions et expériences professionnelles de M. [V] étant distinctes de celles de Mme [O] comme cela ressort des constatations qui précèdent, ces deux salariés ne se trouvaient pas davantage dans une situation identique. En conséquence, aucune rupture d'égalité de rémunération n'est établie entre eux.

Il est justifié, dès lors, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu une différence de traitement et condamné la société CS Systèmes d'Informations à payer des rappels de salaires et indemnités en application du principe 'à travail égal, salaire égal'.

Sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat, subsidiairement la non-exécution de bonne foi du contrat de travail

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Mme [O] invoque une dégradation de ses conditions de travail ayant eu impact sur son état de santé.

La société CS Systèmes d'Informations considère n'avoir commis aucun manquement à ses obligations tant de sécurité de résultat que d'exécution loyale du contrat de travail. Elle soutient que les faits allégués par Mme [O] ne sont pas établis et relèvent, pour certains, de simples divergences de point de vue.

Mme [O], sur qui pèse la charge de la preuve en application de l'article 1315 du code civil, verse aux débats :

- un courriel qu'elle a adressé le 7 septembre 2007 au directeur financier et une lettre qu'elle a rédigée le 21 août 2009, dont le destinataire n'est pas précisé, dans lesquels elle évoque une charge de travail soutenue et des relations difficiles avec le directeur financier,

- divers courriels et lettres compris entre le 26 novembre 2010 et le 17 janvier 2011, puis entre le 11 et le 25 avril 2011, complétés par des pièces relatives au fonctionnement de la consolidation des comptes en 2004 et en 2006, faisant apparaître des désaccords sur le travail entre l'intéressée et, d'une part, la responsable de la comptabilité, d'autre part, le directeur financier,

- trois supports d'entretien annuel d'évaluation pour les années 2004 à 2006, faisant ressortir ses doléances sur ses conditions de travail, liées principalement à des difficultés d'interface avec d'autres services,

- un billet émis par le médecin du travail le 3 décembre 2010 destiné à un autre médecin, faisant état de ce que Mme [O] se trouvait dans un état de détresse à cause de son travail et qu'elle était incapable d'effectuer les tâches de comptabilité, une attestation établie le 25 juillet 2011 par le même médecin, explicitant que Mme [O] présentait, le 3 décembre 2010, un état de souffrance psychique puisqu'elle était en pleurs, en raison de son travail selon ses dires, qu'elle était épuisée et dans l'impossibilité de se concentrer, et qu'elle avait ainsi été orientée vers son médecin traitant qui avait prescrit un traitement par psychotropes, lequel a confirmé dans un certificat établi le 20 avril 2011 avoir effectué cette prescription pour un état anxio-dépressif depuis le 3 janvier 2011.

Le médecin du travail n'a toutefois émis aucun avis d'aptitude avec restrictions et n'a formulé aucune préconisation qui n'aurait pas été respectée par l'employeur, lequel n'était pas informé de l'état de santé de Mme [O].

L'ensemble de ces pièces n'établit pas un risque auquel Mme [O] aurait été exposée ni, a fortiori, un manquement de l'employeur aux obligations légales lui incombant. Elles révèlent tout au plus des désaccords entre Mme [O] et d'autres salariés, qui étaient isolés. Elles n'établissent, en revanche, ni que ces derniers auraient adopté un comportement inadéquat à son égard, ni qu'elle aurait eu une charge de travail déraisonnable, ni que ses problèmes de santé auraient été la conséquence directe des difficultés alléguées.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts au titre d'un manquement de la société CS Systèmes d'Informations à son obligation de sécurité de résultat, le moyen subsidiaire invoqué par Mme [O] sur le fondement d'une exécution déloyale du contrat de travail n'étant pas, en appel, davantage accueilli.

Sur la rupture des relations contractuelles

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent correspondant l'un et l'autre à la capacité et à l'expérience du salarié, ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de celui-ci, sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages et intérêts.

Mme [O] conteste le licenciement dont elle a fait l'objet et soutient, notamment, que la société CS Systèmes d'Informations a manqué à son obligation de reclassement en ne procédant pas loyalement aux recherches qui lui incombaient. Elle souligne que l'intimée, d'une part, lui a communiqué une liste de postes vacants en interne non actualisée, d'autre part, a sollicité des filiales sans faire mention de son poste. Elle ajoute qu'il n'est justifié ni des annexes annoncées dans les lettres adressées aux filiales, contenant prétendument les fiches de postes, ni de la réponse des dites filiales.

La société CS Systèmes d'Informations fait valoir qu'elle a procédé à des recherches sérieuses de reclassement, en établissant une liste de postes disponibles en interne et en sollicitant ses filiales sur le niveau de poste de Mme [O] ou de niveau inférieur, dans sa catégorie professionnelle, mais qu'en l'absence de poste correspondant aux compétences de l'intéressée, elle n'a pas été en mesure de présenter une offre précise et personnalisée.

Il ressort des pièces produites que :

- la société CS Systèmes d'Informations a notifié à Mme [O], le 4 juillet 2011, la suppression à venir de son poste et lui a adressé, à cette occasion, une liste de postes vacants en interne établie le 4 avril 2011,

- six sociétés appartenant au groupe CS ont été sollicitées par lettres du 1er mars 2011, pour divers postes dont, notamment, ceux de 'chargé de comptabilité' et de 'responsable d'unité fonctionnelle en comptabilité', à rapprocher, selon l'employeur, de la fonction de consolideur occupée par Mme [O].

La cour constate, en premier lieu, que la liste de postes vacants était déjà ancienne de trois mois lors de sa communication alors que des actualisations quotidiennes étaient annoncées dans la lettre du 4 juillet 2011, puis, en second lieu, que les fiches de postes produites par l'employeur, à supposer qu'elles constituaient les annexes visées dans les lettres adressées aux sociétés du groupe, contenaient les caractéristiques des emplois susvisés mais n'apportaient aucune précision sur les capacités et expériences de Mme [O].

Il en résulte que la société CS Systèmes d'Informations n'a pas fourni à Mme [O] des éléments récents sur les postes disponibles en son sein et qu'elle n'a pas communiqué aux filiales des données propres à l'intéressée afin que soient ciblés au plus près les postes disponibles dans le groupe.

Dans ces conditions, la recherche des possibilités de reclassement ainsi opérée n'a pas été effectuée avec le sérieux qui pouvait en être attendu.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a requalifié la rupture des relations contractuelles en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu, notamment, de l'effectif de l'entreprise, au moins onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [O], 3 650,00 euros bruts par mois en salaire fixe, de son âge, 58 ans, de son ancienneté, 24 ans, de sa capacité à trouver un nouvel emploi, eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, le premier juge a fait, en allouant la somme de 63 000 euros, une exacte appréciation du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sa décision est donc confirmée sur ce point.

Sur les remboursements liés à la mutuelle et à la prévoyance

Mme [O] soutient qu'étant sortie des effectifs de l'entreprise, la société CS Systèmes d'Informations ne pouvait pas, pour les paiements effectués en exécution du jugement, lui imputer des cotisations de mutuelle et de prévoyance, distinctes des cotisations de retraite AGIRC ARRCO, et que cette situation a indûment alourdi sa base fiscale.

La société CS Systèmes d'Informations fait observer qu'aucun fondement juridique n'est invoqué par Mme [O] à l'appui de ses demandes en remboursement et considère, par analogie avec la réglementation AGIRC ARRCO, que les cotisations qui ont été prélevées sont dues.

Mme [O], qui conteste le bien fondé des prélèvements effectués, n'a donné aucune explication en droit.

Elle est donc déboutée de ses demandes en remboursement de cotisations de mutuelle et de prévoyance et de l'avantage imposable y afférent.

Sur les autres demandes

Les demandes en rappel de salaires et indemnités ayant été rejetées, Mme [O] est déboutée de sa demande tendant à la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle emploi conformes.

Mme [O], partie appelante, succombant principalement à l'instance, il est justifié de la condamner aux dépens de la procédure et de la débouter de sa demande en paiement présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser également à la société CS Systèmes d'Informations la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société CS Systèmes d'Informations à payer à Mme [O] les sommes suivantes :

- 63 000 euros à titre de rappel de salaires par suite d'une violation du principe 'à travail égal, salaire égal' et 6 300 euros au titre des congés payés y afférents,

- 3 500 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 996 euros à titre de complément de salaire pour le congé de reclassement du 1er novembre 2011 au 30 avril 2012,

- 8 788 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

- 2 358 euros à titre de complément d'indemnité complémentaire de licenciement ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

DÉBOUTE Mme [O] de ses demandes présentées au titre d'une inégalité de traitement ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Ajoutant,

DÉBOUTE Mme [O] de ses demandes présentées au titre de remboursements de cotisations de mutuelle et prévoyance et de l'avantage imposable y afférent, ainsi qu'au titre de la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle emploi conformes ;

DÉBOUTE les parties des demandes présentées au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE Mme [O] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/07459
Date de la décision : 08/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°15/07459 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-08;15.07459 ?
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