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08/02/2017 | FRANCE | N°13/07569

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 08 février 2017, 13/07569


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 08 Février 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07569



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 juin 2013 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 11/12159





APPELANT

Monsieur [G] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1]

représent

é par Me Régine GAFFRIC, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, K108





INTIMEE

SA LANCEL SOGEDI

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pieter-Jan PEETERS, avocat au barreau de PARIS, P0551

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 08 Février 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07569

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 juin 2013 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 11/12159

APPELANT

Monsieur [G] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1]

représenté par Me Régine GAFFRIC, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, K108

INTIMEE

SA LANCEL SOGEDI

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pieter-Jan PEETERS, avocat au barreau de PARIS, P0551

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, faisant fonction de président et devant Madame Christine LETHIEC, conseillère, chargés du rapport.

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, faisant fonction de président

Madame Christine LETHIEC, conseillère,

Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée

Greffière : Madame Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, faisant fonction de président et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [G] [K] a été engagé par la SA Lancel-Sogedi, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 18 avril 2005, au sein de la boutique Lancel-Sogedi de la Défense, en qualité d'adjoint de boutique.

La convention collective applicable est celle des grands magasins et magasins populaires.

À compter du 1er juillet 2005, il est devenu adjoint de direction avec le statut d'agent de maîtrise.

Suivant un avenant du 18 janvier 2008, il a été promu responsable de la boutique de la Défense, avec le statut cadre à compter du 1er décembre 2007.

Sa rémunération était composée d'une partie fixe, d'une partie variable et d'une prime d'assiduité.

Par un nouvel avenant du 27 février 2009, mis en 'uvre à compter du 1er avril 2009, les modalités de sa rémunération ont été redéfinies.

Alors qu'il était en congé pour la période du 5 au 25 juillet 2011, M. [K] a reçu une lettre recommandée en date du 19 juillet 2011 le convoquant pour le 27 juillet 2011, à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Aux termes de cette lettre, il était précisé qu'il était dispensé d'activité jusqu'à la décision qui découlera de l'entretien, cette période étant normalement rémunérée.

À la suite de l'entretien préalable qui s'est déroulé en présence d'une déléguée du personnel, la SA Lancel-Sogedi a notifié à M. [K] son licenciement pour faute grave découlant d'une accumulation d'agissements de sa part et ce, par lettre recommandée du 1er août 2011.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits salariaux et contestant le bien fondé de son licenciement, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de se voir allouer diverses sommes.

Par un jugement du 25 juin 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a fixé la rémunération moyenne du salarié sur les 12 derniers mois à la somme de 3920,55 €, a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et non pas sur une faute grave et a condamné la SA Lancel-Sogedi à lui verser les sommes suivantes :

' 11'761,66 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1176,16 € au titre des congés payés afférents,

' 7057 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [K] a été débouté du surplus de ses demandes.

Appelant de ce jugement, M. [K] en sollicite la réformation, demande à la cour, statuant à nouveau de fixer le salaire moyen des 12 derniers mois à la somme de 4244,75 € et de condamner la SA Lancel-Sogedi à lui verser les sommes suivantes :

' 12'734,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

' 7322,18 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

' 50'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 4244 euros à titre de dommages et intérêts pour allégations diffamatoires,

' 4244 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

' 4244 € à titre de dommages-intérêts pour mise à pied abusive,

' 6406,84 euros au titre d'un rappel de rémunération variable,

' 2922,28 euros au titre des heures supplémentaires,

' 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

les condamnations prononcées portant intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, et lesdits intérêts étant au surplus capitalisés conformément aux dispositions du code civil.

La SA Lancel-Sogedi a relevé appel incident du jugement entrepris, demande à la cour de l'infirmer en ce qu'il a prononcé des condamnations à son encontre, s'oppose aux demandes formulées par le salarié, sollicite la restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement soit la somme de 18 092,07 € outre 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS:

Sur la demande de rappel de salaires au titre des primes

Se fondant sur l'avenant à son contrat de travail en date du 27 février 2009 entré en vigueur au 1er avril 2009 selon lequel il pouvait bénéficier d'une part variable de rémunération de 10'000 € pour une année complète et à 100 % des objectifs atteints, M. [K] sollicite un rappel de rémunération variable pour la période d'avril 2009 à novembre 2012 alléguant du fait que l'employeur ne lui a jamais fourni aucune pièce justificative ou décompte lui permettant de vérifier l'assiette et le mode de calcul de sa rémunération.

L'employeur réplique que même si M. [K] opère une confusion entre les modalités et les bases du calcul, il a en réalité toujours connu les unes et les autres, d'une part, parce qu'il a signé les avenants définissant précisément les modalités d'octroi de la part variable et d'autre part, du fait qu'il communiquait lui-même le chiffre d'affaires réalisé mensuellement par la boutique dont il assumait la direction et sur la base duquel était calculée la rémunération à lui revenir en fonction des modalités arrêtées dans l'avenant.

Selon l'avenant signé par les deux parties le 27 février 2009, la rémunération brute annuelle de M. [K] se décomposait à effet au 1er avril 2009, d'un salaire mensuel brut de 2576,92 € [....] d'une prime d'assiduité annuelle de 2576,92 euros payable au 31 décembre sous réserve de présence dans la société à cette date, (prime versée au prorata du temps de présence), d'une rémunération variable annuelle - pour une année complète et à 100 % des objectifs atteints- d'un montant de 10'000 € bruts et au prorata temporis pour l'année de signature selon les fréquences de versements prévues.

L'article 1er dudit avenant précisait :

'la partie variable de votre rémunération viendra récompenser votre niveau de performance mesurée à travers l'atteinte de quatre objectifs :

1- en termes de CAHT point de vente 5000 euros 50% du variable brut annuel,

2- en termes de ratio ventes normales/ventes totales : 1500 € : 15 % du variable brut annuelle,

3-en termes de CA HT par équivalent temps plein : 1500 € : 15 % du variable brut annuelle,

4- à travers des critères qualitatifs et quantitatifs (gratification) : 2000 € : 20 % du variable brut annuelle'

Chaque objectif était ensuite explicité en ce que les seuils de déclenchement, les pourcentages du variable théorique, les montants annuels correspondant étaient précisément définis.

De même, les modalités de détermination de l'équivalent temps plein étaient précisément fournies.

Enfin, l'employeur a expressément prévu qu'une part de la rémunération variable correspondrait à une gratification discrétionnaire validant les améliorations ou régressions des différents critères mentionnés (indice de vente, prix moyen, achat moyen, taux de rattachement, écart d'inventaire, esprit d'équipe et comportement positif, application de la charte Lancel, respect des procédures de ressources humaines ) par rapport à la période de N -1, cette gratification constituant une libéralité ne créant aucun droit acquis pour le salarié.

Il ressort des explications fournies et des documents communiqués que le salarié était parfaitement informé des éléments de nature à déterminer le montant de sa rémunération variable s'agissant de trois des quatre critères retenus aux termes de l'avenant du 29 février 2009, qu'il ne pouvait en effet ignorer le chiffre d'affaires de la boutique dont il était le responsable puisqu' il lui incombait, en tant que responsable de ladite boutique, de le transmettre à la direction de la société.

En outre, il y a lieu de relever que le contrat de travail peut prévoir en plus d'une rémunération fixe, une prime dépendant du pouvoir discrétionnaire de l'employeur sous réserve que celle-ci s'applique à l'ensemble des salariés se trouvant dans une situation comparable.

L'employeur communique au débat, un document signé par M. [K] le 28 avril 2009 acceptant d'appliquer l'avenant du 27 février 2009 «'même si le seuil de 90 % des signatures des collaborateurs n'est pas atteint'» et surtout la note de service adressée à tous les collaborateurs le 6 juillet 2009 montrant que la nouvelle politique de rémunération a été mise en place au 1er juin 2009 avec effet rétroactif au 1e avril 2009.

Le jugement déféré, ayant débouté M. [K] de sa demande à cet égard, sera confirmé.

Sur les heures supplémentaires'

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il incombe au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Pour étayer sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires qu'il soutient avoir accomplies, M. [K] expose avoir participé aux «'collection show'» organisés par l'employeur pour présenter les nouveaux produits notamment auprès de la clientèle étrangère, avoir à ces occasions, été à la disposition de la société, 24 h sur 24, dans la mesure où il était tenu de participer à ces journées et même de dormir à l'hôtel choisi par l'employeur. Il indique que pour compenser ces journées, l'employeur leur assurait une récupération de deux journées, ce qui était insuffisant. Il soutient avoir bénéficié de trois jours de récupération en 2011 alors qu'il avait travaillé trois journées en continu.

Il demande un différentiel correspondant à 172 heures de travail à raison de 16,99 euros de l'heure soit au total 2922,28 heures.

Il verse aux débats un document récapitulant les dates des collections show depuis 2008, les emplois du temps pour le show 2011 ainsi qu'un récapitulatif faisant mention des heures accomplies lors de ces shows et correspondant aux amplitudes des heures de départ en train ou en car et des heures d'arrivée à son domicile à l'issue de ces show. Il déduit les heures récupérées ou compensées en compte épargne temps et sollicite le différentiel.

Ces éléments sont suffisamment précis pour étayer sa demande.

La SA Lancel-Sogedi répond que le salarié n'avait aucune obligation de participer aux collections show, qu'à ces occasions, il était offert aux salariés la possibilité de bénéficier d'une journée de détente dans des hôtels de luxe. Elle rappelle que le salarié ne peut solliciter le paiement d'heures supplémentaires que dans la mesure où elles ont été accomplies avec son accord, ce que M. [K] n'établit pas.

Enfin, elle expose que les journées de «'collection show'» donnaient effectivement lieu à des journées de récupération, créditées sur son compte épargne temps dont il a reçu l'équivalent lors du solde de tout compte. Elle conteste que les nuits passées dans les hôtels aient correspondu à des heures de travail effectif, alors qu'il était libre de vaquer à ses occupations personnelles.

Elle ajoute qu'il n'avait aucune obligation de participer aux soirées dansantes et aux repas, qu'il pouvait rentrer à son domicile. Elle verse aux débats des flyers en lien avec ces show et portant mention notamment pour l'un d'eux de «'répondre pour confirmer sa présence'».

Au regard des éléments communiqués et des explications fournies, des journées de récupération accordées et/ou compensées sur le compte épargne temps, la cour a la conviction que M. [K] n'a pas accompli d'heures supplémentaires nécessaires à la réalisation de ses missions et avec l'accord de son employeur lors des show, étant relevé que les nuits passées dans les hôtels ne correspondent pas à des heures de travail effectif le salarié pouvant vaquer à ses occupations personnelles. Il sera noté que les premiers juges ont relevé à bon escient que M. [K] n'établit pas avoir été dans l'obligation de participer aux soirées dansantes et aux dîners.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement'

En application des dispositions de l'article L. 1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié.

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

La lettre de licenciement du 1er août 2011, qui circonscrit le litige fait état des griefs suivants':

«'[...] accumulation d'agissements de votre part qui sont caractérisées ainsi qu'il suit':

motif n°1': en votre qualité de directeur de la boutique de la Défense, vous planifiez les jours de présence des membres de votre équipe dans un planning que vous transmettez au service Retail. Vous avez ainsi programmé votre présence le dimanche 26 juin 2011 et déclaré une fois ce dimanche écoulé, avoir travaillé ce jour-là. Nous venons pourtant de constater que cette déclaration (ouvrant droit à une rémunération majorée et à un repos compensateur) était mensongère puisque vous n'êtes pas venu travailler. De même, vous aviez programmé votre présence le mercredi 22 juin en fermeture jusqu'à 20 heures alors que vous avez quitté la boutique vers 18h30 et déclaré avoir travaillé 11 heures ce jour-là. Ce double manquement à votre obligation de loyauté (non respect des plannings et déclarations mensongères) est inacceptable pour un cadre de votre niveau hiérarchique.

motif n°2': notre maison a consacré de lourds investissements pour cultiver au sein de ses boutiques une image de luxe afin d'accueillir sa clientèle dans un environnement particulièrement soigné. Or, la boutique de la Défense, particulièrement mal tenue et désordonnée ne représente plus l'image de notre marque. À titre d'exemple, les 24 et 28 juin 2011 nous avons fait les constatations suivantes': nombreux produits manquants dans les linéaires, présence de photocopies sur les linéaires, boutique et réserves en désordre, bouquet de fleurs défraîchies, table basse vide, table de présentation sans aucune petite maroquinerie, entre autres...

Il nous appartient de veiller à ce que la tenue des points de vente ne porte pas atteinte à l'image de notre marque. Or, la situation de désordre que nous venons d'illustrer par ces quelques exemples nous paraît difficilement conciliable avec l'image que nous souhaitons promouvoir auprès de notre clientèle.

motif n°3 :Enfin vous présentez des carences manifestes dans l'animation de votre équipe auprès de laquelle vous n'avez pas su vous imposer en tant que fédérateur. Vos vendeurs sont livrés à eux-mêmes et sont démotivés par votre manque d'exemplarité, de communication et de respect non seulement des plannings nous l'avons déjà vu mais aussi de leur personne. Des propos racistes, ou tout simplement déplacés, qui nous ont été rapportés par les salariés d'origine étrangère illustrent parfaitement ce troisième grief. L'existence de différentes cultures au sein d'une même entreprise, l'estime de chaque individu quelles que soient ses origines correspond à l'une des valeurs fondamentales de la maison Lancel, l'un de ses principes de base pour un environnement de travail respectueux. Votre attitude est difficilement conciliable avec ce principe.

Toujours à titre d'exemple le 15 juin dernier, le service paie vous a contacté par téléphone pour vous demander de bien vouloir lui adresser un nouveau RIB afin d'effectuer un virement bancaire de 150 € sur votre compte bancaire personnel dans le cadre de la mise en place d'une avance de frais permanente. En effet, depuis le changement du système de caisse, les sorties de caisse ne sont plus possibles. Les managers de boutiques doivent avancer de l'argent personnel pour les besoins de fonctionnement du point de vente. Pour éviter ce désagrément, nous avons décidé de verser une avance permanente de 150 € à chaque directeur ou directrice de boutique. Or, la réaction vive et agressive que vous avez eue à l'égard de [C] [I] responsable comptabilité n'est pas acceptable. Il vous est naturellement loisible de refuser la mise en place d'une avance de frais mais il n'est pas normal que vous manquiez de respect envers vos interlocuteurs.[...]'».

M. [K] soutient d'abord que l'employeur n'a pas respecté le règlement intérieur définissant en son article IV la nature et l'échelle des sanctions.

L'employeur répond d'une part, que le salarié a reçu des avertissements oraux avant d'avoir été sanctionné par le licenciement prononcé, d'autre part, que le fait que le règlement intérieur prévoit une échelle de sanctions ne l'oblige pas à utiliser les sanctions intermédiaires, qu'enfin, un fait isolé peut justifier un licenciement sans avertissement préalable.

L'article L 1321-1 du Code du travail dispose que': «'le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement [...] les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur'».

Dans le cas d'espèce, le règlement intérieur communiqué fixe la nature et l'échelle des sanctions que l'employeur peut prendre à l'encontre de ses salariés.

L'article 4 dudit règlement est composé de trois rubriques.

' La première est relative «'aux observations écrites avec blâme et mise en garde lesquelles sont formulées dans les cas suivants':

- retards fréquents à l'arrivée au travail,

- abandon de poste,

- mauvaise exécution du travail,

- suspension du travail (hormis la situation de cessation concertée et collective du travail)

- infractions aux règles générales de discipline,

- absences répétées à des intervalles fréquents de deux jours consécutifs,

- absences répétées à des intervalles fréquents de moins de deux jours.'»

' La seconde rubrique prévoit les sanctions dans les conditions suivantes':

«'en cas de non respect des règles de discipline des sanctions sont encourues[....]les sanctions pourront aller en croissant en cas de récidive et seront toujours précédées d'un avertissement oral.[...]':

- l'avertissement écrit,

- le blâme et mise en garde,

- la mise à pied n'excédant pas trois jours,

- mutation c'est à dire affectation à un autre poste de qualification équivalente,

- le licenciement avec ou sans préavis et paiement des indemnités de rupture selon la gravité des faits reprochés ».

' La troisième rubrique stipule que «'chacune des infractions suivantes pourra faire l'objet d'une mesure de licenciement selon la procédure, prévue par le code du travail en matière de licenciement individuel':

- retard au retour des congés payés': 3 mises en garde écrites et la mise à pied encourue dans le délai d'un mois,

- absence non motivée (répétée ou prolongées après mise en garde écrite)

- refus de se présenter ou de passer les visites médicales [...],

- inscriptions injurieuses ou obscènes sur les immeubles ou matériels de l'établissement,

- introduction de marchandises pour être vendues sans autorisation de la direction,

- infractions aux dispositions légales et réglementaires et aux notes de service concernant la sécurité des travailleurs,

- mauvaise volonté évidente dans l'exercice de ses fonctions au cours de la période de délai congé,

- état d'ivresse sur les lieux du travail,

- refus d'exécution du travail,

- insubordination et manque de respect envers le personnel dirigeant,

- communication sur les installations et procédés de fabrication,

- récidive de l'une des causes visées à l'article précédent. »

Aux termes de la lettre de licenciement précédemment reproduite, il est reproché au salarié des déclarations mensongères sur les jours et heures travaillés, une mauvaise exécution de ses missions, des propos déplacés voire racistes vis à vis des membres de son équipe, une réaction vive et agressive à l'égard de la responsable de paie.

Or, aucun de ces griefs n'est visé dans la liste des manquements répertoriés aux termes de l'article IV 3° permettant à l'employeur de sanctionner le salarié directement par son licenciement, sans avoir préalablement eu recours à une sanction intermédiaire.

En effet, ces manquements caractérisent un non-respect des règles de discipline et une mauvaise exécution du travail et ne pouvaient justifier le licenciement qu'en cas de récidive (cf dernier alinéa de l'article IV 3°).

Or, si l'employeur fait état d'avertissements oraux, ceux-ci ne sont pas de nature à caractériser le premier terme de ladite réitération.

Ces dispositions s'imposent à l'employeur et constituent des garanties de fond pour le salarié qu'il est fondé à invoquer.

Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas utilement contesté que le salarié n'a jamais été préalablement sanctionné pour un non respect des règles de discipline, les manquements à ces règles ne pouvaient, en l'absence de sanction préalable, justifier le licenciement prononcé.

Ce licenciement est par suite sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera réformé.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse'

Le conseil de prud'hommes a fixé la moyenne des rémunérations du salarié à la somme de 3920, 55 euros après avoir relevé qu'il avait perçu une rémunération globale pour les 12 derniers mois ( 42614 euros) à quoi il a ajouté la part de la monétisation du compte épargne temps à hauteur de 1475,73 euros , la prime d'assiduité et la prime exceptionnelle versée le 30 juin 2011.

Selon l'article L. 3151-1 du code du travail, le compte épargne temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ou des sommes qu'il y a affectées.

Les sommes issues de l'utilisation par le salarié des droits affectés sur son compte épargne temps ne répondent à aucune périodicité de la prestation de travail ou de sa rémunération puisque d'une part, le salarié et l'employeur décident librement de l'alimentation de ce compte et d'autre part, la liquidation du compte épargne temps ne dépend que des dispositions légales ou conventionnelles applicables, en sorte que la somme correspondant au rachat par le salarié des droits issus de son compte épargne temps n'a pas à être incluse dans la base de calcul du salaire pour le calcul de l' indemnité de préavis, dont il convient de rappeler qu'elle doit correspondre au salaire que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé et de l'indemnité de licenciement calculée sur la moyenne des 12 mois de salaire ou des trois derniers mois selon ce qui est le plus favorable au salarié.

Par conséquent, la rémunération moyenne du salarié sera arrêtée à la somme de 3797,57 euros, la part retenue par erreur au titre de la monétisation de son compte épargne temps n'étant pas prise en compte.

Le jugement déféré sera en conséquence réformé s'agissant des condamnations prononcées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement, ces dites indemnités de rupture étant fixées selon les modalités précisées dans le dispositif.

Par ailleurs, compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié ( 3797,57 euros), de son âge ( 35 ans), de son ancienneté (6 ans et 4 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à M. [K], des dommages et intérêts d'un montant de 24 000 euros en application de l'article'L.1235-3 du Code du travail.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour des préjudices spécifiques distincts

M. [K] allègue de préjudices distincts considérant que le licenciement a été prononcé en méconnaissance du règlement intérieur, que l'employeur a initié la procédure de licenciement alors qu'il était en congés payés et qu'il l'a empêché de se présenter de nouveau sur son lieu de travail ce qui correspondait à une fausse mise à pied conservatoire.

Il réclame 4244 euros pour le préjudice résultant des allégations diffamatoires, 4244 euros pour le non respect de la procédure de licenciement et 4244 euros pour la mise à pied abusive.

Les dispositions combinées des articles L. 1235-2 et 1235-3 du code du travail interdisent le cumul des indemnités qu'elles prévoient.

M. [K] ne peut voir sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière de licenciement prospérer.

Par ailleurs, l'employeur communique aux débats la pétition signée par les collaborateurs et la lettre de Mme [V] qui établissent que M. [K] avait adopté des comportements inadaptés et proféré des propos dénigrants pour ses collaborateurs.

Dans ces conditions, la demande relative au préjudice résultant d'allégations diffamatoires ne peut pas être accueillie.

Enfin, s'il est exact que le salarié a été dispensé de se présenter sur les lieux du travail, la cour relève d'une part qu'il a été rémunéré jusqu'à la notification du licenciement et d'autre part, que la mise en cause de ses méthodes de management par ses collaborateurs imposait à l'employeur de prendre des mesures adaptées pour préserver ces derniers.

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

Sur les intérêts

Les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant. Ces intérêts sont capitalisés dans les conditions prévues par le code civil.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. [K] une indemnité de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 1500 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

La SA Lancel-Sogedi, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a fixé la moyenne de salaire à la somme de 3920, 55 euros a alloué les indemnités de rupture à partir de cette rémunération et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

L'INFIRME sur ces points ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

FIXE la rémunération mensuelle à la somme de 3797,57 euros ;

CONDAMNE la SA Lancel-Sogedi à verser à M. [K] les sommes suivantes':

' 11392,71 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1139,27 euros pour les congés payés afférents,

' 4810,27 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

' 24 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que la créance indemnitaire allouée portera intérêt au taux légal à compter de la notification du présent arrêt ;

DIT que les intérêts sont capitalisés dans les conditions posées par l'article 1154 devenu l'article 1343-2 du code civil ;

DÉBOUTE la SA Lancel-Sogedi de ses demandes ;

CONDAMNE la SA Lancel-Sogedi aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 13/07569
Date de la décision : 08/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°13/07569 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-08;13.07569 ?
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