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07/02/2017 | FRANCE | N°16/09696

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 07 février 2017, 16/09696


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 07 FEVRIER 2017



(n° 115 ,10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09696



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Avril 2016 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2015072585





APPELANTS



Monsieur [J] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté et assisté de Me Antoine LA

CHENAUD de la SELARL MCM AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0228



Monsieur [D] [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1] (Cap Vert)



SAS LABORATOIRES F...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 07 FEVRIER 2017

(n° 115 ,10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09696

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Avril 2016 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2015072585

APPELANTS

Monsieur [J] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté et assisté de Me Antoine LACHENAUD de la SELARL MCM AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0228

Monsieur [D] [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1] (Cap Vert)

SAS LABORATOIRES FILORGA prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 811 66 7 9 633

SAS LABORATOIRES FILORGA COSMÉTIQUES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 811 66 8 0 033

SAS FILORGA INITIATIVES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 3]

N° SIRET : 489 98 2 7 699

SAS FILORGA PARTICIPATION prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 3]

N° SIRET : 808 63 5 1 488

SAS THE GLOBAL DISTRIBUTIVE NETWORK (GDN) prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 3]

N° SIRET : 800 71 0 6 677

SAS THE MEDICAL AND PHARMACEUTIC DISTRIBUTIVE PLATFORM (MPDP) prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 3]

N° SIRET : 533 66 6 3 500

SAS THE MEDICAL ANTI-AGING PLATFORM (MAAP) prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 3]

N° SIRET : 533 69 7 5 611

Représentés et assistés de Me Arnaud MÉTAYER-MATHIEU de la SELARL DILLENSCHNEIDER FAVARO & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0866

INTIMEE

Société ORIENS INTERNATIONAL (BEIJING) LTD société de droit chinois Agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal ou statutaire

[Adresse 5] (office part)

[Adresse 5]

[Localité 2] (CHINE)

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

assistée de Me Michel PONSARD et de Me Malka MARCINKOWSKI de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre, et Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère,.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

La SAS Laboratoires Filorga (RCS Paris 314 480 187), dont l'activité était la conception, le développement, la fabrication et la commercialisation de produits biologiques, cosmétologiques et diététiques, a signé le 30 avril 2013 un contrat de distribution exclusive en Chine, et à Hong Kong et Macao avec la société de droit chinois Oriens International (Beijing) Ltd (dite Oriens). Dans le cadre de ce contrat, un accord de sous-distribution a été conclu le 14 octobre 2013 entre Oriens et la société chinoise Jiessie International Group Limited (Jiessie), accepté par Filorga dans une 'lettre d'autorisation' du 20 novembre 2013, accord qui a été résilié le 4 mai 2014 par Oriens. Le 10 septembre 2014, Filorga a résilié le contrat de distribution avec Oriens.

Estimant que Filorga avait violé le contrat d'exclusivité conclu avec elle en travaillant directement avec Jiessie, la société Oriens a obtenu le 17 novembre 2015 une ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de commerce de Paris au visa de l'article 145 du code de procédure civile, désignant un huissier de justice pour effectuer un constat au siège social des Laboratoires Filorga et ordonnant la mise sous séquestre des documents recueillis dans l'attente de leur examen par le juge des référés saisi par le requérant.

La mesure d'instruction a été réalisée le 1er décembre 2015 par Maître [O] au siège social, visé dans l'ordonnance, des sociétés Laboratoires Filorga (RCS Paris 811 667 963) dite SLF, et Laboratoires Filorga Cosmétiques, dite LFC (RCS 811 668 003), toutes deux immatriculées le 29 mai 2015 avec le même objet social, le même siège et le même président, Monsieur [Z], qui viennent aux droits de la société Laboratoires Filorga dissoute à la suite d'une opération de scission intervenue le 31 juillet 2015, étant précisé que d'autres sociétés du groupe siègent à la même adresse.

Le 15 janvier 2016, les sociétés SLF, LFC et Global Distributive Network (GDN) ont assigné la société Oriens en référé rétractation de l'ordonnance du 17 novembre 2015.

M. [J] [Y] est intervenu volontairement à cette procédure, à laquelle les sociétés Filorga Initiatives, Filorga Participation, The Medical and Pharmaceutic Distributive Platform et The Medical anti-aging platform et M. [Z] sont intervenus comme 'demandeurs'.

Par ordonnance de référé contradictoire du 15 avril 2016, le tribunal de commerce de Paris a principalement, après avoir déclaré recevables l'ensemble des demandes :

- débouté les sociétés Laboratoires Filorga, Laboratoires Filorga Cosmétiques, Filorga Initiatives, Filorga Participation, The Global Distributive Network, The Medical and Pharmaceutic Distributive Platform, The Medical Anti-Aging Platform et Messieurs [Z] et [Y] de l'ensemble de leurs demandes, y compris celles de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmé l'ordonnance du 17 décembre 2015 ;

- condamné les sociétés Laboratoires Filorga, Laboratoires Filorga Cosmétiques, Filorga Initiatives, Filorga Participation, The Global Distributive Network, The Medical and Pharmaceutic Distributive Platform, The Medical Anti-Aging Platform et Messieurs [Z] et [Y], in solidum, à payer, chacun, à la société Oriens International (Beijing) LTD la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 26 avril 2016, les sociétés SLF, SLFC, Filorga initiatives, Filorga participation, GDN, The Medical and pharmaceutic distributive platform, The Medical anti-aging platform et M. [D] [Z] ont interjeté appel de cette décision.

Par leurs conclusions transmises le 21 décembre 2016, ils demandent à la cour de réformer l'ordonnance du 15 avril 2016 en toutes ses dispositions et de :

- rétracter l'ordonnance rendue le 17 novembre 2015 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

- subsidiairement, prononcer la nullité du procès-verbal et des mesures d'instruction ;

- en toute hypothèse, ordonner sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la restitution de tous objets et documents originaux saisis et la destruction de tout document copié depuis le disque dur ou le serveur des sociétés appelantes ;

- condamner la société Oriens International au paiement à la société Laboratoires Filorga de la somme de 20 000 € au titre du préjudice d'image ;

- la condamner au versement à chacun des demandeurs de la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils font valoir :

- que l'ordonnance et la requête ne leur ont pas été notifiées préalablement à l'exécution de la mesure d'instruction en violation de l'article 495 du code de procédure civile ;

- qu'au regard de l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance ne comporte aucune motivation sur le recours à une procédure non contradictoire et qu'aucune circonstance ne justifiait cette procédure sur requête dès lors qu'il n'existe pas de risque de déperdition des factures ou des comptes sociaux du fait de l'obligation qui s'impose à Laboratoires Filorga de les conserver conformément à l'article L.123-22 du code de commerce ;

- que la mission d'investigation contenue dans l'ordonnance est trop générale, étant insuffisamment circonscrite tant vis-à-vis des personnes visées que du libellé même des mesures à réaliser, et que le nom du technicien informatique aurait dû être précisé ;

- que le recours à la force publique n'était pas justifié, cette mesure de coercition ayant pour effet de transformer la mesure sollicitée en une véritable perquisition ;

- que la mesure a été réalisée dans les locaux communs à plusieurs autres sociétés et que l'huissier a interrompu une réunion de chercheurs avec du personnel d'une société tierce, créant un incident en voulant saisir leurs ordinateurs, préjudiciable à l'image des laboratoires Filorga.

Le 4 mai 2016, M. [J] [Y] a, à son tour, interjeté appel de l'ordonnance de référé.

Pour une bonne administration de la justice, la Cour a joint les deux affaires, compte tenu de leur connexité, sous le seul numéro de RG 16/9696.

Par ses conclusions transmises le 25 juillet 2016, M. [Y] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, rétracter l'ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce de Paris, prononcer en tout cas la nullité du procès-verbal de constat au regard des irrégularités commises par l'huissier notamment du fait de la remise très tardive de l'ordonnance plus de deux heures après le début des opérations, ordonner la restitution de tout objet saisi et la destruction de tout document copié depuis le disque dur ou le serveur de la société Laboratoires Filorga, et condamner la société Oriens à lui verser la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir pareillement :

- qu'il aurait dû recevoir une copie de la requête et de l'ordonnance dans la mesure où il supporte bien l'exécution de la mesure ;

- qu'il ne dispose d'aucune garantie sur le choix de l'expert informatique supposé intervenir ;

- que l'ordonnance ne relève pas un risque de déperdition de preuves justifiant une dérogation au principe de la contradiction ;

- que l'ordonnance prévoit des mesures de coercition qui n'étaient pas légalement admissibles au regard de l'article 145 du code de procédure civile.

Par ses conclusions transmises le 3 janvier 2017, la société Oriens International (Beijing) Ltd demande à la cour de confirmer l'ordonnance de référé du 15 avril 2016 à l'égard des sociétés SLF et SLFC, sauf en ce qu'elle l'a déboutée de sa fin de non-recevoir, et ainsi de :

- déclarer irrecevables les demandes des sociétés Filorga Initiatives, Filorga Participation, The Global Distributive Network, The Medical en Pharmaceutic Distributive Platform, The Medical Anti-Aging Platform, et de MM. [Z] et [Y] ;

- subsidiairement, confirmer l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions ;

- en tout état de cause, rejeter l'ensemble des prétentions adverses,

- et condamner in solidum chacune des sociétés ainsi que Messieurs [Z] et [Y] à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir :

- que les demandes des sociétés Filorga Initiatives, Filorga Participation, GDN, The Medical and Pharmaceutic Distributive Platform, The Medical Anti-Aging Platform et de Messieurs [Z], dirigeant de la société Laboratoires Filorga, et [Y], salarié au sein du groupe, sont irrecevables, tant sur le fondement de l'article 496 du code de procédure civile que de l'article 122 du même code, dès lors que l'ordonnance ne leur fait pas grief puisqu'elle concerne seulement les sociétés STF et SLFC et ne vise des personnes physiques qu'en leur qualité de salariés de ces deux sociétés à l'époque des faits ; qu'ils n'ont ainsi aucun intérêt à agir ;

- que l'exigence de notification préalable a été respectée conformément à l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile dès lors qu'une copie de l'ordonnance et de la requête doit être laissée à la seule personne morale qui supporte l'exécution de la mesure, à savoir les sociétés SLF et SLFC, et que l'huissier n'avait pas à vérifier la qualité de la personne habilitée à recevoir cette copie ;

- que la nécessité de ne pas recourir au contradictoire a été démontrée dans la requête et qu'elle a pris en compte des éléments propres au cas d'espèce pour justifier la dérogation à ce principe puisqu'elle se fonde sur l'existence démontrée d'actes de dissimulation de la part de Filorga ;

- que la mesure d'instruction ne constitue pas une mesure d'investigation générale puisqu'elle désigne de manière non ambigüe la société Laboratoires Filorga et la société Laboratoires Filorga Cosmétiques, qu'elle a été strictement limitée dans le temps et ne porte que sur les documents concernant les relations entretenues entre Filorga et le distributeur Jiessie ;

- que le technicien informatique n'avait pas à être nommément désigné dans l'ordonnance puisqu'il est intervenu en tant qu'assistant de l'huissier et non en tant qu'expert.

- que la mesure d'instruction ne s'apparentait pas à une mesure de coercition non admissible, le concours de la force publique étant d'usage dans les ordonnances et aucune pression n'ayant été en l'espèce exercée ;

- que la société SLF ne prouve aucun préjudice d'image.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions transmises et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Considérant en premier lieu qu'en application de l'article 496 alinéa 2 du code de procédure civile, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ; que doivent être considérées comme personnes intéressées à la rétractation au sens de ces dispositions non seulement les défendeurs potentiels à l'action au fond envisagée par le requérant mais également les personnes à qui la mesure est opposée, qui peuvent être différentes si la mesure est exécutée en un autre lieu que celui du domicile des défendeurs potentiels ;

Considérant ainsi, sur la recevabilité des demandes des sociétés Filorga Initiatives, Filorga Participation, GDN, The Medical and Pharmaceutic Distributive Platform, The Medical Anti-Aging Platform et de Messieurs [Z] et [Y], qu'à l'exception de ce dernier, qui a pris expressément des conclusions d'intervention volontaire devant les premiers juges, les autres parties se sont présentées en qualité de 'demandeurs', alors qu'elles n'avaient pas assigné la société Oriens en référé rétractation et qu'elles étaient donc en réalité intervenantes ; qu'elles ne formulent de surcroît aucune observation en réponse dans leurs conclusions en appel sur la recevabilité de leurs demandes ; qu'enfin, il convient de relever que l'ordonnance sur requête litigieuse du 17 novembre 2015 est rédigée en ces termes :

'Constatons, au vu des justifications produites, que le requérant est fondé à ne pas appeler la SAS LABORATOIRES FILORGA ou ses filiales, domiciliées [Adresse 6], RCS PARIS 811 667 963, 314 480 187 & 811 668 003 ;

Commettons Maître [L] [O], Huissier de justice, avec mission de :

- se rendre au siège social des LABORATOIRES FILORGA, [Adresse 6], afin de se faire remettre ou rechercher sur tout support, toute information (mails, courriers, courriels internes ou externes) concernant la société JIESSIE ou JIXI INTERNATIONAL, entre le 20/11/2013 et le 10/9/2014 (...)' ;

que la 'SAS LABORATOIRES FILORGA ou ses filiales' dont les numéros de RCS étaient visés correspondent aux sociétés Laboratoires Filorga et Laboratoires Filorga Cosmétiques, qui venaient aux droits de la précédente SAS Laboratoires Filorga dissoute ; que la mission devait s'exécuter au seul siège social de ladite société ; qu'il en résulte que les parties intervenantes, qui n'étaient pas visées et donc concernées par la mesure d'instruction, même si elles étaient domiciliées à la même adresse, dès lors que cette mesure n'avait pas vocation à s'exécuter dans leurs locaux propres et qu'elles ne justifient pas que tel ait été le cas, n'ont pas 'intérêt' au sens de l'article 496 à demander la rétractation de l'ordonnance la prononçant ; que le fait que certaines personnes physiques, dont M. [Z] et M. [Y], soient ensuite expressément dénommées dans l'ordonnance afin que leurs postes de travail soient examinés par l'huissier, alors qu'ils ne contestent pas qu'ils étaient, soit dirigeant soit salarié des personnes morales concernées à l'époque des faits, ne leur donne pas davantage intérêt personnel et indépendant à agir ; que l'ordonnance de référé attaquée sera en conséquence infirmée sur ce point ;

Considérant en deuxième lieu que l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile, qui impose de laisser copie de la requête et de l'ordonnance à la personne à laquelle elle est opposée, ne s'applique qu'à la personne qui supporte l' exécution de la mesure, qu'elle soit ou non défendeur potentiel au procès envisagé ; qu'il en résulte que dès lors que la mesure d'instruction sollicitée doit s'exécuter dans les locaux d'une société, cette société est la seule personne à laquelle l'ordonnance est opposée et à qui copie de la requête et de l'ordonnance doit être laissée ; qu'en l'espèce, c'est donc aux sociétés Laboratoires Filorga et Laboratoires Filorga Cosmétiques au siège social desquelles l'huissier devait se rendre pour exécuter sa mission que copie de la requête et de l'ordonnance devait être laissée ;

Considérant qu'il est constant à la lecture du procès-verbal de constat du 1er décembre 2015 de Me [O] que celui-ci ne s'est pas présenté à l'adresse sus-visée en indiquant avoir une mission à exécuter à l'égard de la société Laboratoires Filorga et de la société Laboratoires Filorga Cosmétiques mais en demandant uniquement à parler aux cinq personnes physiques dont il lui avait été demandé dans l'ordonnance 'de se faire communiquer par la partie défenderesse les codes d'accès, notamment informatiques, nécessaires à l'exécution de sa mission, notamment sur les postes de travail ' des intéressés ; que pour autant, et bien que les atermoiements à sa mission qui lui ont été opposés résultent notamment de cette erreur initiale, il reste que s'est finalement présentée Mme [Q] [E], qui s'est déclarée directrice financière, sans autre précision, et qui a demandé à avoir communication de l'ordonnance missionnant l'huissier, puis Me [M] [J], avocat, auxquels l'huissier a finalement et après retrait, retour puis insistance du commissaire, consenti à remettre une copie de la requête et de l'ordonnance ; que cette copie a été laissée à Mme [E] ainsi qu'il est noté à deux reprises au constat (pages 4 et 8), sans que celle-ci, qui en a donc pris connaissance avec le conseil de l'entreprise et l'a adressée, selon son attestation, au représentant légal des sociétés Laboratoires Filorga et Laboratoires Filorga Cosmétiques, en les photographiant avec son portable, ne signale qu'elle n'était pas habilitée à représenter lesdites sociétés, étant en réalité salariée de la société Filorga Initiatives ; que l'huissier n'avait dès lors pas à vérifier la qualité de la personne qui a accepté la remise ; qu'elle a ensuite laissé l'huissier exécuter, au moins partiellement, sa mission, et qu'il ne peut donc être soutenu que cette exécution ait commencé avant la remise des actes ; que les dispositions de l'article 495 du code de procédure civile ont donc bien été respectées ;

Considérant en troisième lieu qu'en application des articles 493 et 494 du code de procédure civile, l'ordonnance doit être motivée, notamment sur les raisons justifiant que la décision soit prise non contradictoirement ; que cette motivation, qui doit être précise sur les circonstances de l'espèce justifiant l'exception au principe de la contradiction, peut se référer à celle de la requête sur ce point puisque celle-ci est pareillement laissée en copie à l'adversaire ; qu'en l'espèce, c'est ce que fait l'ordonnance qui indique qu'au vu des justifications produites, le requérant est fondé à ne pas appeler la SAS Laboratoires Filorga ou ses filiales dans la cause ; que la requête, pour sa part, invoque un risque de déperdition des preuves au motif que les pièces sollicitées sont pour la plupart des fichiers informatiques qui peuvent être effacés ou déplacés très facilement et rapidement, et ajoute que 'la dissimulation par Filorga des rencontres qu'elle a organisées avec Jiessie à Paris, le 21 mai 2014 et entre le 14 et le 16 juillet 2014, et plus généralement la stratégie cachée de Filorga d'éviction d'Oriens au profit de Jiessie, démontrent de plus fort, si besoin était, une volonté acharnée et suspecte de dissimulation, indice extrêmement important de comportements irréguliers. S'étant donc déjà rendue coupable de dissimulation d'informations, il est à craindre que, avertie de la demande d'Oriens, Filorga se livre à nouveau à un processus de dissimulation et donc de suppression d'éléments de preuve importants.' ; qu'il était joint à la requête la preuve que courant juillet 2014, alors que la société Filorga était encore tenue dans les liens contractuels avec la société Oriens, elle a organisé avec Jiessie un salon à Paris, et que le 5 septembre 2014, une exposition internationale s'est tenue à Canton lors de laquelle les deux sociétés étaient une nouvelle fois associées ; que ces relations en violation de l'exclusivité consentie à Oriens étaient formellement niées par la société Laboratoires Filorga dans sa lettre de résiliation du 10 septembre 2014 ; qu'en conséquence, ces comportements dissimulés à Oriens par Filorga justifiaient que celle-ci ne soit pas appelée en la cause afin que la mesure d'instruction puisse prospérer, sans que les appelantes ne puissent sérieusement soutenir que l'obligation légale de conserver ses documents comptables l'empêchait de dissimuler les éléments de preuve de relations commerciales avec Jiessie ; que Oriens justifiait donc qu'il soit dérogé au principe de la contradiction ;

Considérant en quatrième lieu, sur les termes de la mission, que l'objet de la mesure est strictement délimité, puisqu'il est limité à la fois dans le temps et à la recherche d'informations relatives à la seule société Jiessie (dite encore Jiaxi International, s'agissant de la traduction d'une dénomination chinoise), en lien avec les faits reprochés ; que la mission de l'huissier ne s'apparentait donc pas à une mission d'investigation générale ; que par ailleurs, le fait que l'ordonnance ne précise pas le nom du technicien en informatique ne constitue pas une violation de l'article 233 du code de procédure civile, puisque l'huissier n'a pas pris l'initiative de s'adjoindre un technicien en lui déléguant sa mission mais y a été autorisé par le juge ; que la mesure ordonnée n'étant pas une expertise, il n'y a pas davantage eu détournement des règles de désignation des experts inscrits sur la liste de la cour ; qu'enfin, l'autorisation donnée à l'huissier dans l'ordonnance de se faire assister de la force publique n'apparentait pas la mesure à une perquisition, le commissaire de police ou son délégué n'ayant pas reçu mission d'effectuer la mesure, et ayant uniquement pour rôle de veiller à son bon déroulement, ce qui a d'ailleurs été le cas en l'espèce puisque son intervention a permis la remise d'une copie de l'ordonnance et de la requête à Madame [E] comme celle-ci le sollicitait ; qu'il ne s'agit donc pas d'un pouvoir de contrainte ou de coercition illégalement conféré à l'huissier comme il est péremptoirement affirmé ;

Considérant en cinquième lieu que le juge de la rétractation n'a pas le pouvoir d'annuler la mesure d'instruction en raison des circonstances de son déroulement ; que la demande subsidiaire sur le fondement de la violation du principe de la contradiction tirée du non-respect de l'article 495 du code de procédure civile précédemment examiné ne peut donc prospérer à ce stade ;

Qu'il en est de même de la demande indemnitaire fondée sur un préjudice d'image résultant des circonstances du déroulement de la mesure ;

Considérant que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ; qu'en cause d'appel, il y a lieu d'allouer la somme de 2000 € à la société Oriens au titre des nouveaux frais qu'elle a dû engager, au paiement de laquelle les demandeurs seront condamnés in solidum ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme l'ordonnance de référé du 15 avril 2016 sauf en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes des sociétés Filorga Initiatives, Filorga Participation, GDN, The Medical and Pharmaceutic Distributive Platform, The Medical Anti-Aging Platform et de Messieurs [Z] et [Y],

Statuant de nouveau sur ce seul point et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes des sociétés Filorga Initiatives, Filorga Participation, Global Distributive Network, The Medical and Pharmaceutic Distributive Platform, The Medical Anti-Aging Platform et de Messieurs [Z] et [Y],

Condamne in solidum les SAS Laboratoires Filorga et Laboratoires Filorga Cosmétiques et les sociétés Filorga Initiatives, Filorga Participation, Global Distributive Network , The Medical and Pharmaceutic Distributive Platform, The Medical Anti-Aging Platform et Messieurs [Z] et [Y] à payer à la société Oriens International (Beijing) Ltd la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/09696
Date de la décision : 07/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°16/09696 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-07;16.09696 ?
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