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07/02/2017 | FRANCE | N°14/06451

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 février 2017, 14/06451


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 07 Février 2017

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/06451



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mai 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN section commerce RG n° 12/00480





APPELANT



Monsieur [I] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

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INTIMEE



SA N'4 MOBILITES

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 301 027 066

représent...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 07 Février 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/06451

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mai 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN section commerce RG n° 12/00480

APPELANT

Monsieur [I] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1976 à Algérie

comparant en personne, assisté de Me Guillaume COUSIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0840

INTIMEE

SA N'4 MOBILITES

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 301 027 066

représentée par Me Annie GULMEZ, avocat au barreau de MEAUX substitué par Me Fiona MUNOZ-MARTINEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Soleine HUNTER-FALCK, conseillère, faisant fonction de Président

Mme Anne PUIG-COURAGE, conseillère

Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et prorogé à ce jour.

- signé par Mme Soleine HUNTER-FALCK, conseillère, faisant fonction de Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

[I] [C], né en [Date naissance 2], a été engagé par contrat à durée déterminée à compter du 04.09.2006 devenant à durée indéterminée à compter du 16.12.2006, par la société CARS BIZIERE devenue la société N°4 MOBILITES, le 07.12.2006, en qualité de conducteur receveur coefficient 140 V groupe 9 à temps complet.

La société N°4 MOBILITES a une activité de transport de voyageurs et de marchandises. L'entreprise est soumise à la convention collective de transports réguliers de voyageurs ; elle comprend plus de 11 salariés. La moyenne mensuelle des salaires de [I] [C] s'établit à 2.240 €.

Le 31.07.2008, [I] [C] a été victime d'un accident du travail à la suite d'une agression par trois passagers montés sans billet ; l'accident a été pris en charge par la CPAM au titre de la législation professionnelle. Le médecin du travail a déclaré [I] [C] apte à la reprise le 24.09.2008.

[I] [C] a, par la suite, subi plusieurs arrêts de travail et, le 02.06.2010, il a été déclaré apte par le médecin du travail sous réserve d'une conduite d'un car avec direction assistée ; le 12.07.2010 il a été placé en mi-temps thérapeutique.

[I] [C] a bénéficié d'une visite première de reprise le 03.01.2012 et le médecin du travail l'a déclaré dans un premier temps :« Apte avec restriction : pas de reprise ce jour au poste de chauffeur bus ; pas de contre-indication conduite voiture, mais sans contact avec le public. 1ère visite dans le cadre de l'art. R.4624-31. A revoir dans 15 jours. » ; puis le 19.01.2012, le médecin du travail a déclaré le salarié : « Inapte au poste, apte à un autre. 2ème visite Dans le cadre de l'art. R 4624-31. Inapte au poste précédent de chauffeur de bus et quart. Pas de contre-indication à la conduite voiture. Pourrait reprendre sur un poste de chauffeur dans l'entreprise ou en dehors de l'entreprise, mais sans contact avec le public et sans port de charges lourdes.»

[I] [C] a saisi l'Inspection du Travail pour contester cette décision d'inaptitude.

Le 20.01.2012, l'employeur a adressé des courriers aux entreprises du groupe en vue du reclassement de son salarié ; le 25.01.2012, la société N°4 MOBILITES a transmis au salarié un questionnaire intitulé « Enquête de reclassement» en lui demandant de préciser avant le 31.01.2012 les modifications contractuelles qu'il serait susceptible d'accepter dans le cadre d'un reclassement en termes de mobilité géographique, rémunération, et de poste ; le salarié y a répondu le 01.02.2012.

Les délégués du personnel ont été convoqués par courrier en date du 17.02.2012 à une réunion extraordinaire au cours de laquelle, le 23 février suivant, ils ont donné un avis favorable.

Le 27.02.2012, la société N°4 MOBILITES lui a écrit en constatant n'être pas en mesure de lui proposer un poste de reclassement correspondant à ses capacités et souhaits de reclassement et à ses facultés physiques, en indiquant que les délégués du personnel avaient été consultés, des fiches de postes étaient joints au courrier ; il a été convoqué le 02.03.2012. [I] [C] ne s'est pas présenté à ce rendez vous.

Le 02.03.2012, [I] [C] a déclaré à son employeur par lettre : '... je vous confirme par écrit comme vous me l'avez demandé que les propositions de reclassement proposées ne m'intéresse.' et il s'est plaint de ce qu'il avait été contraint, pendant son mi-temps thérapeutique et périodes de vacances, de passer devant les arrêts de bus où il s'était fait agresser.

Le 12.04.2012, [I] [C] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé le 20.04.2012 ; il a été licencié le 24.04.2012 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par décision du 22.06.2012, l'Inspection du Travail, constatant que suite à l'accident l'employeur l'avait réaffecté dans le même secteur géographique ce qui avait provoqué plusieurs rechutes liées aux séquelles conservées de l'agression, a modifié la décision de la médecine du travail en décidant : « Mr [C] est défnitivement inapte à son poste de conducteur receveur ainsi qu'à tous postes existant dans l'établissement. Mr [C] est apte à occuper un poste de conducteur receveur dans un autre contexte organisationnel.»

Le 30.09.2012 l'état de santé de [I] [C] a été considéré comme consolidé par la CPAM.

Le CPH de MELUN a été saisi par [I] [C] le 30.07.2012 en contestation du licenciement et indemnisation des préjudices subis.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 11.06.2014 par [I] [C] du jugement rendu le 26.05.2014 par le Conseil de Prud'hommes de Melun section Commerce, qui a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

[I] [C] demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de condamner son employeur au paiement de :

- 53.760 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- et 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine et condamnation de l'employeur aux dépens.

De son côté, la société N°4 MOBILITES demande de confirmer le jugement, de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de condamner [I] [C] à payer la somme de 2.000 € pour frais irrépétibles.

Les parties entendues en leurs plaidoiries le 30.11.2016, la cour leur a proposé de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel sous huit jours ; elle les a avisées qu'à défaut l'affaire était mise en délibéré ; aucun accord en ce sens n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.

SUR CE :

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :

Il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Lorsque à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie professionnelle ou un accident du travail, le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Le reclassement doit être recherché en tenant compte des préconisations du médecin du travail qui peuvent se traduire par une mutation, une transformation d'emploi ou l'aménagement du temps de travail ; cette recherche doit être entreprise même si le salarié est déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise. Le reclassement peut se faire sur un poste disponible et l'employeur n'a pas à imposer à un autre salarié une modification de ses propres conditions de travail pour libérer un poste en reclassement.

C'est à l'employeur d'apporter la preuve de l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié dans les conditions prévues à l'article L 1226-10 soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions ; la sanction de la violation de l'obligation de reclassement ne peut donner lieu qu'au versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société N°4 MOBILITES fait valoir qu'elle a transmis dans l'entreprise, le 20.01.2012, la recherche de reclassement tout en demandant au salarié, le 25.01.2012, les postes susceptibles de l'intéresser ; les réponses des chefs de service en date des 24 et 25 février ont été négatives et [I] [C] en a été avisé le 27 suivant, l'employeur lui adressant néanmoins les fiches des postes disponibles dans le groupe et l'invitant à un entretien, que le salarié a refusé. [I] [C] a refusé les propositions de reclassement transmises à titre indicatif dans son courrier du 02.03.2012. Il en ressort que les postes restant disponibles soit ne correspondaient pas à la qualification du salarié soit étaient incompatibles avec les préconisations médicales. Elle précise que seule la branche 'transport' du groupe VEOLIA et TRANSDEV avaient fusionné pour former le groupe TRANSDEV et se trouvait concernée.

[I] [C] oppose le fait que la décision de l'inspection du travail en date du 22.06.2012, postérieurement au licenciement prononcé le 24.04.2012, annulait l'avis d'inaptitude du médecin du travail.

La décision rendue par l'inspecteur du travail se substitue à l'avis du médecin du travail et produit ses effets rétroactivement à la date de l'avis rendu par le médecin du travail, étant précisé que le salarié n'est pas tenu d'informer l'employeur du recours excercé ; il en résulte que l'employeur doit tenir compte de cette décision et que le licenciement éventuellement notifié avant la décision administrative peut être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse, l'employeur pouvant contester la décision par voie hiérarchique.

Cependant, la décision administrative du 22.06.2012 a confirmé l'avis d'inaptitude du salarié à son poste, en élargissant même l'inaptitude à tout poste existant dans l'établissement, alors que le médecin du travail préconisait un autre poste tel le poste de chauffeur dans l'entreprise ou en dehors de l'entreprise, mais sans contact avec le public et sans port de charges lourdes ; ces deux instances préconisaient une reprise de travail sur un poste de chauffeur 'conducteur receveur', mais dans un contexte organisationnel différent.

Par suite, il n'y a pas eu d'annulation de l'avis du médecin du travail, l'administration ayant apporté seulement des restrictions à cet avis ; en conséquence, les recherches de reclassement, qui ont été réalisées dans un contexte de recherche plus étendues et ont conclu à une impossibilité de reclassement, étaient adaptées.

Une recherche de reclassement a été effectuée en interne au sein de la société TRANSDEV et l'employeur déclare ne pas avoir identifié de poste adapté tout en transmettant néanmoins les postes disponibles dans son envoi du 27.02.2012 comprenant des postes d'assistants de site cadres, d'assistants ou agents commerciaux non cadres... Il ressort du questionnaire rempli par le salarié que celui ci avait rempli principalement dans l'entreprise des postes de chauffeur depuis janvier 2001, et qu'il refusait de travailler sur un autre site du Groupe et dans un autre département, il convenait pour l'employeur de tenir compte de ces desiderata qui étaient précis.

Or le salarié produit une fiche de poste en date du 05.04.12, soit antérieure au licenciement, relative à un emploi situé dans le département de Seine et Marne qui était celui de [I] [C], d'agent polyvalent, poste qui ne paraît pas incompatible avec les compétences acquises par celui-ci sur le terrain en tant que conducteur de bus, et alors qu'il avait rappelé dans le questionnaire avoir exercé pendant 2 ans la fonction d'agent d'accueil et de prévention qui comprenait l'accompagnement des chauffeurs pendant leurs tournées. Ce poste ne faisait pas partie de ceux transmis au salarié au vu des documents produits (pièce 20 du salarié visée par l'employeur dans ses écritures), alors qu'il était disponible.

En conséquence, à défaut d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement, le licenciement de [I] [C] doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

[I] [C] ne motive pas dans son argumentation l'étendue du préjudice subi ; néanmoins , compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de [I] [C], de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, la société N°4 MOBILITES sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts la somme de 15.000 €.

Le jugement rendu sera infirmé.

Lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application des articles L1235-2/3/11 du code du travail, le conseil ordonne d'office, même en l'absence de Pôle emploi à l'audience et sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-5, le remboursement par l'employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois ; en l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence de six mois.

Il serait inéquitable que [I] [C] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la société N°4 MOBILITES qui succombe doit en être déboutée ; cette dernière sera condamnée aux seuls dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Infirme le jugement rendu le 26.05.2014 par le Conseil de Prud'hommes de Melun section Commerce en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société N°4 MOBILITES à payer à [I] [C] la somme de 15.000 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Ordonne, dans les limites de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la société N°4 MOBILITES à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à [I] [C] à concurrence de six mois de salaire,

Condamne la société N°4 MOBILITES aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 14/06451
Date de la décision : 07/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°14/06451 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-07;14.06451 ?
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