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07/02/2017 | FRANCE | N°13/04486

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 07 février 2017, 13/04486


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 07 Février 2017



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04486 et 13/04490



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Avril 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY section RG n° 10/04074







APPELANTE (RG 13/04486) et intimée (RG 13/04490)

Syndicat SNPEFP -CGT

[Adresse 1]

[Localité 1

]

représentée par M. [Z] [P] (Délégué syndical ouvrier)





INTIMES

Association PRUDIS CGT

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 07 Février 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04486 et 13/04490

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Avril 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY section RG n° 10/04074

APPELANTE (RG 13/04486) et intimée (RG 13/04490)

Syndicat SNPEFP -CGT

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par M. [Z] [P] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMES

Association PRUDIS CGT

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1077

Monsieur [Z] [G] (intimé RG 13/04486 et appelant RG 13/04490)

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 3]

comparant en personne

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Laurence SINQUIN, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [Z] [G], après être intervenu comme enseignant vacataire au sein de l'Association PRUDIS CGT à partir de 1990, a été engagé à compter du 15 octobre 1977, en qualité de Directeur des Etudes de l'Institut [Établissement 1], au dernier salaire mensuel brut de 2203,84 euros. Il a été licencié par un courrier du 30 mai 2005.

La lettre de rupture était rédigée dans les termes suivants :

" Nous t'avons reçu le 11 mai 2005 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

A la suite de celui-ci, le Conseil d'administration de PRUDIS a décidé avant toute décision définitive, de te demander de te déterminer clairement sur ton acceptation de la politique de formation de PRUDIS, et sur ton engagement de contribuer à sa mise en 'uvre.

Tu n'as pas souhaité bénéficier de cette possibilité pour nous permettre une poursuite normale de nos relations de travail.

Tu t'es contenté en effet dans ton courrier du 25 mai, de nous renvoyer à un de tes précédents courriers et de solliciter du Conseil d'Administration, une mesure d'instruction.

Tu ne contestes pas, dans ce courrier, les griefs qui t'ont été présentés lors de ton entretien préalable de licenciement et tu ne prends, surtout, aucun des engagements souhaités par le CA.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de te notifier ton licenciement pour les motifs suivants :

- Malgré un avertissement qui t'a été notifié par un courrier en date du 31 mars 2005,tu persistes à vouloir imposer au sein de PRUDIS un type de fonctionnement, ne prenant en considération que tes choix et méthodes de travail.

Ceux-ci se révèlent éminemment personnels et arbitraires, sans égard pour l'intérêt de l'association.

Tu persistes, ainsi, à refuser toute démarche de travail collectif et t'oppose systématiquement aux décisions collectives.

- Par ailleurs, nous tenons à te confirmer notre plus profonde désapprobation quant aux propos que tu as tenus à de nombreuses reprises oralement et par écrit.

Le mépris, le dénigrement, voire l'injure que tu as exprimés dernièrement à l'endroit de la direction de PRUDIS et des responsables confédéraux, nous semblent particulièrement éloignés des principes que nous défendons, d'autant plus que tu as profité de tes fonctions au sein de PRUDIS pour les relayer auprès des personnes concernées par nos formations.

Ton attitude entrave le bon fonctionnement de PRUDIS en y maintenant une ambiance délétère et en hypothéquant le futur des formations.

Dans ces circonstances, les faits qui te sont notifiés par la présente constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Ton préavis de trois mois débutera à la première présentation de la présente lettre.

Nous avons décidé de te dispenser de l'exécution de ton préavis qui te sera toutefois payé..."

Monsieur [G] a contesté son licenciement et a saisi la juridiction prud'hommale en référé. Après une ordonnance de référé, deux arrêts de la Cour d'appel de Paris et deux arrêts de la Cour de Cassation, il a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny au fond.

Le Syndicat SNPEFP-CGT est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement du 26 novembre 2012, le conseil de prud'hommes de Bobigny a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes.

Monsieur [G] et le Syndicat SNPEFP-CGT ont relevé appel de cette décision.

Par conclusions visées au greffe le 22 novembre 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [G] demande à la Cour l'infirmation du jugement, la poursuite du contrat de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt et la condamnation de l'Association au paiement des salaires dus entre le mois de mai 2006 jusqu'à la date effective de la réintégration, outre 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 22 novembre 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, le Syndicat SNPEFP-CGT sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de l'association à 1 euro à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession par le licenciement attentatoire à l'exercice du droit de grève et à la liberté d'expression.

Par conclusions visées au greffe le 22 novembre 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, l'Association PRUDIS CGT demande la confirmation du jugement, le rejet des prétentions de Monsieur [G] et du Syndicat SNPEFP-CGT et la condamnation de Monsieur [G] à 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la jonction des instances

En application de l'article 367 du code de procédure civile, il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des instances inscrites au répertoire général du greffe sous les numéros 13/04486 et 13/04490 et de dresser du tout un seul et même arrêt sous le numéro 13/04486.

Sur la rupture du contrat de travail

Selon l'article L.1232-1 du code du travail, un licenciement pour motif personnel doit être motivé par une cause réelle et sérieuse ; en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

L'Association PRUDIS CGT a licencié Monsieur [G] en raison de deux motifs : en premier lieu, le refus du salarié d'accepter le travail collectif et son opposition systématique aux décisions collectives et en second lieu, l'attitude et les propos exprimant le mépris, le dénigrement voire l'injure, à l'égard de la direction de l'association et des responsables confédéraux.

Elle soutient que dans le cadre du conflit qui l'a opposé à Monsieur [G], elle n'a jamais porté atteinte à la liberté d'expression du salarié alors que de son côté, Monsieur [G], à travers de ces différents courriers, a manifestement abusé de ce droit.

Elle conteste également que le licenciement ait constitué une entrave au droit de grève. Elle estime que le fait de grève est contestable dans la mesure où Monsieur [G] n'a transmis aucune revendication avant le 22 avril 2011, n'a formulé aucune revendication à caractère professionnel, qu'il a assuré sa formation le matin même et est parti aux Antilles pour une autre formation le lendemain.

Elle considère que les comportements inacceptables du salarié préexistaient avant le 22 avril 2011 et qu'ils ont rendu impossible le maintien du contrat de travail.

Le Syndicat SNPEFP-CGT soutient que contrairement aux affirmations de l'employeur, Monsieur [G] a toujours été respectueux de l'intérêt collectif et qu'il n'a pas refusé les orientations préconisées par la nouvelle direction de l'Association. Il estime qu'en réalité le licenciement de Monsieur [G] constitue une entrave au droit de grève et à la liberté d'expression et qu'à ce titre, il a reçu le soutien de nombreux militants et personnalités. En raison de la mise en cause par l'Association des valeurs défendues par la CGT, le Syndicat demande sa condamnation à 1euro symbolique.

Monsieur [G] transmet une analyse détaillée des événements et du conflit né du changement de Direction au sein de l'Association et de la refonte des orientations en matière de formation.

Il estime que dans le cadre de ce contentieux, il n'a agi que pour l'intérêt collectif avec une volonté de sauvegarder la qualité de la formation telle qu'elle était délivrée auparavant.

Il conteste également s'être opposé aux décisions collectives et considère qu'il a légitimement fait valoir ses observations ou ses désaccords dans le cadre du droit à la liberté d'expression qui lui était offert. S'agissant des propos injurieux qui lui sont attribués, il fait valoir que ce grief n'est qu'un prétexte et que son licenciement a été causé par le fait de grève. Il affirme que sa cessation d'activité l'après-midi du 22 avril constituait bien une grève, même s'il a été rémunéré ce jour-là et qu'il était seul ; qu'il a néanmoins bénéficié d'un soutien important de la part de nombreux directeurs de formation, éducateurs et conseillers.

Il précise que lors de l'entretien préalable, la direction lui a rapproché les propos tenus dans son courrier du 5 avril 2011, alors qu'à la suite de la réception de ce courrier, elle avait considéré ne pas devoir y répondre ; que ce n'est que pour motiver la rupture de son contrat de travail qu'elle s'est emparée de ces propos. Il considère que la rupture est une entrave à son droit de grève et sollicite sa réintégration.

C'est par des motifs pertinents, adoptés par la Cour, que les premiers juges, après examen de l'ensemble des pièces produites par les parties, ont considéré que le licenciement était justifié du fait de l'abus par le salarié dans le cadre de sa liberté d'expression et en raison de l'opposition très nette de Monsieur [G] aux décision prises par l'employeur.

Il suffira de rajouter à cet égard que si la liberté d'expression hors de l'entreprise permet au salarié d'en user comme un citoyen libre, sans considération du lien de subordination, dans les limites du respect de la loi, cette liberté d'expression et le droit de critique existant au sein de l'entreprise ne doit pas dégénéré en abus.

Le chef d'entreprise, ou comme en l'espèce les organes chargés de la direction, ont l'obligation de préserver l'intérêt social et de faire respecter l'image et la réputation de la structure sociale. Les excès commis dans l'exercice de la liberté d'expression du salarié doivent s'apprécier à l'aune des circonstances et du contexte professionnel dans lesquels ils s'exercent.

En l'espèce, le statut particulier de Monsieur [G], seul salarié dans une association issue d'une organisation syndicale, a manifestement crée une confusion sur les limites auxquelles il devait s'astreindre dans l'exercice de sa liberté syndicale et dans les obligations qui le liaient à son contrat de travail.

Même si le militantisme syndicale de Monsieur [G] pouvait autoriser une certaine tolérance dans le langage utilisé à l'égard de ses camarades, les courriers auxquels les premiers juges ont amplement fait référence révèlent des propos diffamatoires, infamants et même parfois injurieux à l'égard de membres de la direction de l'association et du conseil d'administration. Ces propos excessifs dépassent largement le seuil de cette tolérance dès lors qu'ils sortent du champ professionnel et portent atteinte nominativement à la personne du directeur, du président de l'association, de membres du Conseil d'administration.

La seule lecture du courrier du 5 avril 2005 atteste des excès de langage utilisés par le salarié. Le fait pour la direction de ne pas avoir cherché à polémiquer à la suite de la réception de ce courrier auprès d'instances tierces, ne l'empêchait pas de l'invoquer à l'appui du licenciement disciplinaire dont Monsieur [G] a fait l'objet.

Cet abus dans la liberté d'expression du salarié a débuté concomitamment à l'embauche du nouveau directeur et c'est à juste titre que le Conseil a souligné qu'il y avait eu réitération des faits et a précisé que l'attitude excessive du salarié ne pouvait être considéré comme une réponse légitime et ponctuelle à un comportement de la direction qui aurait pu être inadaptée.

Le Conseil a justement déduit de ces griefs que la grève du salarié pendant une demie journée le 22 avril 2005, n'était pas à l'origine du licenciement.

La Cour soulignera que dans le cadre de la procédure engagée en référé, la Cour d'Appel de Paris statuant en dernier ressort le 10 mars 2009, a considéré dans le même sens que le licenciement n'était vicié ni par une atteinte à la liberté d'expression ni au droit de grève.

Enfin, il y a lieu de confirmer également les motifs des premiers juges qui ont relevés une opposition marquée et répétée de Monsieur [G] à appliquer les décisions de l'employeur.

Si l'ensemble des pièces communiquées démontrent l'existence d'un réel combat d'idées et de positions sur l'évolution fixée par les instances confédérales sur la formation des conseillers prud'hommaux, il ressort des échanges entre le salarié et la direction , et notamment ceux des 1er juin 2004 et 7 mars 2005 qu'en réalité, Monsieur [G] a refusé les décisions transmises par le nouveau Directeur, Monsieur [H], avec lequel il était en conflit dès le départ. Dès lors les manifestations d'opposition d'autres militants sont sans effet sur le débat relatif au licenciement de Monsieur [G].

Un certain nombre de faits attestent de ce conflit de personne. En mars 2005, le refus du salarié de modifier la grille de stage concernant l'intervention d'une avocate sur deux jours n'est en réalité qu'une démonstration de force de Monsieur [G] face à une décision du directeur et du Président qu'il considère unilatéralement comme arbitraire.

Cette opposition aux décisions de la direction s'est également manifesté lorsque dans le cadre de la refonte, de nouvelles missions lui ont été confiées par la direction le 29 mars 2005. Monsieur [G] transmettra une réponse catégorique, le 5 avril 2005: 'Il n'est pas encore né celui qui réussira à me cloîtrer dans un bureau à confectionner des brochures pendant les heures d'ouverture'.

Plusieurs tentatives ont été engagées en interne et au sein même des instances syndicales pour tenter de désamorcer ce conflit et au vu de l'opposition de Monsieur [G] , la poursuite du contrat de travail s'est avérée impossible.

L'ensemble de ces motifs permettent de confirmer la décision prise par le conseil et de rejeter la contestation relative au licenciement et les demandes de réintégration et salariale de Monsieur [G].

Au vu des motifs précédemment exposés sur l'absence d' atteinte à la liberté d'expression et au droit de grève, il y a lieu de rejeter les demandes et prétentions du Syndicat SNPEFP-CGT .

PAR CES MOTIFS

ORDONNE la jonction des instances inscrites au répertoire général du greffe sous les numéros 13/04486 et 13/04490, sous le numéro 13/04486.

CONFIRME le jugement entrepris,

Y ajoutant,

VU l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE Monsieur [G] à payer à l'Association PRUDIS CGT en cause d'appel la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

CONDAMNE in solidum Monsieur [G] et le Syndicat SNPEFP-CGT aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/04486
Date de la décision : 07/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°13/04486 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-07;13.04486 ?
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