Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 FÉVRIER 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/20152
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2014 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2013048165
APPELANTE
SAS ARE & WHY
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 417 493 699
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Représentée par Me Antoine GAUTIER SAUVAGNAC de la SCP FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0010
INTIMEE
SASU SHURGARD FRANCE
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 403 609 779
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Joaquim RUIVO DE SOUSA LOPES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0700
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Are & Why est une société spécialisée dans le commerce d'articles de mode d'habillement et de chaussures.
La société Shurgard a une activité de mise à disposition des locaux en vue de l'entreposage et du stockage de biens.
Un contrat a été conclu entre les parties, le 6 janvier 2006, prévoyant la mise à disposition, au sein du site de Shurgard, sur la commune de [Localité 1], d'un local de 32 m² désigné comme le box n° 217/185 au prix de 569 euros HT par mois.
Dans la nuit du 23 au 24 février 2013, le centre de stockage a fait l'objet d'un vol par effraction au cours duquel 14 box ont été visités et vidés de leurs marchandises. A cette occasion, le box d'Are & Why a été visité et vidé d'une partie de son contenu.
La société Are & Why a déposé plainte auprès des services de police de [Localité 2] du chef de vol par effraction.
La société Are & Why a mis la société Shurgard en demeure de l'indemniser du préjudice subi, lui reprochant un défaut manifeste et prolongé de surveillance et a résilié le contrat le 29 mars 2013. La société Shurgard a, par courrier du 19 avril 2013, nié toute défaillance dans l'exécution de son obligation de surveillance.
Par exploit d'huissier du 28 juin 2013, la société Are & Why a assigné la société Shurgard devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 505 043,73 euros hors taxes correspondant au montant des articles de mode dérobés dans ledit local.
Par jugement du 25 septembre 2014, le tribunal a :
- débouté la SAS Shurgard France de sa demande de sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale actuellement en cours et la SAS Are & Why de ses demandes de dommages et intérêts,
- condamné la SAS Shurgard France à payer à la SAS Are & Why la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'effraction,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant toute voie de recours sans constitution de garantie,
- condamné la SAS Shurgard France à payer la somme de 5 000 euros à la SAS Are &Why au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Shurgard France aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe,liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.
La société Are & Why a relevé appel de ce jugement le 7 octobre 2016.
Par ordonnance du 14 novembre 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées par la société Shurgard le 8 août 2016, sur le fondement de l'article 909 du code de procédure civile,
Par conclusions notifiées le 7 octobre 2016, la société Are & Why demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié le contrat de contrat de prestation de services et non de dépôt et en ce qu'il a déclaré que la société Shurgard France avait failli à son obligation de surveillance et commis une faute engageant sa responsabilité.
Elle prie la cour de réformer la décision déférée sur la somme de 6 000 euros qui lui a été allouée et sollicite la condamnation de l'intimée à lui payer celle de 501 343,73 euros HTà titre de dommages et intérêts et celle de 30 000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 14 novembre 2016.
Par conclusions notifiées le 16 novembre 2016, soit deux jours après la clôture et alors qu'une ordonnance d'irrecevabilité de ses conclusions du 8 août 2012 a été rendu le 14 novembre 2016, la société Shurgard demande à la cour, au visa des articles 4 du code de procédure pénale et 73, 74 et 378 du code de procédure civile, d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale actuellement en cours et, en tout état de cause, de juger qu'elle n'a commis aucune faute et ou négligence, que la société Are & Why ne démontre absolument pas le préjudice qu'elle a subi du fait de cet incident et, en conséquence, de la débouter de l'intégralité de ses demandes concernant la somme de 505 043,73 euros requise à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi.
Elle sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros ainsi qu'en tous les dépens.
SUR CE,
Sur la recevabilité des conclusions de l'intimée
Les conclusions notifiées par la société Shurgard le 16 novembre 2016, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture intervenue le 16 novembre 2016, seront déclarées irrecevables.
Sur la faute
La société Are & Why fait valoir que la société Shurgard se présente comme le leader mondial du self-stockage faisant valoir la sécurité de ses installations par l'attribution d'un code personnel d'accès et et l'installation de caméras de sécurité alors que le vol du 23 février 2013 démontre que celui-ci n'a pu intervenir qu'en raison de graves carences de sécurité puisque le vol a été perpétré sans la moindre alerte des services de police et découvert par Shurgard cinq jours après les faits. Elle ajoute que ce vol perpétré sur de grandes quantités de produits a indéniablement nécessité un important laps de temps et des moyens importantes.
L'article 1 des conditions générales du contrat liant les parties énonce que « le présent contrat ne pourra en aucune circonstance s'analyser ou s'assimiler à un contrat de dépôt ; Shurgard n'ayant aucune des obligations du dépositaire et n'étant notamment tenu à aucun devoir de garde, de conservation, d'entretien, de surveillance et donc de restitution des biens entreposés. Le client reconnaît que ses bien seront entreposés sous sa responsabilité à ses risques et périls et à ses frais exclusifs étant en outre précisé que le client reste seul gardien desdits biens au sens de l'article 1384 du code civil. Le contrat ne peut non plus être assimilé à un contrat de louage du fait des prestations de service assurées par Shurgard notamment le contrôle d'accès, la télésurveillance, le matériel de manutention, la réception des marchandises.».
Le contrat liant la société Shurgard et la socité Are & Why s'analyse comme un contrat de mise à disposition d'un emplacement de 32 m2 moyennant une redevance mensuelle ; que ce contrat est donc un contrat de service. La société Shurgard est donc tenue à une obligation de moyen et sa responsabilité ne peut engagée que si la société Are & Why rapporte la preuve d'une faute contractuelle commise par Shurgard en relation de causalité direct avec le préjudice évoqué.
L'article 2.3 des conditions générales du contrat dispose que « le client accepte expressément le niveau et les mesures de sûreté et de sécurité. Shurgard ne sera tenu d'aucune responsabilité ni d'aucune garantie au titre tant de l'occupation et l'utilisation réglementaire et contractuelle que des attentes en matière de sûreté et de sécurité ».
Si les conditions générales du contrat disposent que Shurgard ne sera tenu d'aucune responsabilité du fait « des attentes en matière de sûreté et de sécurité », force est de constater que ces mêmes conditions générales font valoir des prestations de service assurées par Shurgard notamment un contrôle d'accès et la télésurveillance. Le site internet de l'entreprise présente ses solutions de stockage comme des endroits sûrs avec des boxes de stockage et garde meubles sécurisés. Il en résulte que la sécurité est un élément déterminant dans le choix de la société Shrurgard par les clients.
Il résulte des déclarations de M. [W], responsable du site Shurgard de [Localité 1] aux services de police, le 27 février 2013 qu'il n'y a pas de personnel Shurgard sur le site du samedi soir à partir de 18h30 jusqu'au lundi matin à 9h30 ; que la vidéo surveillance atteste que le vol été commis dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24 février 2013 sur une durée de 37 minutes et que la surveillance vidéo a été particulièrement inefficace ; le vol n'ayant été découvert par la société Shurgard que le lundi matin.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que la société Shurgard avait commis une faute en faisant croire à ses clients que le site était sécurisé au moyen d'une vidéo surveillance alors que celle-ci n'était pas exploitée par le personnel de surveillance du samedi soir au dimanche matin.
Sur le préjudice
La société Are & Why fait valoir que 14 palettes de produits haute de gamme ont été dérobés dont la valorisation est établie à hauteur de la somme de 343 111,44 euros à laquelle elle ajoute la marge estimée entre 35 et 60 % donnant un prix public de 505 043,73 euros HT.
Elle indique que la présence des marchandises est attestée par une facture de transport du 30 novembre 2012 pour un valeur déclarée de 350 000 euros ainsi que par les vidéos.
Elle ajoute que si elle s'est assurée pour un montant limité à 3 700 euros c'est en considération de l'assurance que lui avait donnée Shurgard en raison de la fiabilité de son système de sécurité et précise que le choix de s'assurer relève de la totale liberté de l'assuré qui n'a aucune incidence sur la réalité des dommages subis.
Ceci exposé, il convient de souligner que la limitation de la garantie souscrite par la société Are & Why auprès de son propre assureur ne saurait limiter son droit à réparation à l'encontre de la société Shurgard.
La société Are & Why a déclaré aux services de police le 28 février 2013 avoir subi un préjudice d'un montant d'environ 200 000 euros. Le visionnage de la vidéo surveillance produite aux débats par la société Are & Why permet d'établir que, compte tenu de la position de la caméra, de la configuration des lieux et de la position de la camionnette des cambrioleurs que ces derniers ont effectivement dérobé plusieurs palettes de vêtements qui se trouvaient dans le box loué par Are & Why.
Il résulte de la lecture de la facture du transporteur Calberson en date du 30 novembre 2012 que ce dernier a livré 18 palettes représentant 7,3 m3 et pesant 2 500 kg pour les marchandises livrées sur le site Shugard de [Localité 1] et 2 500 kg sur celles livrées sur le site showroom Roberd de [Localité 3], le tout valorisé à 350 000 euros. Ainsi, force est de constater que les marchandises livrées sur le site Shugard de [Localité 1] représente la moitié des marchandises livrées par la société Calberson et peut être valorisée à 350 000 euros / 2 = 175 000 euros, ce qui d'ailleurs correspondant à peu près à la somme déclarée par la représentante de la société Are & Why dans sa plainte déposée auprès des services de police. L'attestation du commissaire aux comptes qui fait état du fait que la somme de 343 111,44 euros HT est conforme aux écritures comptables relatives aux pertes de marchandises enregistrées sans les déclarations fiscales de l'exercice 2012, par ailleurs non versées aux débat, ne suffit pas à démontrer que les marchandises dérobées peuvent être valorisées à la somme de 343 111,44 euros HT.
C'est donc cette somme qui sera retenue. La société Are & Why soutient qu'elle a subi également une perte de marge qu'elle évalue entre 35 et 60 % sans justifier des taux de marges évoqués. Il n'appartient pas à la cour, en l'absence d'élément produit, de déterminer le taux de marge applicable.
Ainsi le préjudice subi par la société Are & Why sera évalué à la somme de 175 000 euros, à déduire celle de 3 700 euros qu'elle indique avoir reçue de son assureur au titre du vol, soit 171 300 euros.
La société Shurgard qui a donc engagé sa responsabilité contractuelle, sera condamnée à payer à la société Are & Why, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, la somme de 171 300 euros.
La société Shugard sera condamnée aux dépens d'appel et condamnée à payer à la société Are & Why une indemnité de procédure de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
DECLARE irrecevables les conclusions notifiées par la société Shurgard le 16 novembre 2016 ;
REFORME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 25 septembre 2014 sur le montant de l'indemnisation du préjudice subi par la société Are & Why,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que la société Shurgard est responsable du préjudice subi par la société Are & Why ;
CONDAMNE la société Shurgard à payer à la société Are & Why, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, la somme de 171 300 euros ;
CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions ;
CONDAMNE la société Shurgard aux dépens d'appel ;
CONDAMNE la société Shurgard à payer à la société Are & Why la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS