Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 FÉVRIER 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/10131
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/08023
APPELANTS
Madame [B] [I] épouse [P]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 1]
née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 2]
Monsieur [G] [P]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 2] 1931 à [Localité 3] (POLOGNE)
Représentés par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Représentés par Me Pierre PRADIE de la SEP LARDIN CABELI PRADIE, avocat au barreau de PARIS, toque : W01
INTIMEE
MONSIEUR LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS
Pôle Fiscal Parisien 1
Pôle Juridictionnel Judiciaire
Anciennement dénommé Monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du Département de Paris, [Adresse 2]
ayant ses bureaux [Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Représentée par M. Olivier BIDARD, Inspecteur des finances publiques munit d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [B] [I] et M.[G] [P] ont régulièrement déposé leurs déclarations au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune au cours des années 2001 à 2008. L'actif taxable était constitué essentiellement par un compte ouvert auprès de la société Bernard [U] Investment Securities, « BMIS ». Le compte, avait été géré par Mme [Q] [I]-[E] jusqu'à son décès, intervenu au mois de février 2005, puis par Mme [B] [P] sa fille et Mme [N] [P], sa petite fille.
Le 29 décembre 2008, les requérants ont déposé une demande en restitution portant sur l'ISF 2004 à 2008 en faisant valoir que leurs déclarations avaient été établies sur la base d'actifs fictifs. Puis, ils déposaient une réclamation complémentaire le 19 mars 2010, pour l'ISF de 2001 à 2003.
Leurs demandes ayant été implicitement rejetées, ils ont assigné l'administration fiscale en restitution des droits acquittés le 21 janvier 2010, devant le tribunal de grande instance de Paris.
Le jugement rendu le 26 mars 2013, par le tribunal grande instance de Paris a débouté les époux [P] de leurs demandes.
Ils ont interjeté appel du jugement.
Le 8 novembre 2016, les parties sont parvenues à un accord aux termes duquel l'administration fiscale a accepté de restituer aux requérants, l'ISF des années 2006, 2007 et 2008 à concurrence du plafonnement de cet impôt.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 10 novembre 2016, Mme [B] [I] épouse [P] et M. [G] [P] demandent à la cour de :
Infirmer le jugement rendu le 26 mars 2013 en ce qu'il a débouté M. et Mme [P] de leur demande de restitution de l'ISF acquitté à tort au titre des années 2001 et 2003,
- Ordonner la restitution de l'ISF à concurrence de 3 504 959 euros au titre du plafonnement de l'ISF en fonction des revenus, outre les intérêts moratoires capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil,
- Ordonner la restitution complémentaire de l'ISF à concurrence de 2 087 041 euros au titre du plafonnement de l'ISF en fonction des revenus, après substitution de la créance en restitution aux bons du Trésor américain fictifs, outre les intérêts moratoires capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil,
En tout état de cause,
- Condamner le Directeur Régional des Finances Publiques de Paris Ouest, ès qualités, à leur verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Pradié, Avocat, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 10 novembre 2016, M. le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris demande à la Cour de :
Dire les requérants mal fondés en leur appel du jugement rendu le 26 mars 2013
Les débouter de leurs demandes
Déclarer la demande en restitution irrecevable comme hors délai
Confirmer la décision déférée
Rejeter la demande en paiement de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La condamner à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
SUR CE,
Aux termes d'un accord intervenu le 8 novembre 2016, l'administration fiscale a accepté de restituer à Mme [B] [I] et M. [G] [P], l'ISF des années 2006, 2007 et 2008 à concurrence du plafonnement de cet impôt.
Sur la prescription
Les époux [P] demandent d'infirmer le jugement rendu le 26 mars 2013 en ce qu'il les a débouté de leur demande de restitution de l'ISF acquitté au titre des années 2001 et 2003
Les époux [P] sollicitent la restitution de l'ISF à concurrence de 3 504 959 euros au titre du plafonnement de l'ISF en fonction des revenus, outre les intérêts moratoires capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil.
Ils se fondent sur l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales pour faire valoir que le délai afférent aux droits relatifs à l'ISF, pour les années 2001 à 2003, a été rouvert par l'ordonnance de liquidation du 23 décembre 2008, puis par l'acte d'accusation de M. [U] le 10 mars 2009, le plaidé coupable du 12 mars 2009 et sa condamnation le 29 juin 2009, confirmant la fraude et son antériorité sur 20 ans. La révélation de l'antériorité de la fraude constitue l'événement leur permettant de fonder leur réclamation.
L'administration fiscale oppose la prescription de l'action contentieuse, en considérant que, l'événement retenu, la révélation de la fraude par M. [U] en 2008, ne permet pas de rouvrir le délai de réclamation, car les faits invoqués n'établissent pas que les contribuables n'auraient pas pu obtenir le remboursement intégral des sommes inscrites au nom de Mme [P] au cours des années litigieuses.
Aux termes de l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales, les réclamations relatives aux impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation.
En matière fiscale, l'événement qui peut servir de point de départ au délai de réclamation est constitué par tout fait ou circonstance ayant pour effet ou conséquence de :
- mettre en cause le principe de l'imposition contestée,
- modifier rétroactivement l'assiette ou le calcul de cette imposition, ou
- ouvrir droit au dégrèvement ou à la restitution de tout ou partie d'une imposition qui, fondée dans son principe, était régulièrement établie et calculée.
Or, la connaissance acquise par un contribuable au cours de l'instruction engagée devant une juridiction répressive d'éléments de fait le concernant ne saurait constituer un 'événement' susceptible d'ouvrir, au profit des requérants le délai de réclamation.
Ces considérations répondent aux réclamations de M. et Mme [P] concernant l'assiette (créance en restitution) et les modalités de calcul de l'impôt (plafonnement de l'ISF).
Le PV d'audition de M. [U], en date du 12 mars 2009, indique que : « lorsque les clients réclamaient les profits qu'ils avaient accumulés grâce à moi, ou lorsqu'ils souhaitaient récupérer leur mise, j'utilisais l'argent déposé à la Chase Manhattan Bank, le leur ou celui des autres. »
Ces déclarations établissent une possibilité de remboursement avant la révélation de la fraude.
Les requérants contestent cette défense, mais leur moyen repose sur la révélation de ce que : « les plus-values prétendument réalisées par l'escroc étaient fictives » or la preuve d'une absence de plus -value en 2001, 2002, 2003 n'est pas rapportée à ce jour par les pièces produites.
En effet, si le caractère fictif de la plupart des placements gérés par BMIS est indéniable, il n'en demeure pas moins vrai que les versements effectués par les investisseurs étaient réels et que certains, ont perçu des dividendes ou récupéré leur fonds. La révélation de la fraude ne remet pas en cause le principe des impositions pour les années 2001 à 2003, faute de justifier que les sommes placées ont été définitivement perdues dès leur mise à disposition de la société BMIS.
Il s'ensuit que la cour adopte les motifs du jugement critiqué qui a considéré que le caractère fictif des investissements de la société BMIS, est sans incidence sur l'existence même de ce compte sur lequel des sommes ont été déposées et à partir duquel des retraits ont été effectués et par voie de conséquence sur la créance détenue par Mme [P] à l'encontre de la société BMIS pour chacune des années en cause ; que la créance n'était pas litigieuse au jour du fait générateur de l'imposition en cause, soit au 1er janvier de chacune des années 2001 à 2003.
La demande présentée pour les années 2001 à 2003 est donc irrecevable comme étant prescrite.
A titre subsidiaire, les requérants soutiennent sur le fondement de l'article L199 C livre des procédures fiscales que l'administration aurait dû appliqué d'office le plafonnement de l'ISF en fonction des revenus. L'action étant prescrite, ce moyen ne peut prospérer.
M. et Mme [P] seront déboutés de leurs demandes.
La décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes
M. [G] [P] et Mme [B] [I] épouse [P], parties perdantes, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront tenus de supporter la charge des dépens de la procédure d'appel.
Il paraît équitable d'allouer à l'administration fiscale une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qui ont dû être exposés dans le cadre de cette procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
DÉCLARE la demande en restitution irrecevable comme prescrite
CONFIRME la décision rendue par le tribunal de grande instance de Paris le 26 mars 2013
CONDAMNE M. [G] [P] et Mme [B] [I] épouse [P] à verser à M. le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE M. [G] [P] et Mme [B] [I] épouse [P] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS