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02/02/2017 | FRANCE | N°16/03430

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 02 février 2017, 16/03430


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 02 Février 2017



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03430



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section activités diverses - RG n° F14/15452



DEMANDEUR AU CONTREDIT T

Monsieur [T] [E]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1] (VENEZUELA)

[Adresse 1]r>
[Adresse 1] SUISSE

comparant en personne, assisté de Me Céline SOUTIF, avocat au barreau de PARIS, toque : C2512





DEFENDERESSE AU CONTREDIT

SOCIETE NDCG

N° SIRET : 533 5...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 02 Février 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03430

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section activités diverses - RG n° F14/15452

DEMANDEUR AU CONTREDIT T

Monsieur [T] [E]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1] (VENEZUELA)

[Adresse 1]

[Adresse 1] SUISSE

comparant en personne, assisté de Me Céline SOUTIF, avocat au barreau de PARIS, toque : C2512

DEFENDERESSE AU CONTREDIT

SOCIETE NDCG

N° SIRET : 533 563 235

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Maxime PIGEON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1965, substitué par Me DESMAZURES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine MÉTADIEU, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.

Statuant sur le contredit formé le 3 mars 2016 par [T] [E] à l'encontre du jugement rendu le 19 février 2016 par le conseil de prud'hommes de Paris qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce ;

Vu les conclusions déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement par [T] [E] qui demande à la cour d'infirmer ce jugement et de :

- déclarer le conseil de prud'hommes de Paris compétent pour connaître du litige

- renvoyer la cause devant le conseil de prud'hommes de Paris,

Ou si elle décide d'évoquer,

- fixer sa moyenne de salaire à 2 700 € nets

- juger que le contrat de prestations de service conclu entre Ndcg et lui doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée

- juger que les manquements qu'il invoque à l'appui de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail constituent des manquements suffisamment graves et que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

En conséquence,

- condamner la Sas Ndcg à lui payer :

' 12 148,50 € d'indemnité de congés payés afférents,

' 1 214,85 € de congés payés afférents,

' 5 400 € d'indemnité compensatrice de préavis,

' 540 € de congés payés afférents,

' 1 836 € d'indemnité de licenciement,

' 21 600 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 16 200 € d'indemnité pour travail dissimulé

avec intérêt au taux légal à compter de l'introduction de la demande devant le conseil de prud'hommes

' 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil

- ordonner la remise des bulletins de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée au Pôle emploi conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard ;

Vu les conclusions déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement par la Sas Ndcg qui demande à la cour de :

- constater l'absence de tout lien de subordination de [T] [E] vis à vis de la Sas Ndcg et par conséquent l'absence de toute relation de travail entre les parties

- juger le conseil de prud'hommes incompétent pour connaître du litige et confirmer le jugement entrepris de ce chef

- débouter [T] [E] de l'ensemble de ses demandes

- condamner [T] [E] au paiement de la somme 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

SUR CE LA COUR,

La Sas Ndcg est un atelier d'architectes indépendants créé en 2011 et qui emploie quatre salariés et fait appel à des prestataires de services pour ses études techniques.

[T] [E] expose qu'il a intégré la Sas Ndcg dès sa création en qualité de chef de projet, en charge des missions de conception architecturale de projets, de création du matériel graphique nécessaire à la présentation des projets, de relations avec les clients et les fournisseurs, de l'organisation et de la participation aux réunions diverses, et de la participation aux réunions de chantiers, qu'aucun contrat de quelque nature que ce soit n'a été conclu par les parties, qu'il travaillait à plein temps dans les mêmes conditions qu'un salarié, que la Sas Ndcg lui a demandé de conserver le statut d'entrepreneur qu'il détenait depuis mars 2010 tout en s'engageant à régulariser sa situation après quelque temps, qu'au cours du second trimestre 2014, il a rencontré des difficultés pour obtenir le paiement de ses honoraires, qu'il n'a pu obtenir que sa situation soit régularisée et qu'il a donc pris la décision de suivre son épouse en Suisse.

C'est dans ces conditions, que le 12 novembre 2014 il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la Sas Ndcg et que le 1er décembre suivant, il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris.

MOTIFS

Aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions de ce même code entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient. Il règle les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination, lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.

L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

L'existence d'un lien de subordination n'est pas incompatible avec une indépendance technique dans l'exécution de la prestation.

En présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

[T] [E] fait valoir que :

- c'est à la demande de la Sas Ndcg qu'il a conservé un statut d'auto-entrepreneur

- il travaillait exclusivement pour le compte de la Sas Ndcg

- il respectait les horaires de travail en vigueur au sein de la Sas Ndcg comme l'ensemble des salariés

- il recevait des directives et instructions de la Sas Ndcg

- il percevait chaque mois le même niveau de rémunération, à tout le moins à compter du mois de mars 2013,

- il était totalement intégré au personnel de la société

- il disposait des mêmes moyens professionnels que les salariés de la société,

et que par conséquent il travaillait dans les mêmes conditions qu'un salarié sous la subordination de la Sas Ndcg.

La Sas Ndcg réplique qu'il existait une relation de confiance entre les parties et qu'il n'y a jamais eu de doute quant à la nature non salariale de la relation contractuelle, que [T] [E].

Elle conteste avoir demandé à [T] [E] de conserver son statut d'entrepreneur, lui avoir imposé des horaires de travail et lui avoir donné des instructions ou directives.

La Sas Ndcg précise que la facturation a évolué pour devenir forfaitaire, mais révisable, sans que celle-ci ne soit constante à partir de la fin 2012 et fait observer qu'elle est établie le papier à en-tête de l'intéressé et font systématiquement état des missions réalisées pour chacune d'elle.

Elle ajoute que [T] [E] travaillait depuis son appartement à de très fréquentes occasions avec son ordinateur personnel, qu'il n'était pas tenu de suivre des horaires ou de solliciter des congés, qu'il n'utilisait que ponctuellement les moyens de la société et Sas Ndcg et avait ses propres cartes de visite, et adresse électronique.

[T] [E] se prévaut d'une «'attestation d'emploi'» en date du 13 mars 2012 émanant du directeur de la Sas Ndcg, ainsi rédigée : 'Monsieur [T] [E]... exerce pour notre société en contrat de travail à durée indéterminée les fonctions salariées d'architecte, depuis le 01/11/2011, pour une rémunération brute de

3 1016,00 par mois. Mr [E] n'est ni démissionnaire, ni en période d'essai et ne fait pas l'objet d'un préavis de licenciement'.

Or la Sas Ndcg verse aux débats le courriel en date du 16 février 2012 que lui a adressé [T] [E] montrant sans aucune ambiguïté que c'est non seulement à sa demande expresse que cette attestation a été établie mais qu'elle est de plus mensongère :' [R]... est-ce que tu penses que l'on puisse faire aujourd'hui mon dossier bidon pour les immobiliers (contrat cdi fictif et fiches de paie fictives janvier 2012 et février 2012 avec un montant 2500 €) J'ai Merce qui me fout la pression et en plus elle a raison, parce que ça traîne depuis un moment'.

[T] [E] ne peut invoquer une apparence de contrat de travail et il lui incombe par conséquent d'apporter de la preuve de ce qu'il était lié à la Sas Ndcg par une relation de travail salarié.

Il convient de relever que :

- le demandeur au contredit ne justifie nullement d'une pression de la part de la Sas Ndcg pour qu'il conserve le statut d'auto-entrepreneur.

- la majorité des très nombreux courriels (une centaine) qu'il communique émane de clients de la Sas Ndcg (cette dernière apparaissant uniquement en copie), et, si des demandes sont exprimées, elles sont le fait de ces correspondants (L. [C], [G] [O], directeur technique de la mairie [Localité 3]) et ont en général un objet technique,

- l'intéressé utilise de manière indifférenciée son adresse personnelle et celle qui lui a été attribuée par la Sas Ndcg.

Par ailleurs le ton utilisé lors des échanges directs avec le dirigeant de la Sas Ndcg est cordial et ne comporte pas d'injonction ou directive s'agissant en général d'informations nécessaires à l'accomplissement de sa prestation, ainsi à titre d'exemple, :

- le 10 décembre 2012 : 'Voici le résumé du bilan des «surfaces plancher » de l'opération [Localité 3]',

- transmission de documents de clients de la Sas Ndcg accompagné du bref message suivant: 'Cordialement [R] [A]'.

Si [T] [E] avait à sa disposition des outils (ordinateur, carte de visite et adresse électronique notamment) appartenant à la Sas Ndcg, ainsi qu'en attestent Madame [L] et Madame [X], anciens salariés de la Sas Ndcg, il est établi qu'il utilisait aussi ses propres moyens, (courriel du 10 novembre 2011 envoyé de Buenos Aires où il séjourne et d'où il annonce l'envoi d'un document).

De la même façon, il est établi que [T] [E] bénéficiait d'une totale liberté d'organisation et n'était pas soumis à un horaire de travail, ainsi que cela résulte d'échanges de sms en 2012, 2013 et 2014 ainsi que de courriels :

- le 4 septembre 2012 : '[S] j'ai rdv au consulat argentin, et au consulat portugais pour faire le passeport de mon petit, je serai donc absent...J'ai déjà signalé ça à [V] mais je préfère te laisser un petit message au cas où...',

- le 4 octobre 2012 : '[R] et [V] Je vous fais parvenir ci-dessous une liste avec les dates où je ne pourrais pas être présent à l'agence...',

- le 6 mars 2013 : 'Voici la liste des jours où je serai absent à l'agence pour déplacement à l'extérieur

Avril du vendredi 19 avril au mercredi 24 avril... à Rome, Italie,

Mai petit pont de mai ...du 8 mai au.. 12 mai à Cadaquès Espagne',

- le 8 octobre 2013 : 'Cette semaine mon épouse sera en déplacement entre le mercredi 9 et le samedi 12, donc je vais m'occuper du petit Pol...'.

Plusieurs intervenants ou clients de la Sas Ndcg, tels Messieurs [V], [U], [Q], [R], [Z], et [H] déclarent de manière concordante que [T] [E] s'est présenté à eux comme auto-entrepreneur.

Enfin le fait qu'il ait facturé à la Sas Ndcg une somme forfaitaire identique à compter de 2012 pour ses prestations ne suffit pas à démontrer qu'elle correspondait au versement d'une rémunération salariale, alors même qu'il ne justifie pas de ce que les montants ainsi perçus constituaient l'essentiel voire la totalité de ses revenus.

Aucune des pièces produites n'établit la réalité d'instructions, d'ordres ou de directives qui auraient été donnés à [T] [E] par la Sas Ndcg et l'existence de moyens de contrôle qui auraient permis à cette dernière d'en vérifier la bonne exécution.

Force est de constater de plus qu'aucun élément ne révèle que la Sas Ndcg a pu faire un quelconque usage de son pouvoir disciplinaire à l'égard de [T] [E].

La preuve de la réalité du lien de subordination alléguée n'est pas rapportée.

Le litige qui oppose les parties ne relève pas de la compétence du conseil de prud'hommes.

Il y a lieu de rejeter le contredit, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de dire que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail, de dire le conseil de prud'hommes de Paris incompétent, de dire le tribunal de commerce de Paris compétent et de renvoyer l'affaire devant cette juridiction pour qu'il soit statué sur le fond du litige.

Sur les frais et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

[T] [E] succombant en ses demandes, il y a lieu de mettre à sa charge les frais du contredit et, en considération de l'équité, de le condamner à verser à la Sas Ndcg la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette le contredit formé par [T] [E]

Confirme le jugement

Dit que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail

Dit le conseil de prud'hommes de Paris incompétent

Déclare le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître du litige

Renvoie l'affaire devant cette juridiction pour qu'il soit statué sur le fond du litige

Condamne la Sas Ndcg à payer à [T] [E] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Laisse les frais du présent contredit à la charge de [T] [E]

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/03430
Date de la décision : 02/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°16/03430 : Se dessaisit ou est dessaisi au profit d'une autre juridiction


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-02;16.03430 ?
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