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01/02/2017 | FRANCE | N°15/05990

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 01 février 2017, 15/05990


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 1er février 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05990





Décision déférée à la cour : SUR RENVOI APRES CASSATION du 03 juin 2015 suite à l'arrêt de la cour d'appel de Paris (6-6) du 23 octobre 2013 concernant un jugement rendu le 06 Octobre 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/09038



APPELANT

Monsieur [B] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, D0675 substitué par Me Emmanuel HAIMEZ de la SELA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 1er février 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05990

Décision déférée à la cour : SUR RENVOI APRES CASSATION du 03 juin 2015 suite à l'arrêt de la cour d'appel de Paris (6-6) du 23 octobre 2013 concernant un jugement rendu le 06 Octobre 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/09038

APPELANT

Monsieur [B] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, D0675 substitué par Me Emmanuel HAIMEZ de la SELARL DAVIDEAU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

SA FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Michèle CORRE, avocat au barreau de PARIS, P0171 substitué par Me Halima ABBAS TOUAZI, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 octobre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [J] a été engagé le 22 juillet 1985 en qualité de journaliste pour exercer les fonctions de rédacteur en chef adjoint par la société Antenne 2. Après avoir exercé diverses fonctions, il est devenu, à compter du 1er janvier 2007, rédacteur en chef du service politique économique et social de la société France 3, devenue France Télévisions.

Le 13 mai 2009, M. [J] a été nommé président de La Chaîne parlementaire (LCP).

Par lettre adressée le 19 mai 2009 à Mme [J] [K], directrice générale de France 3, faisant suite à un entretien du 18 mai, M. [J] a sollicité son détachement auprès de LCP. A titre subsidiaire, il a sollicité une mise à disposition de LCP et a souligné qu'en cas de désaccord de France 3, il solliciterait un congé de deux ans renouvelable une fois, conformément aux dispositions des articles 32-2-1 et suivants de la convention collective des journalistes, avenant audiovisuel. Il indiquait que sa prise de fonction au sein de LCP serait effective le 10 juin 2009.

Par lettre adressée à Mme [K] le 8 juin 2009, M. [J] a indiqué avoir été autorisé par M. [V] [W], directeur général adjoint de France 3, de suspendre ses fonctions au sein de cette chaîne le 9 juin 2009. Il a confirmé son souhait de bénéficier du congé précité sauf si sa mise à disposition était formalisée.

La société France Télévisions a avisé M. [J] par un courrier du 23 juillet 2009 que les règles en vigueur en son sein ne lui permettaient pas d'accéder à sa demande de détachement et l'a invité à régulariser sa situation au plus vite auprès de la direction des ressources humaines. Puis par lettre du 21 août 2009, la société France Télévisions lui a rappelé son précédent courrier du 23 juillet en lui demandant de régulariser sa situation dans les plus brefs délais.

En réponse, par lettre du 27 août 2009, M. [J] a affirmé avoir régularisé sa situation auprès de la société France Télévisions en sollicitant un détachement ou un congé sans solde.

Par lettre du 21 septembre 2009, la société France Télévisions lui a confirmé que ni le détachement ni la mise à disposition n'étaient possibles aux termes des dispositions conventionnelles et qu'elle refusait le congé sans solde qu'il sollicitait. Elle l'invitait à régulariser sa situation en précisant qu'à défaut, elle serait amenée à tirer les conséquences de son absence injustifiée.

Par lettre du 10 janvier 2010, la société France Télévisions a convoqué M. [J] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave qui s'est tenu le 18 janvier 2010.

Le 23 mars 2010 M. [J] et la société France Télévisions ont signé une convention de rupture qui a été homologuée tacitement par l'autorité administrative.

Le 15 juin 2009, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant à dire que la convention de rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir la condamnation de la société France Télévisions au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, de complément d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaires et de congés payés afférents.

Par jugement rendu le 6 octobre 2011, le conseil de prud'hommes de [Localité 1] a débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

M. [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 10 décembre 2011 et, par arrêt rendu le 23 octobre 2013, la cour d'appel de Paris a :

- infirmé le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau,

- condamné la société France Télévisions à verser à M. [J] :

' 24 921,36 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

' 2 492,13 € au titre des congés payés afférents ;

' 76 556,62 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

' 2 492,14 € à titre de rappel de salaire pour la période du 31 mai au 9 juin 2009 ;

' 249,21 € au titre des congés payés afférents ;

avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2010, date de réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation ;

- condamné la société France Télévisions à verser à M. [J] la somme de 70 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt ;

- ordonné à la société France Télévisions de remettre à M. [J] une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à l'arrêt ;

- dit n'y avoir lieu à astreinte et à majoration des montants alloués en application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 ;

- condamné la société France Télévisions à verser à M. [J] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

- condamné la société France Télévisions aux dépens de première instance et d'appel.

Par arrêt rendu le 3 juin 2015 la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2013 par la cour d'appel de Paris et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Par déclaration du 12 juin 2015, M. [J] a saisi cette cour désignée comme cour de renvoi dans le délai de quatre mois prévu par l'article 1034 du code de procédure civile.

Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 12 octobre 2016, il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- dire que la convention de rupture de son contrat de travail du 23 mars 2010 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société France Télévisions à lui verser :

' 24 921,36 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

' 2 492,13 € pour les congés payés afférents ;

' 76 556,62 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement la somme de 18.406,80 € ;

' 250 000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 83 071,20 € à titre de rappel de salaires pour les mois de juin 2009 à mars 2010 ;

' 8 307,12 € pour les congés payés afférents

' 200 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement et exécution déloyale du contrat;

- assortir ces condamnations du taux d'intérêt légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- condamner la société France TÉLÉVISIONS à lui remettre une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes sous astreinte de 100 € par document et par jour de retard passé un délai de 5 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société France Télévisions à lui payer la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- dire que les montants alloués dans l'arrêt à intervenir soient majorés, à défaut de règlement dans les 15 jours suivant notification de l'arrêt du droit de recouvrement ou d'encaissement par huissier, supporté par le créancier en application de l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 ;

- condamner la société France TÉLÉVISIONS aux entiers dépens.

Par conclusions visées par le greffe le 12 octobre 2016 et soutenues oralement, la société France Télévisions demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande indemnitaire pour inégalité de traitement et exécution déloyale du contrat de travail

Au soutien de cette demande nouvelle, M. [J] expose que la société France Télévisions a manqué à ses obligations de bonne foi contractuelle et d'exécution loyale du contrat de travail en lui refusant une suspension de son contrat de travail qui avait été accordée à d'autres salariés dans une situation similaire. Il expose ainsi qu'il a seulement demandé à bénéficier des mêmes avantages que ceux accordés, en 2007 à M. [Q] [E] et en 2009 à Mme [X] [P], lesquels ont pu bénéficier d'une suspension de leur contrat de travail avec la société France Télévisions le temps de leur mandat au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Il invoque l'existence d'un usage au sein de l'entreprise, de suspension du contrat de travail ou de détachement lorsqu'un journaliste exerce des fonctions autres dans un organisme ayant une mission de service public. Il souligne que M. [W], directeur adjoint de France 3, lui avait donné son accord avant que M. [Q] ne revienne sur cette décision.

La société France Télévisions s'oppose à la demande en faisant valoir que le fait qu'elle n'ait pas répondu favorablement à la demande de M. [J] de détachement à LCP ne constitue pas un élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, dont au demeurant l'intéressé ne précise pas le critère illicite fondant celle-ci.

Elle indique que comme rappelé par M. [Q] dans sa lettre du 21 septembre 2009, les dispositions sur le détachement n'étaient pas applicables au cas d'espèce, la société ayant en outre le droit de refuser la demande de congé sans solde formée par M. [J].

Elle ajoute que comme ce dernier en a été avisé, la société France Télévisions, engagée dans une réorganisation importante, conséquence de la loi du 5 mars 2009, ne pouvait plus accepter la suspension de contrat de collaborateurs ayant décidé d'enrichir leur parcours professionnel hors de l'entreprise, faute de pouvoir garantir leur retour.

La société intimée allègue par ailleurs de l'existence d'une différence entre les nominations au CSA pour six années, entraînant d'ailleurs l'interdiction de rejoindre une entreprise sous tutelle durant encore trois ans, et la présidence d'une autre chaîne de télévision, fût-elle la chaîne parlementaire.

Elle affirme qu'en se portant candidat puis en acceptant la présidence de la chaîne parlementaire pour un mandat de trois ans, M. [J] a fait un choix de carrière et se devait de prendre ses responsabilités qui lui imposaient de rompre son contrat de travail avec la société France Télévisions.

*

M. [J] fonde sa demande indemnitaire non pas sur le principe de non-discrimination mais sur celui de l'égalité de traitement.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement entre des salariés placés dans une situation comparable. Dans l'hypothèse où cette inégalité est établie, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant la différence de traitement constatée.

Au préalable M. [J] ne démontre pas l'existence d'un usage permettant la suspension du contrat de travail ou le détachement de salariés de la société France Télévisions pour exercer d'autres fonctions dans un organisme exerçant une mission de service public, cet usage ne pouvant résulter des deux précédents invoqués, concernant M. [E] et Mme [P], lesquels ne caractérisent pas les conditions de constance, fixité et généralité requises pour établir l'existence d'un usage. La reconnaissance d'un tel usage au sein de l'entreprise par la société intimée ne résulte pas davantage du courrier du 21 septembre 2009 de M. [Q] indiquant «'France Télévisions ne fait plus usage de la faculté de détachement ouverte par l'avenant public à la convention collective des journalistes'», le mot usage étant utilisé dans cette correspondance manifestement dans son sens courant d'utilisation, et non au sens juridique de pratique constante, fixe et générale au sein d'une entreprise.

L'accord de M. [W] donné à M. [J] à sa demande de suspension de son contrat de travail pendant le temps de son mandat de président de LCP, qui a été contesté formellement par la société France Télévisions (confer la lettre de M. [Q] du 21 septembre 2009': « ... M. [W] m'a confirmé ne jamais avoir donné une telle autorisation'») n'est pas davantage démontré, la circonstance que, du fait des discussions en cours, l'employeur n'ait pas mis en demeure le salarié de reprendre ses fonctions pendant plusieurs mois étant indifférente à cet égard.

Il n'est pas contesté que M. [E] et Mme [P], journalistes au sein de la société France Télévisions, ont bénéficié d'un maintien de leur contrat de travail avec celle-ci lors de leur nomination pour six années au CSA, le premier en 2007 et la seconde en 2009. Leur situation est comparable avec celle de M. [J], journaliste exerçant des fonctions similaires au sein de la société intimée. La société France Télévisions rapporte cependant la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant la différence de traitement constatée en ce que d'une part le CSA en tant qu'autorité française de régulation de l'audiovisuel est une autorité administrative indépendante, alors que LCP est une chaîne de télévision, peu important qu'elle ait une mission de service public, d'autre part que suite à la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision la société France Télévisions était engagée dans une réorganisation ne lui permettant plus d'accepter la suspension du contrat de travail de ses salariés, ce qui n'est pas contesté par M. [J], enfin que l'employeur pouvait refuser le congé sans solde demandé à titre subsidiaire par l'intéressé. En conséquence l'atteinte invoquée au principe d'égalité de traitement n'est pas établie.

Enfin M. [J] ne démontre pas la mauvaise foi ou encore l'exécution déloyale du contrat de travail par la société France Télévisions. Il doit en conséquence être débouté de sa demande indemnitaire.

Sur la validité de la rupture conventionnelle

M. [J] demande l'infirmation du jugement déféré, qui a rejeté sa demande tendant à dire que la convention de rupture du 23 mars 2010 produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en invoquant':

- l'existence d'un litige entre les parties et d'une procédure de licenciement pour faute grave qui faisaient obstacle selon lui à la possibilité de procéder à une rupture conventionnelle';

- l'existence d'un vice du consentement par suite des manoeuvres dolosives de l'employeur qui l'a menacé d'un licenciement pour faute grave l'ayant contraint à accepter la proposition de rupture conventionnelle';

- le montant de l'indemnité spécifique de rupture qu'il a perçu, inférieur à celui auquel il pouvait prétendre.

La société France Télévisions répond que l'existence d'un différend entre les parties n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture, que le consentement de M. [J] a été donné librement et sans pressions comme il résulte de la chronologie des faits, étant souligné que M. [J] a négocié les termes de la convention avec l'assistance d'un avocat et que celle-ci a été signée plus de deux mois après l'entretien préalable au licenciement envisagé, que M. [J] a perçu le montant de l'indemnité qui lui était due étant rappelé qu'en tout état de cause le non-respect du minimum légal n'affecte pas la validité de la convention de rupture.

*

Conformément aux dispositions de l'article L. 1237-11 du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement et de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.

En application de l'article L. 1237-14 du même code, la validité de la convention est subordonnée, après expiration du délai de rétractation de quinze jours calendaires dont bénéficie chacune des parties, à son homologation par l'autorité administrative, qui dispose d'un délai d'instruction de 15 jours calendaires à compter de la réception de la demande, l'homologation étant réputée acquise à défaut de notification dans ce délai.

Si l'existence, au moment de la conclusion d'une rupture conventionnelle, d'un différend entre les parties au contrat de travail, n'affecte pas en elle-même la validité de la convention, le choix du salarié, de rester dans l'entreprise ou de mettre fin à son contrat de travail, doit être libre et éclairé et ne peut résulter de manoeuvres, pressions ou menaces exercées par son employeur pour l'inciter à choisir la voie de la rupture conventionnelle.

En premier lieu M. [J] est mal fondé à remettre en cause la validité de la convention du rupture en invoquant le différend existant entre les parties sur son statut postérieurement à sa nomination en qualité de président de la chaîne LCP, différend qui est avéré au vu des échanges de lettres versées aux débats et de la procédure de licenciement pour faute grave engagée par l'employeur, dès lors que l'existence de ce différend n'est pas susceptible d'affecter en elle-même la convention de rupture. Il importe peu en outre que la rupture conventionnelle ait été précédée de l'engagement par l'employeur d'une procédure de licenciement, laquelle ne fait pas obstacle à la conclusion ultérieure d'une convention de rupture.

En deuxième lieu, M. [J] allègue de manoeuvres dolosives de l'employeur sans lesquelles il n'aurait pas signé la rupture conventionnelle.

Il ne produit cependant aucune pièce justifiant de telles manoeuvres, qui ne peuvent résulter du seul engagement de la procédure de licenciement fût-il pour faute grave avec saisine préalable de la commission de discipline conformément aux dispositions conventionnelles applicables.

La cour relève en outre que dans l'exposé préalable des faits, la convention de rupture rappelle que M. [J] «'a indiqué ... par l'intermédiaire de son conseil que puisque la rupture des relations contractuelles semblait être inéluctable ... il souhaitait que celle-ci s'inscrive dans un processus conventionnel'», que'M. [J] a été assisté de son avocat pendant toute la procédure de rupture conventionnelle, qu'il a bénéficié d'un temps de réflexion certain compte tenu des délais s'étant écoulés entre l'entretien préalable au licenciement, du 18 janvier 2010, le premier entretien relatif à la rupture conventionnelle, du 10 mars, puis le second entretien du 23 mars à l'issue duquel la convention de rupture a été signée. Il en résulte que le vice du consentement allégué n'est pas démontré et que la rupture conventionnelle a été signée de manière libre et éclairée par M. [J].

En troisième lieu la stipulation dans la convention de rupture d'une indemnité dont le montant est inférieure à celle prévue par l'article L. 1237-13 du code du travail est sans effet en elle-même sur la validité de la convention de rupture. En conséquence et sans qu'il y ait lieu à ce stade de rechercher si l'indemnité prévue par les parties était inférieure à celle à laquelle M. [J] pouvait prétendre, ce qui sera examiné si-après, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande tendant à dire que la rupture conventionnelle du 23 mars 2010 produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de ses demandes subséquentes d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de rappel de salaire pour la période de juin 2009 au 23 mars 2010, dès lors qu'il est constant que M. [J], nommé président de LCP avec effet au 10 juin 2009, n'a plus été à la disposition de la société France Télévisions à compter de cette date, ce qui a été acté dans la convention de rupture, qui précise sur ce point qu'il «'est rappelé que Monsieur [B] [J] est en absence de son seul fait depuis juin 2009, ce qui exclut tout versement d'une quelconque rémunération sur cette période'».

Sur la demande de solde d'indemnité de rupture conventionnelle

M. [J] soutient qu'il a perçu à titre d'indemnité de rupture conventionnelle la somme de 106 200 €, qui est inférieure au montant auquel il pouvait prétendre, qu'en effet en application de l'avenant n° 4 du 28 mai 2009 à l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008, étendu par arrêté du 26 novembre 2009, soit antérieurement à la signature de la convention de rupture du 23 mars 2010, et par conséquent applicable à la société France Télévisions à défaut de clause d'exclusion, le montant de l'indemnité de rupture conventionnelle ne peut être inférieur à celui de l'indemnité conventionnelle de licenciement telle que prévue par l'article 44-3 de l'avenant audiovisuel public de la convention collective des journalistes. Il en conclut qu'il aurait du percevoir la somme de 182 756,62 € ou subsidiairement, si la cour estimait que l'avenant audiovisuel public n'a pas lieu de s'appliquer, celle de 124 606,80 € en application de la convention collective des journalistes qui renvoie aux dispositions de l'article L. 7112-3 du code du travail.

La société France Télévisions fait valoir qu'en application de l'arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2015 le montant de l'indemnité de rupture conventionnelle avec un journaliste est celui de l'indemnité légale de licenciement de droit commun, prévue par les articles L. 1234-9, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail, que contrairement à ce qu'affirme M. [J] l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'ANI du 11 janvier 2008, effectivement étendu par arrêté du 26 novembre 2009, ne s'applique pas aux entreprises qui ne sont pas membres d'une des organisations signataires de cet accord et dont l'activité ne relève pas du champ d'application d'une convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du MEDEF, de l'UPA ou de la CGPME, que tel est le cas de la société France Télévisions appartenant au secteur de l'audiovisuel qui ne relève pas d'une branche professionnelle dans laquelle les organisations patronales signataires de l'ANI du 11 janvier 2008 et de son avenant du 18 mai 2009 sont représentatives.

*

L'article L. 1237-13 du code du travail, issu de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 qui a mis en oeuvre l'ANI du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, prévoit que la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 du même code.

L'article L. 1234-9 du code du travail ouvre droit au salarié licencié, sous les conditions qu'il édicte, à une indemnité de licenciement dont les modalités et base de calcul sont fixées aux articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du même code.

Selon l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'ANI du 11 janvier 2008 précité, le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne doit pas être inférieur au montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement, si celle-ci est plus favorable que l'indemnité légale de licenciement. Cet avenant, étendu par arrêté du 26 novembre 2009, régit tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d'application de cet accord national interprofessionnel.

Toutefois, il ne s'applique pas aux entreprises qui ne sont pas membres d'une des organisations signataires de cet accord et dont l'activité ne relève pas du champ d'application d'une convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), de l'Union professionnelle artisanale (UPA) ou de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CGPME). Ainsi ne sont notamment pas soumis à ces dispositions les particuliers employeurs, les employeurs des professions agricoles et des professions libérales, du secteur de l'économie sociale, du secteur sanitaire et social et les entreprises relevant du secteur de la presse.

Contrairement à ce que soutient M. [J], la société France Télévisions, qui n'est pas membre d'une des organisations signataires de cet accord et dont l'activité ne relève pas du champ d'application d'une convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du MEDF, de l'UPA ou de la CGPME, n'est pas soumise à l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'ANI du 11 janvier 2008 ainsi que le rappelait M. [M], Directeur général du travail, dans sa lettre adressée le 15 février 2010 à la société France Télévisions, indiquant à cet égard que «'1. Vous avez indiqué que France Télévisions n'était adhérente, ni au MEDEF, ni à la CGPME. 2.a. Du fait de la fusion opérée par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, les accords ou conventions collectives nationales précédemment applicables aux sociétés du groupe France Télévisions (...) ont été mis en cause en application de l'article L. 2261-4 du code du travail. ... L'entreprise ne relève désormais d'aucune branche dûment constituée. 2.b. L'association des employeurs du service public audiovisuel (AESPA) ayant été dissoute, France Télévisions ne serait adhérente qu'au syndicat des éditeurs publics de programmes (ESPP), qui lui-même n'est adhérent à aucune organisation interprofessionnelle signataires de l'avenant n° 4. Dans l'hypothèse où les négociations en cours aboutiraient à une branche nouvelle regroupant les secteurs audiovisuels public et privé, les deux organisations patronales représentatives du secteur audiovisuel privé, à savoir le syndicat des télévisions privées (STP pour TF1, M6, Canal+) et ACESS (pour les chaînes du câble et du satellite), ne sont pas non plus adhérentes au MEDEF ou à la CGPME'», et concluant en ces termes': «'en conséquence France Télévisions est placée hors du champ de l'avenant n°4 et n'est donc soumise qu'aux dispositions légales en matière de conventionnelle'».

Il en résulte que le montant minimal de l'indemnité de rupture conventionnelle auquel M. [J] pouvait prétendre est celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail dont les modalités et la base de calcul sont fixées par les articles R. 1234-1 et R 1234-2 du même code.

M. [J] qui a perçu une indemnité de rupture calculée conformément aux dispositions susvisées a donc été rempli de ses droits, ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes dont la décision déboutant l'intéressé de sa demande de solde d'indemnité sera confirmée.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu d'ordonner la remise de documents sociaux rectifiés.

M. [J] partie perdante, supportera les dépens d'appel. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [J] de sa demande nouvelle de dommages et intérêts pour atteinte au principe d'égalité de traitement et exécution déloyale du contrat de travail ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [J] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/05990
Date de la décision : 01/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/05990 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-01;15.05990 ?
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