Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 27 JANVIER 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/18497
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Septembre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013019498
APPELANTE
SAS INTENS FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal audit siège domicilié
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : : 433 686 482 ([Localité 2])
Représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231
Représentée par Me Patrick LEVY de la SCP LEVY ROCHE, avocat au barreau de LYON, toque : 713 substitué par Me Hélène COGNÉ de la SCP LEVY ROCHE, avocat au barreau de LYON
INTIMEES
SAS HOTEL LE BRISTOL prise en la personne de son représentant légal audit siège domicilié
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET :572 047 751 ([Localité 4])
Régulièrement assignée, non représentée
SASU CHG-MERIDIAN FRANCE ayant pour nom commercial CHG-MERIDIAN COMPUTER FINANCE FRANCE, agissant en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 3]
N° SIRET : 328 063 227 ([Localité 4])
Représentée par Me Serena ASSERAF, avocat au barreau de PARIS, toque : B0489
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, et Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, chargé du rapport
Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre
Mme Irène LUC, Conseiller, désignée par Ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT :
- réputé contradictorie
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, président et par Madame Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
La société INTENS FRANCE, spécialisée dans l'installation et la maintenance de matériel audiovisuel, a conclu le 31 janvier 2006 avec la société HOTEL LE BRISTOL un contrat n°30012006/01 de fourniture, d'installation et de maintenance de 225 téléviseurs. Ce contrat prévoyait que le matériel devait être financé par la société CHG MERIDIAN qui en devenait propriétaire en payant directement leur coût au fournisseur, tandis que la société HOTEL LE BRISTOL s'engageait à payer 72 loyers d'un montant de 23.555,04 euros. Un contrat de location n°1392/1 a été conclu entre la société CHG MERIDIAN et la société HOTEL LE BRISTOL le 9 février 2006, prévoyant également la cession future des loyers à un tiers cessionnaire, la société ING LEASE.
Par lettre du 17 décembre 2007, la société CHG MERIDIAN a consenti à la société INTENS FRANCE une option d'achat des téléviseurs à l'échéance du contrat de location, le 31 janvier 2012, en réservant les cas d'évolution dudit contrat.
Le 24 décembre 2012 la société INTENS FRANCE a fait part à la société HOTEL LE BRISTOL de sa décision de lever l'option d'achat et de reprendre le matériel.Cette dernière et la société CHG MERIDIAN ont cependant refusé d'accéder à sa demande.
Par assignation délivrée à la société CHG MERIDIAN et à la société HOTEL LE BRISTOL le 13 mars 2013, la société INTENS FRANCE a saisi le tribunal de commerce de Paris d'une demande tendant à :
- à titre principal, obtenir la restitution desdits téléviseurs sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement ;
- à titre subsidiaire, voir reconnaître la responsabilité contractuelle de la société CHG MERIDIAN et condamner cette dernière à lui payer la somme de 161.295 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 2 septembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société INTENS FRANCE de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la société INTE1NS FRANCE à payer à la société CHG MERIDIAN la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société INTENS FRANCE aux dépens de l'instance.
Prétentions des parties
La société INTENS FRANCE, par ses dernières conclusions signifiées le 14 septembre 2015, demande à la Cour, au visa des articles 1134, 1147, dans leur rédaction applicable à la cause, et 1589 du code civil, de :
A titre principal :
- constater le caractère précis de la promesse unilatérale de vente contenue dans la lettre du 17 décembre 2007 ;
- constater que la société INTENS FRANCE a levé l'option par courrier du 24 décembre 2012 ;
- juger que le contrat de vente a été définitivement formé ;
- juger que la propriété des téléviseurs est transférée à la société INTENS FRANCE ;
- juger que la société CHG MERIDIAN est débitrice à l'égard de la société INTENS FRANCE d'une obligation de livraison ;
- constater que les téléviseurs sont détenus par la société HOTEL LE BRISTOL ;
- condamner la société CHG MERIDIAN et la société HOTEL LE BRISTOL à restituer à la société INTENS FRANCE lesdits téléviseurs sous astreinte de 200.00 euros par jour de retard, une fois expiré un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- enjoindre à la société CHG MERIDIAN de fournir tout justificatif actuel de la propriété des téléviseurs ;
A titre subsidiaire :
- juger que la société CHG MERIDIAN engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société INTENS FRANCE ;
- condamner la société CHG MERIDIAN à payer à la société INTENS FRANCE la somme de 161.265 euros à titre de dommages et intérêts ;
En tout état de cause :
- dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à la société HOTEL LE BRISTOL ;
condamner la société CHG MERIDIAN à payer à la société INTENS FRANCE la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société CHG MERIDIAN aux entiers dépens.
A titre principal, elle fait valoir que la société CHG MERIDIAN était tenue par une promesse unilatérale de vente au sens de l'article 1589 du code civil. Elle soutient alors qu'en manifestant sa volonté de lever l'option dans son courrier du 24 décembre 2012, le contrat de vente des téléviseurs a été régulièrement et définitivement conclu.
Elle soutient également qu'il n'y a pas eu évolution du contrat initial le 31 août 2009, puisque le contrat de financement aurait été cédé à une autre société de financement ' la société ING LEASE ' et résilié. Elle souligne également qu'une évolution du contrat initial, contrat tripartite, aurait nécessité son approbation, qu'elle n'a pourtant jamais donné. Elle rappelle alors que la société CHG MERIDIAN a entravé la levée de l'option par la société INTENS FRANCE en cédant la propriété des téléviseurs en méconnaissance de la promesse de vente.
Sur sa demande à titre subsidiaire, la société INTENS FRANCE soutient que la société CHG MERIDIAN a commis une faute en concluant avec un tiers, une convention en fraude de ses droits résultant de la promesse unilatérale de vente.
Les société CHG MERIDIAN, par ses dernières conclusions signifiées le 10 novembre 2015, demande à la Cour, au visa des articles 1134 et 1589 du code civil, de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
En conséquence, débouter la société INTENS FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société INTENS FRANCE à payer à la société CHG MERIDIAN la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société INTENS FRANCE aux entiers dépens.
La société CHG rappelle que le contrat de fourniture et de maintenance des téléviseurs qu'elle a conclu le 31 janvier 2006 avec la société INTENS FRANCE doit être distingué du contrat de location financière portant sur ces téléviseurs qu'elle a uniquement conclu avec la société CHG MERIDIAN le 9 février 2006.
Elle soutient que la lettre du 17 septembre 2007 ne faisait que donner la possibilité pour la société INTENS FRANCE, et ce sous conditions, de se porter acquéreur des téléviseurs, sans que cette lettre contienne une promesse unilatérale de vente.
Elle soutient également que le contrat de location initial a fait l'objet d'une convention d'évolution entre la société HOTEL LE BRISTOL et la société CHG MERIDIAN dans le cadre d'un nouveau contrat conclu le 31 août 2009 pour une nouvelle durée de 72 mois. Elle explique que la convention d'évolution n'a fait que prolonger le contrat initial. Elle explique en outre que le contrat de location initial n'a pas été cédé à la société ING LEASE dans le contrat dit « d'évolution » en date du 31 août 2009, puisque cette dernière était déjà partie à ce contrat en qualité de cessionnaire, dès 2006.
La société CHG MERIDIAN souligne que la société INTENS FRANCE ne peut se prévaloir d'un défaut d'information relatif aux modifications du contrat de location initial puisqu'elle n'y était pas partie. Elle explique en effet que la société INTENS FRANCE n'est partie qu'au contrat de fourniture et de maintenance des téléviseurs et non pas au contrat de location conclu indépendamment avec la société CHG MERIDIAN.
Elle soutient enfin que la société INTENS FRANCE ne justifie pas sa demande de dommages et intérêts qu'elle estime disproportionnée au regard de la valeur actuelle des téléviseurs.
PAR CES MOTIFS
Considérant que la société INTENS FRANCE sollicite la restitution des téléviseurs objet du contrat de fourniture n°30012006/01 conclu avec la société HOTEL LE BRISTOL et financés par la société CHG MERIDIAN par contrat n°1392/1 ; qu'elle prétend être propriétaire dudit matériel par l'effet d'une promesse de vente consentie par la société CHG MERIDIAN ;
Considérant qu'en application de l'article 1589 du code civil, la promesse de vente vaut vente lorsqu'il a consentement réciproque des deux parties sur la chose et le prix ; qu'en cas de promesse unilatérale de vente, le bénéficiaire ne devient propriétaire de la chose qu'après avoir levé l'option d'achat qui lui a été consentie par le promettant, dans les délais et dans le respect des conditions souscrites ; qu'en application de l'article 1183 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, une telle promesse devient caduque si la condition résolutoire à laquelle elle était soumise se réalise avant la levée de l'option par le bénéficiaire ;
Considérant qu'il résulte de la lettre du 17 décembre 2007 adressée à la société INTENS FRANCE par la société CHG MERIDIAN, que cette dernière s'est « engagée à donner à la société INTENS FRANCE, la possibilité de se porter acquéreur » des produits corporels objet du contrat de location n°1392/1 à l'échéance de celui-ci, pour le prix d'un euro HT ; que la société CHG MERIDIAN a, par les termes de cette lettre, consenti une option d'achat des téléviseurs à la société INTENS FRANCE en lui laissant le choix de se porter ou non acquéreur de ces biens pour un prix déterminé, à l'échéance du contrat de location conclu avec la société HOTEL LE BRISTOL ; que la société INTENS FRANCE est donc le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente accordée par la société CHG MERIDIAN portant sur les téléviseurs loués à la société HOTEL LE BRISTOL ;
Considérant cependant que la lettre du 17 décembre 2007 réserve expressément les « cas d'évolution en cours de contrat » ainsi que les cas d'inexécution contractuelle du locataire ; que la société CHG-MERIDIAN a ainsi consenti une promesse unilatérale de vente sous la condition que le contrat de location n°1392/1 ne soit pas modifié avant son échéance et que la société HOTEL LE BRISTOL ait parfaitement exécuté ses obligations ; qu'il s'en déduit que la société CHG-MERIDIAN a souhaité ériger le terme de la location comme condition de l'option d'achat qu'elle a consentie à la société INTENS FRANCE puisqu'elle qualifie les produits corporels objet de ladite option comme étant ceux « dont la location est achevée » ; qu'une telle promesse de vente est valable puisque la survenance de la condition dépend de toutes les parties au contrat de location, notamment du locataire qui doit accepter la modification tant de la durée du contrat que des loyers correspondants ;
Considérant que, par contrat dit « d'évolution » en date du 1er septembre 2009, les parties au contrat de location n°1392/1 ont modifié le terme de la location des téléviseurs en prévoyant une nouvelle durée de 72 mois décomposée en 36 loyers de 25.980 euros et 36 loyers de 10.453 euros ; que les conditions particulières de ce contrat d'évolution stipulent qu'il prend effet à compter du 1er septembre 2009 et que le tiers cessionnaire ING LEASE se verra verser 69 loyers à compter du 1er décembre 2009 ; que ce contrat d'évolution porte le n°1392/3 ; qu'il doit donc être considéré comme un troisième avenant au contrat de location initial, et non comme un nouveau contrat remplaçant ce dernier après résiliation ; que les parties au contrat de location ont donc entendu proroger sa durée et repousser son terme à l'année 2015 ; que, dans ces circonstances, la condition sous laquelle était conclue la promesse de vente des téléviseurs objet du contrat de location - location parvenue à son terme et absence d'évolution du contrat - ne s'est pas réalisée ; qu'il en résulte que l'option d'achat consentie à la société INTENS FRANCE est caduque depuis le 1er septembre 2009 ;
Considérant enfin que la société CHG-MERIDIAN n'a pas volontairement fait obstacle à la levée de l'option par la société INTENS FRANCE en cédant la propriété des téléviseurs à un tiers en violation de la promesse de vente ; que la société ING LEASE est en effet cessionnaire du contrat de location depuis la version initiale dudit contrat en date du 1er février 2006 ; que ladite cession ne concerne en outre que les loyers, et non la propriété directe des téléviseurs objet du contrat ; que la société CHG-MERIDIAN n'a pas plus provoqué la réalisation de la condition puisque la durée du contrat de location a été modifiée deux ans après la conclusion de la promesse de vente alors même que les parties au contrat de location auraient eu l'occasion de modifier celui-ci bien plus tôt, lors des avenants n°1 et 2 ; que la société INTENS FRANCE ne peut donc revendiquer aucun droit sur lesdits téléviseurs qui sont restés la propriété de la société CHG-MERIDIAN ; que le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris sera en conséquence confirmé ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société INTENS FRANCE à payer à la société CHG MERIDIAN la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris,
CONDAMNE la société INTENS FRANCE à payer à la société CHG MERIDIAN la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la société INTENS FRANCE aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président