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26/01/2017 | FRANCE | N°15/18120

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 26 janvier 2017, 15/18120


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 26 JANVIER 2017



(n° 59, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/18120



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Août 2015 -Tribunal de Commerce de Nancy - RG n° 2015004706



APPELANTE



SA SYSTÈME U CENTRALE RÉGIONALE EST

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Eric DA

VID, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

Assistée de Me Paul AZEVEDO, avocat au barreau de STRASBOURG



INTIMEE



SA LES MAGASINS LONGOVICIENS

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 645 6...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 26 JANVIER 2017

(n° 59, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/18120

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Août 2015 -Tribunal de Commerce de Nancy - RG n° 2015004706

APPELANTE

SA SYSTÈME U CENTRALE RÉGIONALE EST

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Eric DAVID, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

Assistée de Me Paul AZEVEDO, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE

SA LES MAGASINS LONGOVICIENS

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 645 620 543

Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SCP NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493

Assistée de Me Josiane PIOT, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Bernard CHEVALIER, Président, et Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. Aymeric PINTIAU, greffier.

Par lettre du 13 avril 2015, la SA Système U Centrale Régionale Est, coopérative de commerçants détaillants ( la coopérative) a notifié à la SA Les Magasins Longoviciens, son adhérente qui exploite un magasin à [Localité 2], son exclusion à effet du 31 août 2015.

La société Les Magasins Longoviciens a alors fait assigner la coopérative devant le tribunal de commerce de Nancy au visa des articles 873-1 du code de procédure civile et L442-6 I 5° du code de commerce qui, par ordonnance contradictoire en date du 26 août 2015, a :

- ordonné à la Société Système U Centrale Régionale Est de respecter un préavis de 18 mois préalable à la cessation de ses relations commerciales avec la société Les Magasins Longoviciens soit jusqu'au 13 octobre 2016,

- dit que la SA Système U Centrale Régionale Est sera redevable envers la SA Les Magasins Longoviciens d'une astreinte comminatoire de 3 000 € par commande non livrée, durant cette période, 15 jours après mise en demeure,

- réservé la liquidation de l''astreinte,

- condamné la SA Système U Centrale Régionale Est à payer à la SA Les Magasins Longoviciens la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens de la présente ordonnance à la charge de la SA Système U Centrale Régionale Est.

La SA Système U Centrale Régionale Est, appelante de cette décision, demande à la cour par conclusions transmises par RPVA le 29 mars 2016, de :

- l'infirmer en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- débouter la société Les Magasins Longoviciens de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour devait confirmer l'ordonnance entreprise,

Vu l'article 488 du code de procédure civile,

- dire et juger qu'en tout de cause, le maintien contraint et forcé de la relation commerciale établie, cessera de plein droit au jour de la décision du juge au fond compétent statuant sur la légitimité de l'exclusion statutaire et ses conséquences,

- condamner la société Les Magasins Longoviciens à lui la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Les Magasins Longoviciens, intimée, par conclusions transmises par RPVA le 12 mai 2016, demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a :

* fixé la durée du préavis à seulement 18 mois,

* qualifié l'astreinte prononcée de comminatoire,

Et, statuant à nouveau:

- fixer la durée du préavis à deux années à compter du 14 avril 2015,

- dire que l'astreinte revêt un caractère définitif,

- débouter la coopérative de l'ensemble de ses demandes,.

- condamner la coopérative à lui payer une indemnité de procédure de 3.000 euros et aux dépens dont distraction.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Aux termes de l'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut toujours, dans les limites de la compétence du tribunal et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou non, constitue une violation évidente de la règle de droit et le dommage imminent s'entend de celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.

En vertu de l'article L442-6 I 5° du code de commerce, 'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, (...) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.(...) les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations (...)'.

Il est constant que ces dispositions du code de commerce ne s'opposent pas à la saisine du juge des référés, qui selon l'article L442-6 I IV de ce code peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou tout autre mesure provisoire, sauf à respecter les conditions d'application des dispositions précitées du code de procédure civile.

Au vu des pièces produites (annexes 1,2 et 7), il est manifestement établi que la société Les Magasins Longoviciens est associée et cliente de la coopérative depuis 1993, ce que cette dernière ne conteste d'ailleurs pas et qu'elle a été exclue suivant décision prise par le conseil d'administration de la coopérative le 7 avril 2015 à effet du 31 août 2015, notifiée à l'intéressée le 13 avril 2015, confirmée par l'assemblée générale ordinaire des associés du 2 juin 2015 mais contestée devant le juge du tribunal de grande instance de Mulhouse, qui a été saisi par acte du 10 août 2015 au visa de l'article L124-10 du code de commerce.

Les parties s'opposent à la présente instance sur la brutalité de la rupture.

La société Les Magasins Longoviciens considère que la durée du préavis de rupture, s'agissant d'une relation commerciale établie depuis plus de vingt ans, ne respecte pas les usages en la matière, est manifestement insuffisante pour lui permettre de réorganiser ses approvisionnements dès lors que la coopérative est son fournisseur quasi-exclusif, notamment de produits sous marque de distributeur et qu'elle lui cause donc un trouble manifestement illicite.

La coopérative soutient qu'on ne peut écarter la logique spécifique du droit des sociétés résultant des articles L124-1 et suivants du code de commerce et de l'intuiti personae par l'application d'un texte pensé pour lutter contre le déréférencement abusif dans la grande distribution, dès lors qu'il se déduit de la spécificité des coopératives de détaillants - en ce que la qualité de client du fournisseur dépend de celle d'associé et en ce que ses statuts ne prévoit pas la possibilité de fournir un tiers non associé - qu'elle n'est pas un commerçant au sens de l'article L442-6 I 5° précité.

Les parties s'opposent de même sur la réalité des manquements invoqués.

La société Les Magasins Longoviciens soutient que son exclusion n'est motivée que par un changement de politique commerciale de la coopérative quant à la nécessité, inexistante jusqu'alors, pour les magasins de bénéficier de l'enseigne U, le surplus des griefs n'étant que vagues prétextes.

La coopérative prétend, quant à elle, que les motifs de l'exclusion caractérisent une inexécution contractuelle qui justifie une rupture sans préavis et que le juge des référés est incompétent pour en apprécier la pertinence qui relève de la compétence des seuls juges du fond saisis.

Etablies entre personnes morales à caractère commercial et portant sur l'exploitation d'un fonds de commerce, la relation existant entre la coopérative et la société Les Magasins Longoviciens est commerciale au sens de l'article L442-6 I 5° du code de commerce.

A cet égard, il importe peu que cette relation commerciale soit régie par les dispositions légales propres aux coopératives de commerçants détaillants précitées dès lors que la coopérative, qui ne cite ni jurisprudence ni doctrine à l'appui de son argumentaire contraire, n'explique pas en quoi cette spécificité dispenserait du respect d'un préavis tenant compte, conformément aux usages du commerce, de la durée de la relation commerciale interrompue, au cours duquel le client conserve sa qualité d'associé.

La coopérative ne peut d'ailleurs pas en disconvenir tout à fait dans la mesure où, comme le relève pertinemment le juge des référés, elle a modifié ses statuts par assemblée générale extraordinaire du 4 juin 2015 et porté de six à dix-huit mois la durée du préavis de retrait de ses adhérents, dont il résulte que la mise en oeuvre de cette exigence de loyauté dans les relations d'affaires n'est manifestement pas hors de portée, même au regard du droit des sociétés et de l'intuitu personae invoqués plus haut.

Et il résulte avec l'évidence requise en référé qu'un préavis de quatre mois et demi, comme en l'espèce, pour rompre une relation commerciale établie depuis plus de vingt ans ne tient pas suffisamment compte de la durée de cette relation ni des usages du commerce.

Pour expliquer la brièveté du préavis retenu en l'espèce, la coopérative invoque subsidiairement l'inexécution contractuelle de la société Les Magasins Longoviciens reprise dans les motifs d'exclusion de celle-ci tels qu'ils résultent du procès verbal du conseil d'administration du 7 avril 2015 (annexe 6):

- Le magasin sans enseigne de LONGWY ne bénéficie pas de l'enseigne U car il n'est pas en conformité avec les règles d'attribution en vigueur (problématique de l'exploitation d'un magasin pour une partie non alimentaire approvisionnée par U et pour une partie alimentaire approvisionnée par une autre enseigne). Or, la politique commerciale du groupement SYSTEME U ' CENTRALE REGIONALE EST n'est plus d'approvisionner des magasins sans enseigne U.

- La coopérative SYSTEME U ' CENTRALE REGIONALE EST doit procéder à des traitements différenciés pour répondre à certains besoins de ce magasin, alors que les efforts de la coopérative ne doivent pas répondre à l'intérêt individuel d'un associé mais aux besoins de la collectivité.

- Sur un plan financier, le magasin sans enseigne de LONGWY bénéficie de tous les effets induits de l'appartenance au réseau U, sans en supporter les contraintes (cas des reversements et négociations commerciales rendues possibles par la puissance du réseau U et de l'attractivité de l'enseigne vis-à-vis des fournisseurs).

Il est donc demandé au conseil d'administration de se positionner sur la décision d'exclure le point de vente sans enseigne au vu des motifs sus-évoqués.

La RED préconise au conseil l'exclusion du magasin sans enseigne de LONGWY.

Le conseil donne son accord à l'unanimité avec un délai de préavis juridiquement adapté. '

Toutefois, il résulte des conclusions des parties que la société Les Magasins Longoviciens a toujours exploité son magasin sans enseigne U, de sorte que le motif d'exclusion, lié au changement de politique commerciale de la coopérative, ne s'analyse pas, à l'évidence, en un manquement grave ou répété de ce point de vente à ses obligations contractuelles, alors même qu'il n'est invoqué aucune disposition statutaire imposant l'utilisation de l'enseigne U aux associés.

Et la coopérative ne s'explique pas sur le détail des deux autres motifs ci-dessus, se bornant à soutenir que 'des inexécutions ont été constatées et ont été jugées sérieuses et légitime par l'assemblée générale' ayant justifié l'exclusion, sans toutefois fournir aucune pièce ou mise en demeure de se confirmer à ces exigences, pour étayer son propos.

Il s'ensuit que la coopérative qui n'a respecté qu'un préavis de quatre mois et demi a manifestement rompu brutalement une relation commerciale établie depuis plus de vingt ans avec son détaillant, qu'au vu des pièces produites (annexes 18, 18 ter, 19 et 19 bis), elle fournit quasi exclusivement de sorte qu'il ne lui est à l'évidence pas possible de réorganiser l'activité de son point de vente et de ses 25 salariés dans un tel délai et que la pérennité de cette activité est d'évidence mise en péril.

Il en est d'autant plus ainsi que la décision d'exclusion reprise ci-dessus prévoyait un délai de préavis 'juridiquement adapté'.

La brutalité de cette rupture résultant du défaut de préavis suffisant s'analyse donc, sans préjudice de la décision à intervenir au fond, en un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser en ordonnant , sous astreinte, la poursuite des relations commerciales litigieuses, ainsi que le juge des référés en a décidé, sauf du chef de la liquidation de celle-ci.

En effet, en vertu de l'article L 131-3 du code des procédure civiles d'exécution, la liquidation de l'astreinte relève par principe du juge de l'exécution et aucune circonstance susceptible de justifier que le juge des référés s'en réserve la liquidation n'est invoquée ni ne ressort des débats.

En outre, la demande de conversion en astreinte définitive de l'astreinte comminatoire ordonnée en première instance, qui n'est soutenue ni en droit ni en fait, ne peut être accueillie.

De même, la société Les Magasins Longoviciens, qui ne fournit aucune pièce concernant la fourniture de produits sous marque de distributeur et ne s'explique pas sur les modalités de sa reconversion, n'étaye pas utilement sa demande de prolongation à deux ans de la poursuite de la relation commerciale litigieuse.

Enfin aucune circonstance ne justifie d'accueillir la demande de la coopérative tendant au rappel des dispositions de l'article 488 du code de procédure civile.

L'ordonnance entreprise qui, au vu des articles 696 et 700 du code de procédure civile, a fait une exacte appréciation de l'indemnité de procédure et des dépens, sera confirmée de ces chefs. Et à hauteur de cour, l'équité commande de condamner la coopérative à payer à la société Les Magasins Longoviciens une indemnité de procédure complémentaire de 3.000€.

La coopérative, partie perdante, ne peut prétendre à une indemnité de procédure et doit supporter la charge des dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l'ordonnance entreprise, sauf du chef de la liquidation de l'astreinte ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à se réserver la liquidation de l'astreinte qui relève du juge de l'exécution ;

CONDAMNE la Société Système U Centrale Régionale Est à payer à la société Les Magasins Longoviciens la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE la Société Système U Centrale Régionale Est aux dépens d'appel, distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/18120
Date de la décision : 26/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°15/18120 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-26;15.18120 ?
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