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26/01/2017 | FRANCE | N°15/04976

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 26 janvier 2017, 15/04976


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 26 Janvier 2017



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04976



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mars 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 13-00611





APPELANTE

SAS VEOLIA PROPRETE

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Frank WISMER, avocat au

barreau de PARIS, toque : P0107,

substituée par Me Nelly JEAN-MARIE, avocat du même cabinet.



INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[Adresse 3]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 26 Janvier 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04976

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mars 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 13-00611

APPELANTE

SAS VEOLIA PROPRETE

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Frank WISMER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107,

substituée par Me Nelly JEAN-MARIE, avocat du même cabinet.

INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[Adresse 3]

représenté par M. [H] [Q], en vertu d'un pouvoir général

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 4]

[Adresse 5]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 3 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Claire CHAUX, Présidente de chambre

Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseiller

Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Charlotte COS, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Mme Claire CHAUX, président et par Mme Anne-Charlotte COS, greffier présent lors du prononcé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS , PROCEDURE , PRETENTIONS DES PARTIES

L'URSSAF de Paris a diligenté un contrôle au sein de la société Veolia Propreté portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 à l'issue duquel elle a notifié à la société une lettre d'observations dans laquelle elle indiquait envisager un redressement sur plusieurs points pour un total de 3.114.357€.

Après les observations de la société, l'inspecteur a maintenu partiellement ses observations et par une lettre datée du 2 décembre 2011 a ramené les redressements à un total de 2.541.892€, puis a notifié le 22 décembre 2011 à la société Veolia Propreté une mise en demeure de ce montant augmenté des majorations de janvier 2008 à décembre 2010, soit 358.248€.

Le 20 janvier 2012, la société a réglé la somme de 1.203.711€ correspondant aux points de redressement non contestés et a saisi la commission de recours amiable en contestant le surplus, soit 1.338.181€.

Lors de sa séance du 21 décembre 2012, la commission de recours amiable a partiellement fait droit au recours de la société et a ramené le redressement contesté à la somme de 1.245.252€ de cotisations.

La société a saisi le 25 mars 2013 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny d'un recours contre cette décision notifiée le 12 février 2013 et le 4 avril 2013 a fait un nouveau versement de 309.708€.

Le 8 juillet 2013, après un nouvel examen du dossier, la commission de recours amiable a fait droit à la contestation de la société Veolia Propreté relative aux primes de salissure pour un montant de 489.281€ ramenant le redressement de l'URSSAF à 443.263€ de cotisations.

Par un jugement du 19 mars 2015, le tribunal de Bobigny a :

- déclaré bien fondés les points du redressement n°5 et n°7 relatifs aux cotisations de l'employeur dans le contrat de remboursement de frais de santé et le contrat de régime de retraite supplémentaire,

- confirmé la mise en demeure du 22 décembre 2011 et la décision de la commission de recours amiable du 12 février 2013,

- condamné la société Veolia Propreté à payer à l'URSSAF la somme de 271.510€.

La société Veolia Propreté fait soutenir par son avocat des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau :

- d' annuler les chefs de redressement n°5 et 7 de la lettre d'observations du 9 octobre 2011 relatifs au régime de remboursement de frais de santé (342.928€) et au régime de retraite supplémentaire à prestations définies (225.019€),

-d' annuler la mise en demeure du 22 décembre 2011,

- de condamner l'URSSAF au remboursement des sommes payées au titre de ces deux redressements,

- de condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le contrat santé:

Elle fait valoir qu'elle a adopté le contrat de prévoyance santé selon des modalités différentes suivant les périmètres opérationnels: par un accord collectif en Ile-de-France et dans les établissements anciennement VPRF d'une part, par une décision unilatérale au niveau des établissements du siège et de la région Nord Normandie d'autre part, ce qui n'est pas contraire à la loi et qui avait de plus été implicitement autorisé dans une circulaire du 30 janvier 2009 qui avait expressément prévu la consultation du comité d'établissement pour la mise en place de ces contrats.

Elle soutient :

- que la circulaire ACOSS qui a décidé que la mise en place du régime de santé par l'organisation d'un referendum ou par décision unilatérale ne pouvait se faire qu' au niveau de l'entreprise est intervenue ultérieurement et n'est pas opposable à la société,

- que l'exigence d'un taux uniforme pour la fixation de la contribution patronale n'est prévue dans la loi que pour la retraite supplémentaire mais non pour la prévoyance santé complémentaire, qu'en outre les différences de financement sont marginales (de quelques centimes à trois euros) et s'expliquent essentiellement par la prise en compte de la composition de la famille du salarié et que subsidiairement le redressement ne devrait être annulé que pour la part supérieure à 22€ par salarié,

- que la loi qui a prévu des exceptions au caractère obligatoire du contrat n'exigeait pas qu'elles soient prévues dans celui-ci, que toutes les personnes non comprises dans le contrat ont manifesté la volonté de ne pas y adhérer.

Sur le contrat retraite :

Elle prétend que la société Veolia Environnement avait un mandat tacite pour mettre en place le contrat pour toutes les filiales du groupe dont Veolia Propreté, que la condition d'achèvement de la carrière dans l'entreprise est respectée avec la clause de présence à 60 ans dans l'entreprise puisqu'il s'agit de l'âge de la retraite.

Elle fait valoir d'ailleurs que ce contrat n'a pour le moment bénéficié à aucun salarié; que le contrat de retraite supplémentaire à prestations définies bénéficie à tous les cadres appartenant aux catégories au delà du niveau 8, que ceci est une catégorie objectivement identifiable et répond donc aux critères de la loi.

Elle soutient que lors de sa saisine de la commission de recours amiable , elle avait également demandé la remise des majorations sur lesquelles celle-ci n'a pas répondu et que le tribunal, saisi d'un recours contre cette décision, n'a pas non plus statué sur le refus tacite. Elle estime qu'elle était de bonne foi et qu'elle doit pouvoir bénéficier d'une remise de majorations.

L'URSSAF a fait appel incident à l'encontre de cette décision.

Elle fait soutenir oralement à l'audience par son représentant des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement et , statuant sur le montant des sommes dues, de condamner la société Veolia Propreté à lui payer la somme de 286.997€ à titre de majorations de retard et celle de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le contrat santé :

Elle rappelle :

- que la société Veolia Propreté avait souscrit au profit de son personnel non cadre un contrat 'frais de santé' auprès de la compagnie CNP Assurances mais que ce régime avait fait l'objet d'une mise en place propre à chaque établissement,

- que la contribution patronale au financement était différente d'un établissement à l'autre pour la même catégorie de salariés et que certains salariés n'avaient pas été affiliés,

- que les inspecteurs ont réintégré la participation financière de l'employeur à ce contrat dans l'assiette des cotisations ,

- que c'est à bon droit que cette réintégration a été faite puisque les contributions patronales ne remplissaient pas les conditions fixées par la loi, à savoir :

- la mise en place du régime au niveau de l'entreprise et non de l'établissement, lorsqu'il ne résulte pas d'un accord collectif

- le caractère collectif: non seulement les garanties mais la contribution de l'employeur doit être la même pour tous les salariés d'une même catégorie de personnel,

- le caractère obligatoire puisque certains salariés n'ont pas été affiliés sans que les conditions d'exonération ou leur accord aient été justifié.

Sur le contrat retraite:

Elle rappelle que les inspecteurs ont constaté que la société Veolia Environnement avait mis en place un contrat de retraite supplémentaire à prestations définies pour tous les cadres appartenant aux catégories au delà du niveau 8 , que c'est à bon droit qu'ils ont réintégré dans l'assiette des cotisations les contributions de l'employeur à ce contrat aux motifs que :

- le contrat ne respectait pas les conditions de l'article L137-11 du code de la sécurité sociale : d'une part , la société Véolia Environnement n'avait pas de délégation de la société Veolia Propreté pour mettre en place ce régime et d'autre part , la condition d'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans la société n'était pas expressément prévue ;

- le contrat ne respecte pas les conditions de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale : il n'a pas de caractère collectif, puisque l'appartenance à la catégorie 8 dépend du seul bon vouloir des instances dirigeantes de l'entreprise et n'est donc pas objective.

Elle expose que devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, elle avait demandé la somme de 446.263€ de cotisations et 286.997€ de majorations et que lors de l'audience de plaidoiries , elle avait ramené sa créance à la somme de 271.510€ compte-tenu du versement de la somme de 174.753€ par la société le 31 janvier 2014 ; que cette somme correspondant aux cotisations a été réglée par la société mais qu'elle reste redevable des majorations auxquelles elle demande qu'elle soit condamnée.

MOTIFS

Afin de permettre une meilleure couverture santé pour les salariés et leur assurer un meilleur niveau de retraite, sans pour autant alourdir la charge déjà importante des organismes de sécurité sociale, le législateur a organisé une exonération partielle des cotisations des employeurs à des contrats de prévoyance santé et retraite complémentaire, afin de les encourager à les souscrire pour leurs salariés.

S'il est impératif que tous les salariés d'une même catégorie dans l'entreprise bénéficient des mêmes avantages, sans que la contribution de l'employeur n'apparaisse comme un avantage salarial déguisé, il n'en demeure pas moins que le caractère obligatoire et collectif doit être apprécié en tenant compte de la réalisation des objectifs poursuivis par la loi.

Sur le redressement relatif au contrat frais de santé

La société Veolia Propreté a mis en place pour l'ensemble des employés non cadres un contrat de prévoyance de remboursement complémentaire des frais de santé auprès de CNP Assurances.

Les modalités d'adoption du contrat :

L'exonération des cotisations sociales sur les contributions des employeurs au financement des contrat de prévoyance est conditionnée à l'adoption de ces contrats dans le cadre de l'une des procédures mentionnées à l'article L911-1 du code de la sécurité sociale.

Cet article prévoit trois modes d'adoption des garanties collectives d'entreprise :

- négociation d'une convention ou d'un accord collectif,

- organisation d'un referendum sur la base d'un projet proposé par l'entreprise,

- décision unilatérale du chef d'entreprise.

Ce texte n'impose pas directement à l'entreprise d'adopter le contrat de prévoyance selon les mêmes modalités pour tous les salariés. Le terme d'accord collectif est général et n'exclut expressément pas la possibilité d'un accord au niveau d'un établissement.

D'ailleurs , la première circulaire DSS/B/2009/32 du 30 janvier 2009 relative à la mise en place des dispositifs de contrat de prévoyance indiquait clairement: 'compte-tenu des règles générales de négociation prévues par le code du travail, rien ne s'oppose à ce qu'un système de garanties soit mis en place par accord d'établissement'.

De même, dans cette circulaire, la direction de la sécurité sociale, à propos des décisions unilatérales, rappelait que le projet de décision devait être soumis à l'avis du comité d'entreprise ou d'établissement reconnaissant par là-même la possibilité d'un référendum et d'une décision unilatérale au niveau de l'établissement.

Si des contrats de prévoyance ont été mis en place au niveau des établissements et que, dans l'intérêt des salariés et selon la volonté du législateur, l'entreprise souhaite les étendre à l'ensemble des salariés, les garanties du contrat devant être identiques pour tous les salariés, elle peut donc être amenée à étendre l'accord à certains établissements par décision unilatérale.

Par conséquent, la circonstance que le contrat de prévoyance santé soit mis en place de façon non uniforme n'est pas une condition pour que l'exonération des cotisations ne s'applique pas.

La circulaire ACOSS du 24 mars 2011 publiée après la mise en place du contrat de prévoyance et qui a rendu impossible les accords au niveau de l'établissement, ne peut être opposée à la société Veolia Propreté.

En l'espèce, le contrat de prévoyance organisant le remboursement complémentaire des frais de santé a été formalisé par un accord d'établissement dans les deux établissements de la région Ile-de- France (Carrières-sous-Possy et Rungis) et ceux qui dépendaient auparavant de la société Veolia Propreté France Recycling (VPVF) absorbée par Véolia Propreté, et par une décision unilatérale dans les établissements du siège et de la région Nord-Normandie.

Le contrat a donc été mis en place dans chaque établissement selon l'une des modalités prévues à l'article L911-1 du code de la sécurité sociale, ce qui suffit à justifier l'exonération les cotisations patronales même si les modalités ont été différentes suivant les établissements.

La participation non uniforme de l'employeur

L'article L242-1 du code de la sécurité sociale dispose que sont exclues de l'assiette des cotisations, les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés... lorsqu'elles revêtent un caractère collectif et obligatoire :

1°) Dans des limites fixées par décret, pour les contributions au financement d'opérations de retraite déterminées par décret : l'abondement de l'employeur à un plan d'épargne pour la retraite collectif ,

2°) Dans des limites fixées par décret, pour les contributions au financement de prestations complémentaires de prévoyance, à condition, lorsque ces contributions financent des garanties portant sur le remboursement ou l'indemnisation de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, que ces garanties soient conformes aux dispositions de l'article L. 871-1.

Le décret 2005-435 du 9 mai 2005 est venu préciser les limites d'exonération des contributions des employeurs au régime de retraite supplémentaire et prévoyance complémentaire, ces dispositions sont codifiées sous l'article D242-1 du code de la sécurité sociale.

Si le caractère collectif et obligatoire est une exigence pour tous les régimes de santé comme de retraite complémentaire, que notamment dans le contrat de santé les prestations offertes doivent être identiques, il apparaît à la lecture de l'article D242-1, dans sa version applicable au moment des faits , que la condition d'uniformité du taux de contribution de l'employeur pour les différentes catégories n'est mentionnée que pour les opérations de retraite supplémentaire mais que le décret n'avait pas explicitement posé cette condition pour les contrats de prévoyance santé.

Il importe peu dans ces conditions qu'une circulaire, intervenue postérieurement à la mise en place du contrat de prévoyance santé par la société Véolia Propreté , ait imposé cette obligation également pour ces contrats et l'absence de cotisation uniforme pour tous les salariés de la société Véolia Propreté appartenant à une même catégorie, outre que les différences sont minimes, est justifiée par l'organisation de la société en 'périmètres d'établissement' et des différences dans la modulation de la contribution en fonction de la composition familiale.

Les quelques écarts constatés dans les contributions, s'expliquent par des modulations différentes de la prise en compte des charges familiales mais ne remettent pas en cause la cotisation de base. Ils ne peuvent suffire à remettre en cause le caractère collectif de l'accord et à exclure l'ensemble de celles-ci de l'exonération de cotisations.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il confirmé le redressement sur la participation de l'employeur au régime de prévoyance santé.

Les exceptions au caractère obligatoire

Si le législateur a prévu que le contrat devait obligatoirement s'appliquer à l'ensemble des salariés de l'entreprise, des circulaires sont rapidement venues préciser que celui-ci ayant été fait dans l'intérêt des salariés, ceux qui le souhaitaient pouvaient en refuser le bénéfice, notamment quand ils n'y avaient pas d'intérêt, par exemple lorsqu'ils sont ayant droit de personne en bénéficiant déjà, et la Cour de Cassation elle-même a , dès 2013, reconnu le caractère obligatoire n'empêchait pas des exceptions. La loi n'a imposé aucun formalisme au moment de l'adoption du plan de prévoyance par les sociétés.

En l'espèce, l'inspecteur a relevé que n'avait pas été versée de cotisation santé:

- pour une salariée, dont le conjoint travaillant dans l'une des société du groupe était déjà couvert, ce qui correspond de fait à l'une des exceptions admises puisque cette salariée n'avait aucun intérêt à cotiser pour un régime ne lui apportant aucune prestation supplémentaire.

- pour 3 autres salariés dont il a été établi qu'ils avaient déjà une couverture santé par ailleurs et dont la non contribution de l'employeur est donc justifiée et 'certains salariés de l'établissement d'Ile-de-France' sans que la société ne justifie de leur accord mais sans que l'URSSAF ne précise de quels salariés il s'agit et s'ils seraient susceptibles d'être exemptés de ce régime de prévoyance.

- 'un certain nombre de salariés des établissements de la région Nord-Normandie' dont l'inspecteur de l'URSSAF a lui-même indiqué qu'ils 'avaient été exclus du régime de frais de santé dans le cadre de la loi Evin' tout en constatant l'absence de constatation écrite du refus des salariés.

Cette loi du 31 décembre 1989 avait en effet stipulé dans son article 11 qu' aucun salarié avant la mise en place d'une décision unilatérale d'un système de prévoyance santé 'ne peut être contraint à cotiser contre son gré'. L'inspecteur URSSAF ne pouvait pas estimer que l'absence de participation de l'employeur pour ces salariés n'était pas justifiée alors même qu'il ne contestait pas qu'elle avait pour origine le refus, admis par la loi, des salariés d'adhérer au régime et ces exceptions légalement autorisées ne peuvent remettre en cause le caractère obligatoire et collectif du régime.

Il convient donc de relever que, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, le redressement relatif à l'exonération de la participation de l'employeur au régime de prévoyance santé n'était pas justifié par l'absence de caractère collectif et obligatoire et, il convient d'infirmer le jugement et d'annuler le redressement et de condamner l'URSSAF à restituer les sommes versées au titre de ce redressement.

Sur le redressement relatif au contrat retraite

Le régime social des contributions patronales de retraite et de prévoyance complémentaire a été modifié à plusieurs reprises.

Dans la version applicable au moment des faits, l'article L242-1 précise que : 'sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées par les organismes régis par les titres III et IV du livre IX du présent code ou le livre II du code de la mutualité, lorsqu'elles revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d'une des procédures mentionnées à l'article L-911-1 du présent code'.

L'article 242-1 de ce même code qui organise les limites et les conditions de cette exonération rappelle dans sa version applicable au moment des faits que : 'les opérations de retraite mentionnées au septième alinéa de l'article L. 242-1 sont celles organisées par des contrats d'assurance souscrits par un ou plusieurs employeurs ou par tout groupe d'employeurs auprès d'entreprises relevant du code des assurances, d'institutions de prévoyance régies par le titre III du livre IX du présent code ou d'organismes mutualistes relevant du livre II du code de la mutualité au profit d'une ou plusieurs catégories objectives de salariés. La contribution de l'employeur fixée à un taux uniforme pour chacune de ces catégories impose une attribution des avantages au profit d'une ou plusieurs catégories objectives de salariés'.

A partir de ces dispositions législatives et réglementaires comportant des indications précises, et sans faire appel aux circulaires visées par l'URSSAF qui ne peuvent s'imposer à la société Veolia propreté, il convient de déterminer, pour l'appréciation de l'exclusion de l'assiette des cotisations sociales, si les critères de classification présentés par la société Veolia Propreté pour permettre à certains de ses salariés d'entrer dans la catégorie des bénéficiaires du régime de retraite complémentaire, sont suffisamment précis et objectifs et ne relèvent pas d'une appréciation arbitraire de l'employeur.

Le contrat souscrit par Véolia Environnement visé par la présente instance a limité les avantages aux cadres bénéficiant des coefficients de rémunération supérieurs à 8. Ce niveau de classification renvoie bien évidemment à des cadres situés au plus haut niveau de la hiérarchie occupant donc des emplois imposant les plus hauts niveaux en termes de compétences, d'expériences et de maîtrise des techniques outre l'exercice de leurs fonctions de manière la plus autonome, mais pour autant cette classification reste très imprécise:

- elle ne renvoie pas expressément à une catégorie définie par une ou plusieurs conventions de branche et même si le groupe Veolia relève de plusieurs conventions collectives, il en existe une seule applicable au groupe Veolia Propreté qui aurait pu déterminer ainsi une catégorie objective

- elle ne correspond pas non plus exactement à la catégorie des cadres dirigeants au sens des dispositions L.3111-2 du code du travail qui mentionne outre les 'rémunérations les plus élevées' sans fixer de seuil , l'habilitation à prendre des décisions qui n'est pas évoquée pour définir les bénéficiaires du contrat.

La seule référence à une classification interne de rémunération, dont la société peut arbitrairement modifier les critères et les bénéficiaires, ne peut suffire à constituer une catégorie objective de salariés et c'est donc à bon droit que les inspecteurs ont estimé que la société Veolia Propreté ne pouvait bénéficier de l'exonération sur la participation au plan de retraite et le jugement qui a validé le redressement sur ce point doit être confirmé.

Sur les majorations

Il apparaît au vu de la lettre de saisine du 23 janvier 2012 que la société Veolia Propreté avait saisi la commission de recours amiable d'une demande de remise des majorations, que la commission n'a pas statué sur ce point et a donc rendu une décision de refus implicite de remise des majorations.

Le jugement qui relève que la société a maintenu cette demande de remise devant le tribunal, ne l'a pas condamnée au paiement de ces sommes et la demande de remise est donc toujours recevable, la commission de recours amiable et le Tribunal des affaires de sécurité sociale en ayant été saisis tous les deux.

Les majorations de retard initiales ont un but de sanction envers les employeurs qui tentent d'échapper au paiement des cotisations et ne sont susceptibles de remise en cas de preuve de la bonne foi.

Les majorations complémentaires ne peuvent faire l'objet d'une remise qu'en cas de difficultés particulières.

En l'état, l'URSSAF n'a fourni aucun décompte des majorations de telle sorte qu'il est impossible de déterminer de quelles majorations il s'agit et sur quelles sommes elles ont été calculées, sachant que leur montant n'a pas varié alors que le redressement a été baissé par la commission de recours amiable à deux reprises puis par la Cour dans la présente décision.

La société Veolia Propreté paie régulièrement les cotisations sociales de ses salariés et l'absence de paiement de certaines cotisations ayant justifié le redressement n'est pas dû à sa mauvaise foi mais à la complexité des textes et à une volonté qui n'est pas condamnable d'optimiser le paiement de ses charges. Il convient donc d'ordonner la remise des majorations initiales qui n'est pas justifiée.

En revanche, la société Veolia Propreté n'apporte pas la preuve de difficultés particulières et d'un cas exceptionnel qui justifieraient qu'elle soit dispensée du paiement des majorations complémentaires qu'il appartiendra à l'URSSAF de recalculer sur les seuls redressements qui ont été confirmés.

Sur la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a confirmé le point 7 du redressement relatif à la participation de l'employeur aux plans de retraite supplémentaire.

INFIRME le jugement en ce qu'il a confirmé le point 5 du redressement relatif à la contribution de l'employeur au plan de prévoyance santé et condamné la société Veolia Propreté à payer la somme de 271.510€.

STATUANT A NOUVEAU

Annule le point 5 du redressement relatif aux exonérations de cotisations sur la contribution de l'employeur au régime de prévoyance santé, et enjoint à l'URSSAF de rembourser à la société Veolia Propreté la somme de 342.928€.

Dispense la société Veolia Propreté des majorations initiales,.

Condamne la société Veolia Propreté à payer à l'URSSAF les majorations complémentaires de retard que l'organisme devra recalculer sur les seules sommes pour lesquelles le redressement a été confirmé ou non contesté.

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 15/04976
Date de la décision : 26/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°15/04976 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-26;15.04976 ?
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