Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 26 JANVIER 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/12296
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mai 2014 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - 4ème chambre 1ère section - RG n° 12/09457
APPELANTE
Madame [O] [F] épouse [B]
née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1], de nationalité française
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jacques MONTA de la SELEURL Jacques MONTA Avocat à la Cour, avocat au barreau de PARIS, toque : D0546
Assistée de Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE
INTIMEES
SA GENERALI IARD
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 552 062 663
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
SA GENERALI VIE
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 602 062 481
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentées par et assistées de Me Jean-François JOSSERAND, avocat au barreau de PARIS, toque : A0944
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre
Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère, chargée du rapport
Madame Anne DU BESSET, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président, et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société d'assurances Le Continent a confié à Madame [O] [B] un mandat d'agent général IARD et Vie sur la commune de [Localité 4] à compter du 1er septembre 1988, relevant du statut des agents généraux régi par le décret du 5 mars 1949 et celui du 29 décembre 1950.
Courant 2004, après la fusion de la société Le Continent avec la société Générali Assurances, Madame [B] est devenue agent général d'assurance de cette dernière.
La compagnie Générali lui a proposé un nouveau mandat d'agent général version 2005 soumis aux nouveaux accords contractuels établis dans le cadre du décret du 15 octobre 1996 définissant le nouveau statut des agents généraux d'assurances, lequel complète les dispositions de la convention FFSA/FNSAGA signée le 16 avril 1996. Madame [B] n'a pas accepté cette proposition.
Par acte en date du 19 juin 2012, Madame [B] a assigné la société Générali IARD et la société Générali Vie sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile pour voir designer un expert aux fins de chiffrer les préjudices par elle subis, que ce soit en perte directe de chiffre d'affaires ou en perte de chance pour développer son portefeuille et encore sur son préjudice économique et moral. Par conclusions du 23 septembre 2013, elle a également demandé de voir dire que la compagnie Générali avait commis des fautes qui engageaient sa responsabilité.
Par jugement rendu le 27 mai 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit recevable l'action engagée par Madame [B],
- débouté Madame [B] de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
- condamné Madame [B] aux dépens.
Vu l'appel interjeté par Madame [B] le 10 juin 2014 à l'encontre de cette décision,
Vu les dernières conclusions signifiées par Madame [B] le 30 septembre 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :
- réformer le jugement rendu.
En conséquence,
- déclarer la Compagnie Générali responsable des fautes commises à l'encontre de Madame [O] [B] ;
- voir désigner un Expert, afin de pouvoir chiffrer le préjudice subi par Madame [O] [B] avec mission de :
* de donner son avis sur le préjudice subi, que ce soit en perte directe de chiffre d'affaires, ou en perte de chances pour développer son portefeuille ;
* de donner son avis sur l'éventuel préjudice (économique et moral) subi par l'Agent du fait de tracasseries administratives qu'il aurait pu identifier.
- condamner Générali à payer à Madame [O] [B] la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;
- condamner Générali au paiement des entiers frais et dépens, tant de première instance que d'appel.
Vu les dernières conclusions signifiées par les sociétés Générali IARD et Vie le 6 octobre 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :
- dire que Madame [B] n'administre pas la preuve des faits nécessaires à ses prétentions ;
- dire qu'elle n'établit pas que les intimés lui auraient causé par leur faute un préjudice ;
- dire en conséquence que la responsabilité des sociétés Générali IARD et Vie n'est pas établie,
Par conséquent,
- confirmer le jugement entrepris ;
- débouter Madame [B] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner Madame [B] à payer aux sociétés Générali IARD et Générali Vie la somme de 4.000,00 € chacune, par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner aux dépens de l'instance.
* * *
Madame [B] soutient que Generali a mis en place des mesures discriminatoires à son égard suite à son refus d'adhérer au nouveau statut, qu'elle a tout d'abord déclassé l'Agence en agence ordinaire, lui refusant le statut d'agence de plein exercice (APE) alors que Madame [B] avait remis son projet en temps utile, mais que, par des motifs fallacieux, Generali avait tout d'abord soutenu n'avoir jamais reçu ce projet, puis avait refusé l'accréditation alors que d'autres projets identiques ont bénéficié de la classification ; qu'elle a ensuite souffert d'un défaut d'accompagnement et d'assistance de la compagnie, l'inspecteur en charge de l'Agence ne se rendant plus qu'une fois par an sur place alors qu'il se déplaçait avant au moins une fois par mois, à quoi s'est ajoutée une dégradation des budgets commerciaux alloués, ce qui supprimait toute compétitivité commerciale à l'agent ; qu'elle a également souffert de résiliations systématiques en cas de sinistres, sans lui demander ses observations préalables, ce qui est constitutif d'une faute que la compagnie ne nie pas ; qu'enfin, elle a subi des transferts de contrats au bénéfice d'autres agents, plusieurs de ses clients ayant été démarchés par un agent Générali Assurances, sans que ces transferts ne donnent lieu à versement d'indemnités compensatrices, que la compagnie a cherché à dépouiller l'Agent au bénéfice des autres agents, que les procédés utilisés et les transferts étaient suspects, démontrant la volonté de la compagnie de déstructurer son portefeuille.
Madame [B] ajoute qu'elle a été auditée de plus en plus par la compagnie sur des périodes qui pouvaient remonter à plus de 10 ans, et ce aux seules fin d'exercer une véritable pression tant physique que psychologique afin de l'inciter à ne plus poursuivre ses relations avec la compagnie. Elle soutient qu'elle a subi un préjudice du fait de ces agissements et sollicite une mesure d'expertise pour déterminer avec précision le préjudice subi.
En réponse, la compagnie Générali indique que Madame [B] ne rapporte la preuve d'aucune faute, que la discrimination alléguée est inexistante, que la compagnie n'a pas tenté de contraindre Madame [B] à adhérer au nouveau statut, que le refus de classement de l'agence au statut APE est fondé sur des critères objectifs basés sur le dossier présenté par Madame [B], que la compagnie a constaté une dégradation des résultats de l'agence et a proposé à Madame [B] de mettre en place un plan d'amélioration des résultats qu'elle a refusé, que Madame [B] était régulièrement absente lors des visites de l'inspecteur, qu'elle a fait systématiquement venir un huissier lors des visites, ce qui rendait le climat délétère, qu'elle a saisi le tribunal le 19 juin d'une demande d'expertise, sans établir de faute de Générali, que ce n'est que par conclusions qu'elle a demandé au tribunal de reconnaître la responsabilité de Générali, sans rapporter la preuve d'une quelconque faute et sans indiquer le fondement juridique de ses demandes, que les griefs qu'elle soutient en cause d'appel ne sont pas fondés, que sur le prétendu détournement de la clientèle, la compagnie a toujours suivi le protocole et indemnisé l'agence, sauf pour deux clients dont il s'avère qu'ils ont suivi un autre agent pour des raisons familiales, qu'il existe une clause protectrice dans la convention portant modalités de présentation d'un contrat, que le courtier est tenu de ne pas aller plus loin s'il apprenait que le prospect est déjà titulaire d'un contrat d'assurance auprès de Générali, qu'en ce qui concerne les résiliations, Madame [B] ne distingue pas les résiliations à l'initiative du client ou de la compagnie, qu'au vu des chiffres fournis il est établi qu'elle ne pâtit pas d'un traitement particulier, qu'en tout état de cause la compagnie est en droit de procéder à la réalisation des contrats quand elle le juge nécessaire, qu'en ce qui concerne le statut d'APE, l'Agent ne bénéficie pas de plein droit du statut APE, que la compagnie a la liberté d'accorder ce statut à certains de ses agents, que le Comité d'habilitation a estimé que l'Agence n'était pas admissible au regard de critères objectifs, que Madame [B] allègue, sans l'établir, qu'elle aurait subi une discrimination par rapport à une autre agence qui aurait bénéficié du statut, alors qu'elle présentait les mêmes conditions, que Madame [B] a refusé d'effectuer un plan de redressement de l'agence en vue d'améliorer les objectifs et a adopté un comportement agressif, qu'elle n'établit pas l'existence d'un préjudice, qu'elle n'apporte pas le moindre commencement de preuve de sorte que la véritable finalité de la mesure d'expertise sollicitée est de combler sa carence.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que Madame [B] soutient que la responsabilité de la compagnie Générali serait engagée sur le fondement de l'article 1143 (ancien) du code civil, aux termes duquel « le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit, et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts, s'il y a lieu » ;
Que les premiers juges, saisis sur ce même fondement, ont estimé que cette disposition n'avait manifestement pas lieu de s'appliquer à l'espèce ;
Qu'en cause d'appel, Madame [B] ne s'explique pas plus sur le fondement juridique choisi ;
Qu'en l'absence de tout autre élément, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges qui ont écarté ces dispositions ;
Considérant qu'il appartient à celui qui l'allègue, de rapporter la preuve de la faute commise ou de l'inexécution des obligations dont la violation constituerait une faute ;
Considérant qu'en l'espèce, Madame [B] soutient qu'elle aurait été victime, dans son activité d'agent général d'assurances, de comportements discriminatoires ou de mesures de la part de la compagnie Générali qui lui auraient causé un préjudice ;
Qu'elle ne sollicite ni la rupture de son contrat d'agent d'assurance, ni le rétablissement dans ses droits, ni même des dommages et intérêts, mais simplement la désignation d'un expert chargé de donner son avis sur un « éventuel préjudice » qu'il aurait pour mission de chiffrer ;
Que par des motifs précis et pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont débouté Madame [B] de sa demande d'expertise, estimant qu'une mesure d'instruction ne pouvait suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;
Que la décision sera confirmée sur ce point, en l'absence de tout autre élément relatif à un quelconque préjudice ;
Considérant qu'en ce qui concerne les fautes alléguées, il résulte des éléments versés aux débats et notamment des courriers et mails échangés entre les parties, que la compagnie Générali a proposé à Madame [B] le 1er juin 2005 de soumettre un projet d'Agence de Plein Exercice pour son agence de [Localité 4], que cette dernière a élaboré un projet qu'elle a transmis par LRAR le 19 juillet 2006, que ledit projet a été soumis au Comité d'habilitation, que par lettre motivée du 15 novembre 2006, il a été proposé à Madame [B] de repenser son projet en tenant compte des remarques qui lui étaient formulées, que rien ne permet d'établir que Madame [B] aurait été victime d'une discrimination, qu'au contraire, il lui a été proposé de bénéficier d'une dotation exceptionnelle de budgets commerciaux pour lui permettre de poursuivre sereinement son activité ;
Qu'il en est de même pour les décisions de classement dans les catégories Automobile ou Général, les décisions prises par la compagnie étant motivées par des éléments objectifs et ayant fait l'objet de révision le 7 avril 2006 sur la base d'une demande de Madame [B] ;
Qu'en ce qui concerne les résiliations de contrats, les éléments versés aux débats établissent que la compagnie d'assurance tenait compte des fréquences des sinistres pour résilier des contrats, sans qu'il soit établi d'abus ni de décision arbitraire, Madame [B] en étant informée et son avis étant sollicité ;
Que par lettre du 5 juillet 2011, la compagnie Générali a répondu point par point aux griefs de Madame [B], notamment sur les transferts de clients et la communication de fichiers de l'agence contestant de façon motivée lesdits reproches et interrogeant Madame [B] sur certains dossiers, proposant néanmoins à Madame [B] d'indiquer ce qu'elle souhaitait pour sortir de cette situation ;
Que Madame [B] n'a apporté aucune réponse à cette demande ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que certes la relation entre Madame [B] et Générali était devenue assez tendue, sans pour autant qu'il puisse être établi une faute imputable à Générali ;
Qu'il y a lieu par conséquent de débouter Madame [B] de sa demande de voir la responsabilité de Générali engagée, cette demande n'étant fondée ni en fait ni en droit ;
Que la décision des premiers juges sera confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile formée par la compagnie Générali.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne Madame [O] [B] à payer aux sociétés Générali IARD et Vie la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamne aux dépens.
Le GreffierLe Président
B. REITZERL. DABOSVILLE