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25/01/2017 | FRANCE | N°15/17565

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 25 janvier 2017, 15/17565


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 25 JANVIER 2017



(n° 38 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/17565



Décision déférée à la Cour : Arrêt du 17 Juin 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/03122





APPELANT



Monsieur [C] [F]

[Adresse 1]

SCHWERTE (Allemagne)



Représenté par Me

Didier LE GOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : K0114

Ayant pour avocat plaidant M. Eberhard EYL, avocat au barreau de STRASBOURG





INTIMEE



AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 25 JANVIER 2017

(n° 38 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/17565

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 17 Juin 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/03122

APPELANT

Monsieur [C] [F]

[Adresse 1]

SCHWERTE (Allemagne)

Représenté par Me Didier LE GOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : K0114

Ayant pour avocat plaidant M. Eberhard EYL, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Pierre D'AZEMAR DE FABREGUES de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

Ayant pour avocat plaidant Me Elise TASTET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137, substituant Me Pierre D'AZEMAR DE FABREGUES de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.

*****

A la suite d'une assignation en justice délivrée le 30 septembre 1998 par M. [F] contre la société ROLANFER RECYCLAGE et la société BROYEURS BECKER, le tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté celui-ci de ses demandes en contrefaçon de brevet européen par un jugement du 4 octobre 2006. Ce jugement a fait l'objet d'un arrêt confirmatif de la cour d'appel de Colmar du 27 octobre 2009 et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi le 3 avril 2012.

Le 14 février 2014, M. [F] a fait assigner sur le fondement de l'article L141-1 du code de l' organisation judiciaire et de l'article 41 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'agent judiciaire de l'Etat (AJE) pour faute lourde et déni de justice devant le tribunal de grande instance de Paris qui par un jugement du 17 juin 2015, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamné à payer à l'AJE la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] a formé appel de cette décision une 1ère fois le 20 août 2015 et une 2nde fois le 20 novembre suivant. La jonction des deux procédures a été ordonnée le 5 avril 2015.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 août 2016 M. [F] demande à la cour :

- avant dire droit :

* d'ordonner la transmission complète du dossier [F] / SA ROLANFER y compris le rapport d'expertise de M.[R], par le tribunal de grande instance de Strasbourg, la cour d'appel de Colmar, la Cour de cassation et le tribunal de grande instance de Paris,

* le cas échéant d'ordonner une expertise,

* de demander à la société ROLANFER RECYCLAGE la production de la copie de toutes les facturations adressées aux sociétés PROFILARBED et USINOR SACILOR SA ou ARCELOR SA ayant pour objet la livraison de ferrailles métalliques avec une teneur en métal de plus de 90% en poids

* d'ordonner l'audition de M EYL avocat au barreau de Starsbourg comme témoin sur le refus du greffe du tribunal de grande instance de Strasbourg de lui permettre de faire une copie du plumitif,

- sur le fond :

* déclarer son appel recevable et bien fondé,

* d'infirmer le jugement du 17 juin 2015,

* de condamner l'AJE à lui payer dans le délai de 3 mois à compter de la date à laquelle tout arrêt ou ordonnance relative à la fixation des frais et dépens devient définitif et/ou exécutoire au titre de la réparation de son préjudice ou à titre subsidiaire d'une satisfaction équitable, la somme totale de 2 200 000 euros à savoir :20 000 € au titre de son préjudice moral, au moins 180 000 € au titre des frais, honoraires et dépens pour les procédures exposées entre octobre 1998 et avril 2012, au moins 2 000 000 € au titre de son préjudice matériel,

* de condamner l'AJE à payer la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la 1ère instance et celle d'appel,

* de condamner l'AJE en sus à tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur chacune de ces sommes

* et dire qu'à compter de l'expiration d'un délai de 3 mois et jusqu'au versement de ces sommes, elles seront majorées d'un intérêt simple à un taux d'intérêt à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne (à titre subsidiaire, le taux d'intérêt légal en France) applicable pendant cette période augmentée de trois points de pourcentage,

- ordonner l'exécution provisoire le cas échéant contre constitution d'une garantie.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 février 2016, l'AJE sollicite la confirmation du jugement, le débouté des demandes principales et subsidiaires de M. [F], et sa condamnation à payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des écritures signifiées le 22 avril 2016, le ministère public a conclu à la confirmation du jugement.

MOTIFS DE LA DECISION :

M. [F] fait valoir que la procédure en contrefaçon de son brevet européen qui a commencé par une saisie-contrefaçon autorisée le 11 août 1998, a duré 8 ans en 1ère instance et que l'expertise, notamment, a duré 2 ans et demi avec de longues périodes d'inactivité de 3 ans pour le juge de la mise en état et de19,5 mois pour l'expert.

Il reproche ensuite à l'arrêt de la cour d'appel de Colmar d'être insuffisamment motivé et il forme ainsi 7 griefs contre la décision rendue. Il effectue également la même critique à l'encontre du jugement du 17 juin 2015 qui n'a pas répondu à certains des griefs susvisés et il soutient que l'arrêt de rejet de la cour de Cassation du 3 avril 2012 ne le prive pas de la possibilité de relever les insuffisances de l'arrêt d'appel.

M. [F] invoque ensuite le non respect du principe du contradictoire par l'absence de contre-expertise, la non-révocation de l'ordonnance de clôture du 6 avril 2006 et l'absence de réponse à la demande en vue de solliciter l'avis de l'expert sur certaines pièces et l'absence de réponse à la demande de communication du plumitif relatif à l'audition de l'expert.

L'AJE conclut tout d'abord au rejet des demandes avant-dire droit qui sont sans lien avec les demandes en responsabilité de l'Etat et qui visent à remettre en cause des décisions ayant autorité de la chose jugée.

S'agissant d'un déni de justice tenant à la longueur de la procédure de 1ere instance, l'AJE relève les circonstances propres à l'affaire tenant notamment à sa complexité et au nombre important d'échanges entre les parties . Il ajoute que le juge de la mise en état a été spécialement actif et s'est toujours assuré avec diligence de la ponctualité des échanges de pièces et conclusions. Il mentionne également les difficultés de l'expertise et il conclut à l'absence de déni de justice.

L'AJE écarte également l'insuffisance de motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, au regard des exigences des règles nationales et européennes et invoque l'arrêt de la Cour de cassation ainsi que l'impossibilité de remettre en cause par le biais d'une action en responsabilité de l'Etat la décision de la cour d'appel revêtue de l'autorité de la chose jugée.

Enfin l'intimé conteste le non respect du principe du contradictoire.

1- Sur le déni de justice :

L'article L 141-3 du code de l'organisation judiciaire dispose que : ' les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants ...2° s'il y a déni de justice. Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux enquêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées...'.

Le déni de justice s'entend non seulement comme le refus de répondre aux requêtes ou le fait de négliger les affaires en l'état d'être jugées mais aussi plus largement tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend le droit pour le justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable.

Le déni de justice est caractérisé par tout manquement de l'Etat à son devoir de permettre à toute personne d'accéder à une juridiction pour faire valoir ses droits dans un délai raisonnable et s'apprécie à la lumière des circonstances propres à chaque espèce en prenant en considération la nature de l'affaire, son degré de complexité, le comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure et les mesures prises par les autorités compétentes.

Ce grief concerne la durée de la procédure de 1ère instance s'étant déroulée devant le tribunal de grande instance de Strasbourg.

L'examen de cette procédure doit commencer à compter de l'assignation en justice du 30 septembre 1998 délivrée à la société ROLANFER RECYCLAGE et à la société BROYEURS, M. [F] étant seul maître des délais s'étant précédemment écoulés entre l'autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon et la saisine du tribunal d'une action en contrefaçon.

La 1ère audience de convocation à une audience de mise en état a eu lieu le 13 novembre 1998, le juge a tranché un 1er incident tenant à la compétence soulevé dans des conclusions du 19 mars 1999 par une ordonnance rendue le 14 mai suivant, un délai pour conclure a ensuite été fixé au 17 septembre 1999; ce délai qui a notamment couru pendant la période de service allégé d'été, n'était pas un délai excessif pour une action en contrefaçon de brevet qui nécessite que l'avocat recueille, comprenne et analyse de nombreuses données techniques.

Une expertise a été sollicitée par des conclusions du 14 octobre 1999, les défendeurs ont conclu le 17 décembre 1999, le 6 et le 31 janvier 2000, M. [F] a lui-même répondu le 3 février suivant, l'audience de plaidoirie s'est déroulée le 6 avril 2000 et une ordonnance a été rendue le 18 mai après que l'INPI eut indiqué le nom d'un expert compétent dans le domaine technique concerné. Il ne ressort pas de l'exposé de ces faits que la demande d'expertise de M. [F] n'a pas été traitée avec diligence. Il s'est ensuite écoulé 2 mois avant que l'expert ne soit saisi mais celui-ci ne peut intervenir qu'une fois la consignation versée par les parties de sorte que ce délai ne ressort pas de la responsabilité du juge.

L'expert qui devait déposer son rapport cinq mois après sa saisine, a sollicité le 15 novembre 2000 un 1er report de son délai au 31 mars 2001; le juge de la mise en état a fait droit à sa demande le 20 décembre 2000, après avoir recueilli les observations de l'ensemble des parties. Il a agi en garantissant le droit de chacune des parties et en répondant à la demande de l'expert en temps utile à l'expiration du 1er délai.

Le rapport d'expertise a été déposé le 6 décembre 2002. Les parties ont ensuite été convoquées à des audiences du juge de la mise en état les 16 janvier et 13 mars 2003 puis le 22 mai 2003.

Il s'est écoulé 4 mois entre l'audience de mise en état du 22 mai 2003 et celle du 4 septembre suivant, pendant cette période la société ROLANFER a conclu au mois de juillet, la société BROYEURS BECKER a conclu au mois d'août et la société ROLANFER a reconclu le 4 septembre; dans ces conditions il n'était pas nécessaire que le juge délivre des injonctions qui ont vocation à vaincre le manque de diligence des parties.

En 2004, et jusqu'au 31 mars 2005, il s'est déroulé 9 audiences de mise en état, la société ROLANFER a conclu le 11 février, l'appelant a conclu le 31 mars, la société ROLANFER le 4 mai, il a ensuite été délivré à l'appelant une invitation à conclure suivie de deux injonctions, celui-ci a conclu le 20 octobre et une injonction de conclure à la société ROLANFER a été délivrée le 9 décembre 2004 puis à M. [F] le 17 mars 2005.

M. [F] ne peut donc prétendre qu'aucune injonction de conclure n'a été délivrée pendant cette période. Il convient au surplus de constater que M. [F] n'a pas lui-même fait preuve de diligence puisqu'il s'est écoulé plus de cinq mois entre les écritures de la société ROLANFER du 4 mai 2004 et les siennes du 20 octobre et qu'il a fait l'objet de plusieurs injonctions de conclure.

M. [F] relève un délai de six mois entre l'audience de mise en état du 23 juin et celle du 1er décembre 2005, néanmoins une audience intermédiaire a eu lieu le 29 septembre 2005 date à laquelle la société ROLANFER a déposé des conclusions, de sorte que le rythme habituel des audiences qui avait lieu à peu près tous les deux mois, a également été conservé pendant cette période.

Le 21 novembre 2005, la société ROLANFER a sollicité l'audition de l'expert. Les parties ont conclu, une audience s'est déroulée le 2 mars 2006 et le juge a rendu une décision le 23 mars suivant. Cette décision a été rendue dans un délai raisonnable.

Enfin il sera relevé que cette affaire technique qui a connu de très nombreux échanges de conclusions, a donné lieu à plus de cinquante audiences de mise en état de sorte que la procédure a été constamment suivie. Le juge de la mise en état a délivré des injonctions chaque fois qu'une partie n'avait pas conclu dans le délai qui lui avait été imparti et les incidents soulevés ont été traités dans des délais normaux.

S'agissant de l'expertise, M. [F] reproche au juge d'avoir accordé 3 fois des prorogations pour la présentation du rapport de l'expert et d'avoir accepté qu'il s'écoule 11 mois entre la 3ème réunion d'expertise et le dépôt du rapport. Il estime par ailleurs que le délai de 19, 5 mois pris par l'expert pour exécuter sa mission est excessif.

L'expert a été saisi par le greffe le 13 juillet 2000 et il a accepté sa mission le 20 août suivant. Il a tenu une 1ère réunion le 25 septembre, le 15 novembre il a saisi le juge chargé du contrôle de l'expertise d'une difficulté tenant à la réalisation d'une réunion d'expertise au sein des locaux de la société ROLANFER, le juge a prolongé le délai pour déposer le rapport au 30 juin 2001 et a fixé le montant d'une nouvelle provision puis après avoir reçu les observations des parties et les avoir entendues, a rendu une ordonnance le 22 février 2001 fixant les modalités de déroulement de la réunion d'expertise dans les locaux de la défenderesse. Le 6 mars 2001, le greffe a avisé l'expert de la consignation d'une provision complémentaire et l'a invité à poursuivre sa mission, l'expert a réalisé une 2ème réunion d'expertise le 6 juin 2001 dans les locaux de la société ROLANFER, le 18 juin il a adressé un projet de compte-rendu et sollicité les observations des parties, il a reçu les dires de l'appelant le 27 juillet 2001 et demandé au juge chargé du contrôle de l'expertise la prolongation du délai pour déposer son rapport, le 6 août 2001, il était informé d'un nouveau délai jusqu'au 31 décembre 2001, il a fixé une 3ème réunion d'expertise le 14 janvier 2002, a adressé son compte rendu le 4 février et a recueilli les dires des parties jusqu'au mois de juin 2002, le 15 juillet il a sollicité un dernier délai pour présenter son rapport , il a été autorisé à déposer celui-ci le 15 décembre 2002 et a été avisé du versement d'une provision complémentaire. Il a achevé son rapport le 5 décembre 2002.

Il ne ressort pas de ces constatations que l'expert a manqué de diligence alors qu'il a rencontré des difficultés pour organiser des réunions d'expertise dans les locaux de la société ROLANFER, qu'il a dû tenir compte des disponibilités des parties et qu'il a reçu de nombreux dires. Le juge chargé du contrôle ne constatant aucun manquement à la diligence, a octroyé les délais nécessaires au bon déroulement des opérations et n'avait pas de motif de délivrer des injonctions.

L'existence d'un déni de justice tant pendant la mise en état de l'affaire devant le tribunal de grande instance de Strasbourg que pendant le déroulement des opérations d'une expertise complexe n'est donc pas établie.

2 - Sur la faute lourde :

- L'insuffisance de motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar :

Cette insuffisance de motivation tiendrait au fait que la cour d'appel :

* malgré les demandes de l'appelant, s'en serait tenue à une traduction erronée de la décision du 5 mai 1995 de la chambre de recours technique de l'OEB et au surplus n'aurait pas tenu compte de l'interprétation que celle-ci avait donnée de la portée du brevet,

* n'a pas répondu à sa demande tendant à obtenir l'avis technique de l'OEB,

* n'a pas pris en compte les dessins et descriptions du brevet pour en interpréter les revendications,

* n'a pas apprécié la portée du brevet selon les principes définis par le protocole interprétatif de l'article 69 de la CBE,

* a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture en s'appuyant sur des éléments erronés,

* s'est livrée à une interprétation erronée de l'étendue du brevet ,

* n'a pas répondu aux moyens de preuve du demandeur.

Néanmoins ces différents griefs visent à remettre en cause la décision de la cour d'appel en ce qu'elle a retenu que la société ROLANFER ne mettait pas en oeuvre la 1ère étape du brevet ayant pour fonction de sécher et de purifier préalablement les déchets alors que cette étape était essentielle et n'existait pas dans l'art antérieur. Or la qualité juridique de cette décision a été soumise à l'appréciation de la Cour de cassation qui a rejeté le pourvoi dont elle était saisie en rappelant que la cour d'appel n'était pas liée par la décision de la chambre de recours de l'OEB et qu'elle n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

M. [F] qui a eu la possibilité de soumettre à la Cour de cassation tous les moyens tirés du non respect des règles de procédure civile ou des règles de fond sur le brevet européen, ne rapporte donc pas la preuve de l'existence d'une faute lourde commise par la cour d'appel de Colmar.

- l'insuffisance de motivation du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 17 juin 2015 :

M. [F] reproche au jugement de ne pas avoir répondu à ses moyens tirés de l'application de articles 6.1 et 41 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales non plus qu'à certains des griefs qu'il avait formulés contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar.

Néanmoins l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ne peut être appréciée que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n' a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué.

M. [F] qui a formé un appel contre ce jugement et qui disposera encore d'une voie de recours si l'arrêt de la cour d'appel ne lui paraît pas avoir appliqué correctement la loi, ne peut justifier d'un mauvais fonctionnement du service public résultant de la motivation du jugement non définitif du 17 juin 2015.

- Sur le non-respect du principe de la procédure contradictoire :

M. [F] invoque :

* l'absence de contre-expertise élargie malgré l'insuffisance du rapport de l'expert,

* la non-révocation de l'ordonnance de clôture du 6 avril 2006,

* l'absence de réponse à la demande de solliciter l'avis de l'expert sur les pièces 14-28 du demandeur,

* l'absence de réponse à la demande de communication du plumitif relatif à l'audition de l'expert par le tribunal de Strasbourg et la cour d'appel de Colmar.

S'agissant des 1er et 3ème grief, le tribunal de grande instance de Strasbourg a répondu aux critiques formulées par le demandeur à l'encontre de l'expertise judiciaire et a rejeté la demande de contre-expertise de façon particulièrement motivée. Par ailleurs le tribunal a clairement exposé sa position sur la portée du brevet et ainsi suffisamment répondu aux différentes demandes et critiques tendant à faire prévaloir une conception plus étendue de la revendication n°1 du brevet. Ces deux questions ont ainsi été largement débattues et il ne peut être constaté aucun manquement au principe du contradictoire.

S'agissant du 2ème grief, M. [F] a saisi la cour d'appel du fait qu'il n'avait pu conclure à la suite de l'audition de l'expert lors de l'audience de plaidoirie, celle-ci a écarté le moyen et cette décision particulière n'a pas été soumise à l'appréciation de la Cour de cassation. Au surplus, devant la cour d'appel, M. [F] avait la possibilité de faire toutes critiques des propos tenus par l'expert lors de l'audience de plaidoirie de sorte que le contradictoire a été rétabli à ce stade.

M. [F] se plaint également de n'avoir pas reçu de réponse à sa demande de communication du plumitif de l'audience de plaidoirie; néanmoins, l'arrêt de la cour d'appel a relevé que : 'la mise en état a duré plus de deux ans et demi sans que M. [F] ne réclame la communication de ce procès-verbal dont il pouvait d'ailleurs obtenir copie par simple demande au greffe alors qu'il savait pertinemment qu'un tel procès-verbal avait été dressé; qu'ainsi il y a tout lieu de considerer que jusqu'à la clôture de la procédure, l'appelant estimait que les déclarations de l'expert judiciaire faites à l'audience du tribunal n'avaient pas substantiellement modifié les conclusions de son rapport d'expertise'.

Il ressort ainsi de l'arrêt qu'il existait un procès-verbal des déclarations de l'expert à l'audience de plaidoirie devant le tribunal et que M. [F] s'est abstenu d'en demander la communication en temps utile avant le prononcé de l'ordonnance de clôture devant la cour d'appel alors même que la mise en état a duré deux ans et demi.

Ainsi M. [F] ne peut se plaindre d'une violation du principe du contradictoire alors qu'il a omis d'user des moyens légaux pour faire respecter ses droits. Il convient en outre de relever que ni le jugement ni l'arrêt des juridictions alsaciennes ne font mention de déclarations de l'expert distinctes de son rapport pour fonder leurs décisions.

M. [F] ne rapporte donc pas la preuve d'un dysfonctionnement du service public de la justice susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat et le jugement du 17 juin 2015 doit être confirmé.

Il sera alloué à l'AJE la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 17 juin 2015,

Y ajoutant,

Condamne M. [F] à payer à l'AJE la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] aux dépens.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/17565
Date de la décision : 25/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°15/17565 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-25;15.17565 ?
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