La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/01/2017 | FRANCE | N°15/05391

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 25 janvier 2017, 15/05391


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 25 Janvier 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05391



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 Avril 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 13/06432





APPELANTE

Madame [L] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

représentée par Me Paul BOUA

ZIZ, avocat au barreau de PARIS, P0215, substitué par Me Isabelle BORDE, avocat au barreau de PARIS, C0280



INTIMEE

ASSOCIATION AFDAS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Laurent GAM...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 25 Janvier 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05391

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 Avril 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 13/06432

APPELANTE

Madame [L] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

représentée par Me Paul BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS, P0215, substitué par Me Isabelle BORDE, avocat au barreau de PARIS, C0280

INTIMEE

ASSOCIATION AFDAS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Laurent GAMET, avocat au barreau de PARIS, P0461

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 novembre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, présidente de chambre

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Cécile DUCHE BALLU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [L] [K] a été engagée par contrat à durée indéterminée le 5 mars 2004 par l'association AFDAS, agréée par l'Etat pour assurer la collecte des contributions formation auprès des entreprises de la culture, de la communication, des médias et des loisirs, en qualité de responsable des affaires juridiques, statut cadre autonome au forfait en jours. La salariée est devenue responsable des affaires juridiques et sociales à compter du 1er janvier 2007, moyennant un salaire brut mensuel de 4 755,67 €.

Mme [K] a fait l'objet d'arrêts de travail pour maladie à plusieurs reprises à compter du mois d'avril 2013, puis de manière interrompue à compter du 9 septembre 2013 jusqu'au 18 septembre 2014.

Le 14 mai 2013, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et à la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappels d'heures supplémentaires, d'indemnisation des repos compensateurs, d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudices subis pendant l'exécution du contrat de travail.

En cours de procédure, Mme [K] a été déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail lors de la visite de reprise du 19 septembre 2014 faisant suite à une première visite du 8 septembre précédent. Après avoir été convoquée par lettre du 12 novembre 2014 à un entretien préalable au licenciement qui s'est tenu le 24 novembre 2014, Mme [K] a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre du 28 novembre 2014.

Par jugement rendu le 29 avril 2015, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [K] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Mme [K] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 mai 2015 ayant fait l'objet d'une instance enrôlée sous le numéro de répertoire général 15/05391.

L'affaire a été appelée à l'audience du 30 juin 2016, date à laquelle l'AFDAS a déposé des conclusions soulevant une question prioritaire de constitutionnalité, enrôlée sous le numéro de répertoire général 16/08766, en demandant à la cour de transmettre à la Cour de cassation la question suivante :

'L'article L. 1235-3 alinéa 2 du code du travail visant à octroyer au salarié, licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, lorsque le licenciement est opéré dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, porte-t-il atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment au principe d'égalité devant la loi et à la liberté d'entreprendre ''

L'affaire a été renvoyée à l'audience du 7 septembre 2016 puis du 9 novembre suivant, dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel saisi de la même question prioritaire de constitutionnalité.

Par décision n° 2016-582 QPC du 13 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a dit que le second alinéa de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, est conforme à la Constitution.

A l'audience de plaidoiries du 9 novembre 2016, les parties ont développé oralement leurs conclusions visées par le greffier. L'AFDAS s'est désistée de sa question prioritaire de constitutionnalité compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel du 13 octobre 2016.

Mme [K] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- dire que la convention de forfait en jours est nulle

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail

- condamner l'AFDAS à lui payer les sommes suivantes :

'80 073,87 € à titre de rappel d'heures supplémentaires sur 5 ans et 8 007,38 € au titre des congés payés afférents

'15 953 € à titre d'indemnisation des repos compensateurs correspondant aux dépassements du contingent annuel sur 5 ans

'946 € à titre d'indemnisation des repos compensateurs de remplacement de mai à août 2008

'100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis pendant l'exécution du contrat de travail

'16 873,14 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 687,31 € pour les congés payés afférents

'150 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

'5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonner la capitalisation des intérêts

- condamner l'AFDAS aux dépens en ce compris les éventuels frais de signification et d'exécution de la décision et de l'honoraire de l'article 10 du tarif des huissiers en recouvrement forcé.

L'AFDAS demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [K] de l'ensemble de ses demandes et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre les affaires enrôlées sous les numéros de répertoire général 15/05391 et 16/08766.

Sur les demandes relatives aux heures supplémentaires et au repos compensateur

Mme [K] soutient que la convention de forfait intégrée à son contrat de travail est illicite, qu'en effet l'accord d'entreprise du 20 décembre 2001 relatif à la "réduction du temps de travail des cadres autonomes" qui la régit est incomplet en ce qu'il prévoit seulement, au titre des dispositions destinées à assurer la garantie du respect des durées maximales de travail et de repos, que des entretiens sont planifiés pour analyser les charges de travail et construire des plans d'actions éventuels destinés à corriger les écarts, ce qui est manifestement insuffisant pour assurer le respect des durées maximales de travail et de repos. Mme [K] affirme en outre que cette mesure n'a pas été appliquée la concernant puisqu'aucun entretien n'a eu lieu permettant d'analyser sa charge de travail, étant relevé que les entretiens d'évaluation réalisés n'abordent pas cette question.

L'AFDAS fait valoir que la convention de forfait en jours de Mme [K] est valide. En effet l'accord d'entreprise du 20 décembre 2001, auquel la convention se réfère, comporte des garanties suffisantes en termes de protection de la santé et de la sécurité des salariés et en pratique le nombre de jours travaillés ou de repos de Mme [K] était contrôlé par un relevé déclaratif précis et des points hebdomadaires étaient organisés entre la salariée et son supérieur hiérarchique, M. [L], au cours desquels elle avait l'occasion d'évoquer sa charge de travail.

En application de l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, tant journaliers qu'hebdomadaires, telles que définies par le code du travail et selon les Directives communautaires de 1993 et 2003, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs.

La lettre d'engagement de Mme [K] en qualité de responsable des affaires juridiques statut cadre autonome, valant contrat de travail, signée par les parties le 5 mars 2004, stipule : "Vous effectuerez, dans le cadre d'une convention individuelle de forfait, 217 jours de travail (période de référence : 1er juin au 31 mai)", ce qui est conforme à l'accord d'entreprise "sur la réduction du temps de travail des cadres autonomes" signé au sein de l'AFDAS le 20 décembre 2001, prévoyant en ses chapitres 1 et 2 que le forfait doit comporter 217 jours travaillés sur l'année contre 148 jours de congés (correspondant aux samedis et dimanches, jours de congés payés, jours fériés auxquels s'ajoutent 10 jours de repos supplémentaires) et que les cadres autonomes de l'AFDAS concernés par le forfait en jours sont notamment les responsables de services.

Cependant cet accord qui se borne à prévoir, en son chapitre 3, les modalités de décompte et prise des jours et demi-journées de travail et de repos ainsi qu'un contrôle de ces jours et demi-journées au moyen d'un 'relevé auto-déclaratif des demi-journées et journées prises le mois d'avant et programmées pour le mois à venir [...] soumis à l'agrément du responsable hiérarchique du salarié qui veille à la prise effective des repos [...]', précision étant faite qu' "en tout état de cause, le salarié ne peut avoir travaillé plus de 217 jours en fin de période sans l'autorisation de son responsable hiérarchique" et, en son chapitre 5, relatif au "suivi de l'organisation du travail" que des "entretiens réguliers sont planifiés pour analyser les charges de travail et construire les plans d'actions éventuels destinés à corriger les écarts", ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. Il s'en suit que la convention de forfait de Mme [K] est nulle.

Elle est à tout le moins privée d'effet dès lors que l'employeur, contrairement à ce qu'il affirme, ne justifie nullement de ce que Mme [K] a bénéficié d'entretiens réguliers permettant le suivi de l'organisation et de sa charge de travail afin que celle-ci reste raisonnable, les seules mentions d'entretien ou de "point hebdo" avec la salariée, sans autre précision, figurant sur la copie de l'agenda 2012-2013 de son supérieur hiérarchique, étant manifestement insuffisantes à cet égard.

En conséquence Mme [K] peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En application de ces dispositions, le salarié doit étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Mme [K] fait valoir qu'elle est fondée à solliciter paiement des heures accomplies au delà des 35 heures par semaine, dans les limites de la prescription quinquennale encore en vigueur à la date de la saisine de la juridiction prud'homale, qu'entre 2008 et 2013 elle a travaillé 45 heures par semaine durant 155 semaines et 50 heures par semaine durant 7 semaines. Elle établit un décompte sur la période de mai 2008 à mars 2013 inclus (aucune heures supplémentaire n'étantcomptabilisée pour le mois d'avril), mentionnant pour chaque mois le nombre d'heures effectuées par semaine en distinguant les heures supplémentaires majorées à 25% et ces mêmes heures majorées à 50%, avec la précision manuscrite suivante : "horaires 45 heures par semaine: 9h à 19h avec 1h de pause pour déjeuner 9x5".

Mme [K] étaye sa demande en ce que ce décompte est suffisamment précis pour que l'AFDAS puisse y répondre.

L'AFDAS affirme que le décompte produit est fantaisiste, relève que la vingtaine de courriels produits par la salariée pour la seule année 2013, alors qu'un rappel de salaire est demandé sur cinq ans, attestent que, rarement, elle arrivait vers 9 heures et repartait vers 19 heures, qu'en aucun cas l'employeur ne lui a demandé d'effectuer un travail tardivement, qu'elle a pris par ailleurs de nombreux jours de RTT. L'AFDAS produit une attestation établie par Mme [U] [R], collaboratrice de Mme [K] en tant que chargée de coordination au service juridique de juin 2011 à mai 2013, qui affirme que "[L] s'accordait régulièrement des pauses dans l'après-midi ... à plusieurs reprises [L] a quitté le bureau le vendredi vers 15-16h, voir même le jeudi après-midi".

Au regard des courriels produits par Mme [K] pour la seule année 2013 faisant ressortir des courriels adressés vers 9 heures le matin et le soir aux alentours de 19 heures, cependant à de rares reprises, de ce que comme il sera examiné ci-après la salariée n'a allégué d'une augmentation de sa charge de travail qu'à compter de l'année 2012, ainsi que du témoignage de sa collaboratrice, la cour a la conviction que la salariée, au regard de ses fonctions, a accompli des heures supplémentaires au delà de la durée légale de 35 heures par semaine, toutefois pour les seules années 2012 et 2013 et dans des proportions bien moindres que celles alléguées, qui doivent être évaluées, au vu des pièces produites par chacune des parties, à la somme de 8 245 € pour la période de janvier 2012 à mars 2013 inclus. Infirmant le jugement déféré l'AFDAS sera donc condamnée à payer à Mme [K] cette somme outre celle de 824,50 € pour les congés payés afférents.

Contrairement à ce qu'elle soutient, il n'est pas établi que la salariée a effectué un nombre d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel de 220 heures. Mme [K] doit être déboutée de sa demande d'indemnité compensatrice au titre des repos compensateurs par confirmation du jugement sur ce point.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Au soutien de ce chef de demande Mme [K] invoque :

- une modification de son contrat de travail par l'ajout de nouvelles tâches à compter de l'année 2012 ayant entraîné une surcharge de travail,

- le recours par l'employeur à une convention de forfait illicite,

- le défaut d'organisation de visite médicale de reprise à l'issue de son arrêt de travail de plus de 30 jours prenant fin le 31 juillet 2013.

L'AFDAS fait valoir que les missions confiées à la salariée correspondait parfaitement à son poste, qu'elle n'était pas surchargée mais mal organisée, que la convention de forfait est licite, qu'elle a toujours respecté ses obligations en matière de santé et de sécurité vis à vis de Mme [K].

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; la date de la rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

Seuls peuvent être de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur des faits, manquements, ou agissements de ce dernier d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du travail.

Au vu de la fiche de poste de responsable des affaires juridiques et sociales mise à jour le 31 mars 2011, versée aux débats par Mme [K], les missions de celle-ci étaient les suivantes :

1. Veille et suivi juridique des domaines et secteurs d'activités relevant de l'AFDAS

2. Organisation et supervision des contentieux

3. Garant du respect de la règlementation de la paie

4. Management opérationnel de l'équipe 'juridique et contentieux' et 'management de la qualité'.

Mme [K] soutient que l'adhésion à l'AFDAS en janvier 2012 de deux nouvelles branches d'activité supplémentaires (presse et édition) a généré un surcroît de travail, particulièrement pour le suivi conventionnel et la rédaction de projet d'accords collectifs. Elle ne produit cependant aucune pièce justifiant d'un surcroît de travail générant des difficultés pour le service qu'elle dirigeait ou pour elle-même dans l'accomplissement de ses fonctions.

Mme [K] fait valoir ensuite qu'à compter du mois d'octobre 2012, son supérieur hiérarchique, M. [L], lui a imposé de nouvelles tâches, soit la gestion et le suivi de tous les contrats fournisseurs, qui ne relevaient pas de son contrat de travail et de sa fiche de poste et ont entraîné une surcharge de travail. Mme [K] produit des pièces (courriels, projet de contrat) relatives d'une part au changement de prestataire de service chargé de la gestion du parc informatique de l'AFDAS, d'autre part à la résiliation du contrat avec la société Thyssen chargée de l'entretien de l'ascenseur de l'AFDAS.

En premier lieu il ne peut être sérieusement soutenu que ces seules tâches emportaient modification du contrat de travail de la salariée, responsable des affaires juridiques et sociales de l'AFDAS. En tout état de cause aucune modification de la nature même des fonctions confiées à la salariée n'étant démontrée, la modification du contrat de travail invoquée n'est pas établie.

En second lieu si les courriels produits par Mme [K] montrent que celle-ci est intervenue de manière active dans la gestion de ces deux dossiers à la fin de l'année 2012, l'examen de ces mêmes courriels ne fait pas ressortir en eux-même une surcharge de travail.

Il est constant cependant que la salariée a dénoncé une charge de travail excessive à compter du mois de mars 2013. Mme [K] a ainsi fait d'abord état de difficultés "à prévoir" pour l'organisation du travail au sein de son équipe en demandant le remplacement de salariées absentes par courriel adressé le 25 mars 2013 à M. [M] [L], avant d'alerter l'employeur en la personne de Mme [N], directrice générale, sur la charge de travail qu'elle connaissait depuis plusieurs mois, dans un courriel du 3 avril 2013 auquel était jointe une lettre de 5 pages détaillant ce que la salariée considérait comme une augmentation structurelle de sa charge de travail, laquelle, associée notamment à des demandes qu'elle considérait comme inutiles ou sans lien avec ses fonctions de la part de M. [L], son supérieur hiérarchique, dégradait ses conditions de travail.

Des courriels ultérieurs montrent que la salariée s'est trouvée clairement en difficulté face aux demandes qui lui étaient faites, répondant notamment le 13 juin 2013 à Mme [N] qui lui demandait où elle en était sur le projet d'accord IDS : "je n'ai pas encore eu le temps de travailler sur ce dossier ... la situation de mon service ... me laisse peu d'espoir d'arriver le temps nécessaire pour prendre en charge de façon efficace ce vaste chantier", ce que confirment les arrêts de travail dont a fait l'objet Mme [K] à compter du mois d'avril 2013 portant la mention "surmenage".

Si les difficultés ressenties par Mme [K] sont ainsi avérées, il n'est cependant pas établi au vu des pièces produites que celles-ci étaient dues à une charge de travail excessive qui lui était imposée par l'employeur. Ainsi, alors que l'intéressée ne produit aucun témoignage émanant de ses proches collaborateurs, l'AFDAS produit l'attestation déjà citée de Mme [U] [R], chargée de coordination au service juridique de juin 2011 à mai 2013, qui déplore outre le climat de tension régnant au sein du service, généré selon elle par le comportement managérial inapproprié de Mme [K], le fait que celle-ci "n'a jamais délégué quoique ce soit" à ses collaboratrices et qu'elle était "sans doute responsable de la grande masse de travail qu'elle a accumulé". L'AFDAS produit également un rapport remis à M. [L] le 26 juillet 2013, établi par M. [Z], intégré dans le service juridique deux mois plus tôt, déplorant également que pour l'essentiel des tâches administratives et dépourvues de prise d'initiative soient confiées aux collaborateurs, sans tenir compte de leur niveau de formation, et préconisant un changement d'organisation du service géré par Mme [K] afin d'en améliorer le fonctionnement.

Le manquement de l'employeur relatif à une surcharge de travail imposée à la salariée n'est donc pas établi.

Mme [K] invoque également le recours par l'employeur à une convention de forfait illicite. Le seul fait pour l'employeur d'avoir appliqué une convention de forfait illicite et d'être redevable d'heures supplémentaires, ne caractérise pas, au regard du montant retenu de celles-ci, un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Enfin il est constant que Mme [K] a été en arrêt de travail entre le 24 juin et le 31 juillet 2013, soit pendant plus de 30 jours, de sorte qu'en application des articles R. 4624-22 et R. 4624-23 du code du travail, l'AFDAS avait l'obligation d'organiser une visite de reprise dans le délai de 8 jours à compter du 1er août 2013, date de la reprise du travail par la salariée.

Mme [K] n'a bénéficié d'un examen de reprise que le 1er septembre 2013 après qu'elle ait écrit à son employeur, le 27 août 2013, lui reprochant de ne pas avoir organisé de visite de reprise à l'issue de son arrêt de travail, ce à quoi l'employeur a répondu par lettre du 3 septembre suivant en faisant observer à la salariée qu'elle ne l'avait pas averti de son retour, qu'elle s'était présentée dans l'entreprise le 1er août, période de congés tant pour le service des ressources humaines que de la médecin du travail et que du 1er au 16 août 2013, date de ses congés, la salariée n'avait pas alerté le service des ressources humaines.

Au vu de ces éléments le manquement de l'employeur est établi en ce que la visite de reprise aurait du être organisée au plus tard le 8 août 2013. Ce manquement ne peut cependant être considéré comme grave, compte tenu de la date de reprise de la salariée qui coïncidait avec la période de congés d'été et de ce que la salariée a bénéficié d'un examen médical dès son retour de congés, et n'était pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il résulte de ce qui précède que Mme [K] ne justifie pas de manquements suffisamment graves de l'employeur justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail. Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de chef de demande.

Sur la demande indemnitaire en réparation des préjudices subis pendant l'exécution du contrat de travail

Mme [K] fait valoir que l'employeur a manqué à son obligation de bonne foi et à son obligation de sécurité de résultat, en laissant une "situation pathogène et anxiogène s'ériger en mode d'organisation du travail" et en ne prenant pas les mesures nécessaires pour la préserver du danger auquel elle était exposée alors qu'il en avait connaissance. La salariée soutient avoir subi un préjudice physique et psychique, une souffrance liée à l'état de stress et de mal-être, un préjudice moral et un préjudice professionnel lié à l'impossibilité d'exécuter ses fonctions compte tenu des conditions anormales de travail qui lui ont été imposées.

L'AFDAS affirme qu'elle a respecté ses obligations, que le lien entre l'état de santé de la salariée et ses conditions de travail n'est pas établi.

Si la dégradation de l'état de santé de Mme [K] est avérée, comme il résulte des différents arrêts de travail dont elle a fait l'objet courant 2013 à partir du 23 avril, puis de façon continue à compter du 9 septembre 2013, avec les mentions suivantes : "surmenage", "dépression", ainsi que des certificats médicaux postérieurs, du Dr [H], psychiatre, certifiant le 28 novembre 2013 que Mme [K] souffre d'un "état dépressif majeur directement en lien avec une situation de stress au travail" et du Dr [S] du service de pathologie professionnelle du centre hospitalier de [Localité 2] relatant le 16 janvier 2014 les doléances de la salariée sur ses conditions de travail et concluant que celle-ci présente un syndrome anxio dépressif, ce qui témoigne du ressenti de difficultés certaines de Mme [K] au travail, jusqu'au constat de son inaptitude à son poste de travail, il n'a cependant été retenu précédemment aucun manquement de l'employeur en lien avec cette dégradation, étant ajouté qu'il n'est nullement allégué ni démontré que le non-paiement des heures supplémentaires auxquelles la salariée pouvait prétendre a causé à celle-ci un préjudice matériel ou moral.

Dès lors le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande indemnitaire.

Sur les autres demandes

En application de l'article 1153 du code civil, recodifié sous l'articles 1231-6 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation.

Conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil recodifié sous l'article 1343-2 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

L'AFDAS supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à Mme [K] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

ORDONNE la jonction des instances enregistrées sous les numéros 15/05391 et 16/08766 ;

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires ;

INFIRMANT le jugement de ce seul chef ;

CONDAMNE l'association AFDAS à payer à Mme [K] les sommes de:

'8 245 € à titre d'heures supplémentaires pour la période de janvier 2012 à mars 2013 inclus

'824,50 € à titre de congés payés afférents

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'association AFDAS de la convocation devant le bureau de conciliation

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière;

CONDAMNE l'association AFDAS à payer à Mme [K] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'association AFDAS aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/05391
Date de la décision : 25/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/05391 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-25;15.05391 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award