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25/01/2017 | FRANCE | N°14/14356

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 25 janvier 2017, 14/14356


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 25 JANVIER 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/14356



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 12/015906





APPELANTS



Maître [L] [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [W] [H]

ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représenté par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toq...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 25 JANVIER 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/14356

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 12/015906

APPELANTS

Maître [L] [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [W] [H]

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représenté par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Madame [N] [Z] épouse [H]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

INTIMÉE

SAS SOCOREST - SOCIETE DE CONCEPTS DE RESTAURATION

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 381 948 975

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Ayant pour avocat plaidant Maître Rémi DE BALMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0052

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 9 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène LUC, Présidente de chambre

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, rédacteur

Monsieur François THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène LUC, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La sas société Socorest (Société de concepts de restauration) a mis au point et développe au travers d'un réseau de franchise à l'enseigne «La Boîte à Pizza» un concept de pizzas à consommer sur place, à livrer ou à emporter.

En 2006, M. [W] [H] et son épouse, Mme [N] [Z], ont décidé de vendre leur cabinet d'agent général d'assurances et de créer une entreprise dans le secteur de la pizza à emporter. A cet effet, ils se sont rapprochés de la société Socorest et le 25 janvier 2006, la société Socorest a remis à M. [W] [H] un document d'information précontractuelle.

Le 2 mars 2006, M. [W] [H] a signé un contrat de réservation pour la ville d'[Localité 1] et le 3 juin 2006, les parties ont conclu un contrat de franchise pour une durée de 9 années. Le restaurant a ouvert ses portes le 3 août 2006.

Des redevances étant demeurées impayées, le 28 janvier 2011, la société Socorest a fait délivrer à M. [W] [H] une injonction de payer la somme de 52.614,88 euros.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 24 mai 2011, M. [H] a soutenu que le chiffre d'affaires réalisé étant très en-deçà des chiffres prévisionnels annoncés, la situation risquait de le conduire au dépôt de bilan et a proposé à la société Socorest de reprendre le fonds de commerce moyennant le prix de 335.000 euros, correspondant aux sommes investies.

Des pourparlers n'ayant pas abouti, par exploit du 22 février 2012, M. [H] a assigné la société Socorest devant le tribunal de commerce de Paris aux fins, à titre principal de voir prononcer la nullité du contrat de franchise et subsidiairement, sa résolution aux torts de la société Socorest.

Le 28 février 2012, la société Socorest a mis en demeure M. [H] de lui régler la somme de 100.907,94 euros au titre de redevances impayées puis le 23 avril 2012, elle a résilié le contrat de franchise.

M. [H] a été placé en redressement judiciaire le 25 juillet 2012, puis en liquidation judiciaire le 16 janvier 2013.

Par jugement en date du 4 juin 2014, le tribunal de commerce de Paris a :

- donné acte à Me [L] [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [W] [H] de son intervention volontaire,

- pris acte de l'intervention volontaire de Mme [N] [Z] épouse [H],

- débouté Me [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [W] [H] de sa demande de résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur et de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts à ce titre,

- débouté Me [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [W] [H] de sa demande de résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur et de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts à ce titre,

- débouté Me [L] [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [W] [H] et Mme [N] [Z] épouse [H] de l'ensemble de leurs demandes,

- constaté la résiliation du contrat de franchise par la SAS Socorest le 23 avril 2012,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Me [L] [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [W] [H] aux dépens de l'instance.

La cour d'appel est saisie de l'appel interjeté par Me [L] [E] ès qualités et Mme [N] [Z] épouse [H] du jugement du tribunal de commerce de Paris du 4 juin 2014.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 10 octobre 2016 par la Me [L] [E] ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] et Mme [N] [Z] épouse [H], appelants, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles 1108, 1109, 1116, 1131, 1134, 1147, 1149 et 1184 du code civil,

Vu l'article 1382 du code civil,

Vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu le principe général de loyauté probatoire,

Vu les pièces versées aux débats,

- déclarer Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [H], et Mme [H] recevables en leur appel,

- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société Socorest de ses demandes financières et, statuant à nouveau :

A titre principal :

- prononcer la nullité du contrat de franchise pour dol ou erreur,

- condamner la société Socorest à payer à Maître [E] ès qualités de liquidateur de M. [H], les sommes suivantes :

. 203.177 euros à titre de restitution,

. 50.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du gain manqué,

- condamner la société Socorest à payer à Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [H], les sommes suivantes :

. 100.500 euros à titre de dommages et intérêts aux fins de compenser le manque à gagner de M. [H] en termes de rémunération,

. 213.745 euros à titre de dommages et intérêts en remboursement de ses comptes courants et correspondant à la perte de chance de mieux investir les fonds que M. [H] a injectés avec son épouse dans son entreprise,

- condamner la société Socorest à payer à Mme [N] [H] la somme de 100.500 euros à titre de dommages et intérêts aux fins de compenser son manque à gagner en termes de rémunération,

A titre subsidiaire :

- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Socorest.

- condamner la société Socorest à payer à Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [H] les sommes suivantes :

. 164.203 euros au titre des pertes d'exploitation,

. 50.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du gain manqué,

- condamner la société Socorest à payer à Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [H], les sommes suivantes :

. 100.500  euros à titre de dommages et intérêts aux fins de compenser le manque à gagner de M. [H] en termes de rémunération,

. 213.745 euros à titre de dommages et intérêts en remboursement de ses comptes courants et correspondant à la perte de chance de mieux investir les fonds que M. [H] a injectés avec son épouse dans son entreprise,

- condamner la société Socorest à payer à Mme [N] [H] la somme de 100.500 euros à titre de dommages et intérêts aux fins de compenser son manque à gagner en termes de rémunération,

En tout état de cause :

- débouter la société Socorest de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions,

- condamner la société Socorest à payer à Maître [E], ès qualités et à M. [H], une somme totale de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Socorest aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Teytaud conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 10 octobre 2016 par la sas Socorest, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- juger Mme [N] [Z] épouse [H] irrecevable et subsidiairement mal fondée en son appel,

- juger Maître [L] [E] ès qualités de mandataire liquidateur de M. [W] [H] mal fondée en son appel,

- débouter Mme [N] [Z] épouse [H] et Maître [L] [E] ès qualités de mandataire liquidateur de M. [W] [H] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris ,

- condamner Mme [N] [Z] épouse [H] et Maître [L] [E] ès qualités de mandataire liquidateur de M. [W] [H] à payer à la société Socorest la somme de 10 000  euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [N] [Z] épouse [H] et Maître [L] [E] ès qualités de mandataire liquidateur de M. [W] [H] aux dépens ;

SUR CE,

Sur l'exception d'irrecevabilité des conclusions et pièces signifiées par les appelants après la clôture de l'instruction

Au visa de l'article 783 du code de procédure civile, les conclusions et pièces signifiées le 31 octobre 2016 par Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] et Mme [H] seront d'office déclarées irrecevables comme ayant été signifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture intervenue le 18 octobre 2016.

Sur l'exception d'irrecevabilité des demandes formées par M. [H] et par Mme [H]

La société Socorest soutient qu'une partie des demandes dont la cour est saisie sont irrecevables en ce que d'une part, M. [W] [H] qui n'est plus in bonis n'a plus qualité pour formuler des prétentions à titre personnel, et d'autre part, Mme [H] qui n'était ni salariée de la société Socorest, ni signataire du contrat de franchise ni associée de son mari, n'a pas qualité pour solliciter quoi que ce soit à l'encontre de la société Socorest qui n'était contractuellement liée qu'à son époux.

Les appelants répliquent que M. [H] n'est pas irrecevable à former ses demandes depuis qu'il n'est plus in bonis puisque Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [H] a repris les prétentions formées par celui-ci au titre du remboursement de ses comptes courants et correspondant à la perte de chance de mieux investir les fonds qu'il a injectés avec son épouse dans son entreprise, et au titre de son manque à gagner en terme de rémunération. Ils ajoutent que Mme [H] est parfaitement recevable à agir en réparation de ses propres préjudices puisqu'elle est fondée à invoquer les fautes contractuelles commises par la société Socorest à l'encontre de M. [H] sans avoir à démontrer une faute distincte de l'inexécution contractuelle.

***

Aux termes des dernières écritures signifiées le 10 octobre 2016 par les appelants, M. [H] ne forme aucune demande à titre personnel de sorte que l'exception d'irrecevabilité est sans objet.

S'agissant de Mme [H], il sera rappelé qu'aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt au succès ou au rejet d'une prétention. Il en ressort que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action lequel relève de l'examen de l'affaire au fond.

Mme [H], tiers au contrat de franchise, dispose d'un intérêt à agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle en indemnisation d'un préjudice qui lui aurait été causé par la violation d'une obligation insérée au contrat. Dès lors, l'exception d'irrecevabilité sera rejetée et les demandes formées par Mme [H] seront déclarées recevables.

Sur la demande en annulation du contrat de franchise

En application des dispositions des articles 1108 et 1109 du code civil, le consentement de la partie qui s'oblige, est une condition essentielle de la validité d'une convention et qu'il n'y a point de consentement valable si ce consentement, n'a été donné que par erreur ou surpris par dol. L'article 1110 du même code dispose que l'erreur n'est une cause de nullité que si elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet et l'article 1116 précise que le dol est une cause de nullité lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, qu'il ne se présume pas et qu'il doit être prouvé.

Par ailleurs, l'article L 330-3 du code de commerce dispose que 'toute personne qui met à disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause. Ce document dont le contenu reste fixé par décret , précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champs des exclusivités.' ;

Il résulte de la combinaison des articles sus visés qu'un manquement à l'obligation d'information précontractuelle prévue à l'article L 330-3 du code de commerce n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé.

Il n'est pas discuté que le 25 janvier 2006, soit plus de quatre mois et demi avant la souscription du contrat de franchise intervenue le 13 juin 2006, la société Socorest a remis à M. [W] [H] un document d'information précontractuelle comportant notamment une présentation du franchiseur (dirigeant et entreprise avec les principales étapes de l'évolution du réseau La Boîte à Pizza), du réseau d'exploitation avec la liste des succursales (annexe 4) et des franchisés (annexe 5), les résultats du franchiseur (annexe7), la présentation de l'état général du marché de la restauration rapide et notamment des facteurs concurrentiels du fait du développement de l'offre Pizzas, et du concept La Boîte à Pizza (annexe 8), les perspectives de développement du marché de la restauration rapide et du concept La Boîte à Pizza (annexe 10) et un compte d'exploitation prévisionnel.

' l'absence d'information sur l'historique et la situation du réseau

Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] considère que la société Socorest a menti à M. [H] sur l'historique du réseau et de son dirigeant, M. [B] qui a été condamné à diverses sanctions personnelles en raison de sa gestion et en a occulté l'évolution, ajoutant que le franchiseur ne donne aucun élément sur la situation du réseau et le turn over.

La société Socorest réplique que cette information datant de 1994, elle n'avait en rien à figurer sur un document d'information précontractuelle remis en janvier 2006. Elle fait valoir que le réseau «La Boîte à pizza» se développe sur la base d'un savoir-faire tout à fait réel et performant, que ce savoir-faire a été reconnu judiciairement et qu'en tout état de cause rien ne justifie qu'une information relative au passé judiciaire de M. [B] aurait été déterminante du consentement.

Elle fait observer que le document d'information précontractuelle comporte une liste exhaustive de tous les franchisés du réseau avec la précision du nombre de franchisés avec lesquels les relations contractuelles ont cessé. S'agissant de l'information sur les fermetures et liquidations judiciaires, elle rappelle qu'elle n'était tenue que d'informer sur les sortie du réseau au cours de l'année précédent celle de délivrance du document, M. [H] se prévalant de sorties qui seraient intervenues bien avant ou bien après la signature de son contrat de franchise. Enfin, elle soutient que la liste des points de vente à l'enseigne «La Boîte à Pizza» qui seraient sortis du réseau, est mensongère.

D'une part, l'appelant ne démontre pas que la connaissance par M. [H] de la mesure de faillite personnelle et d'interdiction de gérer pendant cinq ans dont M. [B] a fait l'objet en 1994 et qui avait cessé de produire ses effets plus de six ans avant la signature du contrat de franchise, aurait été déterminante de son consentement et l'aurait empêché de contracter.

D'autre part, c'est à juste titre que les premiers juges ont constaté, comme le relevait la société Socorest, que le document d'information précontractuelle comportait la liste des 71 points de vente au jour de son édition. Il sera ajouté qu'y figuraient les noms, adresses et numéros de téléphone des franchisés (annexe 5) de sorte que le franchiseur justifie avoir respecté son obligation d'information prescrite par la loi à cet égard. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen d'annulation du contrat de franchise.

' l'absence de remise d'un état du marché local et de perspectives de développement

L'article L 330-3 du code de commerce met à la charge du franchiseur l'obligation de présenter un 'état et les perspectives de développement du marché concerné' et l'article R. 330-1 l'oblige notamment à ' une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché' . La présentation de l'état local du marché comporte, comme pour son état national, la définition du marché et la description de son état de manière à permettre au futur franchisé éventuel de s'engager en connaissance de cause. En revanche, la loi ne mettant pas à la charge du franchiseur une étude du marché local, il appartient au franchisé de procéder, lui-même, à une analyse d'implantation précise lui permettant d'apprécier le potentiel, et, par là même, la viabilité du fonds de commerce qu'il envisage de créer.

Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] fait grief à la société Socorest de l'absence de remise d'un état du marché local ainsi que de ses perspectives de développement. La société Socorest rétorque que l'état local remis à M. [H] comportait toute la liste des commerces de restauration existants à la date de la remise du document d'information précontractuelle sur [Localité 1], que le franchiseur n'est pas tenu d'établir une étude de marché local et qu'il appartient au franchisé de procéder lui-même à une analyse d'implantation précise.

***

L'état du marché local, s'il est mentionné au document d'information précontractuelle comme figurant en annexe 9, ne figure toutefois pas dans le document d'information précontractuelle communiqué aux débats, seulement par le franchisé. La société Socorest ne produisant pas le document d'information précontractuelle, il sera tenu pour acquis que l'état du marché local n'y figurait pas, ce que du reste, la société Socorest reconnaît implicitement.

Toutefois s'il appartenait au franchiseur de présenter un état local du marché sur la Ville d'[Localité 1] et de ses perspectives de développement, ce dont il s'est effectivement abstenu, un tel manquement ne peut suffire à caractériser le dol par rétention d'information, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci . Une telle erreur ne saurait se déduire de la seule absence des résultats escomptés. Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] se contente de reprocher au franchiseur de ne pas avoir respecté son obligation de remise d'un état du marché local et de ses perspectives de développement mais se garde d'expliquer en quoi cette abstention aurait vicié le consentement du franchisé du fait de l'absence de prise en compte d'une information essentielle que le franchiseur se serait sciemment abstenu de lui communiquer et/ou de la prise en compte de données erronées fournies par le franchiseur qui l'aurait ainsi induit en erreur. Il ne justifie pas plus que l'absence d'informations sur les perspectives de développement du marché ait provoqué une erreur qui aurait été déterminante du consentement. Le jugement entrepris sera donc confirmé à ce titre.

' l'erreur dans le choix de l'implantation

Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] fait également grief au franchiseur de lui avoir fait commettre une erreur dans le choix de l'emplacement du local d'exploitation, précisant qu'initialement M. [H] avait trouvé un emplacement en centre-ville d'[Localité 1], près de la place de l'Horloge, ce qui lui garantissait un fort passage et une place de choix au moment du festival mais que la société Socorest a refusé de valider ce choix pour orienter les époux [H] vers un emplacement situé en périphérie de la ville d'[Localité 1], emplacement situé dans une zone très calme, avec passage de clients insuffisant et se trouvant à proximité immédiate d'un concurrent direct (Domino's Pizza). Il soutient à cet égard que le savoir-faire de la société Socorest ne se limite pas à un concept mais englobe aussi le choix d'un emplacement.

L'intimée réplique que comme l'a constaté le tribunal, M. [H] ne justifie en rien que le franchiseur aurait refusé une implantation en centre-ville d'Avignon et lui aurait imposé une ouverture en périphérie d'Avignon dans un secteur moins rentable, étant précisé que si un magasin concurrent s'est ouvert près de l'emplacement de M. [H], c'est qu'il ne s'agissait pas d'un mauvais choix d'implantation. Elle considère que l'attestation produite par M. [H] présentant l'emplacement choisi comme inadapté a été faite par un ancien salarié de la société Socorest, salarié en procès aujourd'hui avec la société. Elle soutient également que le point de vente de M. [H] était très visible, disposait d'une large devanture, était situé sur un axe routier bénéficiant d'un trafic important, étant précisé que le magasin à l'enseigne «Domino's Pizza» a ouvert postérieurement à l'établissement de l'état local et que M. [H] en avait nécessairement connaissance lors de la signature du contrat de franchise du fait de la proximité avec son emplacement et qu'il était ainsi tout à fait libre de ne pas signer le contrat de franchise.

***

Les premiers juges ont pertinemment relevé que le franchisé procédait sur ce point par simple affirmation sans produire le moindre justificatif de sorte qu'ils ont estimé qu'il ne rapportait pas la preuve que son consentement ait été vicié à ce titre . La cour constate qu'en appel, le franchisé n'en justifie pas plus, aucune pièce n'attestant que la société Socorest ait imposé à M. [H] d'installer le fonds de commerce en périphérie d'[Localité 1], secteur qui aurait été moins rentable, l'attestation établie à cet égard par un ancien salarié de la société Socorest, en litige avec cette dernière, ne présentant pas de garantie d'impartialité suffisante pour faire preuve. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

' l'erreur sur la rentabilité de l'entreprise

Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] soutient que le tribunal ne pouvait considérer que les chiffres d'affaires ne diffèrent pas significativement de l'exemple de comptes prévisionnels fournis, que les écarts constatés sont bien trop importants pour être mis sur le compte d'aléas et qu'il n'est en rien prouvé que M. [H] a commis une faute dans la gestion de sorte que le franchiseur qui a menti sur le véritable coût de la masse salariale, des flyers, des agencements et des matières premières, a commis un dol ayant provoqué une erreur substantielle, déterminante de l'engagement du franchisé sur la rentabilité de l'activité de son entreprise en s'engageant sur la foi des informations communiquées par le franchiseur et du niveau de rentabilité annoncé.

L'intimée soutient que comme l'a décidé le tribunal, si les chiffres communiqués doivent ne pas être erronés au moment de leur communication afin de ne pas vicier le consentement du franchisé, il résulte d'une analyse des résultats des autres franchisés du réseau «La Boîte à Pizza» que les chiffres d'affaires ne diffèrent pas significativement de l'exemple de comptes prévisionnels fournis et que la jurisprudence reconnaît que la réalisation des prévisions est soumise à des aléas et peut être affectée par des facteurs inhérents au mode d'exploitation et de gestion du franchisé. L'intimée soutient donc que le concept «La Boîte à Pizza» est un concept rentable dans la mesure où il est respecté et mis en 'uvre avec application et qu'en l'espèce M. [H] et son fils n'ont pas respecté ledit concept.

***

L'erreur d'appréciation portant exclusivement sur la rentabilité de l'objet du contrat ne constitue pas en principe une cause de nullité de la convention et il appartient à Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] de caractériser l'erreur qui aurait été déterminante du consentement de M. [H] au moment de la souscription du contrat.

Si le franchiseur n'est pas tenu de remettre un compte d'exploitation prévisionnel au candidat à la franchise, aux termes du 6° de l'article R.330-1 du code de commerce, le document d'information précontractuelle doit contenir ' la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation'. Il appartient ensuite à chaque franchisé d'établir son compte prévisionnel à partir de ces données. Si le franchiseur remet un compte d'exploitation, il doit donner des informations sincères et vérifiables.

Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] fait grief à la société Socorest de lui avoir remis un prévisionnel faisant apparaître un chiffre d'affaires de 329.080 euros et un bénéfice de 49.790 euros en année 1, de 411.350 euros et de 74.651 euros en année 2 et de 493.620 euros et de 87.494 euros en année 3 alors que M. [H] a réalisé un chiffre d'affaires de 224.928 euros et un bénéfice de 77.764 euros en année 1, de 342.652 euros et de 17.968 euros en année 2, de 280.775 euros et de 13.396 euros en année 3, de 229.80euros et de 60.927 euros en année 4 et de 230.231 euros et de 11.946 euros en année 5. Il considère que l'écart entre les 67K  euros de bénéfice moyen et les 150K€ est abyssal. Il fait valoir que M. [H] s'est engagé dans la franchise au vu de ces informations et du niveau de rentabilité annoncé et qu'il a donc commis une erreur substantielle déterminante de son engagement sur la rentabilité de l'activité.

Or, d'une part, Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H], fait état d'une moyenne de chiffres d'affaires et de bénéfices sur 5 ans alors que le prévisionnel était donné sur 3 ans. D'autre part, il apparaît que pour la première année, le chiffre d'affaires réalisé sur 11 mois est sensiblement identique au prévisionnel (280.775 euros / 329.080 euros) et le bénéfice très nettement supérieur (77.764 /49.790 euros) et que s'agissant des deux autres années, l'écart entre les chiffres prévisionnels et ceux enregistrés par M. [H] n'est pas tel que les chiffres annoncés puissent être tenus pour grossièrement erronés. Surtout, comme l'a relevé à juste titre le tribunal de commerce, la société Socorest produit le chiffre d'affaires moyen annuel des 50 premiers magasins qui ressort à 474.000 euros en 2010 et 482.000 euros en 2011 et le chiffre d'affaires moyen annuel de 39 magasins réalisé en première année de 2007 à 2011 qui ressort à 303.000 euros de sorte que la rentabilité du concept est établie, que les prévisionnels communiqués ne sont aucunement fantaisistes, qu'ils sont réels et sérieux et que les écarts constatés par M. [H] proviennent nécessairement d'autres facteurs inhérents à sa gestion.

Dès lors la discordance entre les prévisions et la réalisation des chiffres enregistrés par M. [H] ne démontre pas, en elle-même, le caractère irréaliste des chiffres communiqués et la volonté du franchiseur de tromper le consentement du franchisé. Aucune tromperie délibérée du franchiseur sur la rentabilité de l'activité et l'espérance de gain n'étant caractérisée, le dol allégué dans le cadre de l'information pré contractuelle n'est pas avéré. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

En définitive, Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] échoue à démontrer l'existence d'une erreur déterminante qui aurait vicié le consentement de M. [H] et a fortiori, celle d'un dol. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande en annulation du contrat et de celles subséquentes en restitution des sommes versées et en dommages et intérêts.

sur les demandes en résiliation du contrat

' la violation de l'obligation d'assistance du franchiseur

Pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que le contrat a été résilié à aux torts exclusifs du franchisé, Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] fait valoir que le franchiseur n'a pas respecté son obligation d'assistance qui est une obligation essentielle en matière de franchise, doit être exécutée de manière permanente et s'accompagne de conseils du franchiseur. Il ajoute qu'alors même que la société Socorest, informée du manque de rentabilité de son franchisé, se devait de réagir immédiatement face aux difficultés dénoncées par les consorts [H], en agissant notamment sur le prix, elle n'a pas apporté son aide et n'a pas préconisé des mesures de nature à leur permettre de régler les difficultés rencontrées et de réaliser les prévisions. Il affirme que la société Socorest s'est simplement contentée de mandater sa déléguée régionale qui effectuait un rapide audit sans prendre ou proposer des mesures de nature à régler concrètement les difficultés dénoncées.

La société Socorest réplique que M. [H] a bénéficié de toute la logistique et des plans de communication mis en place et entretenus en permanence par le franchiseur. Elle relève que le tribunal a jugé qu'elle n'avait failli en rien à son obligation d'assistance.

***

Il y a lieu de rappeler que si pendant l'exécution du contrat, le franchiseur est tenu de procurer une assistance, celle-ci est de nature exclusivement technique et commerciale et constitue une obligation de moyens, que le franchisé est un commerçant indépendant seul responsable de la gestion de son entreprise et que les manquements du franchiseur ne se déduisent pas du seul fait de l'existence de difficultés financières rencontrées par les franchisés, l'exploitation d'un fonds étant soumis à de multiples aléas dont notamment ceux liés à la gestion du franchisé et à la situation économique du marché de référence.

En l'espèce, il y a lieu d'approuver la motivation du tribunal de commerce en ce qu'il n'a pas retenu de défaut d'assistance caractérisé au vu des documents produits, par le franchiseur, soit les documents relatifs à la formation de pré-ouverture et d'ouverture, les comptes-rendus de visites du franchiseur entre 2006 et 2012, et les comptes rendus d'audit annuels ainsi que les correspondances circonstanciées en ce qu'ils témoignaient d'une présence et d'une assistance du franchiseur et que certaines recommandations portaient sur des sujets commerciaux et de gestion ayant un impact potentiel sur la rentabilité. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

' les pratiques tarifaires

Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] soutient que la société Socorest a commis une faute grave en raison de ses pratiques tarifaires en ce qu'elle a surfacturé du matériel et a utilisé la clause d'approvisionnement exclusif pour imposer aux franchisés de s'approvisionner dans des conditions défavorables pour des produits qui ne s'avéraient en rien spécifiques à l'enseigne.

Mais c'est également à raison que le tribunal de commerce a considéré que les documents produits par le franchisé ne permettaient pas de conclure à une surfacturation caractérisée en ce que pour le matériel, les articles et les prix du catalogue communiqué par le franchisé ne correspondaient pas à ceux allégués par ce dernier et que pour les produits référencés et les supports publicitaires, ils étaient insuffisants soit à faire ressortir les différences de prix invoquées soit à l'absence de justification de celles-ci. L'existence d'une surfacturation caractérisée n'est donc pas établie et le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a débouté n1 de sa demande de résiliation aux torts du franchiseur.

En outre, Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] qui ne conteste pas que M. [H] n'a pas respecté son obligation de payer les redevances, n'est pas fondé à opposer l'exception d'inexécution. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le contrat a été résilié aux torts exclusifs du franchisé.

Sur les autres demandes

Aucun faute n'ayant été retenue à l'encontre du franchiseur, Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] et Mme [H] seront déboutés de leur demande d'indemnisation. Le jugement entrepris sera donc confirmé en touts ses dispositions et Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] et Mme [H] qui succombent en appel, supporteront in solidum la charge des dépens de la procédure d'appel. En équité, la société Socorest sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe,

DIT sans objet l'exception d'irrecevabilité des demandes formées par M. [W] [H],

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

CONDAMNE in solidum Maître [E], ès qualités de liquidateur de M. [W] [H] et Mme [H] aux dépens de l'appel,

DÉBOUTE la société Socorest de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

Vincent BRÉANT Irène LUC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 14/14356
Date de la décision : 25/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°14/14356 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-25;14.14356 ?
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