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24/01/2017 | FRANCE | N°16/04148

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 24 janvier 2017, 16/04148


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 24 Janvier 2017



(n° , 05 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/04148



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 15/02166





APPELANTE

Madame [K] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1975 au MAROC

comparante e

n personne,

assistée de Me Julien DAMAY, avocat au barreau de PARIS, toque : E2055





INTIMEE

NETTEC venant aux droits de la SAS CASTOR NETTOYAGE ENTRETIEN [Adresse 2]

[Adresse 2]

N° S...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 24 Janvier 2017

(n° , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/04148

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 15/02166

APPELANTE

Madame [K] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1975 au MAROC

comparante en personne,

assistée de Me Julien DAMAY, avocat au barreau de PARIS, toque : E2055

INTIMEE

NETTEC venant aux droits de la SAS CASTOR NETTOYAGE ENTRETIEN [Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 572 107 118

représentée par Mme [Q] [C], Secrétaire Générale, munie d'un pouvoir général, assistée de Me Benjamin DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0470,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Madame [K] [J] engagée par la société ENCOREP à compter du 16 mars 2009, avec reprise d'ancienneté lors de son embauche par la société CASTOR NETTOYAGE, en qualité de chargée d'affaires, au dernier salaire mensuel brut de 2.665 euros, a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 7 août 2015 pour des faits de harcèlement moral.

Par jugement du 18 février 2016, le Conseil de prud'hommes de CRETEIL a dit que la rupture du contrat de travail de Madame [J] était une démission et a débouté la salariée de ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail.

Madame [J] en a relevé appel.

Par conclusions visées au greffe le 14 novembre 2016 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [J] demande à la cour d'infirmer le jugement, de constater la rupture du contrat de travail à la date du 7 août 2015, date de réception de la lettre de prise d'acte de la rupture par la société NETTEC venant aux droits de la société CASTOR NETTOYAGE, de juger la rupture aux torts exclusifs de l'employeur de de lui faire produire les effets d'un licenciement et, subsidiairement, d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Madame [J] demande de condamner la société NETTEC à lui payer :

- 10.098,20 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.009,82 euros de congés payés sur préavis,

- 4.474,57 euros au titre d'indemnité de licenciement légale,

- 40.000,00 euros au titre de dommages et intérêts

- 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Elle demande que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015 et sollicite la capitalisation des intérêts échus annuellement.

Par conclusions visées au greffe le 14 novembre 2016 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société NETTEC venant aux droits de la société CASTOR NETTOYAGE demande de confirmer le jugement, de débouter Madame [J] de ses demandes, de la condamner à lui verser 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

****

MOTIFS

Sur le harcèlement

Principe de droit applicable :

Il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Application du droit à l'espèce :

En l'espèce, Madame [J] se dit avoir été victime de harcèlement du fait du comportement de son supérieur hiérarchique Monsieur [M]. Elle évoque à ce titre la répétition de propos dénigrants et humiliants par son supérieur lors de réunions commerciales. Afin de prouver la matérialité de cette attitude, la salariée verse comme unique élément son courrier du 17 juin 2015 adressé à Madame [R] de la direction des ressources humaines, faisant état d'une liste étayée des manifestations de l'attitude de son supérieur hiérarchique.

Or il apparaît d'une part, que certains de ces faits tels que le 'dénigrement de la hiérarchie de Monsieur [N] mais également du groupe STEM et des collaborateurs par mon supérieur Monsieur [M]', 'plaintes quotidiennes de Monsieur [M] d'avoir une surcharge de travail de la part du groupe STEM', 'mes collaborateurs sont désignés comme zbir' ne concernent aucunement la personne de Madame [J] et ne peuvent ainsi faire présumer d'un harcèlement la concernant.

D'autre part, sur les faits concernant directement la salariée tels que 'l' humiliation avant d'aller en rdv', 'hausse de ton à mon égard', 'accusation non fondée pour laquelle on ne m'a pas laissé m'exprimer' ne relèvent finalement que des simples allégations peu précises de Madame [J] qui ne verse au débat aucune attestation, aucune correspondance, ou aucun autre type de preuve matérielle permettant d'établir la réalité de ces allégations.

De plus, la société verse au débat la lettre en réponse de Madame [R] du 5 août 2015 ainsi que son attestation décrivant précisément les éléments recueillis lors de l'enquête interne qu'elle a mené auprès des membres du service commercial, suite à l'arrêt maladie de Madame [J]. Il en ressort que les propos insultants ainsi que la situation humiliante dont se plaint Madame [J] n'ont pas été confirmés lors de cette enquête.

En outre, Madame [J] dénonce le fait que Monsieur [M] aurait remis en cause les termes de son contrat de travail et de ses fonctions commerciales en redéfinissant unilatéralement ses primes sur objectifs le 9 janvier 2015. Pour prouver cette situation, la salariée verse au débat un courrier électronique lui ayant été envoyé ainsi qu'à deux autres collègues afin de tous les convoquer à une réunion portant notamment sur ' les objectifs 2015". Rien n'indique cependant dans ce document, dont Monsieur [M] est simplement en copie, que ce dernier a effectivement redéfini les objectifs commerciaux de Madame [J] fixés en décembre 2014.

Madame [J] prétend par ailleurs avoir été victime d'une absence de prise en compte de sa contrainte médicale. La salariée se dit avoir été forcée de changer de bureau sur l'ordre de son supérieur Monsieur [M], dans un autre bureau non adapté en janvier 2015.

Afin de démontrer cette absence de prise en compte de son état de santé, la salariée produit au débat trois attestations de ses anciens collègues.

Or l'attestation [K] fait seulement état des qualités professionnelles et personnelles de [J] et du fait qu'elle 'avait des allergies signalées à la direction suite aux radiateurs installés dans les locaux'.

Celle de Madame [V] porte quant à elle sur l'embauche de Madame [J] et sur le fait que Madame [V] lui a laissé son bureau dès la venue de sa collègue afin qu'elle 'bénéficie d'un environnement de travail lui seyant'.

Enfin l'attestation de Monsieur [Y] décrit le déroulement d'un séminaire hors des bureaux lors duquel les collègues de Madame [J], qui souffrait de ses allergies, ont trouvé une solution d'emplacement pour la ménager.

Aucune de ces attestations ne mentionnent le prétendu changement de bureau opéré par Monsieur [M] et susceptible de constituer un fait de harcèlement moral.

Il apparaît enfin que Monsieur [N] et [M] ont tout deux été licenciés postérieurement au départ de Madame [J] de la société NETTEC. La salariée prétend ainsi que ses deux supérieurs auraient été licenciés pour faute du fait du harcèlement moral à son encontre, mais ne fournit aucune lettre de licenciement ou tout autre document permettant de confirmer ces allégations.

En revanche, certains faits évoqués lors du débat par Madame [J] apparaissent établis matériellement au vu des éléments versés au dossier.

La salariée affirme d'une part avoir travaillé dans un environnement de travail tendu, ce qui est confirmé dans l'attestation de l'un de son supérieur hiérarchique Monsieur [Z]. Or cette situation de fait générale concernant l'ensemble du service commercial ne saurait en elle-même constituer un fait précis et concordant de harcèlement à l'encontre de la personne de Madame [J].

Sur l'attitude de monsieur [M], l'enquête menée par Madame [R] de la direction des ressources humaines affirme que le comportement général de Monsieur [M] est dépeint comme 'potentiellement impulsif'. Ici encore, ce comportement général qui s'apparente en réalité à un trait de caractère de Monsieur [M] ne saurait constituer en l'espèce un fait précis de harcèlement à l'encontre de la salariée.

Cette même enquête a aussi confirmé l'existence d'une altercation le 31 mars 2015 entre Monsieur [M] et Madame [J] durant laquelle celle-ci affirme que son supérieur lui aurait 'hurlé dessus'. Cependant, Madame [R] ayant interrogé Madame [W], une salariée présente au moment des faits, affirme que Monsieur [M] avait été effectivement sec et ferme mais qu'il n'y avait pas eu de hurlements. Cette altercation, dont les circonstances décrites par les parties s'avèrent contradictoires, constitue donc au regard de tout ce qui précède un unique élément faisant supposer l'existence de harcèlement à l'encontre de Madame [J]. Ce fait unique ne peut donc à lui seul établir l'existence de plusieurs actes répétés de harcèlement.

Enfin, Madame [J] verse au débat un certificat de son psychologue en date du 7 septembre 2015 qui atteste de 'la dégradation de l'équilibre psychologique' de sa patiente depuis janvier 2015, ainsi que des ordonnances de son médecin lui ayant prescrit un traitement contre l'anxiété. S'il est exact que Madame [J] a ressenti un mal être, l'ensemble des éléments versés au débat ne peuvent suffire à établir des actes répétés de harcèlement moral ayant causé la dégradation de l'état de santé de la salariée.

Il résulte de tout ce qui précède que la situation de harcèlement moral à l'encontre de Madame [J] n'est pas établie.

La demande de la salariée en qualification de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement nul en raison des faits de harcèlement n'est donc pas fondée. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur la demande tendant à faire produire à la prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L1231-1 du code du travail, la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur, empêchant la poursuite du contrat de travail ; si les manquements sont établis, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une démission dans le cas contraire.

En l'espèce, Madame [J] soutient que différents manquements de l'employeur ont justifié la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail. Ainsi, la salariée évoque une absence de dispositif de prévention du harcèlement, de document unique de l'identification des risques, de dispositions dans le règlement intérieur relatives au harcèlement moral et de délégué du personnel au sein de l'entreprise.

Ces reproches, que Madame [J] évoque d'ailleurs lors du débat et postérieurement à la prise d'acte de son contrat, n'apparaissent pas en l'espèce comme des manquements suffisamment graves de l'employeur, empêchant la poursuite du contrat de travail. Ils ne peuvent donc avoir justifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, quand bien même ils auraient été établis.

Madame [J] expose par ailleurs l'absence de visite médicale à l'embauche et verse au débat sa dernière visite médicale en date du 12 septembre 2013 lorsqu'elle était en poste au sein de la société ENCOREP.

Cependant, la salariée a fait l'objet d'un transfert de son contrat de travail au sein de la société CASTOR NETTOYAGE et il n'existait pas d'obligation d'organiser une visite médicale à l'embauche. La société a n'a donc commis aucun manquement sur ce point.

Il s'ensuit que la demande de qualification de la prise d'acte en licenciement pour cause réelle et sérieuse du fait des manquements de l'employeur n'est pas fondée.

Le jugement du Conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

LAISSE les dépens à la charge de Madame [J].

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/04148
Date de la décision : 24/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°16/04148 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-24;16.04148 ?
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