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24/01/2017 | FRANCE | N°15/01186

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 24 janvier 2017, 15/01186


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 24 JANVIER 2017



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01186



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2014 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS (RG n° 13/10768) rejetant l'exequatur d'une décision du 11 février 2010 dite 'order confirming arbitration awards and entering judgment' rendue par la 'Circuit Court'r>


APPELANT



Monsieur [Y] [H]



[Adresse 1]

NEWTON MA 02458

USA



représenté par Me Frédéric JEANNIN de la SELAS CHARLES RUSSELL SPEE...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 24 JANVIER 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01186

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2014 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS (RG n° 13/10768) rejetant l'exequatur d'une décision du 11 février 2010 dite 'order confirming arbitration awards and entering judgment' rendue par la 'Circuit Court'

APPELANT

Monsieur [Y] [H]

[Adresse 1]

NEWTON MA 02458

USA

représenté par Me Frédéric JEANNIN de la SELAS CHARLES RUSSELL SPEECHLYS FRANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0180

INTIME

Monsieur [E] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

DANEMARK

représenté par Me Jean BAZILLE substituant Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 novembre 2016, en audience publique, le rapport entendu, les avocats des parties et le Ministère Public ne s'y étant pas opposé, devant Madame GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente et Madame SALVARY, conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente

Madame SALVARY, conseillère

Madame MENARD, conseillère, appelée pour compléter la cour conformément aux dispositions de l'ordonnance de roulement portant organisation des services rendue le 22 août 2016 par Madame le premier président de la cour d'appel de PARIS

Greffier, lors des débats : Madame Mélanie PATE

MINISTÈRE PUBLIC : représenté par Madame SCHLANGER, avocat général, qui a visé le dossier le 28 juin 2016

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Madame Dominique GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente de chambre.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

M. [Y] [H], ressortissant des Etats-Unis d'Amérique et M. [E] [W], ressortissant danois, ont conclu le 28 décembre 1999 par l'intermédiaire d'un courtier une convention portant sur l'achat par le premier au second d'un navire de plaisance baptisé 'Gitana II' moyennant le prix de 3.600.000 USD sous condition d'inspection et d'essai en mer. L'acte de vente définitif a été signé le 23 mars 2000 par la société Green Shoe, substituée à M. [H], à un prix ramené à 3.450.000 USD.

Un désaccord ayant opposé les parties sur leurs obligations réciproques, M. [W] a engagé contre M. [H] une action devant la 'Circuit Court' du 17ème circuit judiciaire, Comté de Broward en Floride, afin d'obtenir le versement de la partie du prix qui avait été séquestrée entre les mains du courtier. Des demandes reconventionnelles fondées sur le mauvais état du navire ont été formées par l'acquéreur. La cour a suggéré, en septembre 2004, une procédure d'arbitrage non contraignant qui a été acceptée par les parties.

L'arbitre [V] a rendu le 30 décembre 2009 une sentence et une sentence supplémentaire qui condamnaient M. [W] à payer 1.365.083, 06 USD à titre de dommages-intérêts, 1.181.083, 68 USD au titre des intérêts ayant couru entre la date du dommage et celle de la décision, 500.000 USD de dommages-intérêts punitifs, 1.465.400,90 USD au titre des frais de défense et 103.769, 71 USD au titre des autres frais de procédure.

La 'Circuit Court' saisie par M. [H] a confirmé cette sentence dans le cadre d'une décision du 11 février 2010 dite 'order confirming arbitration awards and entering judgment', y ajoutant les intérêts jusqu'à l'exécution du jugement et le coût de celui-ci.

Le 15 juillet 2013, M. [H] a assigné M. [W] devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir l'exequatur de cette décision à l'exception de la condamnation au paiement de dommages-intérêts punitifs.

Cette demande a été rejetée par un jugement du 10 décembre 2014 dont M. [H] a interjeté appel le 15 janvier 2015.

Par des conclusions notifiées le 21 novembre 2016, il demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu son intérêt à agir, de l'infirmer pour le surplus et de déclarer la décision américaine du 11 février 2010 exécutoire en France à l'exception du chef condamnant M. [W] à des dommages-intérêts punitifs, enfin de condamner la partie adverse à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions notifiées le 18 novembre 2016, M. [W] demande à la cour de déclarer l'action irrecevable faute d'intérêt, subsidiairement, de confirmer le jugement, rejeter les demandes de M. [H] et le condamner à payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le ministère public a notifié un avis en faveur de l'infirmation du jugement.

SUR QUOI :

Sur la recevabilité :

Considérant que le bénéficiaire d'un jugement étranger a intérêt à agir pour en obtenir l'exequatur en France, dès lors que cette décision est susceptible de recevoir application sur le territoire français, sans que soit exigée la démonstration de l'existence actuelle de biens saisissables sur ce territoire;

Que la demande de M. [H] est donc recevable;

Sur le fond :

Considérant qu'à défaut de convention de coopération en matière judiciaire entre la République française et les Etats-Unis d'Amérique, le juge français saisi d'une demande d'exequatur doit s'assurer que trois conditions sont remplies, tenant à la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, à la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure et à l'absence de fraude à la loi;

Considérant que la compétence du juge de Floride n'est pas contestée;

Considérant que M. [W] soutient que la décision américaine du 11 février 2010 est contraire à l'ordre public international de procédure; qu'il expose qu'il s'est retiré de la procédure d'arbitrage non contraignant en raison de difficultés financières et de santé; que les sentences, qui ont été rendues en son absence, ne lui ont pas été notifiées dans les conditions prévues par la convention de La Haye du 15 novembre 1965, ni d'ailleurs dans celles prévues par le droit de Floride; que l'arbitre a affirmé qu'il les lui avait envoyées par un courriel qu'il n'a pas reçu; que ce défaut de notification l'a privé du droit prévu par la loi de Floride de demander dans les vingt jours un nouveau procès devant les juridictions étatiques; que la décision dont l'exequatur est demandé est une simple homologation des sentences non contraignantes, de sorte qu'il est indifférent qu'elle lui ait été notifiée dans les conditions de la convention de La Haye, dès lors que l'appel qu'il pourrait en interjeter ne permettrait pas un rejugement du fond de l'affaire;

Mais considérant, en premier lieu, que M. [W] a accepté de participer à la procédure d'arbitrage non contraignant, et qu'il y a effectivement défendu avant de s'en retirer; que s'il produit deux certificats de son médecin traitant datant de novembre 2008 et de février 2009 mentionnant un état de stress et d'anxiété affectant son sommeil et ses fonctions cognitives et contre-indiquant les voyages, il a déclaré devant la Haute Cour de l'Ouest, saisie de la procédure de liquidation judiciaire engagée contre lui au Danemark par M. [H], qu'il 'voulait clore l'arbitrage parce qu'il pensait que c'était un gaspillage de temps et d'argent. Il s'agissait d'un arbitrage non contraignant et il était certain que [Y] [H] voulait seulement retarder l'arbitrage. Il aurait été capable de se permettre de poursuivre cette procédure s'il l'avait souhaité. C'était une question de priorité';

Que c'est donc par l'effet du choix de M. [W] que les sentences non contraignantes ont été rendues en son absence;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. [W] fait valoir que le courriel de notification qui lui aurait été envoyé par l'arbitre et qu'il soutient n'avoir pas reçu, ne mentionne pas les voies de recours, la lettre de mission précise (point 16) : 'Une décision arbitrale sera définitive si une demande pour un nouveau procès n'est pas soumise dans les 20 jours qui suivent la notification de la décision'; que M. [W] était donc suffisamment informé des voies de droit qui lui étaient ouvertes;

Considérant, en troisième lieu, que la décision de la 'Circuit Court' du 17ème circuit judiciaire, Comté de Broward, du 11 février 2010, qui a homologué les sentences faute de demande par M. [W] d'un nouveau procès devant les juridictions étatiques, a été régulièrement signifiée à l'intéressé qui n'en a pas interjeté appel; que M. [W] soutient que cet appel portant sur le jugement d'homologation des sentences, laquelle résulte automatiquement de l'absence de recours dans le délai de vingt jours, n'aurait pas permis un rejugement au fond de ses prétentions;

Mais considérant que la lettre de mission énonce que 'la notification par l'arbitre de la décision génère une présomption réfragable en ce qui concerne la date à laquelle la décision a été notifiée'; qu'il s'en déduit que l'envoi des sentences en date du 30 décembre 2009 par un courriel expédié le 31 décembre 2009 par l'arbitre [V] aux deux adresses peter@pjholding.dk et pj@pjholding.dk (dont la première était bien celle depuis laquelle M. [W] répondait à l'arbitre le 18 décembre 2009), ne constituait qu'une présomption réfragable de notification; que la réalité et la régularité de celle-ci, et, par conséquent, la détermination du point de départ du délai de recours, auraient pu être appréciées par le juge américain s'il avait été saisi d'un appel de la décision d'homologation, de sorte que l'impossibilité d'un nouveau procès au fond n'est pas démontrée;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la méconnaissance des droits de la défense n'est pas établie;

Considérant que M. [W] fait encore valoir que la demande d'exequatur procède d'une fraude à la loi et au jugement rendu par les juridictions danoises; qu'en effet, par un arrêt du 7 juillet 2011, la cour d'appel de la Région Ouest du Danemark a confirmé la décision de première instance déboutant M. [H] de sa demande d'ouverture d'une procédure collective à son encontre au motif que la créance n'était pas d'une 'clarté suffisante' pour fonder une décision de cette nature; que l'intimé soutient qu'en poursuivant devant le juge français l'exequatur du jugement américain, M. [H] cherche en réalité un moyen détourné d'obtenir l'exécution au Danemark en bénéficiant du mécanisme simplifié de reconnaissance et d'exécution des décisions de justice au sein de l'Union européenne;

Mais considérant qu'il résulte du principe suivant lequel 'Exequatur sur exequatur ne vaut' qu'une décision de justice rendue dans un Etat membre, ayant pour objet de reconnaître une décision étrangère, ne bénéficie pas du mécanisme simplifié de reconnaissance et d'exequatur dans un autre Etat membre, lequel conserve son contrôle sur la décision initiale;

Que le moyen n'est donc pas fondé;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 10 décembre 2014 doit être infirmé et la décision de la 'Circuit Court' du 17ème circuit judiciaire, Comté de Broward en Floride en date du 11 février 2010, revêtue de l'exequatur à l'exception du chef relatif aux dommages-intérêts punitifs;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que M. [W], qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamné sur ce fondement à payer à M. [H] la somme de 10.000 euros;

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement.

Statuant à nouveau :

Déclare la décision rendue entre les parties le 11 février 2010 par la 'Circuit Court' du 17ème circuit judiciaire, Comté de Broward en Floride exécutoire en France, à l'exception du chef condamnant M. [W] à payer à M. [H] des dommages-intérêts punitifs.

Condamne M. [W] aux dépens et au paiement à M. [H] de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE, faisant fonction de présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/01186
Date de la décision : 24/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°15/01186 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-24;15.01186 ?
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