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24/01/2017 | FRANCE | N°12/09692

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 24 janvier 2017, 12/09692


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 24 Janvier 2017



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09692



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 Septembre 2012 par le conseil de prud'hommes PARIS -section encadrement- RG n° 10/09641





APPELANTE



Madame [Q] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité

1] ALGERIE

représentée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, E1355







INTIMÉE



FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE

[Adresse 4]

[Adresse 5]

re...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 24 Janvier 2017

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09692

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 Septembre 2012 par le conseil de prud'hommes PARIS -section encadrement- RG n° 10/09641

APPELANTE

Madame [Q] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1] ALGERIE

représentée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, E1355

INTIMÉE

FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représentée par Me Dominique DELANOE, avocat au barreau de PARIS, P0192

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Bruno BLANC, Président

Madame Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

Madame Roselyne GAUTIER, Conseillère

Greffier : Madame Marine POLLET, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et prorogé à ce jour.

- signé par Monsieur Bruno BLANC, président, et par Madame Marine POLLET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[Q] [I], née en [Date naissance 2], a été engagée par contrat à durée indéterminée par la Fédération Nationale de la Mutualité Française le 16.01.2001, en qualité de médecin santé publique, au sein du département Santé publique auprès la Directrice générale adjointe chargée de la santé, statut cadre, 4è échelon catégorie P3 coefficient 400, à temps complet.

La Fédération Nationale de la Mutualité Française a une activité de coordination et de représentation des mutuelles auprès des institutions. L'entreprise est soumise à la convention collective de la mutualité ; elle comprend plus de 11 salariés. La moyenne mensuelle des salaires de [Q] [I] s'établit à 4.866,34 €.

Par avenant du 08.10.2002 [Q] [I] a été mise à disposition du Groupement des personnels et des moyens de la mutualité française.

Par courrier du 15.07.2003 et courriel du 26.09.2003, [Q] [I] a attiré l'attention de son employeur sur l'absence de conformité de son activité résultant de la description de la fonction exercée et de son salaire avec les dispositions conventionnelles. La Fédération Nationale de la Mutualité Française a contesté le 19.01.2004 les observations formulées par la salariée.

[Q] [I] a fait l'objet d'un rappel à l'ordre le 24.02.2005 en raison de son comportement à l'égard de sa supérieure hiérarchique, A. [Y], et de ses collègues.

Un avenant a été signé le 05.12.2005 dans le cadre de la réorganisation du Groupe Mutualité française sans modification de ses fonctions, classification, ancienneté et rémunération.

La salariée a saisi l'inspection du travail le 07.03.2007 de la question de sa rémunération.

Un avenant à son contrat de travail a été signé le 11.12.2008 avec la Fédération, et [Q] [I] a été affectée Chef de projet / Médecin santé publique au sein du pôle Organisation de l'offre / Direction de l'offre de santé mutualiste (DOSM) position C3.

En mars 2009 une nouvelle réorganisation du service Direction de la prévention, des soins et de l'accompagnement est mise en place, ce service devenant la Direction de l'offre de santé mutualiste avec fusion des anciennes directions DGMAS et DOSM.

M.I. [L], DRH, a adressé un rappel à l'ordre à [Q] [I] le 25.02.2010 en raison d'un dysfonctionnement dans le mode de relation établi avec sa responsable hiérarchique, E. [C], et son directeur, tout en reconnaissant la qualité de sa contribution ; [Q] [I] a fait valoir le 01.03.2010 que les divers incidents qu'elle a connu étaient liés aux revendications salariales exprimées qu'elle estimait légitimes : "Je suis et reste le médecin le moins bien payé de la FNMF", ces pratiques pouvant s'assimiler selon elle à un harcèlement moral.

En réponse le 19.03.2010, la Fédération Nationale de la Mutualité Française a constaté que la salariée était la seule à occuper le poste qui lui était confié tout en contestant le harcèlement moral, sa situation salariale devant être examinée courant avril. [Q] [I] a maintenu sa position.

Le 02.04.2010 elle a saisi l'inspection du travail d'une demande d'enquête en matière de discrimination salariale eu égard à la situation des autres médecins spécialistes de même qualification.

Par avenant non signé du 19.05.2010, un plan d'accompagnement salarial a été mis en place ; le salaire brut annuel de [Q] [I] a été majoré de 1.500 € au 01.05.2010 puis de 2.284 € au 01.12.2010 sous réserve de réaliser les objectifs mentionnés dans son entretien annuel en mode de travail transversal et collaboratif ; enfin de 2.000 € au 01.05.2011 sous réserve de l'atteinte des objectifs fixés en décembre 2010 lors de l'entretien annuel.

[Q] [I] a réclamé le 16.07.2010 à sa supérieure hiérarchique, E. [C], responsable du pôle Organisation de l'offre, une rectification de l'organigramme conforme à l'avenant signé ; une discussion s'est engagée avec son encadrement sur l'intitulé de ses fonctions à faire apparaître dans la cartographie des activités de la direction.

Le CPH de Paris a été saisi par [Q] [I] le 21.07.2010 en discrimination salariale en vue de son repositionnement. Elle refuse de signer l'avenant qui lui est proposé concernant une augmentation de 1.500 € par an brut sous réserve d'un travail transversal et collaboratif.

Son employeur lui a confirmé le 28.03.2011 puis le 08.04.2011 sa nouvelle fonction intitulée "chargée de mission / médecin santé publique" au sein du pôle promotion de la santé / direction santé à la suite de la réorganisation intervenue. Elle a refusé de signer l'avenant correspondant le 19.04.2011 en faisant valoir la limitation progressive de ses attributions.

Elle a été intégrée dans le comité stratégique de prévention mis en place en avril 2011.

Le comité d'entreprise a émis un avis défavorable le 14.04.2011 sur le projet de réorganisation en cours concernant la DGMAS et la DOSM regroupées au sein de la Direction santé.

La Fédération Nationale de la Mutualité Française a constaté que les évolutions salariales mentionnées dans l'avenant du 19.05.2010 étaient effectives ; elle a rappelé que [Q] [I] ne pratiquait pas la médecine au sein de la Fédération Nationale de la Mutualité Française mais contribuait au développement et à la mise en oeuvre de projets pilotés par la Mutualité, ses attributions recouvrant les champs de la médecine de santé publique, référent technique en prévention et promotion de la santé ; dans ces conditions, les fonctions précédemment attribuées devaient être maintenues.

[Q] [I] est mise en arrêt maladie le 20.06.2011 prolongé jusqu'au 13.07.2011. Elle fait une demande de prise en charge de sa maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels ce qui lui est refusé par la CPAM le 13.10.2011.

Le 22.06.2011 [Q] [I] a saisi le CHSCT pour enquête en dénonçant des faits survenus lors du séminaire prévention en déclarant avoir été écartée de la préparation ; il lui a été répondu le 30.06.2011 par la présidente du CHSCT que tout le monde avait été écarté à la suite d'un problème de gestion collective.

Le 28.06.2011 [Q] [I] rencontre le médecin du travail pour une visite périodique qui l'adresse à son médecin traitant en raison d'un syndrome dépressif.

Le 06.12.2011 [Q] [I] s'est présentée au médecin du travail qui l'a adressée à son médecin traitant en raison de la réapparition du syndrome dépressif ; elle a été mise en arrêt de travail pour surmenage professionnel jusqu'au 13.12.2011.

Le 22.12.2011, la Fédération Nationale de la Mutualité Française a notifié à [Q] [I] un avertissement, en raison de divers événements intervenus depuis le mois d'octobre et du comportement conflictuel de la salariée vis à vis de sa hiérarchie ; cette dernière a contestée la sanction le 10.01.2012 en reprochant à son employeur de transmettre d'elle un portrait inexact "celui d'une personnalité difficile et polémique", tout en constatant la dégradation croissante de ses conditions de travail.

Le 01.02.2012, [Q] [I] a constesté les termes du compte rendu d'entretien d'évaluation du 24 janvier.

M. [T], collègue de [Q] [I], est promue responsable du pôle prévention et promotion de la santé, elle a cette dernière sous sa responsabilité.

Le 14.06.2012, la Directrice déléguée santé, A. [N], a rappelé à [Q] [I] les règles de diffusion qui devaient être respectées, la salariée invoquant l'autonomie dont elle bénéficie dans l'exercice de ses fonctions.

[Q] [I] est convoquée le 08.10.2012 à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement. Un blâme est notifié à [Q] [I] le 31.10.2012 par L. [M], DRH, pour des faits intervenus en septembre et octobre concernant ses échanges avec sa hiérarchie et d'autres collaborateurs, qu'elle conteste par courrier du 23.11.2012 mais qui est confirmé le 10.12.2012.

[Q] [I] est mise en arrêt maladie le 15.10.2012 jusqu'au 28.10.2012 pour syndrome anxio dépressif.

[Q] [I] est convoquée à un entretien de cadrage le 26.11.2012 mené par sa responsable hiérarchique, M. [T], en présence de L. [M] responsable des ressources humaines, en vue de clarifier le périmètre de ses missions et l'organisation de son travail ainsi que les attentes de sa hiérarchie ; elle a été mise en garde contre les propos déplacés qu'elle avait pu tenir, la direction des ressources humaines a exprimé le souhait de l'établissement de relations apaisées. Cependant par courriel du 28.11.2012 sa supérieure exprime à la DRH son doute quant à la mise en place du nouveau dispositif : "j'ai le sentiment et même la certitude que nous ne pourrons jamais retrouver un mode de fonctionnement apaisé et serein. Je suis même certaine que les difficultés vont aller en augmentant dans l'avenir qu'il s'agisse des relations de management ou des relations avec le reste de l'équipe", elle demande une solution à son encadrement puis elle sollicite une présence lors de l'évaluation de sa collaboratrice qui se traduit selon elle par un échec ainsi qu'elle l'indique dans son courriel du 15.01.2013 en estimant que [Q] [I] était "définitivement ingérable, réfractaire à tout échange et proposition et désormais en situation de conflit ouvert sur le plan personnel avec moi" : "cet EAP se traduit par un échec et je considère qu'il met un terme à une période de 18 mois de conflits, dysfonctionnements et de stress personnel... compte tenu des risques potentiels générés par la situation, aggravée aujourd'hui par un conflit personnel ouvert de [Q] [I] à mon égard, je vous demande de prendre les mesures adaptées et nécessaires afin de la repositionner en dehors de mon pôle et de mes responsabilités". M. [T] saisi son employeur de cette situation en s'estimant victime des agissements de sa collaboratrice le 21.01.2013.

Un accident du travail est déclaré à la CPAM le 18.01.2013 à la suite d'un malaise sur le lieu de travail, le protocole de soins étant fixé jusqu'au 31.03.2013.

[Q] [I] a été placée en arrêt maladie le 21.01.2013 prolongé jusqu'au 31.03.2013 pour état dépressif ; un certificat d'accident du travail est signé le 15.03.2013 pour un malaise sur le lieu de travail.

Le CHSCT est convoqué le 29.01.2013 par l'employeur pour une réunion exceptionnelle fixée le 05.02.2013 en vue de faire le point sur la situation préoccupante du pôle PPS ; cependant les élus refusent de s'y rendre en raison de l'irrégularité de cette convocation et pour le motif invoqué qui ne comprendrait pas l'accident du travail subi par [Q] [I] le 18.01.2013.

Le 04.02.2013 le CHSCT fait valoir un droit d'alerte concernant [Q] [I] alors que sa propre responsable, M. [T], est en arrêt maladie depuis le 15 janvier ; l'employeur fait une demande d'enquête externe sous l'égide du CHSCT au sein du pôle PPS (pôle prévention et promotion de la santé) auquel appartiennent les deux salariés pour risque grave.

Le CHSCT se réunit en session extraordinaire le 26.02.2013 et constate la dégradation des conditions de travail au sein du pôle PPS après en avoir alerté la direction à plusieurs reprises ainsi que le malaise grandissant au sein de l'entreprise ; le CHSCT décide de l'intervention d'un cabinet d'expertise externe aux fins d'évaluer les risques psycho sociaux.

Le 16.04.2013, [Q] [I] est adressée par le médecin du travail à son médecin traitant en l'absence d'aménagement de son poste de travail et en présence de risques cardiaques.

[Q] [I] est mise en arrêt maladie le 17.04.2013 jusqu'au 12.05.2013 pour malaises cardiaques, du 10.05.2013 au 16.06.2013 pour état dépressif.

Un formulaire d'arrêt de travail pour accident professionnel est signé du médecin traitant le 17.06.2013 mentionnant l'accident du travail survenu le 18.01.2013 ; un nouvel arrêt maladie est établi le 03.07.2013 jusqu'au 02.09.2013. Un certificat d'accident du travail est encore signé le 02.09.2013, avec consolidation avec séquelles relatif aux faits du 31.03.2013, pour un état anxieux sévère et malaise sur le lieu de travail.

Le médecin du travail la déclare apte à un essai de reprise le 03.09.2013.

Le Défenseur des droits saisi d'une réclamation de [Q] [I] contacte la Fédération Nationale de la Mutualité Française le 25.04.2013.

Elle refuse le 17.09.2013 de signer le compte rendu de son entretien d'évaluation s'étant tenu le 14 janvier ; un autre entretien est fixé le 07.11.2013.

Le SECAFI, missionné par le CHSCT, dépose son rapport en janvier 2014 ; une restitution est faite le 14.02.2014. M. [T] qui estime que sa propre situation n'a pas été suffisamment intégrée sollicite sa mutation interne le 17 suivant, ce qui n'a pas eu de suite jusqu'au 05.09.2014 date à laquelle est elle est nommée responsable de mission au pôle Animation des réseaux territoriaux.

Un arrêt de travail est prescrit le 07.03.2014 jusqu'au 12.03.2014 après un incident survenu avec sa supérieure hiérarchique.

[Q] [I] est en arrêt maladie pour dépression du 01 au 14.08.2014.

[Q] [I] est convoquée le 31.07.2014 à un entretien préalable et le 18.09.2014 elle fait l'objet d'une sanction sous forme d'une mutation disciplinaire, en raison de son comportement et de ses propos à l'égard d'une collaboratrice de la Direction santé lors d'une réunion, des altercations répétées créant un sentiment d'insécurité chez une autre collaboratrice du pôle, dans le cadre d'une agressivité croissante portant atteinte aux conditions de travail de l'équipe PPS ; elle le conteste le 26.09.2014

Une lettre de mission est signée des parties confiant à [Q] [I] la fonction de chef de projet médecin de santé publique dans le cadre d'une mission de santé publique rattachée à la Direction santé.

[Q] [I] accepte le 23.9.2014 la mission qui lui est confiée dans le cadre d'un détachement auprès de A. [N], Directrice santé, à compter du 06.10.2014 "sous réserve de la procédure judiciaire en cours". La Fédération Nationale de la Mutualité Française lui demande d'accepter sans réserve cette mutation le 01.10.2014 ; dans sa réponse du 06.10.2014 [Q] [I] précise :

" - je vous confirme à nouveau que j'accepte cette mission

- je maintiens l'intégralité de ma revendication salariale devant la cour de Paris

- je conteste le caractère disciplinaire pour les raisons évoquées dans mon courrier du 26 septembre".

Le 13.10.2014 A. [N] précise les modalités de fonctionnement de la mission de santé publique confiée à [Q] [I].

Le 24.10.2014 une déclaration d'accident du travail est effectuée par la Fédération Nationale de la Mutualité Française relative aux faits survenus le 6 mars précédent à l'occasion d'un violent échange entre [Q] [I] et M. [T], et dans le cadre d'une enquête menée par la CPAM ; celle ci refuse la prise en charge le 03.12.2014.

Le médecin du travail déclare [Q] [I] apte le 15.12.14 lors d'une visite demandée par l'employeur.

*

* *

La cour est saisie de l'appel interjeté le 10.10.2012 par [Q] [I] du jugement rendu le 27.09.2012 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 1, qui a débouté la salarié de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

[Q] [I] demande à la cour de :

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris le 27 septembre 2012,

DIRE et JUGER que [Q] [I] a fait et fait encore l'objet d'un traitement discriminatoire en raison de ses origines et de son sexe.

En conséquence :

ANNULER l'avertissement du 19 décembre 2011,

ANNULER le blâme du 31 octobre 2012,

ANNULER le caractère disciplinaire de la mutation prononcée le 18 septembre 2014,

DONNER ACTE à [Q] [I] de ce qu'elle acquiesce au principe de la mutation.

A titre principal :

FIXER le salaire de base de Madame [I] à la somme de 6.692,31€ bruts au 1er  janvier 2010,

CONDAMNER la FNMF au rappel de salaire correspondant à compter du 1er janvier 2010, avec les augmentations individuelles de la salariée, générales ou conventionnelles propres à l'entreprise s'y attachant et intervenues depuis le 1er janvier 2010.

Le tout sous astreinte de 150 € par jour de retard, à compter de la notification de la décision à intervenir,

CONDAMNER la FNMF à verser à [Q] [I] la somme de 366.477 € à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice financier jusqu'à 2009 lié à la discrimination subie.

A titre subsidiaire :

FIXER le salaire de base de [Q] [I] à la somme de 7.960,15 € bruts au 1er janvier 2010,

CONDAMNER la FNMF au rappel de salaire correspondant à compter du 1er janvier 2010, avec les augmentations individuelles de la salariée, générales ou conventionnelles propres à l'entreprise s'y attachant et intervenues depuis le 1er janvier 2010.

Le tout sous astreinte de 150 € par jour de retard, à compter de la notification de la décision à intervenir,

CONDAMNER la FNMF à verser à [Q] [I] la somme de 429.537 € à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice financier jusqu'à 2009 lié à la discrimination subie.

En tout état de cause :

CONDAMNER la FNMF à verser à [Q] [I] les sommes suivantes :

70.000 € nets en réparation du préjudice moral lié à la discrimination subie,

70.000 € nets en réparation du préjudice lié au harcèlement moral,

A titre subsidiaire, 70.000 € nets en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'obligation de résultat de l'article L 4121 -1 du code du travail,

ORDONNER la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

CONDAMNER la FNMF à verser à [Q] [I] la somme de 4.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la FNMF aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels.

De son côté, la Fédération Nationale de la Mutualité Française demande de confirmer le jugement, de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de condamner [Q] [I] à payer la somme de 15.000 € pour frais irrépétibles.

Les parties entendues en leurs plaidoiries le 21.11.2016, la cour leur a proposé de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel sous huit jours ; elle les a avisées qu'à défaut l'affaire était mise en délibéré ; aucun accord en ce sens n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.

*

* *

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

Sur l'exécution du contrat de travail :

1) Sur les différentes sanctions :

Le conseil de prud'hommes, juge du contrat de travail, saisi de la contestation sur le bien-fondé d'une sanction disciplinaire peut l'annuler si elle apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Le contrôle judiciaire porte sur'la réalité des faits'; la légitimité de la sanction'; la disproportion de la sanction à la gravité de la faute'; éventuellement, la régularité de la procédure suivie.

L'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction'; le salarié fournit également les éléments qui viennent à l'appui de ses allégations. Le conseil de prud'hommes peut, pour former sa conviction, ordonner toute mesure d'instruction utile. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

a) l'avertissement du 19.12.2011 :

[Q] [I] ne motive pas dans ses écritures la contestation qu'elle forme. Son employeur fait observer que la sanction est prescrite et ne figure plus dans son dossier.

En effet, aucune sanction antérieure de plus de 3 ans à l'engagement de poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction ; la sanction en elle même subsiste au delà de 3 ans, même si elle ne doit plus figurer dans le dossier du salarié concerné et le salarié peut lui même s'en prévaloir.

C'est ce que fait [Q] [I] dans ce dossier à l'appui de la discrimination qu'elle invoque en contestant cette sanction notifiée en raison de son comportement professionnel inadapté.

Sur le fond, en l'espèce, l'employeur reproche essentiellement à [Q] [I] le caractère inapproprié de ses interventions tant sur la forme que sur le fond, entre fin novembre et début décembre 2011 ; il produit les échanges de courriels correspondants qui révèlent le ton inutilement polémique utilisé par celle ci à l'égard de sa hiérarchie comme déjà constaté auparavant ; cette sanction était donc justifiée compte tenu des mises en garde antérieures (2005 et 2010), ce comportement s'est répété par la suite.

La sanction doit être confirmée ; le premier juge ne s'est pas prononcé sur cette question.

b) le blâme du 31.10.2012 :

La Fédération Nationale de la Mutualité Française reproche à [Q] [I], non seulement la forme des échanges et notamment le fait qu'elle ait tranmis collectivement sa de manière inappropriée sa remise en cause des instructions hiérarchiques reçues, mais encore son refus de travailler en équipe en coordination transversale avec le pôle métiers assurance et le correspondant Mutweb ; le 03.10.2012 M. [T], sa supérieure, a indiqué clairement à sa collaboratrice que la version finalisée du questionnaire en cause devait être validé par leur hiérarchie et lui a soumis des corrections que cette dernière n'a pas acceptées dans un premier temps en le faisant savoir autour d'elle, avant d'accepter finalement de traiter ce questionnaire quelques jours après. Ces faits ont conduit à juste titre la directrice déléguée (N+2) à en informer la DRH pour réclamer une sanction qui est dès lors fondée et proportionnée, en présence d'une précédente sanction.

c) la mutation disciplinaire du 18.09.2014 :

La Fédération Nationale de la Mutualité Française a décidé de sanctionner [Q] [I] en raison d'un comportement agressif, par une mutation à titre disciplinaire ; celle ci fait observer à juste titre que cette mesure ne figure pas au titre des sanctions applicables dans le règlement intérieur de l'entreprise.

Un changement d'affectation peut constituer en principe une sanction disciplinaire ; cependant l'article 17.1 de la convention de la mutualité ne prévoit lui même comme sanctions que : l'avertissement, le blâme, la mise à pied sans traitement pour une durée maximum de 10 jours ouvrables ; le licenciement.

Par suite la sanction notifiée à [Q] [I] a un caractère irrégulier et il convient de l'annuler tout en constatant que la salariée a en définitive accepté cette mutation.

2) Sur la discrimination fondée sur le sexe et l'origine :

Aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la Loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison notamment de son origine et de son sexe.

Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II (Principe de non discrimination), le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-789 du 20.08.08. Au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse, donc à l'employeur, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A l'appui de ses prétentions [Q] [I] fait valoir une absence d'évolution salariale et professionnelle et donc une inégalité de traitement qui serait la traduction d'une discrimination fondée sur le sexe et l'origine ; elle constate n'avoir obtenu en 9 ans de présence qu'une augmentation individuelle de 93,91 € par mois à la suite de la saisine de la juridiction prud'homale et une prime de 600 €.

Il est exact que, après que [Q] [I] ait saisi formellement par courrier son employeur de la question de l'adéquation de sa rémunération à ses fonctions en juillet 2003, puis l'inspection du travail, une première fois le 07.03.2007, et une seconde fois le 02.04.2010 pour demander que soit effectuée une enquête en discrimination salariale, son employeur lui a proposé un plan d'accompagnement salarial sous forme d'un avenant en date du 19.05.2010, lui octroyant des augmentations par paliers à partir du 01.05.2010 et jusqu'au 01.05.2011, ce qui représentait une augmentation cumulée de 5.284 €, soit environ un mois de salaire lissé sur une année, ce, sous réserve que la salariée accepte un mode de travail "transversal et collaboratif" eu égard aux difficultés relationnelles déjà mentionnées.

Les entretiens annuels d'évaluation communiqués font apparaître que la salariée a réclamé de bénéficier d'une augmentation salariale dès 2001 ; elle s'interrogeait déjà sur son positionnement au sein de l'équipe et il lui était demandé par sa hiérarchie de respecter un "fonctionnement transversal" ; le 26.01.2014 [Q] [I] faisait état d'une attitude discriminatoire de la part de sa hiérarchie ; l'année suivante sa supérieure note ne pas avoir connaissance des rémunérations pratiquées sur le marché tout en cochant sur le formulaire d'évaluation que la rémunération accordée était inférieure à ce qui était conventionnellement prévu et [Q] [I] se plaint à nouveau de l'absence d'augmentation ; puis en 2006 sa supérieure indique : "salaire à revoir en fonction des collaborateurs de même fonction" ; en 2008, [Q] [I] demande que son périmètre d'intervention s'élargisse compte tenu de la réorganisation projetée.

Par ailleurs, [Q] [I] relève au vu des documents produits par la Fédération Nationale de la Mutualité Française que les salaires des femmes sont inférieurs à ceux des hommes de la catégorie cadre niveau 3 C3 à laquelle elle appartient, que le sien est moins important que le salaire moyen des femmes de sa catégorie dès l'embauche et jusqu'en 2009, et que ce salaire moyen ne tient pas compte de son expérience professionnelle, cette situation se confirme selon elle en 2013. [Q] [I] se compare à deux collègues les Dr [E] et [W] qui, à l'embauche, avaient toutes deux une rémunération supérieure tout en étant plus jeunes et moins expérimentées, alors qu'elle même a obtenu par la suite le diplôme de nutrition thérapeutique et clinique et le diplôme obésités et maladies métaboliques.

Ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe.

La Fédération Nationale de la Mutualité Française pour sa part rectifie les chiffres de la rémunération annuelle revendiquée par la salariée qui cependant reste inférieure au salaire moyen des femmes, lui même inférieur au salaire moyen des hommes de la même catégorie ; elle indique à juste titre qu'il n'y avait pas lieu à modification de sa classification C3 dès lors que ses missions et fonctions n'avaient pas changé et correspondaient à ce positionnement ; elle constate que [Q] [I] a obtenu une augmentation conséquente entre 2006 et 2014, mais il faut constater que cette augmentation n'intervient qu'à compter de 2010. La Fédération Nationale de la Mutualité Française déclare que les augmentations substantielles dont [Q] [I] a bénéficié ont été accordées en application du plan de rattrapage des rémunérations mis en place qui a été mis en place à partir de 2009 bien après que [Q] [I] ait formulé ses réclamations ; le document "Politique de rémunération de FNMF" de 2014 mentionne ces mesures de rattrapages salariaux ; il est donc acquis que la salariée ne percevait pas le salaire auquel elle pouvait prétendre. Par ailleurs sur la plan global, l'employeur ne conteste pas l'existence d'un écart de rémunération hommes/femmes qui s'est amenuisé depuis l'application des dispositions de l'accord relatif à l'égalité professionnel du 02.12.2009 qui a constaté notamment que l'écart relevé était plus important pour les collaborateurs "seniors", tout en précisant qu'il n'était au sein de l'UES que de 15,26% en 2010 "soit 10 points de moins que la moyenne nationale" et qu'il était pour la population C3 de 6% en 2010 puis de 4% en 2012 ; un des indicateurs de suivi était relatif à l'absence d'augmentation individuelle. La Fédération Nationale de la Mutualité Française a refusé d'opérer une comparaison vis à vis des autres cadres C3 dont le groupe serait d'après elle hétérogène en termes de responsabilités et de fonctions exercées ; elle a refusé également de faire cette comparaison avec des collègues médecins en opposant le fait que [Q] [I] n'exerçait pas la médecine dans le cadre de ses fonctions : or c'est bien en tant que médecin santé publique que [Q] [I] a été recrutée pour exercer des fonctions d'animation en cette qualité et en raison de ses compétences particulières qu'elle a complétées d'ailleurs dans la durée.

Sur les comparaisons entreprises, la Fédération Nationale de la Mutualité Française justifie de ce que [Q] [I] a été embauchée à un salaire supérieur à celui octroyé en fin de carrière à son prédecesseur, à poste équivalent, l'âge pouvant être retenu comme critère de comparaison puisqu'il détermine une expérience professionnelle plus grande ; quant au Dr [W], recrutée en 2007 comme conseiller auprès du Directeur général chef de projet addiction, ses missions et responsabilités étaient plus larges, elle sera nommée en 2012 conseiller médical auprès de la Directrice santé, la comparaison n'est de ce fait pas pertinente.

Il n'en reste pas moins que si la Fédération Nationale de la Mutualité Française oppose que le salaire annuel de [Q] [I] en 2009 était de 58.921 € (conclusions p.25) le Rapport de situation de cette même année mentionne pour les cadres C3 une rémunération moyenne pour les hommes de 78.410 € et pour les femmes de 76.809 € ; ce document comprend un tableau de l'évolution comparée hommes/femmes entre 2001 et 2009 qui montre la diminution de l'écart de rémunération sur la période.

Par suite, il résulte de ces éléments en terme de rémunération annuelle pour [Q] [I] une inégalité de traitement sur le plan global vis à vis de la population masculine de même classification, que l'employeur n'explique pas, mais aussi vis à vis de la population féminine, ce qui constitue une discrimination fondée sur le sexe sans pour autant que la discrimination soit justifiée comme étant fondée sur l'origine puisque [Q] [I] a bénéficié de conditions d'embauche adaptées et que l'entreprise compte de nombreux salariés d'origine étrangère. Les autres éléments invoqués dans ses écritures ne font pas référence à l'origine de la salariée.

En ce qui concerne la demande de repositionnement, [Q] [I] se fonde sur la situation professionnelle du Dr [W] qui n'a pas une situation comparable eu égard aux fonctions exercées dans l'entreprise depuis son embauche ; à défaut elle réclame un salaire équivalent à la rémunération la plus élevée des hommes de la catégorie C3 au vu du bilan social sans justifier concrètement des fonctions exercées par son homologue masculin ni de ses responsabilités effectives. Ses prétentions seront rejetées en l'absence d'éléments plus probants ; il n'y a pas lieu à modifier le salaire de base.

La Fédération Nationale de la Mutualité Française sera condamnée à verser à [Q] [I] la somme de 30.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination subie toutes causes de préjudices confondues. La décision du premier juge sera infirmée.

3) Sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité :

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

[Q] [I] fait valoir des critiques, accusations infondées et un climat de suspicion alors que les sanctions qui lui ont été infligées ont été confirmées sauf en ce qui concerne la dernière, en raison de son irrégularité ; son employeur l'a mise en garde formellement dès 2005 contre un comportement inadapté dans l'exercice de ses fonctions, sans effet notable de sa part.

Sa hiérarchie s'est montrée agacée de cette situation répétée sans que les termes employés la discréditent alors que la salariée avait adressé des messages en adoptant un ton critique très vif à plusieurs reprises. Les tracasseries invoquées ne sont pas démontrées, l'employeur ayant usé de son strict pouvoir de direction notamment pour rappeler à la salariée la nécessité de prendre des précautions lors de l'envoi de courriels. La mise à l'écart n'est pas davantage démontrée dès lors que la politique d'équipement en matière de téléphonie mobile a été suivie, que l'ensemble de son équipe n'a pas participé à l'organisation du séminaire de [Localité 2], les autres griefs n'étant pas davantage démontrés. Compte tenu du rôle exercé en externe par la salariée, son employeur a pu lui demander de soumettre ses écrits à supervision. [Q] [I] a formé une réclamation en vue d'une augmentation dès 2003, et il n'apparaît pas que l'information des délégués du personnel, de même que les sanctions, confirmées, ou un entretien annuel dans le but de soutenir la responsable hiérarchique directe de [Q] [I], soient constitutifs de mesures de rétortion, étant précisé que la mutation disciplinaire a été acceptée par la salariée. Les relations entretenues avec sa supérieure directe, M. [T], qui était sa collègue mais a été promue en tant que supérieure hiérarchique, ont été tendues dès l'origine et se sont dégradées rapidement sur une période de 18 mois, sans que les mesures prises puissent être critiquées dès lors que M. [T] a souhaité se faire aider pour faire face à la situation.

Ainsi les éléments soumis à la discussion par [Q] [I], ne laissent pas supposer un harcèlement moral, l'employeur démontrant que les décisions prises relatives à la salariée étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il n'en reste pas moins que l'état de santé de [Q] [I] s'est rapidement dégradé de manière continue à partir de juin 2011 après que l'employeur ait décidé certes d'accéder aux revendications salariales de [Q] [I] manifestées depuis 10 ans, mais en refusant un repositionnement hiérarchique qui ne se justifiait pas compte tenu des missions qui lui étaient effectivement confiées ; cette situation a placée la salariée dans une position de blocage et revendicative sur le long terme dont la responsabilité incombe incontestablement à l'employeur.

On doit noter que [Q] [I] a été ainsi mise en arrêt maladie en juin 2011 en raison de son état dépressif, puis en décembre de la même année, qu'elle a saisi le CHSCT de sa situation à la même période, sans effet, elle a à nouveau été placée en arrêt maladie fin 2012 après avoir été sanctionnée d'un blâme, et en définitive l'accident cardiaque subi sur le lieu de son travail le 18.01.2013 sera reconnu comme accident du travail ; le CHSCT a réclamé à l'employeur une enquête à ce sujet tandis que la salariée a été à plusieurs reprises mise en arrêt maladie.

Le rapport établi par l'organisme spécialisé SECAFI sur demande du CHSCT fait apparaître dans l'entreprise, notamment, une surcharge de travail permanente générant stress et frustration, des demandes ou projets multiples sans évaluation, avec des équilibres inefficaces ; il relève des carences dans le fonctionnement collectif de l'institution, le fait que le management n'ait pas été suffisant à la suite de la réorganisation de 2011 ; il constate que les problèmes de personnes pointées par l'encadrement résultent en réalité du fonctionnement perfectible de l'organisation du travail ainsi que du positionnement de l'institution ; il soulève le problème de la reconnaissance des chefs de projet possédant une grande expertise, notamment en termes d'évolution professionnelle mais aussi de salaire ; il observe que deux collaborateurs étaient en position de risque psychosocial, ce qui est la traduction de manquements institutionnels, alors que la gestion des ressources humaines a tendance à se durcir.

L'employeur doit prendre, en application de l'article 4121-1 du code du travail, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : des actions de prévention des risques professionnels ; des actions d'information et de formation ; la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

En conséquence la responsabilité de l'employeur est engagée sauf à prouver : la faute exclusive de la victime ou l'existence de circonstances relevant de la force majeure, imprévisibles, irrésistibles et extérieures. Il suffit que l'employeur manque à l'une de ses obligations en matière de sécurité pour qu'il engage sa responsabilité civile même s'il n'en est résulté ni accident du travail ni maladie professionnelle. Pour satisfaire à son obligation de résultat l'employeur doit vérifier : les risques présentés par l'environnement de travail, les contraintes et dangers liés aux postes de travail, les effets de l'organisation du travail, la santé des salariés, les relations du travail.

La simple constatation du manquement à l'obligation de sécurité suffit à engager la responsabilité de l'employeur. Mais encore faut-il que la victime apporte la preuve de l'existence de deux éléments': la conscience du danger qu'avait ou aurait dû avoir l'employeur (ou son préposé substitué) auquel il exposait ses salariés'; l'absence de mesures de prévention et de protection.

Il résulte des éléments produits que la Fédération Nationale de la Mutualité Française n'a manifestement pas su protéger la santé physique et mentale de sa salariée et l'a placée, de fait, en situation de danger. Elle était informée des difficultés rencontrées par sa salariée du fait du renouvellement des arrêts maladie de [Q] [I] pour le même motif, en dépit des soins suivis, mais aussi de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 18.01.2013, elle a spontanément proposé que les faits du 06.03.2013 soient aussi reconnus comme accidents du travail ce qui n'a pas été admis par la CPAM. La Fédération Nationale de la Mutualité Française a été alertée non seulement directement par la salariée, mais aussi par le CHSCT en son nom, et également par l'autre salariée concernée, qui était le supérieure directe de [Q] [I], et là sans prendre de mesures pendant de longs mois, laissant ainsi la situation se dégrader. En définitive [Q] [I] a accepté sa mutation après une longue dégradation de ses conditions de travail.

Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est démontré ; la Fédération Nationale de la Mutualité Française sera condamnée à verser à [Q] [I] la somme de 30.000 €. La décision du premier juge sera infirmée.

La capitalisation des intérêts est de droit conformément à l'article 1154 du code civil.

Il serait inéquitable que [Q] [I] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la Fédération Nationale de la Mutualité Française qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME le jugement rendu le 27.09.2012 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 1 en ce qu'il a rejeté les demandes formées en rappels de salaire ;

L'INFIRME en ce qu'il a omis de statuer sur la sanction disciplinaire du 19.12.2011, mais aussi en ce qu'il n'a pas reconnu l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe et du manquement à l'obligation de sécurité ;

Statuant à nouveau,

REJETTE la demande d'annulation de l'avertissement du 19.12.2010,

CONDAMNE la Fédération Nationale de la Mutualité Française à payer à [Q] [I] les sommes de :

- 30.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination toutes causes du préjudice confondues,

- 30.000 € en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l'obligation de sécurité,

avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation,

Y ajoutant,

REJETTE la demande d'annulation du blâme du 31.12.2012,

ANNULE la mutation disciplinaire du 18.09.2014,

REJETTE les autres demandes,

CONDAMNE la Fédération Nationale de la Mutualité Française aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à [Q] [I] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/09692
Date de la décision : 24/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°12/09692 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-24;12.09692 ?
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