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20/01/2017 | FRANCE | N°14/11988

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 20 janvier 2017, 14/11988


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 20 JANVIER 2017



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/11988



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Avril 2014 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2012F 781





APPELANTS



Monsieur [U] [F]

Né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] TUNISIE

[Adresse 1]


[Localité 2]



Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine RICHER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0076



Monsieur...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 20 JANVIER 2017

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/11988

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Avril 2014 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2012F 781

APPELANTS

Monsieur [U] [F]

Né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] TUNISIE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine RICHER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0076

Monsieur [L] [J]

Né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 3] TUNISIE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine RICHER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0076

INTIMEES

SA BNP PARIBAS

RCS PARIS 662042449

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée et ayant pour avocat plaidant par Me Béatrice LEOPOLD COUTURIER de la SELARL PUGET LEOPOLD - COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R029

SCP [I] [A] en la personne de Maître [R] [A] prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société E-OPTIMIT

[Adresse 4]

[Localité 6]

Non constituée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Monsieur . Marc BAILLY, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

- Réputé contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise CHANDELON, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

La société par action simplifiée E-Optimit, immatriculée au registre du commerce d'Evry le 13 septembre 2005, a pour activité le conseil de services de l'ingénierie et vente de matériels de télécommunication.

Elle a ouvert un compte bancaire dans les livres de la société BNP Paribas, avec facilité de caisse de 20 000 euros accordée le 2 juin 2007.

M. [U] [F], s'est porté caution solidaire à la garantie de l'ensemble de ses obligations par acte du 2 juin 2007 dans la limite de 24 000 euros et pour dix ans.

Le 8 avril 2008, la société BNP Paribas a accordé un prêt professionnel à la société E-Optimit d'un montant de 100 000 euros d'une durée de 60 mois, avec garantie d'Oseo.

M. [U] [F] et M. [L] [J] se sont portés cautions solidaires du paiement de ce prêt à concurrence de 25 % du montant de l'encours dans la limite de 28 750 euros chacun.

Le 18 novembre 2008, la société BNP Paribas a accordé un nouveau prêt professionnel à la société E-Optimit d'un montant de 105 000 euros d'une durée de 60 mois au taux de 5,50 %, destiné à un programme d'investissement.

M. [U] [F] et M. [L] [J] se sont portés cautions solidaires du paiement de ce prêt à concurrence de 25 % du montant de l'encours dans la limite de 30197,50 euros chacun.

Par lettre recommandée en date du 8 février 2011, la société BNP Paribas a énoncé vouloir rompre les concours bancaires accordés et les mises en demeure de payer sont restées infructueuses.

La société E-Optimit a fait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire du tribunal de commerce d'Evry du 25 mars 2013, désignant Maître [R] [A] en qualité de mandataire judiciaire.

La société BNP Paribas a déclaré ses créances.

Par jugement du 13 mai 2013, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire et elle a été clôturée pour insuffisance d'actifs le 25 septembre 2014.

Le tribunal de commerce d'Evry, par jugement du 17 avril 2014, saisi sur l'assignation délivrée par la société BNP Paribas, les 9 octobre et 22 novembre 2012, à la société E-Optimit et à MM. [U] [F] et [L] [J] puis par l'intervention forcée de Maître [A] en qualité de mandataire judiciaire la société par acte du 20 décembre 2013, a :

« - ordonné la jonction des affaires conformément à l'article 367 du code de procédure civile,

- dit que le présent jugement leur est commun,

- déclaré la BNP PARIBAS recevable en ses demandes et la déclare bien fondée,

- débouté la SAS E-OPTIMIT de sa demande de condamnation à l'encontre de la BNP PARIBAS pour rupture de ses concours bancaires,

- débouté la SAS E-OPTIMIT de sa demande de condamnation de la BNP PARIBAS à lui verser la somme de 300.000,00 Euros au titre de dommages et intérêts,

- dit les cautionnements valables en leur forme,

- fixé provisoirement les créances de la SAS E-OPTIMIT aux montants ci-dessous énoncés, montants desquels seront à déduire les remboursements qui seraient effectués par les cautions,

-pour le compte courant n° [Compte bancaire 1] : 86.431,42 €, situation arrêtée au 25/03/2013

- pour le prêt n°1621-[Compte bancaire 1] : 70.701,75 € , situation arrêtée au 25/03/2013,

- pour le prêt n° 01621-614000-67 : 82.199,36 €, situation arrêtée au 25/03/2013

- condamné Monsieur [U] [F] à payer à la BNP PARIBAS la somme de 24 000 euros au titre de la garantie solidaire des engagements de la SAS E-OPTIMIT,

- condamné Monsieur [U] [F] à payer, à la BNP PARIBAS les sommes de:

- 14.646,60 Euros à parfaire des intérêts au taux conventionnel de 5,50 % à compter du 17 octobre 2010 au titre du prêt n°01621-[Compte bancaire 1],

- 17.028,45 Euros à parfaire des intérêts au taux conventionnel de 5,50 % à compter du 19 octobre 2010 au titre du prêt n°01621-614000-67,

- condamné Monsieur [L] [J] à payer, à la BNP PARIBAS les sommes de :

- 14.646,60 Euros à parfaire des intérêts au taux conventionnel de 5,50 % à compter du 17 octobre 2010 au titre du prêt n°01621-[Compte bancaire 1],

- 17.028,45 Euros à parfaire des intérêts au taux conventionnel de 5,50 % à compter du 19 octobre 2010 au titre du prêt n°01621-614000-67,

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné solidairement Messieurs [U] [F] et [L] [J] à payer à la BNP PARIBAS la somme de 2.000 € et l'a déboutée du surplus de sa demande,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné solidairement Messieurs [U] [F] et [L] [J] aux entiers dépens.'

MM. [U] [F] et [L] [J] ont relevé appel de ce jugement le 4 juin 2014.

Par leurs dernières conclusions du 22 décembre 2015, MM. [U] [F] et [L] [J], en leurs qualités de cautions et en dépit de la liquidation judiciaire de la société E-Optimit prononcée le 13 mai 2013 et la clôture pour insuffisance d'actifs intervenue le 25 septembre 2014, font valoir :

-qu'il n'est pas justifié de l'information annuelle des cautions exigée par l'article L313-22 du code monétaire et financier tenue indûment pour acquise par le jugement et qu'en conséquence, la créance invoquée est incertaine compte tenu de la nécessité de déchéance des intérêts dus et ne permet pas le prononcé d'une condamnation, et ce, précisément, dès lors :

- que M. [F] n'a pas reçu d'information au titre de son cautionnement de compte courant au titre des encours du 31 décembre 2010, les autres informations ayant été envoyées le 28 février 2011,

- que M. [L] [J] n'a jamais reçu l'information au titre du cautionnement du prêt du 8 avril 2008 jusqu'en 2011,

- que M. [F] n'a pas reçu d'information au titre du découvert en compte des années 2011 et 2013, l'obligation correspondante persistant pourtant jusqu'à l'extinction de la dette garantie,

- subsidiairement, que les cautions ont perdu une chance de ne pas apporter cette garantie à raison des fautes de la société BNP Paribas :

- qui n'a pas pris en compte les soutiens financiers de la société E-Optimit par la COFACE qui aurait permis de couvrir le déficit du compte,

- qui a fait preuve d'inertie en ne permettant pas l'aide à l'export de 80000 euros d'OSEO,

- qu'elle a conseillé à la société un virement international au lieu d'une lettre de crédit,

-qu'elle n'a pas pris en compte l'aide fiscale de l'Etat et ne s'est pas intéressée aux remboursements commencés par l'Urssaf qui venaient contredire les prétendues dettes stigmatisantes de cette institution,

- qu'elle a tardé à faire savoir qu'elle ne consentirait pas les concours sollicités entre mars et novembre 2010, privant la société E-Optimit de la faculté de chercher d'autres concours,

- que la rupture de crédit est d'ailleurs intervenue avant leur dénonciation officielle comme cela relève des opérations sur le compte bancaire et les annulations d'opérations débutées dès le 3 novembre 2010, la décision d'interrompre son concours étant intervenue fautivement au regard de l'article L313-12 du code monétaire et financier dès le 3 novembre 2010 avant l'information du 9 novembre suivant, seulement donnée par courriel, alors qu'un concours supérieur à la somme autorisée de 20 000 euros avait été accepté contrairement à ce qu'indiquait un courrier de la banque du 27 mai 2010,

- que la banque a donc manqué à son obligation de conseil, de diligence, rompu brutalement et abusivement son soutien avant même de lui faire part de cette décision, au cours d'une période où, en sa qualité de jeune entreprise innovante, elle avait pourtant le soutien de la COFACE, d'OSEO et de l'administration fiscale au titre du crédit impôt recherche, et que sa situation n'était pas du tout irrémédiablement compromise au moment de la cessation des concours,

- que si la banque reste libre d'accorder ou non un crédit, elle commet une faute en refusant son soutien contre l'intérêt économique de l'entreprise et en ne lui faisant pas part assez tôt de la rupture de concours sollicités, ce qui aurait permis à la société de rechercher une solution bancaire de rechange pour maintenir ses chances de conclure avec l'Etat Lybien,

- que c'est bien l'attitude de la banque qui a compromis la situation de l'entreprise et que les cautions ont ainsi perdu une chance de ne pas voir leur garantie mobilisée, sans que la BNP Paribas ne puisse utilement invoquer l'interdiction de gérer prononcée à l'encontre de M. [J] pour une absence de participation à la procédure collective, postérieure aux faits reprochés, de sorte que les cautions demandent l'indemnisation de leur perte de chance de ne pas voir leur engagement réalisé,

- en tout état de cause, que le point de départ des intérêts, fixé par le tribunal aux 17 et 19 octobre 2010, devrait être revu puisque les cautions n'ont pas été mises en demeure dans des termes faisant ressortir le détail précis des intérêts et leurs modalités de calcul, de sorte qu'ils ne peuvent courir qu'à compter de la décision à venir,

-que leurs situations financières difficiles justifient l'octroi de délais de paiement et qu'ils offrent de régler les sommes de 2 000 euros mensuels pour M. [F] et de 1669,62 euros pour M. [J], de sorte qu'ils demandent à la cour :

-' d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions concernant les appelants, y compris celles relatives à la condamnation au titre de l'article 700 du CPC au vu de la situation exposée et de disparité de la situation économique entre les concluants et la BNP PARIBAS,

- statuant à nouveau, en l'absence de justificatifs des informations annuelles et de détermination des demandes formulées par la Banque BNP PARIS,

- de dire et juger qu'en l'absence de justification des informations annuelles, les demandes de paiement de la société BNP PARIBAS à l'encontre de Messieurs [U] [F] et [L] [J] du chef de leurs actes de cautionnement sont indéterminées,

- de débouter en conséquence la société BNP PARIBAS de toutes ses demandes indéterminées à l'encontre de Messieurs [U] [F] et [L] [J] du chef de leurs actes de cautionnement ;

- à titre subsidiaire, si par impossible, la Cour retenait les demandes de la société BNP PARIBAS du chef des actes de cautionnement à l'égard de Monsieur [U] [F] et de Monsieur [L] [J] :

- de dire et juger que la banque a commis des fautes engageant sa responsabilité vis-à-vis des cautions de la Société E ' OPTIMIT, Messieurs [U] [F] et [L] [J],

- de condamner en conséquence la société BNP PARIBAS à payer à Monsieur [U] [F] pour perte de chance de ne pas voir mise en 'uvre ses actes de cautionnement des 2 juin 2007, 8 avril 2008 et 18 novembre 2008 la somme de 65.000 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la régularisation des premières écritures d'appel soit à compter du 23 juillet 2014,

- de condamner en conséquence la société BNP PARIBAS à payer à Monsieur [L] [J] pour perte de chance de ne pas voir mise en 'uvre ses actes de cautionnement des 8 avril 2008 et 18 novembre 2008 la somme de 41.000 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la régularisation des premières écritures d'appel soit à compter du 23 juillet 2014,

- de surcroît, dire et juger que le point de départ des intérêts contractuels de 5,50% sera fixé à compter du prononcé de la décision définitive à intervenir ;

- de dire et juger n'y avoir lieu à capitalisation ;

-en tout état de cause,

- d'ordonner compensation entre toutes sommes éventuellement dues par Monsieur [U] [F] et Monsieur [L] [J] à la Société BNP PARIBAS avec l'indemnisation fixée au titre du comportement fautif de la banque à l'égard de chacun d'eux,

- de faire application au bénéfice de Monsieur [U] [F] et de Monsieur [L] [J] de l'application d'un délai de paiement de 24 mois, à compter de la notification de la décision à intervenir, le montant des mensualités prévues dépendant de la somme pouvant être laissée à leur charge au titre de leurs actes de cautionnement mais ne pouvant, en aucun cas, être supérieure à la somme de 2.000,00 € pour Monsieur [U] [F] sur 23 mois outre le solde au 24 ème mois et de 1.669,62 € pour Monsieur [L] [J] sur 23 mois outre le solde au 24 ème mois,

- de débouter la Société BNP PARIBAS de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- de rendre opposable la décision à intervenir à la SCP [G] [I] ' [R] [A], prise en la personne de Maître [R] [A], ès qualitès,

- de condamner la Société BNP PARIBAS à payer à Monsieur [U] [F] la somme de 4.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner la Société BNP PARIBAS à payer à Monsieur [L] [J] la somme de 4.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.'

Par ses dernières conclusions en date du 28 mai 2015, la société BNP Paribas fait valoir que les appelants ne peuvent qu'être déboutés de toutes leurs prétentions dès lors:

- qu'elle a versé aux débats toutes les lettres d'information annuelle des cautions jusqu'en 2011 et désormais toutes celles postérieures jusqu'en 2015, le jugement devant être confirmé,

- que les éléments constitutifs de l'engagement de sa responsabilité ne sont pas réunis puisque :

- concernant la prétendue rupture fautive des concours consentis, elle n'est pas constituée dès lors que c'est après une information sur la fin de ces concours du 30 novembre 2010, qu'elle a envoyé un courrier recommandé le 8 février 2011 selon lequel les comptes seraient clôturés le 9 mars suivant, la clôture juridique et l'exigibilité anticipée des prêts prenant effet au 21 avril 2011, de sorte qu'elle n'a nullement manqué aux prescriptions de l'article L313-12 du code monétaire et financier, cette décision étant justifiée par l'amplification des découverts qu'elle avait constatés et contestés dès le 27 mai 2010 et encore le 4 juin 2010 comme dépassant les limites convenues ou accordées, la situation de la société E-Optimit étant largement compromise,

- que les appelants ne démontrent pas la perte de chance alléguée comme l'a justement relevé le tribunal alors même que l'échec du redressement judiciaire est entièrement imputable à M. [J] dont l'inertie totale, dûment relevée par le tribunal de commerce, a conduit au prononcé d'une interdiction de gérer pour une durée de 12 ans et que la mobilisation indue de sommes par l'Urssaf ne lui est pas imputable,

- concernant le refus d'accorder de nouveaux concours bancaires, que de nombreuses inscriptions et saisies attributions étaient pratiquées sur la société et que l'état des nantissements ne permettait que de répondre négativement aux demandes nouvelles de financement, aucune faute de sa part n'étant démontrée puisque le tribunal a jugé à juste titre qu'elle s'est simplement abstenue d'aggraver le déficit,

- que la stipulation d'intérêts est clairement énoncée dans les actes de cautionnement et que les demandes de délais de paiements sont injustifiées par des pièces et par la circonstance d'impayés depuis le mois de mai 2011, de sorte qu'elle demande à la cour :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la demande de fixation de la créance au passif de la société dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif,

- de débouter les appelants de toutes leurs demandes,

- de les condamner solidairement à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par courrier en date du 18 février 2016, Maître [R] [A] a fait savoir qu'il n'entendait pas constituer avocat ès qualités à raison du caractère impécunieux de la procédure collective.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2016 et l'affaire, devant initialement être examinée à l'audience du 8 mars 2016 a été renvoyée par la cour au 8 novembre 2016.

SUR CE

Bien que la société E-Optimit ait été intimée par MM. [F] et [J], par acte extra judiciaire délivré le 10 juillet 2015 à la SCP [I] [A], laquelle a été désignée, à leur requête, par ordonnance du tribunal de commerce d'Evry du 12 juin 2015 en qualité de mandataire ad'hoc, et qu'elle n'ait pas comparu, la confirmation du jugement sur l'admission d'une créance de la société BNP PARIBAS au passif est devenue sans objet à raison de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif par jugement du 25 septembre 2014, ainsi que la banque en convient.

Sur l'information des cautions

L'article L313-22 du code monétaire et financier, dans sa version issue de l'ordonnance du 6 mai 2005 applicable au litige :

'Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.'

Les cautions se plaignent du caractère incomplet des informations reçues fait valoir qu'il ressort des pièces communiquées par la banque que :

- M. [F] n'a pas été destinataire d'une information :

- au titre des encours au 31 décembre 2010 au titre du cautionnement du compte courant, les informations au titre des autres cautionnements lui ayant été envoyées le 28 février 2011,

- au titre des encours au titre du découvert en compte pour les années 2011 et 2013,

- M. [J] n'a pas été destinataire d'une information au titre de son acte de cautionnement du prêt du 8 avril 2008 pour un capital de 100 000 euros jusqu'en 2011.

- que l'obligation d'information persiste jusqu'à l'extinction de la dette.

Sur le cautionnement de M. [J] au titre du prêt du 8 avril 2008 d'un montant de 100 000 euros

Dès lors que M. [J] le conteste, il ne peut qu'être observé que ne figurent pas au nombre des pièces produites par la banque les informations annuelles relatives à ce prêt depuis l'origine jusqu'au courrier recommandé du 3 février 2012 qui mentionne un capital s'élevant à la somme de 58 586,41 euros, des accusés de réception ultérieurs mentionnant la même somme inchangée en capital étant adressés en 2013, 2014 et 2015.

Toutefois, il ne peut qu'être observé également que le jugement, dont la banque sollicite seulement la confirmation, n'a tenu compte que de la somme due au titre de ce prêt en capital de 58 586,41 euros - qu'il a divisé par quatre dès lors que le cautionnement n'est dû qu'à hauteur de 25 % de l'encourt soit (58 586,41 /4 =) 14 646, 60 euros et qui est restée la même depuis le prononcé de l'exigibilité anticipée du prêt par courrier reçu par la débitrice principale le 24 avril 2012 - auquel il a appliqué les intérêts au taux conventionnel, de sorte que la déchéance des intérêts au taux conventionnel pour les années antérieures n'a pas de conséquences, la condamnation à retenir étant celle de 14 646, 60 euros avec intérêts au taux conventionnel depuis la première mise en demeure régulière dont la cour peut vérifier l'existence (celle du 23 mai 2011 ne sollicitant aucune somme de M. [J] du chef de ce prêt) du 25 juin 2012 et dans la limite maximale stipulée de 28 750 euros.

Sur le cautionnement de M. [F] au titre du compte courant

M. [F] conteste avoir reçu les informations annuelles au titre des années 2010 en 2011 mais également pour les années 2011 et 2013.

Il résulte des pièces non contestées versées aux débats que M. [F] a été informé par courriers des 12 février 2008, 10 mars 2009 et 9 février et 17 mars 2010 que le crédit n'était pas utilisé, puis le 26 février 2013 mais imparfaitement puisque seul le montant d'origine du découvert en compte de 20 000 euros est indiqué et non le découvert au 31 décembre 2012.

Le découvert en compte suivant est daté du recommandé avec accusé de réception du 9 février 2015 mentionnant un capital dû au 31 décembre 2014 de 85 596,58 euros, la somme retenue par le tribunal pour la fixation de ce chef au passif de la société E-Optimit étant de 86 431,42 euros.

S'il ressort de ce que qui précède que la banque devrait être déchue du droit aux intérêts conventionnels au titre du découvert en compte courant au titre des années 2010 à 2013 inclus eu égard à l'imperfection de l'information en 2013 au titre de l'année 2012, il est manifeste que c'est sans conséquence sur le sort du litige eu égard à la limitation du cautionnement au montant maximum de 24 000 euros, lequel ne comporte que des sommes dues en capital eu égard à une dette de bien plus de trois fois cette limite.

En conséquence, la somme à retenir de ce chef, en principe, est de 24 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 mai 2011.

Il résulte de ce qui précède que les défauts d'information annuelles relevés ne rendent pas pour autant les créances indéterminables et encore moins incertaines.

Sur la responsabilité de la banque à l'égard de la débitrice principale

Sur la clôture du compte courant

Il y a lieu de rappeler :

- que la facilité de caisse initiale stipulée dans le contrat du 2 juin 2007 était fixée à la somme de 20 000 euros,

- que le compte courant a présenté des soldes débiteurs de 25 227,10 euros le 30 avril 2010, de 61 799,23 euros le 31 mai 2010, de 74 612,65 euros le 30 juin 2010, ramené à 10 709,96 euros le 31 juillet 2010, de 26 426 euros le 31 août 2008, 46 764,56 euros le 31 septembre 2010, 69 785,09 euros le 31 octobre 2010, 76 850,16 euros le 30 novembre 2010, 78 136,41 euros le 31 décembre 2010, 82 320,17 euros le 31 mars 2011,

- que la banque expose avoir rappelé à la société E-Optimit la situation déficitaire du compte par courrier du 27 mai 2010, date à laquelle il résulte d'un échange de courriels que cette dernière a sollicité de sa part un prêt d'un montant de 100 000 euros, qu'elle n'obtiendra pas, courrier au terme duquel il a été demandé à la société de régulariser la situation avant le 4 juin 2010 et confirmé que le dépassement de découvert n'engage pas la banque pour l'avenir,

- que le, 8 février 2011, la banque a exprimé à la société E-Optimit - par référence à un courrier du 30 novembre 2010 non communiqué aux débats - sa volonté de rompre ses concours et de clôturer juridiquement le compte ouvert dans ses livres au 9 mars 2011,

- que par recommandé du 20 avril 2011, la banque a clôturé le compte présentant un solde débiteur de 84 912,35 euros.

Si, en l'absence de production aux débats du courrier du 30 novembre 2010, la cour ne peut vérifier que la notification par courrier du 8 février 2011 d'une clôture prévue du compte moins de soixante jour après, soit le 9 mars 2011, était régulière, il ne peut qu'être constaté que cette clôture n'est effectivement et finalement intervenue que le 20 avril suivant, soit plus de soixante jours après ce 8 février 2011 et plus de 9 mois après la première demande de régularisation de la situation, soit dans le délai prévu à l'article L 313-12 du code monétaire et financier.

Les annulations comptables d'opérations n'équivalent pas à la clôture du compte et ne sauraient être regardées comme fautives eu égard à la limitation initiale du découvert à la seule somme de 20 000 euros et au non engagement clair de la banque à le voir augmenter par son courrier du 27 mai 2010, puis à sa limitation momentanée à la somme de 76 000 euros qui résulte du courriel du 9 novembre 2010.

En tout état de cause, le dernier alinéa de l'article L 313-12 du code monétaire et financier qui permet, le cas échéant, d'engager la responsabilité de la banque du fait du non respect de cette échéance ne saurait recevoir application en l'espèce eu égard à la chronologie ci-dessus rappelée d'où il ne ressort pas d'abus de la société BNP Paribas dans la mise en oeuvre de sa décision de clôturer le compte.

Sur le refus de poursuivre les concours

S'il est exact que la société E-Optimit a vu ses dettes sociales dues à l'Urssaf et fiscales réduites par l'octroi de régimes qui lui sont favorables et s'est également vue accorder le concours d'OSEO et la COFACE, elle ne peut utilement reprocher à la société BNP Paribas le refus d'un nouveau crédit de 100 000 euros que cette dernière ne s'est jamais engagée à lui accorder, alors qu'en dépit des sommes restituées ou parvenues, le compte de la société E-Optimit ouvert dans les livres de la banque est demeuré fortement déficitaire sur une période de plusieurs mois, les remboursements des précédents prêts étant impayés et alors que l'ouverture de la procédure collective est malgré tout intervenue sur l'assignation de l'Urssaf et que l'un des arguments principaux de la société E-Optimit pour l'obtention d'un nouveau prêt était l'imminence de la régularisation d'un contrat avec diverses autorités libyennes dont la mise ne oeuvre était hypothétique eu égard aux événements politiques survenus dans ce pays.

En conséquence et en l'absence de démonstration d'un manquement reprochable de la société BNP Paribas qui soit en lien de causalité avec un préjudice de la société E-Optimit, les cautions doivent être déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts à raison de leur perte de chance de voir leurs engagements mobilisés.

Sur la quantum des condamnations et les délais de paiements

Pour les mêmes motifs que ceux figurant ci-dessus lors de l'examen des conséquences des défauts allégués des informations annuelles, les autres condamnations prononcées porteront avec intérêts au taux conventionnels à compter des mises en demeure du 23 mai 2011.

M. [U] [F] justifie de sa situation patrimoniale et familiale actuelle qui autorise l'octroi de délais de paiement comme prévu au dispositif en vertu de l'article 1244-1 du code civil devenu 1343-5.

Il n'est, en revanche, pas démontré à suffisance que M. [J] puisse s'acquitter des sommes dues dans ces délais.

L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

Condamne M. [U] [F] à payer à la société BNP Paribas la somme de 24 000 euros au titre de la garantie solidaire des engagements de la société E-Optimit du 2 juin 2007 avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2011,

Condamne solidairement M. [U] [F] à payer à la société BNP Paribas la somme de 17.028,45 euros au titre du cautionnement du prêt du 8 avril 2008, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2011 dans la limite de 38 150 euros,

Condamne solidairement M. [U] [F] à payer à la société BNP Paribas la somme de 14 646,60 euros au titre du cautionnement du prêt du 18 novembre 2008, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2011 pour M. [U] [F] et du 25 juin 2012 pour M. [L] [J] dans la limite, pour chacun, de 28 750 euros,

Dit que M. [U] [F] pourra s'acquitter de la somme restant due par mensualités de 2 000 euros chacune débutant le trentième jour suivant la signification du présent arrêt et avec versement du solde à la dernière et 24 ème échéance,

Dit que la paiements s'imputeront d'abord sur le capital,

Dit qu'en cas d'impayé de l'une seule des échéances, même partiellement, l'ensemble de la somme redeviendra immédiatement exigible,

Déboute M. [L] [J] et M. [U] [F] de leurs autres demandes et la société BNP Paribas du surplus de ses prétentions,

Dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel,

Condamne M. [L] [J] et M. [U] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 14/11988
Date de la décision : 20/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°14/11988 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-20;14.11988 ?
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