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19/01/2017 | FRANCE | N°15/09664

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 19 janvier 2017, 15/09664


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 19 JANVIER 2017



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/09664



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Février 2015 -Juge de l'expropriation d'EVRY - RG n° 14/00026





APPELANTS



Monsieur [X] [Z]

né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1] (INDRE)

[Adresse 1]

[Localit

é 2]

Représenté par Me Guy DUPAIGNE, avocat au barreau d'ESSONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2015/020311 du 20/05/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 19 JANVIER 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/09664

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Février 2015 -Juge de l'expropriation d'EVRY - RG n° 14/00026

APPELANTS

Monsieur [X] [Z]

né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1] (INDRE)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Guy DUPAIGNE, avocat au barreau d'ESSONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2015/020311 du 20/05/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Madame [U] [I]

née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Guy DUPAIGNE, avocat au barreau d'ESSONNE,

INTIMÉES

COMMUNE [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Marc BELLANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014, substitué par Me Julie GUEUTIER, avocat du même cabinet

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES (ESSONNE) SERVICE DU DOMAINE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Mme [W] [J] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Christian HOURS, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de

Christian HOURS, Président de chambre

Agnès DENJOY, Conseillère

Anne DU BESSET, Conseillère

Greffier, lors des débats : Isabelle THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Christian HOURS, Président de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, président et par Isabelle THOMAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Exposé :

Par arrêté préfectoral du 23 décembre 2005, l'acquisition par la commune [Localité 2] (91) des terrains nécessaires à la réalisation du projet de réhabilitation du quartier de [Adresse 4] a été déclarée d'utilité publique.

Parmi les parcelles concernées figure celle appartenant à Mme [U] [I] et M [X] [Z], cadastrée section AK numéro [Cadastre 1], d'une superficie de 422 m2, sise [Adresse 1].

L'association [Adresse 4] et plusieurs personnes physiques dont Mme [U] [I] et M [X] [Z], ont exercé devant le tribunal administratif de Versailles un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté de cessibilité du 3 juillet 2008.

Le 17 mars 2009, l'ordonnance d'expropriation, concernant notamment la parcelle précitée, a été rendue.

Le 4 avril 2011, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le recours de Mme [U] [I] et M [X] [Z].

Le 12 décembre 2011, le juge de l'expropriation de l'Essonne a fixé à la somme de 158 770 euros le montant de l'indemnité principale et à 16 877 euros celui de l'indemnité de remploi revenant à Mme [I] et à M.[Z].

Le 10 avril 2012, Mme [I] et M [Z] ont interjeté appel de ce jugement avant de se désister de leur recours le 4 juin 2013.

Le 4 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a infirmé le jugement du tribunal administratif du 4 avril 2011 et annulé l'arrêté de cessibilité du 3 juillet 2008.

Par requête reçue le 22 juillet 2014, Mme [I] et M [Z] ont saisi le juge de l'expropriation de l'Essonne sur le fondement de l'article L 12-5 du code de l'expropriation en constatation de la perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation, restitution de la parcelle expropriée et indemnisation de leur préjudice.

La cour statue sur l'appel formé par Mme [I] et M [Z], le 12 mai 2015, de la décision de la juridiction de l'expropriation de l'Essonne, du 9 février 2015, ayant :

- constaté que sa saisine est intervenue le 22 juillet 2014 soit plus de deux mois à compter de la notification de la décision de la cour d'appel administrative du 4 juillet 2013 ;

- déclaré irrecevable leur demande ;

- condamné les expropriés à verser à la commune [Localité 2] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [U] [I] et M [X] [Z] aux dépens ;

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée, aux écritures et aux pièces qui ont été :

- adressées au greffe, le 31 juillet 2015, par Mme [U] [I] et M [X] [Z],(lequel bénéficie de l'aide juridictionnelle partielle selon décision du 20 mai 2015), aux termes desquelles ils demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de

- constater la restitution de la propriété du bien cadastré AK [Cadastre 1] sis [Adresse 1] à leur profit ;

- mettre à la charge de la commune [Localité 2] les frais de publicité foncière au titre de l'article R 12-5-5 du code de l'expropriation ;

- condamner la Commune [Localité 2] à leur verser la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- adressées au greffe, le 19 septembre 2015, par le commissaire du gouvernement, aux termes desquelles, tout en indiquant que la cour statue en la matière sans avis du commissaire du gouvernement, il s'oppose, au cas où la demande serait jugée recevable, à l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral mais considère que les appelantes ont effectivement dû supporter des frais qu'il convient de prendre en considération ;

- adressées au greffe, le 2 octobre 2015, par la commune [Localité 2], aux termes desquelles elle demande à la cour :

- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris ;

- à titre subsidiaire, de rejeter la demande de Mme [I] et M [Z] et de les condamner au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance ;

Motifs de l'arrêt :

Considérant que Mme [I] et M.[Z] ont adressé des conclusions additionnelles, qui ne sont parvenues au greffe, qu'après l'audience, selon la mention portée par le greffier, ce alors que son conseil a été avisé, par courrier du 3 août 2016 que l'audience avait été fixée au 8 décembre 2016 à 9h00 ; que ces écritures apparaissent dès lors tardives et doivent être déclarées irrecevables ;

Considérant que les écritures de la commune [Localité 2] ont été adressées au greffe, le 2 octobre 2015, soit dans le délai de deux mois de la notification des conclusions des appelants, envoyées le 4 août 2015 par le greffe et reçue par l'intimée à une date nécessairement postérieure, bien que non mentionnée par la Poste sur l'accusé de réception ; qu'elles sont recevables, peu important qu'il ait manqué un exemplaire de ces écritures, qui fut adressé ensuite sur la demande du greffe ;

Considérant que Mme [U] [I] et M [X] [Z], soutiennent que leur requête déposée le 22 juillet 2014 auprès du juge de l'expropriation est recevable, dans la mesure où la commune [Localité 2] avait formé un pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 4 juillet 2013, avant de s'en désister, le 29 avril 2014, l'ordonnance constatant le désistement leur ayant été notifiée le 2 juin 2014 ;

Considérant que la commune [Localité 2] réplique que :

- la commune a exercé un pourvoi sommaire conservatoire devant le Conseil d'Etat et ne s'est désistée qu'après avoir reçu l'assurance qu'aucune saisine du juge de l'expropriation n'avait été effectuée dans le délai de deux mois et que toute action en restitution était donc écartée ;

- seule la décision ayant annulé l'arrêté de cessibilité, soit l'arrêt du 4 juillet 2013, est à prendre en compte, le pourvoi n'étant pas susceptible d'interrompre le délai de 3 mois, l'ordonnance constatant le désistement, prononcée à la demande de la commune, ne créant pas de droit à l'égard de Mme [U] [I] et M [X] [Z] et ne constituant pas une décision d'annulation de l'arrêté de cessibilité ;

Considérant que l'article L12-5, applicable à la cause, du code de l'expropriation, dispose, qu'en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale ;

Considérant que l'article R12-5-1 dudit code, indique que l'exproprié qui entend faire constater par le juge le manque de base légale de l'ordonnance portant transfert de sa propriété transmet au greffe de la juridiction qui a prononcé l'expropriation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision du juge administratif annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité, un dossier qui comprend les copies de documents qu'il cite ;

Considérant que l'article R 12-5-1, de valeur réglementaire, ne peut contredire l'article L12-5, de valeur législative et doit s'interpréter par rapport à celui-ci ;

Considérant dès lors que le point de départ du délai de deux mois pendant lequel tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation l'absence de base légale de l'ordonnance d'expropriation, s'entend nécessairement de la notification de la décision administrative devenue définitive ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la décision de la cour administrative d'appel n'est devenue définitive qu'avec l'ordonnance de désistement rendue par le Conseil d'Etat, peut important que cela ait été à l'initiative de la commune [Localité 2] ;

Considérant que le point de départ du délai de deux mois se situe à la date de notification de cette ordonnance à M.[Z] et Mme [I], dont il n'est pas contesté qu'elle se situe au 2 juin 2014 ;

Considérant en conséquence que la saisine du juge de l'expropriation du 22 juillet 2014, qui se situe dans le délai précité, est recevable ; que le jugement doit être infirmé ;

Considérant que Mme [I] et M [Z] soutiennent sur le fond que :

- en raison de leur expulsion, ils doivent rembourser leur belle-fille qui a acheté pour leur compte un mobil-home afin de les loger ; le préjudice matériel d'achat, d'aménagement, d'équipement et d'autres divers postes s'élève à 25 000 euros ;

- le préjudice moral causé par l'expulsion est estimé à 5 000 euros par an soit 40 000 euros ;

Considérant que la commune [Localité 2] fait plaider en réponse qu'en raison du classement en zone N du terrain le rendant inconstructible et de l'accord avantageux obtenu par Mme [U] [I] et M [X] [Z], la restitution de leur propriété apparaît injustifiée ; qu'une indemnité supplémentaire a été versée dans le cadre d'une convention venue compléter le préjudice subi par la perte du terrain et qui est à rapprocher du montant du préjudice

matériel ; que certains postes des préjudices invoqués ne sont pas justifiés comme le terrassement, les frais d'avocat et le préjudice moral ;

Considérant que le commissaire du gouvernement fait valoir que :

- le préjudice moral n'est pas indemnisable, ni en matière d'expropriation, ni en matière de restitution ;

- les frais auxquels les appelants ont dû faire face doivent être pris en considération ;

Considérant qu'il convient de constater l'absence de base légale du transfert à la commune [Localité 2] de la propriété de la parcelle appartenant aux appelants, en conséquence de l'annulation de l'arrêté de cessibilité la concernant ;

Considérant que la commune [Localité 2] n'établit pas que le bien exproprié, tel qu'il existait avant la prise de possession, ne serait pas en état d'être restitué ; qu'il convient en conséquence d'ordonner cette restitution ;

Considérant que les appelants devront en conséquence restituer à la Commune [Localité 2] les indemnités qu'ils ont reçu en compensation de l'expropriation déclarée irrégulière, soit la somme de 200 000 euros versées en deux mandats des 2 mai et 8 novembre 2013 ;

Considérant sur leur demande de dommages et intérêts qu'il ne peut être fait droit à leur demande d'indemnisation de leur préjudice moral, un tel préjudice n'étant pas pris en considération en matière d'expropriation ou de restitution suite à perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation, étant en outre observé que les appelants ont pu se maintenir sur place jusqu'en 2014 ;

Considérant qu'il n'est pas sérieusement contestable que, du fait de l'opération d'expropriation irrégulière, Mme [I] et M.[Z] ont dû engager des frais pour déménager et se reloger, au moins à titre provisoire, d'autant qu'ils avaient attaqué parallèlement la procédure administrative et pouvaient nourrir l'espoir qu'ils seraient réintégrés dans leur propriété ;

Considérant qu'au vu des seuls justificatifs remis par Mme [I] et M.[Z] à la cour, à l'appui de leurs conclusions initiales d'appel, celle-ci dispose des éléments suffisants pour apprécier le préjudice subi, matériel, certain et démontré, à la somme de 15 000 euros, qui leur sera allouée à titre de dommages et intérêts ;

Considérant qu'il convient de dire, qu'en application de l'article R 12-5-5 du code de l'expropriation, les frais de publicité foncière engagés en application de cette décision seront supportés par la Commune [Localité 2] ;

Considérant que la commune [Localité 2] doit être condamnée à payer à Mme [I] et M.[Z], ensemble, la somme de 2 000 euros pour compenser les frais irrépétibles qu'ils ont exposés ;

Considérant qu'il convient d'ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties et de dire, conformément aux dispositions de l'article R12-5-4 du code de l'expropriation, que la restitution à Mme [I] et à M.[Z] de leur bien ne pourra intervenir qu'après paiement par eux des sommes restant à leur charge ;

Considérant que la commune [Localité 2] doit supporter les entiers dépens afférents à cette procédure découlant de l'expropriation irrégulière en cause ;

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

- déclare irrecevables les conclusions additionnelles de Mme [I] et de M.[Z], reçues au greffe, après l'audience de plaidoiries ;

- déclare recevables les conclusions de la commune [Localité 2] adressées au greffe, le 2 octobre 2015 ;

- infirme en toutes ses dispositions le jugement du 9 février 2015 du juge de l'expropriation de l'Essonne et, statuant à nouveau :

- constate l'absence de base légale du transfert à la commune [Localité 2] de la propriété de la parcelle cadastrée AK [Cadastre 1], sise [Adresse 1] appartenant à Mme [I] et à M.[Z] ;

- ordonne la restitution au profit de Mme [I] et de M.[Z] de la propriété précitée, dans son état au jour de la prise de possession par la commune [Localité 2] ;

- dit que Mme [I] et M.[Z] devront in solidum restituer à la Commune [Localité 2] la somme de 200 000 euros qu'ils ont reçue à titre d'indemnité ;

- fixe à 15 000 euros la somme que la commune [Localité 2] devra leur verser à titre de dommages et intérêts ;

- dit qu'en application de l'article R 12-5-5 du code de l'expropriation, les frais de publicité foncière engagés en application de cette décision seront supportés par la Commune [Localité 2] ;

- condamne la commune [Localité 2] à payer à Mme [I] et M.[Z], ensemble, la somme de 2 000 euros pour compenser les frais irrépétibles qu'ils ont exposés ;

- condamne la commune [Localité 2] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, étant rappelé que M.[Z] bénéficie de l'aide juridictionnelle partielle.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 15/09664
Date de la décision : 19/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°15/09664 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-19;15.09664 ?
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