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19/01/2017 | FRANCE | N°14/09638

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 19 janvier 2017, 14/09638


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 19 Janvier 2017

(n° , 18 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09638 ( jonction des instances

enrôlées sous les numéros de R.G. 14/9638, 14/9682 , RG 14/9737, RG 14/9779)



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juillet 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 11-04667





APPELANTES

-SA CMA

CGM

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Olivier GRIMALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

substituée par Me SCHWING Christelle, avocat au Barreau de MARSEILLE



- Ma...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 19 Janvier 2017

(n° , 18 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09638 ( jonction des instances

enrôlées sous les numéros de R.G. 14/9638, 14/9682 , RG 14/9737, RG 14/9779)

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juillet 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 11-04667

APPELANTES

-SA CMA CGM

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Olivier GRIMALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

substituée par Me SCHWING Christelle, avocat au Barreau de MARSEILLE

- Madame [X] [A] veuve [K]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Marc SPORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0023

-Madame [W] [K]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Marc SPORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0023

- ENIM (ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE

[Adresse 5]

[Adresse 6]

représenté par Me Charles WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0160

- SA GENERALI venant aux droits de la CONCORDE

[Adresse 4],

représentée par Me François HASCOET, avocat au Barreau de PARIS, toque P 0577substituépar Me Julie VERDON , avocat au Barreau de PARIS, toque P 0577

INTIMEES

-Madame [X] [A] veuve [K]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Marc SPORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0023

- Madame [W] [K]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Marc SPORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0023

-ENIM (ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE

[Adresse 5]

[Adresse 6]

représenté par Me Charles WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0160

- FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 7]

[Adresse 8]

[Adresse 9], rep légal : Mme [O] [W] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial,

- SA GENERALI ASSURANCES

[Adresse 10]

[Adresse 4], représentée par Me François HASCOET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0577, substituée par Me Julie VERDON avocat au barreau de PARIS, toque : P0577,

- SA COMPAGNIE ZURICH ASSURANCES

[Adresse 11]

[Adresse 4],

représenté par Me Bérangère CADIOT , avocat au Barreau de PARIS, toque B 0656, substituée par Me Muriel CADIOU, avocat au Barreau de PARIS, toque B 0656

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 12]

[Adresse 13]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Claire CHAUX, Présidente de cchambre

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Emmanuelle MAMPOUYA, lors des débats

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-- signé par Madame Claire CHAUX, Présidente de Chambre par et par Madame Emmanuelle MAMPOUYA, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le

magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté à l'encontre d'un jugement rendu le 7 juillet 2014 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris par:

- N° RG 14/09638 - la SA CMA CGM dans un litige l'opposant à Mme [A] [X] veuve [K] , Mme [W] [K] , l' Etablissement National des Invalides de la Marine ( ENIM ) , le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante , la SA Générali Assurances , la SA Compagnie Zurich Assurances ,

- N° RG 14/09682 - Mme [A] [X] veuve [K] et Mme [W] [K] dans un litige les opposant à la SA CMA CGM , l'Etablissement National des Invalides de la Marine( ENIM ) , le Fonds d'indemnisation des Victimes de l'amiante , la SA Générali Assurances , la SA Compagnie Zurich Assurances ,

- N° RG 14/09737 - l'Etablissement National des Invalides de la Marine ( ENIM ) dans un litige l'opposant à Mme [A] veuve [K] , Mme [W] [K] , la SA CMA CGM , le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante , la SA Générali Assurances , la SA Compagnie Zurich Assurances .

- N° 14/09779 - la SA GENERALI venant aux droits de la Concorde dans un litige l'opposant à la SA CMA CGM , Mme [A] [X] veuve [K] , Mme [W] [K] , l'Etablissement National des Invalides de la Marine ( l' ENIM ) , le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante , la SA Zurich Assurances .

FAITS , PROCEDURE , PRETENTIONS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .

Il suffit de rappeler que [T] [K] a été engagé au sein de la Nouvelle Compagnie Havraise Péninsulaire du 7 juillet 1958 au 1er octobre 1960.

Du 19 juin 1962 au 23 août 1962 , il a travaillé pour la compagnie générale Transatlantique puis à compter du 11 avril 1963 , pour la compagnie des messageries maritimes en qualité d'élève mécanicien . Il a été titularisé le 16 avril 1966 en qualité de lieutenant mécanicien de 3ème classe .

En dernier lieu , il exerçait les fonctions de chef mécanicien pour le dernier poste occupé au sein de la compagnie générale maritime ( CGM)

Il a été admis au bénéfice de la pré- retraite le 29 septembre 1991 .

En novembre 2008 , il lui a été diagnostiqué un cancer broncho - pulmonaire dont il est décédé le [Date décès 1] 2009 .

Il était titulaire d'une pension sur la caisse de retraites des marins .

Le 3 juin 2009 , sa veuve , Mme [X] [K] a complété une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de l'Etablissement national des invalides de la marine ( ENIM) dont dépendait son mari , accompagné d'un certificat médical initial en date du 3 mars 2009 faisant état d'un ' carcinome pulmonaire à grandes cellules différencié métastasique ( adénopathie thoracique et multiples lésions cérébrales secondaires ) '

Par décision du 12 octobre 2009 , l'ENIM , au vu de l'avis du conseil supérieur de santé du 29 juillet 2009 selon lequel Mr [K] était atteint d'une affection entrant dans le cadre des maladies professionnelles ( tableau 30bis ) à compter du 3 mars 2009 ( date du certificat médical établissant le lien entre sa maladie et son activité professionnelle ) avec un taux d'incapacité permanente partielle de 100 % , a reconnu à titre posthume [T] [K] atteint d'une affection d'origine professionnelle depuis le 3 mars 2009 , date de sa déclaration de maladie professionnelle.

Par notification du 1er mars 2010 , l'ENIM a reconnu l'imputabilité du décès à la maladie professionnelle . A ce titre , l'ENIM a alloué à sa veuve une pension d'invalidité maladie professionnelle ( PIMP ) à compter du 21 avril 2009 .

Mme [X] [A] veuve [K] et [W] [K] (les ayants droit) ont saisi le FIVA dont les offres ont été contestées devant la cour d'appel de Paris , qui , par arrêt du 23 mai 2011 a :

- Fixé au 21 novembre 2008 , la date de première constatation médicale de la pathologie

- Sursis à statuer sur la demande formée au titre du déficit fonctionnel dans l'attente d'informations sur le montant des prestations servies par l'organisme social ,

- alloué à Mesdames [K] dans le cadre de l'action successorale :

* au titre de l'assistance d'une tierce personne : 2400 €

* au titre de l'indemnisation du préjudice extra - patrimonial subi par Jean Paul [K] : 125 500 €

- Alloué à Mme [X] [K] :

* 32 600 € en réparation de son préjudice moral ,

* 4904,39 € au titre des frais funéraires ,

- Alloué à Mme [W] [K] :

* 25 000 € en réparation de son préjudice moral et d'accompagnement .

Les consorts [K] ont saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 12 septembre 2011 aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur de [T] [K] à l'origine de sa maladie et de son décès .

Le FIVA , subrogé dans les droits des consorts [K] , est intervenu à l'instance .

Par jugement du 7 juillet 2014 , le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS a :

- dit que la CMA CGM a commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle et du décès de Monsieur [K] ,

- dit que les ayants droits de ce dernier étaient irrecevables en leur demande d'indemnisation complémentaire ,

- dit que l'ENIM devra rembourser au FIVA la somme de 183 100 € ,

- dit que CMA CGM garantira pour l'ENIM ,

- renvoyé l'ENIM à mieux se pourvoir s'agissant de son action à l'encontre des assureurs

- rejeté la demande de mise hors de cause de la SA Compagnie Zurich ,

- débouté la CMA CGM de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamné la CMA CGM à verser la somme de 3000 € aux demanderesses et 3000 € à l'ENIM au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- rejeté la demande d'exécution provisoire .

En raison de leur connexité , il convient d'abord de joindre les instances ouvertes sous les numéros 14/09682 , 14/09737, 14/09779 avec celle ouverte sous le numéro 14/09638 afin de statuer par une même décision sur les appels successivement formés contre le jugement du 7 juillet 2014 .

********************

La société CMA CGM fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour à infirmer le jugement déféré et à titre principal :

- dire que l'affection dont Mr [K] est décédé ne saurait revêtir un caractère professionnel et qu'en conséquence , les demandes de ses ayants droit en reconnaissance de faute inexcusable doivent être rejetées ,

A titre subsidiaire :

- dire que la décision de prise en charge de la maladie de Mr [K] lui est inopposable et en conséquence , dire que l'ENIM est irrecevable et mal fondé à récupérer auprès de l'employeur les compléments de rente et indemnités qui seront éventuellement versés par lui aux ayants droits de Mr [K] et au FIVA ,

A titre très subsidiaire :

- dire que les ayants droits de Mr [K] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de l'existence d'une faute inexcusable imputable à CMA CGM et en conséquence les débouter de leur demande ,

A titre infiniment subsidiaire ,

- débouter Mme Veuve [K] de sa demande de versement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale , celle - ci n'étant ni justifiée ni fondée ,

- dire en tout état de cause , que c'est l'ENIM qui fera l'avance des fonds et que celui - ci est privé de tout recours à l'encontre de la CMA CGM ,

En tout état de cause ,

- dire que les assureurs ZURICH et GENERALI IARD , seront condamnés , en toute hypothèse , à relever et garantir la CMA CGM de toutes condamnations en principal , intérêts , dommages et intérêts , frais de l'article 700 du code de procédure civile et dépens , qui viendraient à être prononcés contre elle sur la demande des ayants droits de Mr [K] ,

- condamner le requérant à lui verser la somme de 2000 € au titre des frais exposés pour sa défense ainsi qu'aux entiers dépens .

Mme [X] Veuve [K] et Madame [W] [K] font déposer et soutenir oralement par leur conseil des conclusions invitant la cour à:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a

* dit que la SA CMA CGM avait commis une faute inexcusable à l'origine et de la maladie et du décès de Mr [K] ,

* condamné la CMA CGM à leur verser la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,

- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable leur demande d'indemnisation complémentaire et en conséquence ,

- fixer au maximum la majoration de la rente à verser à sa veuve ,

- dire qu'elles sont bien fondées à demander le bénéfice de l'allocation forfaitaire prévue par l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale ,

- condamner la CMA CGM à leur verser la somme de 4000 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel .

L' ENIM fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour à :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* dit que les ayants droits étaient irrecevables en leur demande d'indemnisation complémentaire ,

* débouté le FIVA de ses demandes au titre de la majoration de rente ,

* dit que la décision de prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles du 12 octobre 2009 était opposable à la CMA CGM ,

* dit que la CMA CGM devait relever et garantir l'ENIM des condamnations prononcées à son encontre ,

* condamné la CMA CGM à verser la somme de 3000 € à l'ENIM ,

* dit que la décision était opposable aux assureurs de la CMA CGM

- Infirmer le jugement rendu pour le surplus :

A titre principal :

* dire que le FIVA est irrecevable en ses demandes à l'encontre de l'ENIM ,

* prononcer la mise hors de cause de l'ENIM ,

A titre subsidiaire :

* donner acte à l'ENIM de ce qu'il s'en rapporte à la décision de la Cour sur l'existence d'une faute inexcusable ,

Dans le cas où cette faute serait reconnue :

* dire en tout état de cause que le montant de la rente et sa majoration seront calculés par référence aux dispositions du décret loi du 17 juin 1938 ,

* dire que l'indemnité forfaitaire de l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale ne saurait être fixée à une somme supérieure au salaire minimum légal applicable en 2009 ,

* débouter le FIVA de ses demandes de remboursement au titre des souffrances physiques et morales ,

* dire que l'ENIM n'a pas à faire l'avance des sommes allouées , le cas échéant , aux consorts [K] et au FIVA ,

* dire que toute demande de paiement en conséquence d'une faute inexcusable doit être dirigée directement et exclusivement à l'encontre de la CMA CGM ,

* débouter le FIVA , les consorts [K] et la CMA CGM de l'ensemble de leurs demandes ,fins et conclusions à l'encontre de l'ENIM ,

* déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable aux sociétés ZURICH assurances et GENERALI IARD ,

* rejeter toutes demandes contraires aux présentes ,

A titre infiniment subsidiaire ,

- dire que l'ENIM est recevable à exercer une action récursoire à l'encontre de la CMA CGM et de ses assureurs , en application de l'article L 452 - 2 et L 452 - 3 du code de la sécurité sociale , pour toute condamnation qui serait prononcée à son encontre , en principal , intérêts , frais et accessoires ou encore , pour toutes conséquences financières résultant pour l'ENIM du jugement à intervenir ,

- condamner la CMA CGM à relever et garantir l'ENIM de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre et à l'indemniser de toutes conséquences financières résultant de la faute inexcusable qui serait alors reconnue , en particulier au titre de la majoration de la rente et des indemnités versées par le FIVA ,

- condamner tout succombant à payer à l'ENIM la somme complémentaire de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , s'agissant des frais irrépétibles exposés en cause d'appel .

Le FIVA fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions d'intervention invitant la cour à :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la faute inexcusable de la CMA CGM à l'origine de la maladie et du décès de Mr [K] ,

Statuant à nouveau :

- fixer à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'article L 452 - 3 alinéa 1er du code de la sécurité sociale et dire que cette indemnité sera directement versée par l'ENIM à la succession de Mr [K] ,

- fixer à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime en application de l'article L 452 - 2 du code de la sécurité sociale et dire que cette majoration lui sera directement versée par l'ENIM ,

- fixer l'indemnisation des préjudices personnels de Mr [K] à la somme de 125 500 € se décomposant de la façon suivante :

* souffrances morales : 65 000€

* souffrances physiques : 40 000 €

* préjudices d'agrément : 20 500 €

- fixer l'indemnisation des préjudices moraux des consorts [K] à la somme de 57 600 € se décomposant comme suit :

Mme [W] [K] ( fille ) : 25 000€

Mme veuve [X] [K] : 32 600 €

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'ENIM devra rembourser au FIVA la somme de 183 100 € ,

- condamner la CMA CGM à payer au FIVA une somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

La compagnie Zurich Assurances fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour :

Au principal :

- à dire que l'existence de la maladie professionnelle de Monsieur [K] n'est pas démontrée ,

en conséquence ,

- débouter les consorts [K] , le FIVA et l'ENIM de l'ensemble de leurs demandes ,

A titre subsidiaire ,

Réformant la décision du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris :

- dire que les consorts [K] ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une faute inexcusable imputable à la CMA CGM ,

En conséquence ,

- débouter les consorts [K] , le FIVA et l'ENIM de l'ensemble de leurs demandes ,

- déclarer inopposable à la CMA CGM la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [K] au titre de la législation relative aux risques professionnels ,

En conséquence ,

- dire que l'ENIM est irrecevable et mal fondé à récupérer auprès de la CMA CGM , les compléments de rente et indemnités qui seront éventuellement versés aux consorts [K] ,

- les débouter ainsi que le FIVA de l'ensemble de leurs demandes ,

A titre subsidiaire , en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de versement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale ,

- ramener les sommes sollicitées par le FIVA au titre des différents préjudices à de plus justes proportions ,

En tout état de cause ,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la décision à intervenir opposable à la compagnie Zurich ,

Subsidiairement ,

- débouter la CMA CGM de sa demande tendant à obtenir la garantie de la compagnie Zurich ,

- débouter les parties de toutes leurs demandes à l'encontre de la compagnie Zurich ,

- condamner la CMA CGM à payer à la compagnie ZURICH la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

La compagnie d'assurance GENERALI IARD fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour à ordonner la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 14/09638 , 14/09682 , 14/09737 et 14 /09779 ,

A titre liminaire :

- déclarer commun et opposable aux sociétés GENERALI IARD et ZURICH ASSURANCE l'arrêt à intervenir ,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a renvoyé l'ENIM à mieux se pourvoir à l'encontre des assureurs et dit le jugement commun et opposable aux assureurs ,

En tout état de cause ,

- dire que la garantie de la société GENERALI IARD n'es pas due à la CMA CGM ,

En conséquence ,

- débouter la CMA CGM de ses demandes ,

A titre principal ,

- dire que le FIVA et les ayants droits de Mr [K] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de la faute inexcusable de la CMA CGM ,

Par conséquent ,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux demandes du FIVA et des consorts [K] en reconnaissance de faute inexcusable et des conséquences subséquentes ,

A titre principal ,

- dire que l'ENIM n'a pas respecté le principe du contradictoire dans le cadre de la procédure d'instruction ayant précédé la reconnaissance de la pathologie de [T] [K] au titre de la législation professionnelle ,

- dire inopposable à la CMA CGM la décision de l'ENIM de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée par [T] [K] ,

- dire que les indemnités qui pourraient être allouées au FIVA ne pourront être récupérées auprès de la CMA CGM par l'ENIM , lequel devra en tout état de cause , en faire l'avance ,

Par conséquent ,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la CMA CGM de sa demande tendant à voir déclarer inopposable la décision de l'ENIM de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée par Mr [K] ,

A titre subsidiaire ,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable la demande des ayants droits d'indemnisation complémentaire ,

- débouté le FIVA de ses demandes au titre de la majoration de la rente ,

Et pour le surplus, statuant à nouveau :

- dire que la rente servie à Mme [K] ne pourra lui être servie que dans la limite du salaire forfaitaire de la 20 ème catégorie , ce classement ayant servi d'assiette à la fixation de sa pension d'invalidité pour maladie professionnelle ,

- débouter le FIVA de sa demande au titre du préjudice d'agrément et réduire à de plus justes proportions les demandes formées au titre des autres préjudices .

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées , oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 27 octobre 2016 , conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes , moyens et arguments .

SUR CE , LA COUR ,

Sur la demande d'inopposabilité de la décision de l'ENIM de prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur [K] au titre de la législation professionnelle :

L'employeur invoque l'inopposabilité , de la décision de l'ENIM de prise en charge de la maladie et du décès , sur le fondement des dispositions de l'article R 441 - 11 du code de la sécurité sociale , en faisant valoir que la décision du conseil constitutionnel du 6 mai 2011 doit entraîner , à peine d'incohérence , l'application de ces dispositions et que la cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 septembre 2011 a étendu aux victimes le bénéfice de la totalité du livre IV du code de la sécurité sociale .

La compagnie GENERALI IARD , assureur de la CMA CGM du 22 juin 1988 au 1er avril 2008 et Zurich Assurances , assureur de la CMA CGM à compter du 1er avril 2008 , concluent à l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie à la CMA CGM .

L'ENIM rétorque que si la décision du conseil constitutionnel du 6 mai 2011 a admis au profit des marins la possibilité de demander le bénéfice des dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la faute inexcusable de leur employeur , elle ne peut pas être étendue au delà de son objet et qu'elle n'a pas rendu applicables à l'ENIM les dispositions des articles R 441 - 11 et suivants du code de la sécurité sociale ; que le décret du 27 mars 2015 le confirme en instaurant une obligation nouvelle de respect de cette procédure contradictoire insérée dans l'article 9- 1 du décret du 17 juin 1938 pour les déclarations de maladies professionnelles postérieures au 30 mars 2015 , que dans ces conditions , la CMA CGM ne peut faire grief à l'ENIM de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire à son égard avant de décider de prendre en charge la pathologie de [T] [K] au titre de la maladie professionnelle , qu'elle ne peut pas non plus lui reprocher de ne pas avoir motivé sa décision autrement que par référence à l'avis de son conseil supérieur de santé , puisqu'aucune disposition en ce sens n'est prévue par le décret du 17 juin 1938 , qu'il n'existe pas de violation au principe d'égalité entre les employeurs devant la loi , puisque , si l'armateur ne bénéficie pas des dispositions de l'article R 441 -11 du code de la sécurité sociale , son taux de cotisation ' accident du travail - maladie professionnelle ' n'est pas majoré en cas de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie , contrairement aux employeurs soumis au régime général de la sécurité sociale .

Le 8° de l'article L 412 - 8 du code de la sécurité sociale prévoit que bénéficient des dispositions du livre IV du même code les personnes mentionnées à l'article 2 du décret loi du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins pour les accidents du travail et les maladies professionnelles survenus en dehors de l'exécution du contrat d'engagement maritime ;

Par décision N° 2011 - 127 QPC du 6 mai 2011 , le conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de l'article L 412 - 8 du code de la sécurité sociale ne sauraient , sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs , être interprétées comme faisant par elles - mêmes obstacle à ce qu'un marin victime , au cours de l'exécution de son contrat d'engagement maritime , d'un accident du travail imputable à une faute inexcusable de son employeur , puisse demander devant les juridictions de sécurité sociale , une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV du code de la sécurité sociale.

Cependant , cette décision ne peut être étendue au delà de son objet , lequel est précisément circonscrit à la possibilité désormais offerte aux marins de demander le bénéfice des dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la faute inexcusable de leur employeur. Elle n'a en revanche , nullement pour effet de rendre applicable à l'ENIM les dispositions des articles R 441 - 11 du code de la sécurité sociale ; dès lors , la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle n'est pas inopposable à l'employeur au titre du défaut de respect de ces dispositions .

En conséquence , la décision de l'ENIM du 12 octobre 2009 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de [T] [K] est opposable à la CMA CGM .

Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef .

En revanche , l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge ne fait pas obstacle à ce que celui - ci conteste , en défense à l'action en reconnaissance de faute inexcusable , le caractère professionnel de la maladie .

En effet , ayant pour objet exclusif la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie , la décision prise par l'ENIM , dans les conditions prévues par les dispositions du décret du 17 juin 1938 , est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable .

Sur le caractère professionnel de la maladie et la faute inexcusable :

Vu l'article L 461 - 1 du code de la sécurité sociale prévoyant :

'Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre . En ce qui concerne les maladies professionnelles , la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident .

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions prévues à ce tableau( ....) .'

Par ailleurs , en vertu du contrat de travail le liant à son salarié , l'employeur est tenu envers celui - ci d'une obligation de sécurité de résultat . Ce manquement a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452 - 1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver .

La CMA CGM fait valoir d'une part , que l'affection dont est décédé Monsieur [K] ne saurait revêtir un caractère professionnel et d'autre part , que les ayants droits ne rapportent pas la preuve qui leur incombe , que l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver .

Elle expose que n'étant ni fabricante d'amiante ni utilisatrice d'amiante , elle n'était pas soumise aux dispositions du décret du 31 août 1950 qui faisait figurer l'asbestose comme admise au titre des maladies professionnelles avec un nombre limité d'activités considérées comme causales à savoir le cardage , la filature et le tissage de l'amiante ; qu'au tableau 30 , dans sa version applicable à l'époque de la relation de travail , seule l'amiante brute est visée ; que par suite , le décret du 21 octobre 1951 faisait référence à la réalisation des calorifugeages dans lesquels l'amiante intervenait comme matière première et non à une exposition environnementale comme reproché au cas d'espèce ; que si l'amiante était présente à bord des navires( notamment en salle des machines ) c'est parce qu'elle faisait partie des composantes de certaines structures des navires et ce , dès leur construction , étant rappelé que CMA CGM n'est pas constructrice de navire ; que la réglementation tendant à diminuer les risques liés à l'inhalation des poussières spécifiques d'amiante au sein d'établissements n'apparaîtra qu' en 1977 , grâce au décret du 17 août 1977 , qui fixe un seuil de concentration de fibres d'amiante en deçà duquel le risque maladie est écarté , à savoir deux fibres par cm3 ou 2000 fibres par litre , de sorte que seule la présence d'amiante sur les lieux de travail ne peut entraîner inéluctablement une reconnaissance de faute inexcusable ; qu'elle démontre que les éléments contenant au sein des navires , de l'amiante ne dégageaient pas de poussière ; que s'agissant des marins , ce n'est que par un décret du 16 Juin 2000 relatif à la protection des marins contre les risques liés à l'inhalation des poussières d'amiante , applicable à l'ENIM , que l'interdiction sera édictée , que les ayants droits de [T] [K] ne démontrent pas qu'il aurait été amené à manipuler directement de l'amiante dans le cadre de son activité , ni qu'il a été mis en contact direct et immédiat avec l'amiante et impliquant l'inhalation de poussières d'amiante , que les ayants droits ont produit des attestations dont aucune ne peut constituer une démonstration probante d'exposition .

A l'appui de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle présentée le 3 juin 2009 à titre posthume , Mme Veuve [K] a produit un certificat médical initial en date du 3 mars 2009 mentionnant que [T] [K] était atteint d'un carcinome pulmonaire à grandes cellules , peu différencié , métastasique ( adénopathie thoracique et multiples lésions cérébrales secondaires ).

Ce cancer a été pris en charge par le régime d'assurance maladie des marins au titre du tableau 30 bis , maladie causée par l'amiante . Le FIVA a indemnisé les consorts [K] à raison de la pathologie liée à l'amiante .

Le danger inhérent aux poussières d'amiante a été stigmatisé par un décret du 10 mars 1984 qui imposait que les poussières soient évacuées au fur et à mesure de leur production et que soient installés dans les ateliers des systèmes de ventilations aspirantes . Plusieurs décrets ultérieurs ont édicté des réglementations de plus en plus strictes pour préserver les salariés des poussières .

Le danger sur la santé des salariés causé par l'amiante a été admis par le droit du travail et le droit de la sécurité sociale . Ainsi , la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières renfermant de l'amiante a été inscrite au tableau des maladies professionnelles le 2 août 1945 . L'asbestose , qui trouve sa cause dans l'inhalation de poussières d'amiante a été inscrite au tableau des maladies professionnelles le 31 août 1950.

Le décret du 17 août 1977 a pris des mesures particulières d'hygiène pour les établissements où les salariés étaient exposés aux poussières d'amiante et a notamment exigé des contrôles de l'atmosphère , la mise en place d'installations de protection collective et la mise à disposition des salariés des équipements de protection individuelle .

Toutes ces mesures concernaient les salariés dont les fonctions les conduisaient à travailler directement l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante .

Monsieur [K] a travaillé en qualité d'officier mécanicien à bord de navires construits avant le 1er janvier 1997 , date à laquelle ont été interdits les composants d'amiante dans la construction navale .

Les consorts [K] produisent aux débats différentes attestations de collègues de travail de Monsieur [K]

- [Z] [B] , qui a navigué avec lui pendant 5 années , explique qu'il y avait de l'amiante dans la salle des machines et que son collègue , en tant qu'officier mécanicien , a travaillé durant toute sa navigation , sur différents appareils comportant de l'amiante ( collecteurs d'échappement des moteurs , isolation des réchauffeurs , brûleurs , chaudières , soutes à combustible )

- Jean Paul [I] , officier de marine marchande de 1974 à 1986 , qui s'est trouvé à plusieurs reprises avec Mr [K] sur des navires, explique qu'ils étaient exposés à l'amiante de manière continuelle : dans les cales , lors de transport d'amiante ( avec nuages de poussière d'amiante ) , dans les machines où elle était présente , dans les calorifugeages et autres équipements divers et pièces dont les isolements étaient défectueux ,

- [P] [U] , qui a travaillé avec lui dans le service ' machine ' expose qu'au cours des travaux d'entretien sur les divers appareils de la salle des machines , ils étaient en contact direct avec les fibres d'amiante qui se dégageaient des matelas calorifuges des tuyautages , que bien que confrontés régulièrement à l'amiante ,ils n'avaient aucune consigne particulière de sécurité , ni aucune protection pour utiliser ce matériau , qu'ils ont donc travaillé dans la plus grande ignorance de la nocivité de l'amiante ,

- [F] [E] expose que les navires contenaient de l'amiante , utilisée principalement pour l'isolation des collecteurs et moteurs , que beaucoup de joints étaient à base d'amiante. .Pratiquement tous les démontages imposaient de manipuler de l'amiante , laquelle de ce fait était diffusée dans l'air ambiant . De nombreux appareils étaient calorifugés avec de l'amiante : collecteurs d'échappement des moteurs , chaudières , circuits de vapeur et d'eau chaude . Ils n'avaient aucune protection individuelle pour tous les travaux nécessitant une manipulation d'amiante .

Il résulte clairement de ces attestations que l'amiante était présente dans la structure du bateau et sur les appareils dégageant de la chaleur . Elle était même transportée dans de simples sacs de jute .

L'employeur ne peut valablement se retrancher derrière le fait qu'il n'était ni fabricant d'amiante ni utilisateur de ce matériau à titre industriel , dans la mesure où , comme le relèvent les premiers juges , la création du tableau 30 en 1950 devait , entraîner chez tout entrepreneur avisé , une attitude de vigilance et de prudence à propos de la présence d'amiante , même si elle était encore licite .

De plus , le décret du 17 août 1977 qui concernait cette fois l'amiante et qui ne visait qu'une liste indicative de travaux , aurait dû , à tout le moins être connu de l'employeur même s'il ne s'appliquait pas directement sur les navires de la marine marchande . Or [T] [K] a encore travaillé 14 ans après la parution du décret .

Ainsi , il ressort clairement de l'ensemble de ces éléments d'une part , que Monsieur [K] effectuait des travaux d'entretien ou de maintenance sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante .

Dès lors , au vu du certificat médical initial , des travaux effectués par [T] [K] correspondant à ceux prévus au tableau 30 bis et de la durée d'exposition au risque de 10 ans , ce qui n'est d'ailleurs pas contesté , il convient de constater que les conditions du tableau 30 bis des maladies professionnelles sont remplies , de sorte que le caractère professionnel de la maladie est parfaitement établie .

D'autre part , il est démontré que l'employeur avait ou aurait du avoir conscience des

risques auxquels étaient exposés ses salariés et notamment Mr [K] et qu'il n'a pris aucune mesure pour les préserver , ce qu'il reconnaît d'ailleurs en indiquant qu'il n'a pris aucune mesure de protection avant 1997 .

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie professionnelle et du décès de Monsieur [K] .

Sur les conséquences de la faute inexcusable:

Les consorts [K] demandent le bénéfice de l'allocation forfaitaire prévue par l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale et Mme Veuve [K] demande de fixer au maximum la majoration de la rente qui lui est versée par l'ENIM ;

Elles reprochent au jugement entrepris d'avoir déclaré leur demande irrecevable , faisant valoir qu'il résulte tant de la décision du conseil constitutionnel du 6 mai 2011 que de la décision de la cour de cassation du 22 septembre 2011 que les marins ou leurs ayants droits sont bien fondés à rechercher la faute inexcusable de l'armateur ( employeur ) devant la juridiction de sécurité sociale aux fins d'obtenir le bénéfice du livre IV du code de la sécurité sociale , que dès lors , il convient de faire droit à leur demande d'indemnisation complémentaire ( majoration de rente et allocation forfaitaire de L 452 - 3 ) .

L'ENIM conclut à l'irrecevabilité de ces demandes au motif , qu'ayant été indemnisés par le FIVA , les ayant droits sont recevables à agir en justice uniquement pour faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur et ce en raison des accords signés avec le FIVA en 2011 et des indemnisations reçues .

C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges , au visa des dispositions de l'article 53 IV , alinéas 2 et 3 de la loi du 23 décembre 2000 prévoyant que ' l'acceptation de l'offre ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l'action en justice prévue au V vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice . Il en va de même des décisions juridictionnelles devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l'exposition à l'amiante ' ,

ont retenu que le salarié , atteint d'une maladie professionnelle ou les ayants droit en cas de décès , qui a accepté l'offre d'indemnisation du FIVA ou qui a obtenu une indemnisation par une décision juridictionnelle définitive est recevable , mais dans le seul but de faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur , à se maintenir dans l'action en recherche de faute inexcusable qu'il a préalablement engagée et qui est reprise par le FIVA .

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les consorts [K] irrecevables en leur demande d'indemnisation complémentaire .

Sur les conséquences de la faute inexcusable à l'égard du FIVA :

Le FIVA demande :

-la fixation à son maximum de l'indemnité forfaitaire visée à l'article L 452 - 3 alinéa 1er du code de la sécurité sociale et dire que cette indemnité sera directement versées par l'ENIM à la succession de Mr [K] ,

- la fixation à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime en application de l'article L 452 - 2 du code de la sécurité sociale et dire que cette majoration lui sera directement versée par l'ENIM ,

- la fixation de l'indemnisation des préjudices personnels de Mr [K] à la somme de 125 500 € se décomposant de la façon suivante :

* souffrances morales : 65 000€

* souffrances physiques : 40 000 €

* préjudices d'agrément : 20 500 €

- fixer l'indemnisation des préjudices moraux des consorts [K] à la somme de 57 600 € se décomposant comme suit :

Mme [W] [K] ( fille ) : 25 000€

Mme veuve [X] [K] : 32 600 €

- la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que l'ENIM devra rembourser au FIVA la somme de 183 100 €

- la condamnation de la CMA CGM à lui payer une somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Il fait valoir :

- qu'il est subrogé , à due concurrence des sommes versées , dans les droits des victimes vis à vis du responsable du dommage,

- qu'ayant indemnisé les ayants droit de Mr [K] , il est recevable en sa demande de fixation des majorations et indemnisations prévues par le code de la sécurité sociale

L'ENIM conclut à la prescription de l'action du FIVA au motif que :

- le FIVA n'a introduit aucune procédure en reconnaissance de faute inexcusable dans le délai de deux ans à compter de la reconnaissance de maladie professionnelle survenue le 12 octobre 2009 , alors qu'il avait dans ce délai indemnisé les consorts [K] et qu'il était déjà subrogé dans leurs droits , qu'il n'est intervenu dans la procédure introduite par les consorts [K] qu'à l'audience du 2 avril 2012 où il a déposé des écritures ,

- que si les consorts [K] ont introduit une action en justice avant l'expiration du délai de 2 ans , cette action ne peut avoir conféré au FIVA plus de droits que les consorts [K] n'en possédaient eux mêmes à la date de l'introduction de l'instance , qu'à cette date , ayant été indemnisés par le FIVA , ils pouvaient uniquement demander la reconnaissance de la faute inexcusable .

Le FIVA rétorque que son droit à agir est né le [Date naissance 1] 2011 , à la date de la décision du conseil constitutionnel , qu'ainsi le délai de 2 ans applicable à une action en recherche de la faute inexcusable a couru jusqu'au 7 mai 2013 , la prescription n'ayant pas couru antérieurement du 6 mai 2011 par suite d'un empêchement résultant de la loi .

L'action des consorts [K] a interrompu la prescription et cet effet s'est prolongé à l'égard du FIVA , subrogé dans les droits des [K] , même si l'action des [K] n'est recevable que pour faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur de sorte que l'action du FIVA n'est pas prescrite .

L'ENIM conclut à l'irrecevabilité des demandes du FIVA à son égard , en ce que :

- l'article 53 VI de la loi du 23 décembre 2010 prévoit que le fonds est subrogé , à dûe concurrence des sommes versées , dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes ;

- que l'ENIM n'est ni le responsable du dommage survenu à Monsieur [K] et ses ayants droits , ni un organisme tenu d'assurer la réparation ,

- que dès lors la demande présentée à son encontre est irrecevable ,

- que la décision du conseil constitutionnel s'est bornée à ouvrir aux marins victimes d'une faute inexcusable une indemnisation dans les mêmes conditions qu'un salarié du régime général , qu'il reste soumis aux dispositions du décret du 17 juin 1938 qui ne lui impose pas d'avanceer l'indemnisation , de sorte que les victimes ne peuvent solliciter une indemnisation qu'auprès de l'employeur .

Dans la mesure où le marin victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle au cours de l'exécution du contrat d'engagement maritime , peut , en cas de faute inexcusable de l'employeur , demander devant la juridiction de sécurité sociale le bénéfice du livre IV du code de la sécurité sociale ainsi que l'indemnisation des préjudices complémentaires non expressément couverts par les dispositions de ce livre , cela implique que l'organisme social fasse l'avance des sommes qui lui sont allouées .

Le FIVA demande le remboursement des sommes versées par lui au titre des souffrances physiques et morales , ainsi que du préjudice d'agrément subis par Monsieur [K] outre les préjudices moraux des ayants droits .

L'ENIM s'oppose au remboursement des sommes versées au titre des souffrances physiques et morales au motif que:

- les souffrances physiques et morales postérieures au 3 mars 2009 et jusqu'au décès de ce dernier l'ont été au titre du déficit fonctionnel permanent par la pension d'invalidité servie par l'ENIM

- les souffrances antérieures au 3 mars 2009 dès lors que l'ENIM a fixé à compter du 3 mars 2009 un taux d'incapacité de 100% et que le FIVA , qui a indemnisé les souffrances tant antérieures que postérieures au 3 mars 2009 , ne précise pas dans quelles proportions pour chacune d'elles , étant pour le surplus noté que l'arrêt du 23 mai 2011 tient compte des souffrances depuis le 21 novembre 2008 , date non opposable à l'ENIM correspondant selon la Cour à la date de première constatation médicale .

Les critères retenus pour fixer le taux d'incapacité permanente sur la base duquel la rente est calculée sont, aux termes de l'article L 434 - 2 du code de la sécurité sociale , la nature de l'infirmité , l'état général , l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle , compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité .

Il y a donc bien une distinction entre les facultés physiques et mentales de l'article L 434 - 2 et les souffrances physiques et morales de l'article L 452 - 3 . De plus ,cet article ne fait pas référence à la notion de consolidation , de sorte qu'il n'y a pas lieu de distinguer , avant ou après consolidation .

Le préjudice d'agrément se définit comme le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir.

Enfin l'article L 452 - 3 alinéa 2 du code de la sécurité sociale prévoit qu ' en cas d'accident suivi de mort , les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L 434 - 7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles , peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée .

En l'espèce , Monsieur [K] ,est décédé le [Date décès 1] 2009 des suites d'un cancer broncho pulmonaire non opérable , diagnostiqué le 21 novembre 2008 .

Son préjudice moral a résulté de l'annonce brutale du diagnostic , de la gravité de sa maladie compte tenu de son exposition à l'amiante générateur d'une grande détresse psychologique à l'origine d'un syndrome dépressif en janvier 2009 . Cette souffrance morale a été entretenue par la fréquence des traitements auxquels il a du se soumettre .

Ses souffrances physiques sont constituées par ses traitements éprouvants qu'il a du subir ( radiothérapie , chimiothérapie ) à l'origine d'effets secondaires notables : toxicité hématologique de grade IV .

En ce qui concerne son préjudice d'agrément , il est caractérisé par le fait qu'il ne pouvait plus avoir aucune activité physique , ayant perdu toute autonomie avant son décès , alors qu'il pratiquait le vélo tout terrain et le tennis de table .

Le préjudice moral de son épouse résulte de la perte de la personne avec laquelle elle était mariée depuis 35 ans . Sa fille [W] , vivait au foyer et a accompagné son père pendant toute sa maladie .

La réalité des préjudices invoqués étant établie , l'ENIM devra rembourser au FIVA les sommes qui ont été allouées aux consorts [K] par arrêt de la cour d'appel du 23 mai 2011 à charge pour lui d'exercer son action récursoire à l'encontre de l'employeur la CMA CGM .

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'ENIM devra rembourser au FIVA la somme de 183 100 €

Sur la majoration de rente et le bénéfice de l'allocation forfaitaire

La rente et sa majoration devront être calculées en conformité avec les règles prévues par le décret loi du 17 juin 1938

Mme [K] perçoit une pension d'invalidité maladie professionnelle ( PIMP) calculée sur 60% du salaire forfaitaire de la 20 ème catégorie .

Le plafond visé à l'article 21 du décret du 17 juin 1938 ayant été atteint par le seul versement de la PIMP , la demande de majoration de rente peut être admise sur le principe mais elle ne sera allouée que dans la limite maximale de 60% du salaire forfaitaire de la 20 ème catégorie .

Sur l'allocation forfaitaire : l'ENIM a fixé le taux d'incapacité de [T] [K] à 100 % à compter du 3 mars 2009 , date du certificat médical initial faisant le lien entre sa maladie et sa profession , de sorte que cette indemnité ne saurait être fixée à une somme supérieure au salaire minimum légal applicable en 2009

Il convient de dire que l'ENIM devra verser au FIVA les indemnisations complémentaires ( majoration de rente et allocation forfaitaire ) à charge pour le FIVA de les reverser aux ayants droits .

Sur l'action récursoire de l'ENIM à l'encontre de la CMA CGM et des assureurs :

L'ENIM demande la garantie de l'employeur et de ses assureurs .

La décision de prise en charge étant opposable à l'employeur , celui -ci sera dès lors condamné à garantir l'ENIM à hauteur de 183 100 € .

En revanche , la présente juridiction n'est pas compétente pour statuer sur le recours de l'ENIM contre les assureurs .

Sur les demandes de l'employeur à l'encontre des assureurs :

La présente juridiction n'est pas compétente pour statuer sur le recours de l'employeur contre les assureurs .

En revanche , il convient de déclarer le présent arrêt commun et opposable aux compagnies d'assurance ZURICH ASSURANCES et GENERALI IARD .

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Les consorts [K] qui succombent en leur demande , seront déboutés de leur demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ,

En revanche , il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il leur a été alloué la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité ne commande pas qu'il soit fait droit aux demandes présentées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

Les demandes présentées à ce titre seront donc rejetées

PAR CES MOTIFS ,

La COUR ,

ORDONNE la jonction des instances ouvertes sous les numéros de RG 14/09682, 14/09737,1409779 avec celle ouverte sous le numéro RG 14/09638

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré opposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie déclarée par [T] [K] ,

- reconnu la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie professionnelle de [T] [K]

- déclaré irrecevable la demande des consorts [K] d'indemnisation complémentaire ,

- dit que L'ENIM devra rembourser au FIVA la somme de 183 100 €,

- condamné la CMA CGM à payer à Mme [X] veuve [K] et à [W] [K] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en 1ère instance

- déclare le présent arrêt commun et opposable aux compagnies d'assurance ZURICH ASSURANCES et GENERALI IARD

ET Y AJOUTANT

- dit que l' ENIM devra verser au FIVA les indemnisations complémentaires ( majoration de rente et allocation forfaitaire ) à charge pour le FIVA de les reverser aux ayants droits ,

- DEBOUTE les consorts [K] de leur demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

REJETTE les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144 - 10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de la SA CMA CGM , au 10ème du montant mensuel du plafond prévu par l'article L 241 - 3 et le condamne au paiement de ce droit s'élevant à 321,80€

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 14/09638
Date de la décision : 19/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°14/09638 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-19;14.09638 ?
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