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17/01/2017 | FRANCE | N°14/00451

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 17 janvier 2017, 14/00451


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 17 Janvier 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00451



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 12/00965





APPELANT

Monsieur [D] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

représenté par

Me Emmanuel RASKIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0230





INTIMEE

SA AURES TECHNOLOGIES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 352 310 767

représentée par Me Olivier RUPP, avocat...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 17 Janvier 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00451

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 12/00965

APPELANT

Monsieur [D] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

représenté par Me Emmanuel RASKIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0230

INTIMEE

SA AURES TECHNOLOGIES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 352 310 767

représentée par Me Olivier RUPP, avocat au barreau de PARIS, toque : L0152 substitué par Me René DE LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0152,

En présence de Mme [L] [X] (DAF)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [D] [U] a été engagé, sans contrat écrit, par la société AURES TECHNOLOGIES, à compter du 1er janvier 1990, en qualité de responsable commercial. Devenu actionnaire de la société, il a aussi été en charge de plusieurs mandats sociaux puisque dès le 30 avril 1993, il a été nommé administrateur, puis le 5 juin 2002 désigné comme Directeur Général Délégué.

Son salaire mensuel brut moyen calculé sur ses douze derniers mois d'activité s'élevait à 32 800 euros.

Le 23 novembre 2011, il a été déchargé de ses fonctions de Directeur Général Délégué et a poursuivi son activité comme Directeur Commercial. Le 19 janvier 2012, le Conseil d'administration a révoqué son mandat d'administrateur. Ces décisions ont été contestées devant le Tribunal de Commerce d'Evry.

Monsieur [U] a été licencié par un courrier du 3 octobre 2012. La lettre de rupture était rédigée dans les termes suivants :

«... Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

* Persistance de la perturbation du personnel malgré différents rappels à l'ordre suite à l'envoi d'un mail le 30 décembre 2011 par lequel vous invitiez le personnel à consulter le forum du site Boursorama, qui relatait des échanges quant à votre position dans la société ; le Président Directeur Général vous a demandé, par courrier du 6 janvier 2012, de ne pas prendre en otage le personnel de la société.

En juin 2012, ne tenant pas compte des précédentes remarques qui vous avaient été faites, vous avez contacté, par mail, le responsable de la filiale américaine pour obtenir des informations sur la marche des affaires à quelques jours de l'assemblée générale, alors que vous n'étiez plus en charge du suivi de cette filiale.

Une fois encore, ce comportement fautif vous a été reproché par courrier du 18 juin 2012.

Enfin, en août dernier, alors que vous étiez en arrêt maladie, vous avez cherché à obtenir en souterrain des informations sur l'emploi du temps et les voyages du Président Directeur Général précisant que vos demandes devaient rester secrètes.

Vous avez même commenté de façon déplacée l'agenda du président en mentionnant les initiales « M. D. R. ».

De tels agissements n'ont eu pour conséquence que la perturbation des salariés et du bon fonctionnement de la société.

* Au cours des derniers mois, vous n'avez cessé de faire preuve d'insubordination à l'égard de l'employeur.

Pour preuve, votre refus du 5 septembre 2012 d' établir, dans les délais qui vous étaient impartis, le rapport d'activité qui vous avait été demandé, évoquant votre charge de travail, vos autres obligations professionnelles, qu'aucune urgence n'imposait la réalisation de ce travail et qu'un tel rapport ne vous avait jamais été demandé par le passé.

Après ces tergiversations et reports de délais de votre propre chef, vous avez enfin répondu à la demande.

* Au cours des derniers mois, vous avez émis, de façon permanente, des critiques sur les décisions prises par l'employeur, via l'échange de nombreux mails et courriers à l'attention du Président Directeur Général.

Par exemple en avril 2012, vous avez critiqué une nouvelle version de l'organigramme.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture.

Nous vous signalons à cet égard qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versée... »

Monsieur [D] [U] a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud'hommes.

Par jugement du 17 décembre 2013, le conseil de prud'hommes de Evry a considéré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la société AURES TECHNOLOGIES au paiement de la somme de 99046,50 euros d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, les intérêts de ces sommes et leur capitalisation ainsi que 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. Il a également ordonné la remise sous astreinte des documents sociaux modifiés et l'exécution provisoire de la décision. La société AURES TECHNOLOGIES a été déboutée de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [U] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions visées au greffe le 2 novembre 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [U] sollicite de la cour l'infirmation du jugement concernant le calcul de son ancienneté qu'il évalue à titre principal, à 23 ans et 1 mois et à titre subsidiaire, à 13 ans 6 mois et 9 jours.

Il sollicite également l'infirmation du jugement en ce qu'il a décidé que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société au paiement :

*A titre principal :

- 330320 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-198093 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 596688 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation de son préjudice financier,

- 200000 euros en réparation de son préjudice moral,

*A titre subsidiaire :

- 143395 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 198093 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 783613 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation de son préjudice financier,

- 200000 euros en réparation de son préjudice moral, l'ensemble avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts,

-15000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens.

Il conclut en outre, à la confirmation du jugement concernant les condamnations au titre de l'indemnité compensatrice de prévis et des congés payés y afférents, la remise des documents conformes sous astreinte à compter de la signification de l'arrêt.

Par conclusions visées au greffe le 2 novembre 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, la société AURES TECHNOLOGIES sollicite la confirmation du jugement concernant l'ancienneté de Monsieur [U] et l'infirmation pour le surplus.

Elle demande à la Cour de constater à titre principal que le licenciement pour faute grave est justifié et à titre subsidiaire qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse.

Elle sollicite à titre infiniment subsidiaire, une réduction des dommages-intérêts alloués, le rejet des prétentions de Monsieur [U] et sa condamnation à 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience.

MOTIFS

Sur le calcul de l'ancienneté

Un mandat social n'est pas incompatible avec un contrat de travail. Toutefois, pour que le cumul soit possible, il faut que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif s'entendant de fonctions techniques distinctes de celles de direction, donnant lieu en principe à rémunération distincte, exercées dans le cadre d'un lien de subordination vis à vis de la société et dans des conditions exclusives de toute fraude à la loi. Ces règles sont applicables aux fonctions de dirigeant.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence ou non d'un cumul entre les fonctions de mandataire social et de salarié doit nécessairement être tranché pour déterminer l'ancienneté de Monsieur [U].

La société AURES TECHNOLOGIES soutient à titre principal, que les fonctions d'administrateur puis de directeur général délégué ont mis fin au contrat de travail initial et que Monsieur [U] est devenu salarié à compter du 24 novembre 2011, date de révocation de son mandat de Directeur Général Délégué. Elle en justifie en raison de l'absence durant la période considérée, de cotisations au titre de l'assurance chômage, de rémunération distincte, de lien de subordination et de mention et d'accord du Conseil d'Administration.

À titre subsidiaire, elle demande que l'ancienneté soit limitée à la période correspondant à l'exécution de son contrat de travail de Responsable commerciale du 1er janvier 1990 au 30 avril 1993, puis de Directeur commercial du 23 novembre 2011 au 12 octobre 2012.

Monsieur [U] estime pour sa part qu'il a été responsable commercial puis directeur commercial salarié pendant toute la durée de son emploi chez AURES TECHNOLOGIES et ce même durant la période où il a été mandataire social. Il indique que ses fiches de paye, son solde de tout compte, le questionnaire Pôle Emploi, établis par la société font état de ces fonctions et d'une ancienneté remontant au 1er janvier 1990. Il produit plusieurs attestations justifiant de l'exécution effective de ses fonctions de Directeur commercial. Il soutient que dans ce cadre, il était sous la subordination de Monsieur [G] et disposait d'une rémunération distincte. Il fait valoir en outre qu'en prévoyant qu'il conserverait ses fonctions dans le procès-verbal de novembre 2011, le conseil d'administration de la société a reconnu qu'il n'y avait pas eu de rupture ou de suspension du contrat travail pendant les périodes où il était mandataire ; il prétend enfin que le fait d'avoir sollicité une modification dans sa prise en charge au titre de l'assurance chômage en 2001n'a pas de valeur probante, dans la mesure où il a effectivement bénéficié de ces allocations à compter de janvier 2013.

A titre principal, il demande que son ancienneté soit évaluée à 22 ans et 10 mois et dans l'hypothèse où une suspension serait retenue à compter de 2002, à 13 ans 6 mois et neuf jours.

Sur la période de janvier 1990 au 30 avril 1993 :

Il n'est pas contesté que de janvier 1990 à avril 1993, Monsieur [U] après la création de la société en 1989, a travaillé comme responsable commercial sans exercer aucun mandat social.

La société qui conteste l'existence d'un contrat de travail sur cette période ne rapporte pas la preuve d'une autre relation durant ces années.

La mise en place en 1993 d'un changement de statut de la SARL en SA, va donner lieu à une assemblée générale extraordinaire du 30 avril 1993 lors de laquelle les administrateurs vont être désignés (notamment Monsieur [U] ) et le procès-verbal détermine la rémunération qui leur est attribué à ce titre. Cet élément permet a contrario de considérer que les fonctions exercées par Monsieur [U] antérieurement à sa nomination comme administrateur ont bien été rémunéré au titre d'un contrat de travail salarié.

Sur la période du 30 avril 1993 au 23 novembre 2011 :

À compter d'avril 1993 et jusqu'en janvier 2012, Monsieur [U] s'est retrouvé avec un mandat d'administrateur. Le 5 juin 2002, il a en plus été désigné Directeur Général Délégué jusqu'au 23 novembre 2011. Durant tout ce temps, il a exercé des fonctions commerciales.

En effet, au vu des attestations produites par Monsieur [U], il est établi qu'il a bien occupé des fonctions techniques comme responsable du service commercial au sein de la société. Les différents clients et partenaires attestent de sa présence lors des négociations, déplacements ou séances commerciales. L'existence d'un travail effectif en qualité de commercial n'est donc pas sérieusement contestable.

Toutefois, rien dans les attestations produites ne permet de déterminer si l'exécution de ces fonctions se faisait dans le cadre d'un contrat salarié ou d'un mandat social. En qualité d'administrateur ou directeur général délégué, il pouvait être chargé d'assurer plus précisément la direction commerciale au sein de la société. En tout état de cause, aucune dualité de fonctions n'est justifiée.

Durant toutes ces années, les fonctions de mandataire et de commercial n'ont pas été dissociées au titre de sa rémunération. Au contraire, les bulletins de paye ne portent mention que d'une seule rémunération et d'un avantage en nature liée à l'attribution d'un véhicule.

Dans le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 23 novembre 2011, Monsieur [U] indique même « qu'il existait une équité dans la rémunération du président directeur général et directeur général délégué depuis plus de 20 ans».

Cette remarque de Monsieur [U] induit d'emblée un doute sérieux sur l'existence d'un rapport de subordination entre le Directeur Général et Directeur Général Délégué. Ce d'autant que le 5 juin 2002, le Conseil d'Administration indique : « le conseil d'administration décide à l'unanimité que Monsieur [D] [U] aura les mêmes pouvoirs que le directeur général ».

Le pouvoir de sanction de l'autorité hiérarchique inhérent à l'existence d'un contrat de travail n'apparaît dans ces circonstances pas envisageable.

Les seuls éléments relatifs à une sanction ou à une subordination avec Monsieur [G] sont postérieurs à janvier 2012, date à laquelle il exécutait un contrat de travail comme Directeur Commercial.

De même les mentions portées par la société sur les documents de rupture ou les bulletins de paye ne suffisent pas à contredire l'analyse ci-dessus qui relève l'absence de lien de subordination et de cumul de rémunération.

Il convient par ailleurs de préciser que la démarche conjointe de la société et de Monsieur [U] visant à récupérer des cotisations chômage indues versées jusqu'en 2001- demande acceptée par l'Assurance Chômage - confirme qu'à cette date Monsieur [U] n'entendait pas se considérer comme salarié de la société mais comme un de ses dirigeants.

N'a pas non plus de valeur probante, le procès-verbal de réunion du conseil d'administration du 23 novembre 2011 qui indique dans son point 10 que Monsieur [U] conservera ' ses fonctions de Directeur Commercial' si la résolution de révocation de ses fonctions de directeur général délégué est acceptée.

En effet, les termes de cette décision ne permettent pas de conclure que les fonctions commerciales étaient exercées dans le cadre du mandat social ou d'un contrat salarié. La même remarque peut être faite s'agissant du certificat de travail.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, en l'absence de rémunération distincte et de lien de subordination, l'existence d'un cumul entre contrat de travail et mandat social sur la période n'est pas établie.

L'ancienneté doit tenir compte du fait qu'à compter du 23 novembre 2011, la société reconnaît qu'elle a octroyé à Monsieur [U] un contrat de travail salarié comme Directeur Commercial. Elle doit également s'apprécier au regard du fait que la société ne justifie pas de la rupture du contrat de travail en avril 1993. Le dit contrat a simplement été suspendu et repris lors de sa désignation comme Directeur Commercial le 23 novembre 2011.

Au vu de l'ensemble de ces motifs, l'ancienneté de Monsieur [U] est fixé à 4 ans et 3 mois pour l'exécution d'un contrat de travail du 1er janvier 1990 au 30 avril 1993 et du 23 novembre 2011 au 12 octobre 2012 soit.

Sur la rupture du contrat de travail

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.

La société reproche Monsieur [U] trois griefs : la persistance dans la perturbation du personnel, l'insubordination et le refus d'exécuter des missions qui lui étaient confiées par la direction et la critique permanente des décisions prises par la société. Elle soutient que les faits sont établis et ne sont pas prescrits puisque certaines fautes sont postérieures au délai de deux mois et que le salarié précédemment sanctionné, a persisté dans son comportement fautif au-delà de ce délai. Elle conteste l'argument adverse selon lequel la décision de licencier aurait été prise dès l'entretien préalable et considère qu'au regard du montant de la rémunération de Monsieur [U], ce dernier se devait d'adopter un comportement irréprochable.

Monsieur [U] précise que son éviction tient à des considérations privées et non professionnelles et que ses qualités et compétences professionnelles sont reconnues par ses collaborateurs, clients et partenaires. Il estime que les griefs invoqués à son encontre sont mensongers et abusifs et pour la plupart prescrits ou déjà sanctionnés. S'agissant du seul grief utile, où il est prétendu qu'il a refusé de rendre un rapport d'activité, il indique que le délai qui lui a été imparti pour rendre ce document était trop bref, d'autant qu'il revenait d'un congé maladie de 2 mois et ne disposait pas de tous les éléments nécessaires. Il conclut en indiquant l'avoir finalement rendu et estime que le licenciement n'est pas justifié.

Aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; toutefois si un même fait ne peut être sanctionné deux fois par application de la règle non bis in idem, il n'en demeure pas mois que l'existence de précédentes sanctions disciplinaires n'interdit pas, en cas de faits nouveaux ou de réitération du même comportement fautif, le prononcé d'une nouvelle sanction et notamment d'un licenciement.

En l'espèce, l'entretien préalable s'est tenu le 14 septembre 2012 et les faits énoncés dans la lettre de licenciement sont datés du 30 décembre 2011, juin, avril, août et 5 septembre 2012. Il n'est pas contesté que les deux premiers faits ont été sanctionnés par deux courriers des 6 janvier et 18 juin 2012.

Néanmoins, comme le soutient la société, l'ensemble de ces faits successifs procède d'une même et seule volonté de Monsieur [U] de porter atteinte à l'autorité du Président Directeur Général, Monsieur [G].

Pris dans un conflit personnel avec Monsieur [G] en raison de la liaison extra conjugale de son épouse, Monsieur [U] va adopter une attitude visant à s'appuyer sur ses collaborateurs et le personnel de la société pour dénigrer ou s'opposer à sa direction.

En août 2012, il va contacter l'Export manager du Groupe, Monsieur [B], pour obtenir des informations sur l'agenda de son supérieur hiérarchique et va , devant ce collaborateur, dénigrer le Président Directeur Général.

Le même type de comportement est constaté en décembre 2011, lorsqu'il prend à partie l'ensemble du personnel de la société pour manifester son désarroi à l'égard d'une décision de la société relative à son départ, information non vérifiée et aperçue sur le site de Boursorama.

Le 5 juin 2012, il utilisera un contact de la société aux USA, Monsieur [J], pour obtenir des informations concernant la santé financière de la filiale américaine. N'ayant plus la charge de la direction du marché US et anglais depuis sa révocation comme Directeur Général Délégué, cette recherche d'information n'avait pas un caractère professionnel et avait vocation à servir ses intérêts personnels en qualité d'actionnaire et à obtenir des arguments critiques en vue de l'Assemblée Générale de la société du 7 juin 2012.

Même si certains faits ont déjà été sanctionnés, l'attitude de Monsieur [U], en août 2012, démontre qu'ils ont été réitérés malgré les mises en garde. L'argument tiré de la prescription est donc sans effet.

Les agissements de Monsieur [U] ont eu pour conséquence de mettre en porte à faux le personnel, ainsi pris en otage dans le conflit personnel l'opposant la direction et sont à l'origine d'un préjudice pour la société.

Ce comportement de Monsieur [U], contraire à l'intérêt social, justifie l'impossibilité dans laquelle s'est retrouvée la société de poursuivre la relation de travail.

Ni les faits de septembre 2012 concernant le rapport sollicité dans des délais trop brefs, ni la contestation légitime faite par Monsieur [U] de l'organigramme de ses fonctions ne sont susceptibles d'être retenus comme des fautes à l'appui du licenciement.

Les autres griefs et les circonstances particulières de l'espèce justifient que la Cour, comme les premiers juges, écarte la faute grave et considère que le licenciement est justifié par une seule cause réelle et sérieuse.

Sur la demande relative à l'indemnité de licenciement

Au regard de la moyenne des salaires calculés sur 12 derniers mois de rémunération, de l'ancienneté retenue et de l'application de l'article 37 des dispositions relatives à la Convention Collective du Commerce de gros, dans sa version vigueur au 23 février 2012, et de l'article 4 de l'avenant relatif aux cadres :

« Une indemnité de licenciement est accordée au cadre licencié dans les conditions suivantes :

a) cadres ayant de un à cinq ans de présence dans l'entreprise dans l'entreprise au moment du licenciement : 2/10 de mois par année de présence ;... »

Au vu de ces éléments, il convient de fixer à l indemnité de licenciement à la somme de 28058,48 euros.

Sur d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

La cour constate que ces demandes contestées au fond, ne sont pas contestées dans leur montant. La décision des premiers juges sur ce point sera donc confirmée.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement, mais seulement en ses dispositions concernant l'ancienneté de Monsieur [U] et les effets sur l'indemnité de licenciement ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

FIXE l'ancienneté de Monsieur [U] à 4 ans et 3 mois ;

CONDAMNE la société AURES TECHNOLOGIES à payer à Monsieur [U] la somme de 28058,48 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions ;

Y ajoutant ;

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

AUTORISE la capitalisation des intérêts ;

ORDONNE la remise par la société AURES TECHNOLOGIES à Monsieur [U] des documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu à astreinte ;

VU l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société AURES TECHNOLOGIES à payer à Monsieur [U] en cause d'appel la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;

CONDAMNE la société AURES TECHNOLOGIES aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/00451
Date de la décision : 17/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°14/00451 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-17;14.00451 ?
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