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13/01/2017 | FRANCE | N°13/04488

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 13 janvier 2017, 13/04488


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 13 JANVIER 2017

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04488



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Avril 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 10/15939









APPELANT

Monsieur [X] [C]

Fondation ABBE PIEER - EMMAUS

[Adresse 1]

né le [Date naiss

ance 1] 1974 à [Localité 1] (HAITI)



comparant en personne, assisté de Me Alexis NGOUNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1615

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/0145...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 13 JANVIER 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04488

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Avril 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 10/15939

APPELANT

Monsieur [X] [C]

Fondation ABBE PIEER - EMMAUS

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1] (HAITI)

comparant en personne, assisté de Me Alexis NGOUNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1615

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/014503 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SAS ETEL

[Adresse 2]

représentée par Me Yves GROSMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0760

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Président de chambre

Madame Valérie AMAND, Conseiller

Madame Jacqueline LESBROS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Ulkem YILAR, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, présidente et par Madame Christelle RIBEIRO, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

FAITS ET PROCÉDURE

M. [X] [C] né le [Date naissance 1] 1974 a été engagé à compter du 27 juin 2000 en qualité d'électricien par la société Etablissement Le Comte Clause.

A la suite de la reprise du fonds de commerce de la société Ets Le Comte par la société ETEL cette dernière société qui emploie habituellement au moins 11 salariés a repris le contrat de travail du salarié selon avenant du 14 juin 2006 qui précise «' que le salarié occupera à compter du 1er avril 2006 au sein dela société ETEL les fonctions d'électricien- qualification compagnon professionnel position 1, coefficient 210 de la convention collective du bâtiment'».

L'article 2 relatif au lieu de travail précise que les fonctions confiées au salarié devaient s'exercer «' sur les différents chantiers actuels et futurs de l'entreprise ( base de départ des déplacements : [Localité 2]).

Plusieurs différends opposant les parties, le salarié a saisi le 10 décembre 2010 le conseil de prud'hommes de Paris en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et pour voir reconnaître et indemniser le harcèlement moral dont il s'estimait victime.

En cours de procédure, après divers arrêts maladie, le salarié était déclaré inapte à tous postes dans l'entreprise par le médecin du travail le 30 mars 2012; après le refus de trois postes proposés au salarié dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur convoquait M. [X] [C] le 16 avril 2012 à un entretien fixé au 24 avril 2012 préalable à un éventuel licenciement;

Par courrier du 27 avril 2012 l'employeur notifiait à son salarié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement en date du 9 avril 2013, le conseil de prud'hommes de PARIS en sa formation de départage a :

-condamné la SAS ETEL à payer à M. [X] [C] les sommes suivantes :

193,58 euros à titre de rappel de salaire pour juillet 2010

19,35 euros à titre de congés payés afférents

600 euros au titre du droit individuel à la formation

-débouté M. [X] [C] du surplus de ses demandes

-rappelé que les sommes de nature salariale produisent intérêt à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par le défendeur et que les sommes de nature indemnitaire portent intérêt à compter du présent jugement;

-condamné la SAS ETEL aux dépens.

M. [X] [C] a interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions visées par le greffier le 23 juin 2016, M. [X] [C] demande à la cour de :

Infirmer le jugement déféré

Statuant à nouveau

A titre principal,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C] pour harcèlement moral

Condamner la SAS ETEL à lui payer la somme de 93.154,68 euros à titre de rappel de salaire dans la limite de 3 ans

A titre subsidiaire,

Juger que le licenciement est nul pour harcèlement moral

Condamner la SAS ETEL à lui payer la somme de 93.154,68 euros à titre de rappel de salaire dans la limite de 3 ans

A titre infiniment subsidiaire,

Juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

Condamner la SAS ETEL à lui payer les sommes de :

6.210,31 euros à titre d'indemnité de licenciement

64.690,75 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5.175,26 euros pour irrégularité de procédure et celle de 517,52 euros de congés payés afférents

5.175,26 euros au titre du préavis

32.345,37 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral

Dans tous les cas, condamner la SAS ETEL au paiement des sommes suivantes :

27.650,39 euros à titre de rappel de salaire

5.000 euros d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail

5.000 euros d'indemnité pour licenciement vexatoire

5.000 euros au titre du préjudice pour atteinte à la vie privée

5.000 euros au titre des dommages intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité et de santé

4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffier le 23 juin 2016, la SAS ETEL demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Donner acte à la société ETEL de ce qu'elle a fait droit aux causes du jugement dont appel en ayant réglé à M. [C] son rappel de salaires de juillet 2010, les congés payés y afférents, ainsi que le montant de 600 euros au titre du DIF

Constater qu'aucun acte fautif ne serait retenu à la charge de la société quant au licenciement allégué

Juger que le licenciement de M. [C] a une cause réelle et sérieuse

Juger que M. [C] est intégralement rempli de tous ses droits en sa qualité de salarié de la SAS ETEL

En conséquence, le débouter de toutes ses demandes

Statuant à nouveau

Le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel

Le condamner à payer à la société ETEL la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience des débats, les parties ont soutenu oralement les écritures susvisées auxquelles elles se sont référées et auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour relève que les parties s'accordent sur le fait que les sommes allouées en principal et intérêts par le jugement déféré au titre du rappel de salaire, des congés payés y afférents et du DIF ont été réglées au salarié et qu'il n'y a plus de litige sur ce point.

Sur le harcèlement moral

L'article 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article 1154-1 du code du travail, en cas de litige le salarié doit établir la matérialité de faits précis et concordants de nature à faire présumer un harcèlement moral à charge par l'employeur ensuite de démontrer que ces faits ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et s'expliquent par des éléments objectifs.

A l'appui du harcèlement, le salarié invoque différents faits dont la cour doit vérifier d'une part la matérialité et d'autre part s'ils laissent présumer dans leur ensemble un harcèlement moral.

Au vu des pièces produites aux débats, la cour retient que :

les affirmations relatives aux humiliations répétées et parfois en public visant à le dénigrer et à le rabaisser même en public ne sont corroborées par aucun élément objectif, les trois attestations de M. [R] et [I] et de M.[F] [C] faisant état d'appréciations générales sur le comportement de M. [N] à leur propre égard sans dénoncer de faits précis dont ils auraient été témoins à l'égard de l'appelant ; la déclaration qu'il a lui-même faite et dans des termes vagues dans le cadre d'une main-courante le 3 octobre 2011 laquelle, faute d'être corroborée par aucun élément objectif ne peut faire la preuve de la matérialité des humiliations répétées et des dénigrements allégués.

Il en est de même du retrait de la voiture de service qui n'est pas suffisamment établi.

Les pressions sur le médecin traitant du salarié ne sont pas suffisamment établies démontrées ; l'affirmation du Dr [L] indiquant avoir été contactée par une personne se présentant comme l'employeur de M. [C] en demandant des explications sur un arrêt de travail en cours ne suffit pas à démontrer la réalité de pressions et d'une intervention de l'employeur sur le médecin traitant du salarié, alors que document a été remis au patient lui-même par le médecin et n'est donc pas exempt de partialité et ne constitue pas attestation présentant les garanties formelles de l'article 202 du code de procédure civile.

En revanche, il est avéré que le salarié a été affecté sur un chantier à [Localité 3] situé par la route à 80 km de son domicile, qu'il été convoqué à plusieurs reprises en vue d'une sanction disciplinaire ou de licenciement, que le véhicule était muni d'un système de géolocalisation, que bien que de nationalité française il lui a été demandé demandé les 13 et 22 juillet puis en août 2010 photocopie de son titre de séjour, qu'il n'a pas fait l'objet d'une reclassification après l'obtention du baccalauréat professionnel le 15 juillet 2009, qu'il a été en arrêt de travail à plusieurs reprises et suivi pour troubles dépressifs, tous éléments laissant présumer un harcèlement moral.

Mais l'employeur justifie que ces mesures sont fondées sur des motifs objectifs exclusifs de harcèlement :

- d'une part, sur les affectations sur le chantier de [Localité 3] : au vu du contrat de travail et de ses avenants, il apparaît que les fonctions confiées au salarié devaient s'exercer «'sur les différents chantiers actuels et futurs de l'entreprise (base de départ des déplacements : [Localité 2]).

A supposer cette clause illicite pour imprécision de la zone géographique dans laquelle pouvaient se situer les chantiers d'affectation du salarié, ce fait ne saurait constituer du harcèlement moral dès lors qu'il est avéré que le chantier de [Localité 3] auquel il a été affecté se situe dans la même zone géographique que le siège de la société, base contractuelle de rattachement, en sorte que le salarié ne peut reprocher à son employeur cette affectation, alors au surplus que l'atteinte à sa vie familiale n'est pas suffisamment établie, peu important le divorce des époux prononcé sur le fondement de l'article 223 et 234 du code civil le 7 mars 2016.

Vainement le salarié réclame-t-il le paiement sous forme d'heures supplémentaires à hauteur de 20.664 euros correspondant à 4 heures par jour nécessaires selon lui pour rejoindre le chantier à partir de son domicile fixé à [Localité 4] ( 60) puis à [Localité 5] (59) après avoir été fixé plusieurs années à Paris, soit 80 heures par mois sur la période de 18 mois au taux horaire majoré de 14,35 euros.

En effet, il résulte de l'article L. 3121-4 du code du travail que le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif ; lorsqu'il excède le temps nécessaire à un travailleur pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière; en l'absence d'accord collectif ou d'engagement unilatéral pris conformément à l'article L. 3121-4 du code du travail, il appartient au juge de déterminer cette contrepartie.

Au vu de ces règles applicables, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaires ; faute de soumettre à la cour une quelconque demande de contrepartie financière au sens de l'article L. 3121-4 du code du travail ni même indiquer dans quelle mesure il estime que son temps de trajet jusqu'au chantier excède le temps pour se rendre au siège parisien ([Localité 2]) de l'entreprise, base contractuelle de rattachement , ni enfin sans soumettre aucune pièce permettant de vérifier si au vu des indemnités de trajet versées au salarié et des heures effectivement accomplies sur le chantier, il avait été rempli de ses droits, la cour ne peut que rejeter la demande en paiement de rappel de salaire du salarié.

Enfin le salarié qui demande une indemnité de grand déplacement prévue par la convention collective du bâtiment ne démontre pas qu'il remplit les conditions conventionnelles (pièce 44 de l'employeur) de son attribution, et notamment n'établit pas que l'éloignement du chantier lui interdisait -compte tenu des moyens de transport utilisables- de regagner chaque soir le lieu de résidence déclaré à l'employeur.

- d'autre part, sur des convocations injustifiées à des entretiens préalables à des sanctions disciplinaires

La lecture de la lettre de 28 mai 2010 montre que l'entretien proposé au salarié ne porte pas la mention d'une éventuelle sanction disciplinaire en sorte que le salarié ne peut s'en plaindre.

Par ailleurs les différents échanges entre les parties montrent que le salarié ne répondait pas aux directives de l'employeur qui lui demandait notamment de remplir les feuilles d'heures de pointage qui permettaient à l'employeur de connaître l'amplitude de travail et qu'il s'est à plusieurs reprises absenté des chantiers sans explications ; l'avertissement notifié le 16 août 2010 dont le salarié ne demande pas l'annulation n'est ainsi pas constitutif de harcèlement;

Sur la procédure de licenciement engagée le 3 octobre 2011 en vue d'un éventuel licenciement pour faute grave pour insubordination, refus d'obtempérer, non-respect des ordres de la hiérarchie, il y a été mis fin du fait de l'arrêt maladie reçu le 5 octobre 2011 et rétroactif en prolongation ; l'initiation de cette procédure n'est pas constitutive de harcèlement dès lors qu'au vu des rappels à l'ordre de l'employeur régulièrement envoyés par l'employeur la procédure n'apparaissait pas manifestement infondée et qu'en tout état de cause, il n'y a pas été donné suite.

Enfin la procédure ayant abouti au licenciement pour cause d'inaptitude ne peut être reprochée en elle-même.

En troisième lieu, sur la géolocalisation de son véhicule professionnel, la cour retient au vu de la note d'information à tous les salariés signée par M. [C], que la mise en place d'un système de géolocalisation a été décidée pour « mieux gérer et suivre notre activité, mieux suivre l'entretien de nos véhicules et se garantir plus efficacement face au vol.... et résoudre plus facilement les réclamations ou litiges des clients lorsque ceux-ci contestent nos interventions, nos factures 'et de réagir plus efficacement en cas de demandes urgentes des clients'».

Cette mesure qui vise tous les véhicules de la société et pas seulement celui de M.[C] a fait l'objet d'une déclaration auprès de la CNIL (pièce 46 employeur) et était parfaitement justifiée sans que le salarié appelant ne démontre en quoi ce système aurait porté atteinte à sa vie privée ; il est ainsi débouté de sa demande en paiement de dommages intérêts pour atteinte à sa vie privée.

En quatrième lieu, le salarié ne peut tirer aucun argument du fait qu'il a obtenu le baccalauréat professionnel qu'il a choisi de passer pour reprocher «'une absence de considération de la part de son employeur'»; par ailleurs, si le salarié réclame'en fonction du statut qui aurait dû être le sien après obtention de son diplôme un rappel de salaire sur une période de 21 mois sur la base du salaire qu'il revendique soit 1835 euros au lieu de salaire mensuel perçu de 1714,17 euros, force est de constater que le salarié n'articule pas suffisamment son moyen en n'indiquant pas quelle position de la convention collective il revendique précisément ni a fortiori qu'il remplit les conditions conventionnelles qu'il n'invoque pas pour demander le salaire mensuel sollicité; enfin le rejet s'impose encore au vu (pièce 35) de la classification conventionnelle des ouvriers du bâtiment invoquée par l'employeur laquelle prévoit que les ouvriers titulaires d'un baccalauréat professionnel sont classés en niveau III, position 1 coefficient 210 (pièce 35 de l'employeur non critiquée par le salarié) en sorte que le salarié classé en niveau III, position 1 coefficient 230 était rempli de ses droits.

En cinquième lieu, s'il est avéré que l'employeur a demandé en juillet et août 2010 à son salarié de produire son titre de séjour et que sa demande était infondée dès lors que le contrat de travail mentionne la nationalité française du salarié, cette réclamation faite dans une même période de congés d'été à tous les salariés relève d'une erreur sans qu'il puisse en être déduit une humiliation constitutive d'un agissement de harcèlement moral.

En sixième lieu, sur le non paiement des primes

Le salarié indique ne pas avoir été rempli de ses droits quant au salaire et aux primes dues ; il réclame la somme de 30 euros au titre de la prime d'outillage de février 2010 (page 24 des conclusions) et celle de 41 euros au titre de 5 primes de repas restées impayées en mars 2011 selon les conclusions page 14ou 2010 (page 24).

Au vu des bulletins de paie produits, il apparaît que la prime d'outillage expressément prévue au contrat de travail versée tous les mois ne l'a pas été au mois de février 2010 en sorte que le salarié est fondé à en obtenir le paiement à hauteur de 30 euros, cette somme n'étant pas critiquée par l'employeur; en ce qui concerne les primes de repas prévues au contrat, le bulletin de salaire de mars mentionne leur paiement en sorte que le salarié est débouté de sa demande à ce titre.

En septième lieu, sur l'imputabilité de la dégradation de l'état de santé du salarié, nonobstant les affirmations de «'surmenage au travail, burn out'» figurant sur certains arrêts de travail, la cour relève que le rapport du psychologue que le salarié invoque lui-même mais dont il ne produit qu'un extrait, soit les 3 premières pages ne fait que rapporter les propos du salarié ; le certificat du 26 octobre 2012 s'il évoque que le salarié tient son employeur pour responsable de sa situation familiale indique qu'il présente son épouse également comme «'un diable'», en sorte que sa situation personnelle n'est pas étrangère à sa dépression.

En définitive, la seule erreur dans la demande des titres de séjour et le défaut de paiement d'une prime d'outillage ne suffisent pas à caractériser un harcèlement moral de la part de l'employeur ; la cour déboute le salarié au titre du harcèlement moral et confirme le jugement déféré.

Sur la demande de résiliation judiciaire et sur la demande en nullité du jugement

Contrairement à ce qu'indique l'employeur, il appartient à la cour de statuer sur cette demande et pas seulement sur le licenciement dans la mesure où elle a été formulée antérieurement au licenciement; si elle est reconnue fondée, la résiliation prendra effet à la date de licenciement.

Le salarié invoque le harcèlement moral au soutien de sa demande de résiliation judiciaire et de nullité du licenciement et de paiement de salaires dans la limite de 3ans.

Mais ainsi qu'il a été retenu aucun harcèlement moral ne peut être imputé à l'employeur en sorte que le salarié est débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, de sa demande en nullité du licenciement et de sa demande subséquente en paiement de 3 ans de salaires, la seule erreur dans la demande des titres de séjour et le défaut de paiement d'une prime d'outillage en février 2010 ne caractérisant aucun fait d'une gravité telle qu'elles empêchaient la poursuite du contrat de travail.

Sur la régularité du licenciement

Le salarié invoque l'irrégularité du licenciement pour défaut d'entretien préalable, entretien ne respectant pas le délai légal de 5 jours prévu par l'article L 1232-2 du code du travail et licenciement prononcé malgré la suspension du contrat de travail.

Mais contrairement à ce qu'indique le salarié, la convocation du 16 avril 2012 reçue le 18 avril 2012 pour un entretien fixé au 24 avril 2012 respecte le délai légal; en outre, si le salarié ne s'est pas présenté à cet entretien, ce fait ne peut être reproché à l'employeur dès lors que le salarié lui avait notamment écrit pour lui dire qu'il était inutile de reporter cet entretien ; enfin l'examen de reprise du 28 mars 2012 le déclarant inapte a mis fin à la période de suspension du contrat de travail.

Pour toutes ces raisons, l'irrégularité invoquée du licenciement n'est pas établie et l'appelant est débouté de sa demande d'indemnité de ce chef.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

En application de l'article L.1226-2, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail, consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

La recherche de possibilités de reclassement du salarié doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Le licenciement prononcé en méconnaissance de l'obligation de reclassement est sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur justifie avoir proposé à son salarié par courrier du 4 avril 2012 les postes suivants :

Etel Energie, un poste de monteur électricien à [Localité 6] (89) qui reflète un travail à peu près identique à votre poste occupé à [Localité 2],

Lecomte à [Localité 5] un poste de dépannage dans le domaine de l'électricité, travail à hauteur d'homme, temps de véhicule 2 h et environ 40km par jour

Etel [Localité 2] : un poste de bureau (constitution et conceptions de dossiers, études de prix ') niveau bac pro.

Si le poste offert à ETEL 10ème est non conforme aux restrictions médicales qui interdisait tous postes dans l'entreprise, en revanche il n'en est pas de même pour les deux autres postes : contrairement à ce qu'indique le salarié, le poste offert dans la société ETEL Energie n'est pas contraire aux restrictions médicales au motif qu'il serait un poste au sein de l'entreprise ETEL, pas plus que celui dans la société Lecomte que le salarié assimile de manière infondée à la société ETEL.

En revanche, le salarié qui demandait si avec les postes offerts il conserverait une rémunération identique à celle perçue au sein d'ETEL à Paris et des fonctions semblables au plan de la qualification n'a reçu aucune réponse de son employeur, en sorte que son refus des postes offerts en l'absence de précision n'était pas illégitime et l'employeur ne démontre pas suffisamment que ces offres de reclassement étaient sérieuses; en outre, si dans son courrier l'employeur affirmait n'avoir «'trouvé aucune possibilité de reclassement dans les entreprises du groupe TREMA-DEOUST- MICHON-AP2i-CSM'», il ne démontre pas avoir interrogé les sociétés du groupe dont il admet l'existence et est établi par les pièces produites par le salarié (60 et 61) ; ces éléments ajoutés au fait que seulement 15 jours ont séparé l'avis d'inaptitude et l'engagement de la procédure de licenciement montrent que l'employeur n'a pas recherché sérieusement à reclasser le salarié ni que ce reclassement était impossible.

Par suite, par infirmation du jugement, le licenciement de M. [C] est déclaré privé de cause réelle et sérieuse.

Eu égard à son ancienneté, à son âge, sa situation professionnelle et les grandes difficultés financières dans lesquelles il se trouve (attestation de fin de droit à l'allocation chômage et élection de domicile à Emmaüs), son préjudice sera intégralement réparé par l'allocation par voie d'infirmation du jugement de la somme de 28.000 euros sur la base d'une rémunération mensuelle de 2.284, 17 euros.

Par ailleurs, il ressort de la lettre de licenciement que la société a prononcé le licenciement immédiat à effet de la présentation du courrier privant ainsi le salarié de son indemnité compensatrice de préavis due dès lors que la cour a retenu la violation par l'employeur de son obligation de reclassement : en l'absence de contestation du montant réclamé par le salarié, il lui sera fait droit à sa demande à ce titre, soit la somme de 5.175,26 euros, outre celle de 517, 53 euros à titre de congés payés afférents au préavis.

Par ailleurs, au vu de l'ancienneté du salarié et de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, l'appelant avait droit à une indemnité légale du licenciement dont l'employeur taisant sur cette demande ne justifie pas du paiement; par suite et en l'absence de critique du montant sollicité par le salarié, il est fait droit à sa demande à hauteur de 6.210, 31 euros.

En revanche, le salarié qui ne démontre pas le caractère vexatoire de son licenciement est débouté de sa demande de dommages intérêts à ce titre.

Sur la demande d'indemnité pour méconnaissance de l'obligation de sécurité

Le salarié reproche à l'employeur de ne pas avoir pris de disposition pour prévenir les relations conflictuelles entretenues avec son dirigeant; mais comme il a été indiqué, en l'absence de faits de harcèlement établi imputable à l'employeur, les seules difficultés entre le dirigeant et le salarié sur les conditions d'exécution du contrat de travail par le salarié qui ne respectait pas les affectations sur les chantiers ordonnées par l'employeur et refusait de remplir les feuilles de pointage ne suffisent pas à démontrer que l'employeur aurait méconnu son obligation de sécurité; à cet égard, si le contrôleur du travail a écrit à l'entreprise à la suite de faits dénoncés par le salarié, il est avéré que l'inspection du travail n'a relevé aucune infraction à l'encontre de la société.

Sur la demande d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié qui formule une demande de 5000 euros à ce titre n'articule aucun moyen de fait ou de preuve à l'appui de cette demande dont il doit donc être débouté.

Sur les autres demandes

L'issue du litige conduit la cour à confirmer le jugement en ses disposions relatives aux dépens et frais irrépétibles exposés en première instance; il convient d'y ajouter la condamnation de la société ETEL à payer à M.[C] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, de débouter la société ETEL de sa demande à de ce titre et de la condamner aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement le jugement déféré

Dit que le licenciement de M.[C] est sans cause réelle et sérieuse

Condamne la société ETEL à payer à M.[C] les sommes suivantes :

28.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5.175, 26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

517,52 euros à titre de congés payés sur préavis

6210, 31 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

30 euros à titre de prime d'outillage de février 2010

Y ajoutant

Condamne la société ETEL à payer à M.[C] la somme de 2,000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société ETEL aux dépens d'appel

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 13/04488
Date de la décision : 13/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°13/04488 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-13;13.04488 ?
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