Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 12 JANVIER 2017
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/23472
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 09 Octobre 2015 - RG n° 2013032993
APPELANTS
1) Monsieur [N] [V]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] (Liban)
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1] - LIBAN
Représenté par Me Lionel MAGNE de la SELAS KOEHLER-MAGNE SERRES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2284
2) SOCIÉTÉ IMMOBILIERE DES CIMES Société de droit libanais
Immatriculée au registre du commerce de Beyrouth sous le n° 58731
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1] - LIBAN
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Lionel MAGNE de la SELAS KOEHLER-MAGNE SERRES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2284
INTIMÉS
1) Monsieur [J] [H]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 2] (LIBAN)
de nationalité anglaise
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Thierry SERRA de l'AARPI SERRA ABOUZEID ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280
ayant pour avocat plaidant Me Marie-France BENAÏM, avocat au barreau de PARIS, toque : D698
2) SA CONTINENTAL PROPERTY INVESTMENTS
immatriculée au RCS de PARIS sous le n°414 599 621
demeurant [Adresse 3]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Aurélie KUNTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301 substituée par Me Mana RASSOULI, avocat au barreau de PARIS, toque : R 301
3) SCP [J] [N] [E] prise en la personne de Maître [U] [J], ès-qualités d'Administrateur judiciaire de la société CONTINENTAL PROPERTY INVESTMENTS
ayant son siège social [Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Aurélie KUNTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301
substituée par Me Mana RASSOULI, avocat au barreau de PARIS, toque : R 301
4) SCP BECHERET THIERRY SENECHAL GORRIAS GASNIER (BTSG) prise ne la personne de Maître [D] [F], ès-qualités de Mandataire judiciaire de la société CONTINENTAL PROPERTY INVESTMENTS
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Aurélie KUNTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301
substituée par Me Mana RASSOULI, avocat au barreau de PARIS, toque : R 301
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur François FRANCHI, Président de chambre
Madame Michèle PICARD, Conseillère
Madame Christine ROSSI, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Pauline ROBERT
Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Mme Pauline ROBERT, greffier présent lors du prononcé.
*
A compter de 1999, messieurs [V] et [H] procédaient à des investissements en partenariat par l'intermédiaire de deux sociétés qu'ils détenaient, la Sci des Cimes pour monsieur [V] et la société Continental Property Investments (ci-après CPI) pour monsieur [H]. Ils se sont en particulier intéressés à un portefeuille immobilier dit Adductor constitué de 12 immeubles situés essentiellement dans le sud de la France. Le 16 février 2004, la société Continental Property Investments détenue par monsieur [H] signait une promesse de vente et d'achat avec la société LSF A&T Investments portant sur l'intégralité des titres des sociétés détenant les 14 immeubles.
Les partenaires prenaient divers contacts pour assurer le montage financier de l'opération et signaient un protocole le 6 décembre 2004 pour fixer les droits des parties, soit la création d'une société qui serait détenue à 50/50 par chacune des sociétés et qui devait se substituer à CPI dans la promesse.
Monsieur [H] refusait de donner suite à cette opération et refusait de céder le portefeuille Adductor au tiers acquéreur amené par monsieur [V] privant ainsi la société Cimes de la moitié de la plus value de la revente du portefeuille.
Un protocole était signé le 5 août 2005 par monsieur [H] et monsieur [V] stipulant les modalités de leur séparation, soit un échange d'actions et de comptes courants dans leurs sociétés communes Hold It et Provence Immobilier, échange faisant naître une dette de 200.000 euros à la charge de monsieur [H]. Pour ce qui est du portefeuille Adductor une clause d'indemnisation était stipulée selon laquelle « Afin d'indemniser Cimes, les parties sont convenues de ce qui suit : Si CPI cède un ou plusieurs immeubles du portefeuille Adductor dans un délai de 8 ans (ou si elle cède les parts sociales des sociétés détenant un ou plusieurs immeubles), Monsieur [H] ou CPI verseront à Cimes ou toute personne que Cimes désignera, un tiers du bénéfice réalisé sur le ou les immeubles vendus. Le bénéfice sera calculé exclusivement en considérant le prix de vente diminué du prix d'achat réel. ».
Un nouveau protocole était signé le 10 décembre 2008 fixant les modalités de paiement de la soulte dont le montant était porté à 250.000 euros afin de tenir compte des intérêts échus et capitalisés et rédigé comme suit :
« 2. Cette somme fait l'objet d'un prêt par Monsieur [V] à Monsieur [H], et sera remboursée par Monsieur [H] à Monsieur [V] à raison de dix mille Euros par mois, pendant 25 mois consécutifs, et pour la première fois le 31 décembre 2008.
3. Le prêt portera intérêt au taux de dix pour cent par an. Chaque échéance mensuelle sera augmentée des intérêts courus sur cette échéance. ['] Tout montant non payé à son échéance, en capital ou en intérêts produira intérêts de plein droit, et sans nécessité de mise en demeure, au taux annuel de quinze pour cent.
4. Le non-paiement à leur date, de deux échéances successives entraînera de plein droit et sans nécessité de mise en demeure, l'exigibilité de la totalité du prêt et des intérêts. ».
Le 30 octobre 2012, la société CPI faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire. Maître [J] était désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [F] en qualité de mandataire judiciaire.
Le 3 janvier 2013, la société Immobilière des Cimes déclarait sa créance au passif du redressement judiciaire de CPI pour un montant de 3,5 millions euros à titre chirographaire. Cette déclaration était contestée par Maître [F].
Par ordonnance du 17 mars 2015 le juge commissaire estimant que le litige ne relevait pas de ses pouvoirs juridictionnels invitait la société Cimes à saisir le juge du fond.
C'est ainsi que la société Immobilière des Cimes et monsieur [V] assignaient la société CPI, Maître [F] ès qualités et monsieur [H] devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamnés à payer à monsieur [V].
Par jugement en date du 9 octobre 2015 assorti de l'exécution provisoire le tribunal de commerce de Paris se déclarait compétent, déclarait monsieur [V] et la société Immobilière des Cimes recevables et condamnait monsieur [H] à payer à monsieur [A] la somme de 180.000 euros avec intérêts au taux contractuel, ordonnait la capitalisation des intérêts, déboutait la société Immobilère des Cimes et monsieur [A] de leur demande d'indemnisation de 3.500.000 euros et disait n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur [N] [L] et la société Immobilière des Cimes ont interjeté appel de cette décision le 23 novembre 2015.
***
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2016 monsieur [N] [K] et la Sci des Cimes demandent à la cour d'appel de :
A titre principal :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 9 octobre 2015 sauf en ce qu'il a condamné [J] [H] à payer à [N] [V] la somme de 180.000 euros, majorée des intérêts au taux contractuel de 15 %, à compter du 1er avril 2009 avec capitalisation des intérêts ;
- Juger la société Immobilière des Cimes bien fondée et recevable en sa demande d'indemnisation ;
En conséquence :
- Juger que [J] [H] et la société Continental Property Investments doivent répondre solidairement du paiement de la somme de 3.500.000 euros à la société Immobilière des Cimes ;
- Condamner solidairement [J] [H] et la société Continental Property Investments au paiement de la somme de 3.500.000 euros à la société Immobilière des Cimes étant précisé que s'agissant de la société Continental Property Investments, cette condamnation fera l'objet d'une inscription au passif du redressement judiciaire ;
- Débouter [J] [H], la société Continental Property Investments, la SCP [J] [N] [E] et la SCP Becheret Thierry Sénéchal Gorrias Gasnier de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 9 octobre 2015 sauf en ce qu'il a condamné [J] [H] à payer à [N] [V] la somme de 180.000 euros, majorée des intérêts au taux contractuel de 15 %, à compter du 1er avril 2009, avec capitalisation des intérêts ;
- Juger la société Immobilière des Cimes bien fondée et recevable en sa demande d'indemnisation ;
En conséquence :
- Condamner solidairement [J] [H] et la société Continental Property Investments au paiement à Immobilière des Cimes d'une somme équivalente au tiers de la plus-value latente sur la base d'une valorisation du Portefeuille Adductor arrêtée au 5 août 2013 étant précisé que s'agissant de la société Continental Property Investments, cette condamnation fera l'objet d'une inscription au passif du redressement judiciaire ; et
- Nommer un expert judiciaire afin qu'il :
. détermine la valeur des immeubles composant le Portefeuille Adductor au 5 août 2013, date d'expiration du délai de 8 ans consenti à CPI et [J] [H] pour verser le montant de l'indemnisation ; et
. calcule le montant de la plus-value latente à cette date - dont le tiers sera attribué à Immobilière des Cimes ;
- Débouter [J] [H], la société Continental Property Investments, la SCP [J]-[N]-[E] et la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias-Gasnier de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
A titre infiniment subsidiaire :
- Infirmer le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 9 octobre 2015 sauf en ce qu'il a condamné [J] [H] à payer à [N] [V] la somme de 180.000 euros, majorée des intérêts au taux contractuel de 15 %, à compter du 1er avril 2009 avec capitalisation des intérêts ;
- Infirmer les dispositions du Jugement relatives à la perte de chance ;
- Juger la société Immobilière des Cimes bien fondée et recevable en sa demande d'indemnisation ;
En conséquence :
- Condamner solidairement [J] [H] et la société Continental Property Investments au paiement de la somme de 3 millions d'euros à la société Immobilière des Cimes au titre de la perte de chance de percevoir sa quote-part de la plus-value dans l'opération Adductor étant précisé que s'agissant de la société Continental Property Investments, cette condamnation fera l'objet d'une inscription au passif du redressement judiciaire ;
- Débouter [J] [H], la société Continental Property Investments, la SCP [J]-[N]-[E] et la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias-Gasnier de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
En toute hypothèse :
- Débouter [J] [H], la société Continental Property Investments, la SCP [J] [N] [E] et la SCP Becheret Thierry Sénéchal Gorrias Gasnier de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
- Condamner [J] [H] à régler à [N] [V] et la société Immobilière des
Cimes la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;
- Condamner solidairement [J] [H] et la société Continental Property Investments à verser à [N] [V] et la société Immobilière des Cimes la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, étant précisé que s'agissant de la société Continental Property Investments, cette condamnation fera l'objet d'une inscription au passif du redressement judiciaire, dont distraction au profit de Maître Lionel Koehler-Magne.
***
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2016 la société Continental Property Investments, la Scp [J] [N] [E] et la Scp Becheret Thierry Senechal Gorrias Gasnier demandent à la cour d'appel de :
A titre principal
- Dire irrecevable :
o la demande principale de condamnation à la somme de 3.500.000 euros formée par la société Immobilière des Cimes à l'égard de CPI ;
o la demande à titre subsidiaire de condamnation à une somme équivalente au tiers de la plus-value latente sur la base d'une valorisation du portefeuille Adductor au 5 août 2013 formée par la société Immobilière des Cimes à l'égard de CPI ;
o la demande à titre infiniment subsidiaire de condamnation à la somme de 3.000.000 euros formée par la société Immobilière des Cimes à l'égard de CPI ;
A titre subsidiaire
- Dire forclose la société Immobilière des Cimes :
o en sa demande de fi xation de créance à la somme de 3.500.000 euros au passif de CPI;
o en sa demande de fixation de créance à une somme équivalente au tiers de la plus-value latente sur la base d'une valorisation du portefeuille Adductor au 5 août 2013 au passif de CPI ;
o en sa demande de fixation de créance à la somme de 3.000.000 euros au passif de CPI ;
A titre infiniment subsidiaire
- Dire mal fondée la société Immobilière des Cimes en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En conséquence,
- Débouter la société Immobilière des Cimes de sa demande principale tendant à la condamnation de CPI à la somme de 3.500.000 euros ;
- Débouter la société Immobilière des Cimes de sa demande à titre subsidiaire tendant à la condamnation de CPI à une somme équivalente au tiers de la plus-value latente sur la base d'une valorisation du portefeuille Adductor au 5 août 2013 ;
- Débouter la société Immobilière des Cimes de sa demande tendant à la désignation d'un expert ;
- Débouter la société Immobilière des Cimes de sa demande à titre infiniment subsidiaire tendant à la condamnation de CPI à la somme de 3.000.000euros au titre de sa prétendue perte de chance de percevoir sa quote-part de la plus-value dansl'opération Adductor ;
En tout état de cause
- Débouter la société Immobilière des Cimes de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'égard de CPI;
- Condamner la société Immobilière des Cimes à la somme de 10.000euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société Immobilière des Cimes aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Aurélie Kuntz.
***
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 avril 2016 monsieur [J] [H] demande à la cour d'appel de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Cime et monsieur [V] de leur demande d'indemnisation de 3.500.000 euros, de débouter la société Cimes et monsieur [S] de leurs demandes à son égard à l'exception de la demande de règlement fondée sur le contrat de prêt en date du 10 décembre 2008, et le recevant sur son appel incident, fixer à la somme de 196.356, 44 euros la créance de monsieur [V] au titre du contrat de prêt, condamner la société Cimes et monsieur [V] à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1382 du code civil et les condamner à lui verser la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE
Sur la recevabilité des demandes
La société CPI, la Scp [J] et la Scp BTSG soutiennent que les appelants sont irrecevables à solliciter la condamnation solidaire de CPI et de monsieur [H] au paiement d'une indemnité d'un montant de 3,5 millions d'euros au visa des articles L 622-7 et L. 622-21 du Code de commerce qui dispose que le jugement d'ouverture interdit toute action en justice qui tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent antérieure à l'ouverture de la procédure collective.
La société Cimes et monsieur [V] font valoir qu'en vertu de l'article L 622-21 I du code de commerce seules les actions tendant au paiement d'une somme d'argent (à l'exception des actions en paiement des créances postérieures privilégiées au sens de l'article L. 622-17 du Code de commerce) ou celles qui tendent à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent sont visées par le principe d'arrêt des poursuites. Les autres actions peuvent être valablement introduites contre le débiteur. En l'espèce les appelants demandent à la cour d'appel de juger que les intimés doivent répondre in solidum du paiement d'une indemnité d'un montant de 3,5 millions d'euros. Leur demande est donc, selon eux, recevable.
La cour relève avec les premiers juges que les appelants sollicitent la condamnation de monsieur [H] et de la société CPI au paiement de la somme de 3.500.000 euros étant précisé que pour la société CPI la condamnation fera l'objet d'une inscription au passif du redressement judiciaire. Il s'agit donc bien en l'espèce d'une demande en paiement d'une somme d'argent entrant dans les dispositions de l'article L 622- 21 du code de commerce.
Monsieur [H] n'est pas en redressement judiciaire et la demande à son égard ne peut être rejetée sur ce fondement. Pour ce qui est de la société CPI la cour relève que la société Immobilière des Cimes a déclaré sa créance auprès du juge commissaire le 3 janvier 2013. Par ordonnance du 17 mars 2015 le juge commissaire au redressement judiciaire de la société CPI a constaté que la créance ne relevait pas de son pouvoir juridictionnel et a invité la société Cimes à saisir le juge compétent.
La société Cimes avait déjà saisi le juge compétent par actes introductif d'instance signifiés en mai et juin 2013, soit postérieurement à l'ouverture de la procédure collective mais avant que le juge commissaire ne se prononce.
La cour rappelle que le principe de l'arrêt des poursuites individuelles résultant de l'article L 622-21 du code de commerce est d'ordre public.
En l'espèce monsieur [V] et la société Cimes ont certes déclaré leur créance et mis dans la cause les mandataires de justice. Il n'en demeure pas moins que leur créance est antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective et qu'ils ont introduit leur action après ce jugement d'ouverture mais avant la vérification des créances.
Leur action est donc irrecevable à l'égard de la société CPI.
Sur la soulte
Monsieur [H] fait valoir qu'il a reconnu devoir à monsieur [V] la somme de 200.000 euros. Il dit avoir remboursé 7 échéances soit la somme de 70.000 euros. Il conteste le taux d'intérêt de 15% et demande à ce que les intérêts perçus au delà du montant autorisé s'imputent sur le montant dû en principal en vertu de l'article L313-4 du code de la consommation.
Les appelants font valoir que la soulte leur est due en vertu du protocole de 2008 lequel fixe les intérêts au taux de 10% l'an et que le défaut de paiement d'une échéance entraîne l'application d'un taux d'intérêt de 15%, soit un intérêt moratoire de 5%. Ce taux n'est pas excessif et s'analyse en une clause pénale non soumise à l'usure.
La cour constate en premier lieu que le principe de la soulte n'est pas contesté mais uniquement son montant et plus précisément son taux d'intérêt.
Il ressort du paragraphe 3 du protocole du 10 décembre 2008 que le taux d'intérêt est de 10% et que 'Tout montant non payé à son échéance, en capital ou en intérêts produira intérêt de plein droit et sans nécessité de mise en demeure au taux annuel de quinze pour cent.'
Aux termes de l'article L 313-3 du code de la consommation en vigueur au moment de la conclusion du protocole les prêts accordés par une personne physique dans le cadre de ses besoins professionnels ne sont pas soumis aux dispositions de l'article L 313-4 du me^me code et L 313-5-2 du code monétaire et financier.
Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.
Sur l'indemnisation relative au portefeuille Adductor
Monsieur [S] et la société Cimes font valoir que monsieur [H] et la société CPI leur doivent la moitié de la plus value de la revente du portefeuille Adductor. Il exposent que contrairement à ce que le tribunal a retenu le protocole de 2005 n'a pas remplacé le protocole de 2004 puisqu'il n'a pas été conclu entre les mêmes parties. Il n'est donc pas caduc. De plus le protocole de 2005 n'est pas opposable à la société Cimes qui n'y est pas partie. Sur le protocole de 2005 ils font valoir que la clause d'indemnisation est nulle en vertu de l'article 1174 du code civil en ce qu'elle stipule une obligation conditionnelle purement potestative, la revente du portefeuille dans un délai de huit ans, condition soumise à la discrétion de monsieur [H].
Ils ajoutent que le tribunal aurait du rechercher l'intention des parties qui était d'acquérir pour le revendre le portefeuille Adductor et partager par moitié la plus value lors de la revente. Cette intention ressort des relations qu'avaient les parties avant cette opération, des protocoles de 2004 et 2005 et des diligences accomplies.
Subsidiairement ils demandent à la cour de condamner solidairement CPI et [J] [H] au paiement d'une indemnité égale à un tiers de la plus-value latente selon la valeur du portefeuille Adductor au 5 août 2013, soit à l'expiration du délai de huit ans mentionné par le Protocole de 2005 et la nomination d'un expert afin de déterminer la valeur des immeubles composant le portefeuille Adductor.
Très subsidiairement ils invoquent la perte d'une chance..
La société CPI, la Scp [J] et la Scp BTSG ainsi que monsieur [H] font valoir que le protocole du 6 décembre 2004 par lequel les parties avaient décidé de partager le prix de la cession de la promesse d'achat du portefeuille Adductor devait être exécuté dans un délai expirant le 5 février 2005 et qu'aucune exécution n'a eu lieu, le courrier de Stam Europe étant insuffisant, l'offre n'ayant jamais été confirmée. L'offre de UFG est quant à elle postérieure au 5 février 2005 de sorte que le protocole est devenu caduc.
Ils ajoutent que le protocole de 2005 n'engage pas CPI et la société des Cimes et qu'aucune indemnisation ne peut donc être sollicitée à ce titre.
Ils estiment que l'indemnisation au titre d'une perte de chance n'est pas fondée.
La cour rappelle qu'elle a déclaré l'action en paiement de cette somme dirigée contre la société CPI irrecevable. En revanche elle est recevable pour ce qui concerne monsieur [H].
La cour note que le protocole du 6 décembre 2004 a été conclu entre les sociétés Cimes et CPI et que le protocole du 5 août 2005 a été conclu entre messieurs [H] et [V]. La lecture et l'économie de ces deux protocoles montre cependant que l'identité des signataires est indifférente puisque ce sont les mêmes parties qui s'engagent. Ces accords forment un tout dont il est impossible de séparer les sociétés de leurs dirigeants.
Il convient donc de les examiner ensemble
Le protocole de 2004 fixe les droits des parties dans le portefeuille Adductor. Il précise que les parties avaient convenu depuis le début de se porter ensemble acquéreurs du portefeuille Adductor et de céder à un tiers leur droit d'acquérir. Le protocole définit ensuite la répartition du prix de cession . Une mention manuscrite stipule que la décision d'acquérir (par l'acheteur) devra avoir été prise et notifiée avant le 5 février 2005 à peine de caducité de l'accord.
Le protocole du 5 août 2005 signé par messieurs [V] et [H]. dispose qu'afin d'indemniser monsieur [V] du portefeuille Adductor que monsieur [H] souhaite conserver seul les parties ont convenu : 'Si CPI cède un ou plusieurs immeubles du portefeuille Adductor dans un délai de 8 ans (ou si elle cède les parts sociales des sociétés détenant un ou plusieurs immeubles) Monsieur [H] ou CPI verseront à Cimes ou toute personne que Cime désignera, un tiers du bénéfice réalisé sur le ou les immeubles vendus. Le bénéfice sera calculé exclusivement en considérant le prix de vente diminué du prix d'achat réel.'
Les termes de ces protocoles sont clairs et la cour considère avec les premiers juges que le second protocole s'est substitué au premier. Il est en effet indiqué dans le second protocole que la société Cimes avait présenté la société UFG comme acquéreur des titres mais que monsieur [H] souhaitait conserver le portefeuille, ce qui sous entend que ce dernier a refusé l'offre de UFG dans le seul but de conserver le portefeuille.
Il en résulte qu'il appartenait désormais à CPI de céder les immeubles ou les titres et à CPI ou monsieur [H] d'indemniser la société Cimes.
La clause litigieuse du protocole de 2005, qui a été rédigée par monsieur [V], fait dépendre l'indemnisation de Cimes de la vente par CPI des immeubles ou parts sociales d'Adductor dans un délai de 8 an, la cession étant laissée à la seule appréciation de CPI en dehors de toute autre précision.
Cette clause qui est potestative puisque la vente et donc l'indemnisation dépendent de la seule volonté de CPI sera annulée.
La cour considère que la décision de monsieur [H] de conserver le portefeuille Adductor a causé un préjudice à monsieur [V] et à la société Cimes dont le principe était acquis puisqu'une clause d'indemnisation, certes nulle, avait été convenue entre les parties dans le protocole de 2005.
Il est a noter que si le portefeuille avait été vendu les appelants auraient alors reçu un pourcentage des bénéfices réalisés calculé sur le prix de vente diminué du prix d'achat réel.
Les biens n'ayant pas été vendus la cour retiendra un préjudice de perte de chance qui sera évalué sur la base du prix offert par la société UFG en 2005, soit 71 millions d'euros qu'il convient de rapprocher du prix d'acquisition, soit 64 millions d'euros.
Il ressort cependant de l'offre faite par UFG que le prix offert dépendait d'un audit qui devait être réalisé, UFG ayant déclaré dans son offre ne pas avoir visité les immeubles ni examiné les documents autres que leur situation locative.
En considération de ces éléments la cour fixera le préjudice de perte de chance subi par la société Cimes à la somme de 1.500.000 euros qui sera mise à la charge de monsieur [H].
Le jugement sera donc réformé sur ce point.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Il convient de condamner la société Immobilière des Cimes à payer à la Scp [J] et [N], ès qualités et la Scp BTSG, ès qualités, la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il convient également de condamner monsieur [H] à payer à la société Immobilières des Cimes et à monsieur [V] la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 9 octobre 2015 sauf en ce qu'i a condamné monsieur [J] [H] à payer à monsieur [N] [V] la somme de 180.000 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 15% à compter du 1er avril 2009 avec capitalisation des intérêts,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable l'action intentée à l'encontre de la société Continental Property Investments en redressement judiciaire et de la Scp [J] [N] Manière, ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société et de la Scp BTSG, ès qualités de mandataire judiciaire de cette société,
Annule la clause figurant dans le dernier paragraphe du protocole signé entre monsieur [V] et monsieur [H] le 5 août 2005,
Condamne monsieur [J] [H] à payer la somme de 1.500.000 euros à la société Immobilière des Cimes,
Condamne monsieur [J] [H] à payer à la société Immobilière des Cimes la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne monsieur [V] et la société Immobilière des Cimes à payer la somme de 7.000 euros à la Scp [J] [N] Manière, ès qualité d'administrateur judiciaire de cette société et de la Scp BTSG, ès qualités de mandataire judiciaire de cette société,
Condamne in solidum monsieur [J] [H], la société Immobilière des cimes et monsieur [N] [V] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Pauline ROBERT François FRANCHI