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11/01/2017 | FRANCE | N°14/19954

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 11 janvier 2017, 14/19954


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5



ARRÊT DU 11 JANVIER 2017



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/19954



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 14/00437





APPELANTE



SAS VELO agissant en la personne de ses représentants légaux

RCS de PARIS sous le n° 581 750 809
>[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 581 750 809



Représentée par : Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

Assistée par : Me Charles BRAULT, avocat au barr...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRÊT DU 11 JANVIER 2017

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/19954

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 14/00437

APPELANTE

SAS VELO agissant en la personne de ses représentants légaux

RCS de PARIS sous le n° 581 750 809

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 581 750 809

Représentée par : Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

Assistée par : Me Charles BRAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : J82

INTIMEE

SELARL EMJ prise en la personne de Maître [X] en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS DUTHEIL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par : Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente de chambre et Madame Maryse LESAULT, Conseillère chargée du rapport .

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente de chambre

Madame Maryse LESAULT, Conseillère

Madame Valérie GERARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Rapport ayant été fait oralement par Madame Maryse LESAULT, Conseillère conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, présidente et par Madame Vidjaya DIVITY, greffier présent lors du prononcé auquel a été remis la minute par le magistrat signataire .

EXPOSÉ DU LITIGE ET DES DEMANDES

La société VELO venue aux droit de la société FINANCIERE ACANTHE, propriétaire d'un terrain situé [Adresse 3] a projeté d'y faire construire un immeuble en R + 7 sur 2 niveaux de sous-sols, pour un montant de 2.607.000 € HT soit 3.117.972 € TTC, en vue de sa commercialisation.

Les intervenants ont été' :

- le Cabinet R+ Architectures (Monsieur [O]) en qualité de maître d''uvre,

- la Société DUTHEIL en charge des travaux d'édification, sur ce terrain, sur la base de son devis n° 06060119 établi le 9 février 2007, qui a eu recours à divers sous-traitants.

Selon le marché de travaux (non daté) le délai de livraison a été fixé (article 7) à 16 mois soit une livraison attendue expressément pour le 31 octobre 2008, étant cependant mentionné que ce délai devait se calculer à partir de l'ordre de service lequel paraît avoir été délivré le 20 mars 2007.

L'avancement du chantier a subi du retard dont les parties s'imputent mutuellement la responsabilité.

Le 19 janvier 2009 DUTHEIL a adressé à VELO une mise en demeure d'avoir à lui payer le somme de 927' 742,19€ TTC pour paiement des travaux et a obtenu l'inscription de plusieurs hypothèques judiciaires. Les assignations en vue d'obtenir la condamnation de VELO au paiement des sommes réclamées ont été suivies d'une tentative de rapprochement du tribunal de commerce qui n'a pas abouti car DUTHEIL a refusé de reprendre les travaux en l'absence de délivrance par le maître d'ouvrage de la garantie de paiement prévue par l'article 1799-1 du code civil.

Pour sa part VELO a notifié à l'entreprise une résiliation du marché en invoquant un abandon de chantier, après avoir fait établir un procès-verbal de constat des lieux.

Le chantier a été poursuivi notamment par la continuation des prestations par des sous-traitants et par l'entreprise SCORE. L'immeuble a été livré le 17 décembre 2009.

Par ordonnance du 18 février 2010 le juge de l'exécution a constaté la caducité de l'hypothèque judiciaire des 17 avril et 22 mai 2009 et a cantonné l'hypothèque judiciaire provisoire déposée le 30 janvier 2009 et le 9 février 2009 à la somme de 392.976,04€.

DUTHEIL estimant la résiliation abusive mais ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, selon jugement du tribunal le commerce de Paris du 27/11/2011, l'entreprise a assigné VELO par l'intermédiaire de son mandataire liquidateur, Me [X] (ci-après DUTHEIL désignant l'entreprise ainsi représentée).

De son côté VELO a assigné Me [X] en cette qualité en invoquant sa propre créance alléguée et sa fixation au passif de la liquidation.

Par acte du 8 septembre 2011, la société VELO a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la société DUTHEIL pour un montant de 2.157.195,93 €.

Le tribunal de commerce par jugement du 12 septembre 2014 a :

« - Joint les deux affaires RG 009014718 et RG 2013032065,

- Dit que le marché entre la SAS VELO et la SAS DUTHEIL a été résilié aux torts de la SAS VELO à la date du 31 mars 2009 à 0h00,

- Condamné la SAS VELO à payer à la SELARL EMJ, prise en la personne de Me [V] [X], ès qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la SAS DUTHEIL, la somme de 630.781,26 € au titre du solde de son marché, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2009,

- Débouté la SELARL EMJ, prise en la personne de Me [X], ès qualité de mandataire judiciaire de la SAS DUTHEIL, de ses autres demandes,

- Ordonné à la SAS VELO la libération de la caution bancaire au titre de la retenue de garantie sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du dixième jour suivant la signification du présent jugement et ce pour une durée de trois mois au terme duquel il sera à nouveau fait droit,

- Dit que la liquidation de l'astreinte sera de la compétence du juge de l'exécution,

- Condamné la SAS VELO à payer à la SELAR EMJ, prise en la personne de Me [X], ès qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la SAS DUTHEIL, le surcoût financier du maintien de cette ligne de crédit à compter de la date de résiliation du marché,

- Ordonné la déconsignation de la somme de 392.876,04 €, consignée entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris, au profit de la SAS VELO,

- Débouté la SAS VELO de toutes ses demandes de dommages et intérêts,

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à charge pour la SELARL EMJ, prise en la personne de Me [X], de fournir une caution bancaire couvrant, en cas d'exigibilité de leur remboursement éventuel, toutes les sommes versées en exécution du présent jugement outre les intérêts pouvant avoir couru sur ces sommes,

- Condamné la SAS VELO à payer à la SELARL EMJ, prise en la personne de Me [X], la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS VELO aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44€ dont 13,52 € de TVA »,

VELO a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions du 28 avril 2016 la société VELO demande à la Cour au visa des articles 1134, 1147, 1184 et 1799-1 du code civil et 564 du code de procédure civile de' :

- la déclarer recevable et fondée en son appel,

- déclarer la SELARL EMJ, prise en la personne de Maître [X], pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de DUTHEIL, mal fondée en son appel incident, l'en débouter,

- infirmer le jugement entrepris, en toutes ses dispositions, à l'exception de la déconsignation de la somme de 392.876,04 € entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des Avocats de Paris au profit de la SAS VELO, et de la jonction des affaires, en première instance ordonnées par le Tribunal,

Statuant à nouveau sur la créance de la Société DUTHEIL au titre des situations restant dues par la Société VELO :

- juger que le montant des situations présentées par DUTHEIL et acceptées par la maîtrise d'oeuvre, s'élève à la somme de 1.035.297,20 € TTC,

- juger que du montant de ces situations, doit être déduit :

.l'acompte de 71.760 € TTC,

. 404.515,96 € TTC au titre du paiement direct des sous traitants,

.155.898, 60 € TTC au titre des pénalités contractuelles de retard, elles-mêmes assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 Janvier 2009,

Soit un solde de 403.122,64 € TTC avant déduction des intérêts légaux sur les pénalités de retard,

Statuant à nouveau sur la résiliation du marché de travaux aux torts de la Société

DUTHEIL :

- constater les manquements contractuels de DUTHEIL au titre de l'exécution du contrat de marché, résultant du défaut d'alignement de la façade de l'immeuble en construction constaté le 17 avril 2008, des retards constatés qui lui sont imputables et de l'absence de communication d'un nouveau planning,

En conséquence :

- juger que la résiliation du marché de travaux intervient aux torts exclusifs de la Société DUTHEIL,

Statuant à nouveau sur la réparation des préjudices subis par la Société VELO du fait des manquements de la Société DUTHEIL :

- juger que le préjudice subi par la société VELO au titre du surcoût de reprise de chantier s'élève à la somme de 558.233,60 € TTC (dont prorogation assurance sans TVA),

- juger que le préjudice subi par la Société VELO au titre de la perte qu'elle a subie à raison du retard de livraison liée à la baisse de l'immobilier, s'élève à la somme de 1.407.932 €,

En conséquence :

- fixer et admettre la créance de VELO au passif de DUTHEIL représentée par Maître [X] à :

.558.233, 60 € TTC (dont prorogation d'assurance sans TVA) au titre du surcoût de la reprise du chantier,

. 227.215 € représentant les intérêts légaux pendant un an sur la somme de 5.995.138,54 € représentant le coût de l'immobilisation de l'investissement de VELO pendant une durée d'une année supplémentaire,

. 1.407.932 € au titre de la perte qu'elle a subie à raison du retard de livraison liée à la baisse de l'immobilier,

. 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la compensation des sommes respectivement dues par chacune des parties à due concurrence,

- juger irrecevable et/ou mal fondée la société SELARL EMJ en la personne de Maître [X], ès qualité en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter,

En tout état de cause :

- condamner la société SELARL EMJ en la personne de Maître [X], ès qualité de mandataire liquidateur de DUTHEIL au paiement d'une indemnité de 20.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Par conclusions du 23 mai 2016 la SELARL EMJ en la personne de Maître [X], ès qualité de liquidateur de la Société DUTHEIL demande à la Cour en visant le marché signé entre VELO et DUTHEIL et notamment son article 15, ainsi que les articles 1134, 1147 et 1799-1 du code civil et la mise en demeure adressée par DUTHEIL à VELO du 16 mars 2009,

confirmant la décision de':

- juger la résiliation du marché imputable aux torts exclusifs de la société VELO,

- juger que l'ensemble des demandes à la société VELO à l'encontre de la société DUTHEIL sont aussi irrecevables que mal fondées,

- condamner la société VELO, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir, à libérer la retenue de garantie et la condamner à payer à la SELARL EMJ représentée par Maître [X] le surcoût financier du maintien de cette ligne de crédit à compter de la date de résiliation du marché.

Y ajoutant

- juger qu'avant d'être résilié le marché conclu entre DUTHEIL et VELO était suspendu depuis le 31 mars 00h00.

Réformant la décision de':

- condamner la société VELO à lui payer la somme de 787.600,26 € au titre du solde de son marché, outre la somme de 201.198 € au titre des intérêts de retard le tout portant intérêt au taux légal à compter de la première mise en demeure adressée par la société DUTHEIL à la Société VELO,

- condamner la société VELO à lui payer la somme de 37.509,90 € au titre des frais du compte prorata,

En conséquence,

- confirmer en tant que de besoin la libération de la somme de 392.876,04 € consignée entre les mains du Bâtonnier de Paris au bénéfice de la SELARL EMJ représentée par Maitre [X],

- dire n'y avoir lieu à compensation,

- condamner la société VELO à lui payer la somme de 15.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux écritures pour plus ample exposé des faits, moyens et demandes.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 novembre 2016.

SUR CE LA COUR

1-Sur la résiliation du marché de travaux intervenu entre VELO et DUTHEIL

Le jugement entrepris a dit que la résiliation était intervenue aux torts de la société VELO qui ne réglait pas les situations à temps, et que DUTHEIL a pu opposer une exception de non ' exécution.

DUTHEIL par son mandataire liquidateur demande la confirmation de ce jugement. Elle fait valoir que l'entreprise qui ne demande pas la délivrance de la garantie de paiement prévue par l'article 1799-1 du code civil alinéa 3 doit exécuter son chantier ou engager la procédure prévue en cas de non production de la garantie. Elle prétend que DTHEIL a accepté un chantier au-dessus de ses capacités et ajoute qu'en l'espèce elle a engagé cette procédure à contretemps.

VELO soutient que c'est le retard d'avancement du chantier dû à DUTHEIL qui fonde la résiliation aux torts de celle-ci. VELO fait également valoir le défaut d'alignement de l'immeuble qu'il a fallu corriger.

Il résulte des dispositions des articles 1134 et suivants du code civil que les conventions légalement formées ont force de loi entre les parties et doivent s'exécuter de bonne foi.

S'agissant d'un marché de travaux, l'obligation de paiement des différentes situations correspondant à l'avancement des travaux telles que présentées et validées par le maître d''uvre est la première des obligations de tout maître d'ouvrage. DUTHEIL produit les nombreuses relances adressées au maître d'ouvrage, et signalant le refus des entreprises sous-traitantes de poursuivre le chantier du fait du non- paiement entre janvier et février 2009 (en ce sens notamment les pièces 3 à 8, 33) cette dernière pièce rappelant que les délais ne pourront être tenus que par le respect des paiements immédiats des sommes dues par le maître de l'ouvrage pour l'ensemble des entreprises).

En l'espèce, par des motifs pertinents que la Cour fait siens, les premiers juges ont rappelé cette obligation reprise par l'article 5 du marché, ainsi que le retard de la société VELO qui,

- à compter d'avril 2009 a réglé en retard ces situations, pourtant validées par le maître d''uvre, avec un délai moyen de règlement de 39 jours alors que celui contractuel était fixé à 30 jours,

- à compter d'août 2008 a cessé tout paiement.

Contrairement à ce que soutient la société VELO l'obligation de délivrer à l'entreprise une garantie de paiement est une disposition d'ordre public auxquelles les parties ne peuvent pas déroger et le maître d'ouvrage est débiteur de cette obligation dès la signature du marché.

Cette garantie peut être sollicitée à tout moment même en cours d'exécution du marché et la possibilité d'une compensation future avec une créance alléguée par le maître d'ouvrage ne dispense en aucun cas celui-ci de l'obligation de fournir la garantie de paiement du solde dû sur le marché.

En l'espèce la société VELO, au mépris de ses obligations, a non seulement suspendu le paiement des travaux déjà exécutés, mais a au surplus manqué à son obligation de délivrance de la garantie prévue par la loi.

L'argument selon lequel DUTHEIL a commis une erreur dans l'implantation de la façade sur rue, ce qui a été certes générateur de retard mais cependant corrigé par l'entreprise, ne dispensait pas le maître d'ouvrage de ses obligations ci-rappelées, étant rappelé que les situations présentées étaient, sauf celle discutée n°20, validées par le maître d'oeuvre

C'est en conséquence par une appréciation exacte que le jugement entrepris a dit que la résiliation du marché était intervenue aux torts de cette société, le jugement étant confirmé de ce chef.

2-Sur les créances respectives des parties

A-Créance de l'entreprise

1- Le solde du marché

Le jugement a fixé le solde restant dû par le maître d'ouvrage à 630'781,26€, déduction faite des acomptes versés, de ce que le maître d'ouvrage avait directement versé aux sous-traitants.

Ce solde tient compte':

- du rejet de la situation n°20 d'un montant de 107.554,94€ qui n'a pas été visée par le maître d''uvre lequel a indiqué dans son compte rendu de chantier «' dans le cadre de notre contrôle des situations de travaux, nous ne pouvons pas viser votre dernière situation à fin janvier. En effet, certains points ne correspondent pas à la réalité des travaux constatés par nous lors de la visite de chantier du 12 février' »

' - du rejet des pénalités de retard réclamées par le maître d'ouvrage au motif qu'il n'est pas établi que les retards soient imputables uniquement à DUTHEIL, dont le refus de payer les situations contractuellement dues a mis l'entreprise dans une situation difficile ne lui permettant pas de régler ses sous-traitants ce qui a entraîné l'arrêt du chantier.

Le jugement a écarté les intérêts réclamés par le mandataire de DUTHEIL et condamné la société VELO aux intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2009.

DUTHEIL demande d'infirmer ce jugement et de condamner la société VELO à lui payer la somme de 787.600,26 € au titre du solde de son marché, outre la somme de 201.198 € au titre des intérêts de retard le tout portant intérêt au taux légal à compter de la première mise en demeure adressée à la Société VELO.

DUTHEIL conteste la demande nouvelle formée pour la première fois devant la cour et selon elle irrecevable à ce titre, portant sur l'avance de 71'760€ reçue en mai 2007 et tendant à ce que ce montant soit considéré comme un amortissement sur les deux dernières situations. DUTHEIL fait en outre valoir que par suite de la résiliation du marché un tel amortissement est en toute hypothèse devenu impossible.

VELO demande de confirmer le rejet de la dernière situation et ajoute que le maître d''uvre avait en outre relevé que certains travaux, valorisés sur la situation d'octobre 2008 avaient dû, du fait de malfaçons, être démolis. Concernant les travaux non réalisés VELO vise le constat d'huissier de justice qu'elle a fait établir.

La Cour retiendra que le solde du marché doit intégrer les postes suivants, parmi ceux contestés :

- sur la situation n°20 de janvier 2009 établie par DUTHEIL pour un montant de 16407,38€,

Le maître d''uvre en a refusé la validation «'à fin février » par note du 13 février 2009 portant comme motif le fait que certains points ne correspondent pas à la réalité des travaux constatés lors de la visite de chantier du 12 février 2009. Ce refus (cf pièce 42) est accompagné d'une demande de présentation d'une nouvelle situation correspondant à la réalité des travaux effectués.

DUTEIL ne produit pas de document circonstancié de sa part répondant à cette critique, ni nouvelle proposition de décompte de sorte que la Cour n'est pas en mesure de statuer sur ce point de divergence, le jugement étant confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

- sur les intérêts de retard réclamés par DUTHEIL,

Le marché a prévu en son article 15 que le maître d'ouvrage se libérera des sommes dues à l'entreprise par chèque bancaire à 30 jours au bénéfice de l'entreprise. Le tableau des dépassements de délai de paiement par VELO produit par DUTEIL n'est pas contesté quant au décompte des jours de retard.

Sur le calcul de ces intérêts ils seront admis, en l'absence de disposition différente dans le marché, à compter de la mise en demeure, par confirmation du jugement.

Le mandataire de l'entreprise n'explicite pas les différents taux mentionnés sur ce tableau de sorte que ce taux doit être ramené au taux légal en vigueur à la date d'échéance des 30 jours ayant suivi chaque situation payée avec retard ou demeurée impayée, le jugement étant confirmé sur ce point.

- sur les pénalités de retard,

Ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges il n'est pas établi par VELO que le retard allégué ait été le seul fait de l'entreprise DUTHEIL, puisque celle-ci avait part des difficultés à poursuivre le chantier en l'absence de paiement, alors au surplus que la résiliation décidée par VELO, résiliation en définitive à ses torts, n'a en tout état de cause pas permis d'apprécier les prétentions de VELO à ce titre.

- sur le sort de l'acompte de début de travaux

Le marché a prévu un acompte de 60'000€ HT. Il précise (article 15 dernier alinéa) que « cet acompte sera remboursé sur les deux dernières situations'».

Les parties s'opposent sur le sort de cette somme.

Il sera de première part relevé qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle qui serait irrecevable comme nouvelle devant la Cour d'appel, au sens de l'article 564 du code de procédure civile. Il s'agit en effet non d'une demande mais d'un moyen développé en défense à la demande en paiement formée par DUTHEIL.

L'avance ne constitue pas un paiement définitif. Elle s'impute sur les sommes dues au titulaire du marché sur les modalités fixées par le marché.

Cependant force est de constater que par suite de la résiliation anticipée du marché, aux torts du maître d'ouvrage, l'imputation de cette somme ne peut plus intervenir dans les termes contractuellement prévus.

Il convient dès lors de se référer aux pratiques habituelles en matière de marchés de travaux. A cet égard et en référence notamment aux marchés publics, il sera retenu que le remboursement effectué par précompte sur les sommes dues ultérieurement au titulaire, commence en principe lorsque le montant des prestations exécutées au titre du marché atteint ou dépasse 65% du marché et le remboursement complet de l'avance doit, en tout état de cause, être terminé lorsque le montant des prestations exécutées par le titulaire atteint 80% du montant TTC des prestations confiées au titre du marché.

A cet égard la Cour retiendra, en se fondant sur le récapitulatif d'avancement par lot établi par DUTEIL concomitamment à l'établissement de la situation n°18 de fin novembre 2008 (pièce 22), donc antérieurement à la situation contestée n°20 de janvier 2009, que fin novembre 2008 le marché de travaux était exécuté et validé par le maître d''uvre à 89,42%.

En conséquence il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de déduction de l'avance formée par la société VELO, l'amortissement étant réputé acquis à tout le moins fin novembre 2008.

2- Le compte pro rata

Le tribunal de commerce a rejeté cette demande faute de justificatifs.

DUTHEIL demande d'infirmer et de condamner VELO à lui payer à ce titre la somme de 37.509,90 € correspondant à l'ensemble des dépenses qu'elle a supportées au titre du compte prorata ( frais de bennes, de gardiennage, d'électricité, de téléphone, de cantonnement, d'armoire, de tableau général, d'internet et sanitaire et de frais hypothécaire) pour un montant de 37' 509,90€. Toutefois elle ne produit pas davantage de justificatifs qu'en première instance, ni compte lui-même ni factures acquittées. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

3- La demande de libération de la caution bancaire constituée par l'entreprise

Par motifs pertinents que la Cour fait siens les premiers juges ont fait droit à la demande de libération de la caution bancaire dès lors que la retenue n'ayant plus de raison d'être par suite de la résiliation du marché.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande, étant observé qu'elle n'est pas chiffrée et que le surcoût de frais à ce titre devra être acquitté par VELO envers Me [X] en qualité de mandataire liquidateur, sur production de justificatif bancaire du surplus de frais supportés.

4- La demande de libération de la somme consignée auprès du Bâtonnier de Paris au profit de l'entreprise (392'876,04€)

Chaque partie demande la déconsignation à son profit.

Le tribunal de commerce a ordonné la déconsignation au profit de VELO au motif que sinon DUTHEIL serait payé deux fois de la même somme.

Cependant, alors que le maître d'ouvrage est largement débiteur envers DUTHEIL, il convient au contraire de dire que cette somme sera libérée au profit de l'entreprise venant ainsi en déduction de la créance de paiement du solde du chantier, et de dire que la condamnation à l'encontre de la société VELO au titre du solde du marché interviendra en tant que de besoin en deniers ou quittances, compte tenu de la déconsignation ici ordonnée. Le jugement sera infirmé en ce sens.

B-Créance du maître d'ouvrage

La société VELO invoque des préjudices tenant au surcoût financier de l'opération, les intérêts légaux pendant un an sur la somme de 5.995.138,54€ au titre du coût de l'immobilisation de l'investissement pendant une année supplémentaire, et aux pertes causées lors de la commercialisation par la baisse du marché financier.

1- Le surcoût financier de l'opération par suite de la reprise de chantier par l'entreprise SCORE et les sous-traitants qui ont poursuivi l'opération (549' 293,72 €).

Par une appréciation pertinente que la Cour fait sienne le tribunal a rejeté cette demande en jugeant que la résiliation était intervenue aux torts de VELO.

Il appartient en effet au maître d'ouvrage de supporter seul les conséquences de ses retards puis cessation de paiement et de la résiliation subséquente à ses torts du marché.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2- Le coût généré par une durée d'investissement d'une année supplémentaire

Comme il a été dit la société VELO aux torts de laquelle a été prononcée la résiliation du marché de travaux n'est pas fondée en cette demande, ayant contribué largement au dépassement de la durée de son investissement.

3- La perte liée à la baisse du marché immobilier 1.407.932 € selon étude de mandée à AD VALOREM

Le tribunal a rejeté cette demande en indiquant qu'il n'était pas établi que le retard de la vente ait été défavorable à VELO et qu'à la date de la livraison initialement prévue, à savoir en octobre 2008, le marché était en effet au plus bas tel que cela ressort des graphiques élaborés par le Ministère de l'Equipement, la reprise s'étant effectuée puis poursuivie à compter de janvier 2009.

La Cour retiendra, par confirmation qu'il n'est aucunement justifié d'un préjudice et, pas davantage comme il a été dit, d'une faute de DUTHEIL dont le marché a été résilié aux torts de la société VELO.

4-Libération de la garantie

Il a été statué ci-dessus (point «' A-4' ») par infirmation du jugement.

C-Sur la compensation

Compte tenu des motifs qui précèdent et du rejet des créances invoquées par la société VELO, la demande de compensation est sans objet.

D-Sur les autres demandes

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris, SAUF en ce qu'il a ordonné la déconsignation de la somme de 392' 876,04€ consignée entre les mains de M.le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris «' au profit de la société SAS VELO' »

Statuant à nouveau de ce chef,

ORDONNE la déconsignation de la somme de 392' 876,04€ consignée entre les mains de M.le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris 'au profit de la SELARL EMJ représentée par Maître [X], prise en sa qualité de mandataire liquidateur de société DUTHEIL,

Y ajoutant,

DIT que la société VELO paiera à la société EMJ représentée par Me [X] agissant es-qualités de mandataire liquidateur de la société DUTHEIL, sur présentation du justificatif bancaire du surcoût de la garantie bancaire,

CONDAMNE la société VELO à payer à la SELARL EMJ représentée par Maître [X] pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société DUTHEIL, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5000€,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société VELO aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/19954
Date de la décision : 11/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G5, arrêt n°14/19954 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-11;14.19954 ?
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