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11/01/2017 | FRANCE | N°13/04575

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 11 janvier 2017, 13/04575


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 11 Janvier 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04575



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/06410





APPELANTE

SELARL BARONNIE-LANGET, prise en la personne de Me [S] [P] - Administrateur judiciaire de la SA GLOBAL FACILITY SERVICES ven

ant aux droits de la SA FRANÇAISE DE SERVICES GROUPE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275


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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 11 Janvier 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04575

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/06410

APPELANTE

SELARL BARONNIE-LANGET, prise en la personne de Me [S] [P] - Administrateur judiciaire de la SA GLOBAL FACILITY SERVICES venant aux droits de la SA FRANÇAISE DE SERVICES GROUPE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275

Me [J] [P] - Mandataire liquidateur de la SA GLOBAL FACILITY SERVICES venant aux droits de la SA FRANÇAISE DE SERVICES GROUPE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275

INTIMEE

Madame [N] [A]

née le [Date naissance 1] 1963 au [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

comparante en personne

assistée de M. [L] [D], délégué syndical ouvrier, dûment mandaté

PARTIES INTERVENANTES :

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

substitué par Me Leslie HARVEY, avocat au barreau de PARIS

Syndicat CGT DES HOTELS DE PRESTIGE ET ECONOMIQUES

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par M. [L] [D], délégué syndical ouvrier, dûment mandaté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Président de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Sylvie HYLAIRE, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

Mme [A] a été engagée le 16 mai 2007 par la SA Française de Services Groupe en qualité d'agent de service, suivant un contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel correspondant à 12 heures de travail hebdomadaire.

Plusieurs avenants à son contrat de travail ont été signés.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des entreprises de propreté.

Sollicitant la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ainsi que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de son employeur, Madame [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 21 avril 2011 afin d'obtenir des rappels de salaire, une indemnité de repas, une indemnité pour les jours fériés, outre les congés payés afférents, un 13e mois, les indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse, une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

L'U.S. CGT du commerce de la distribution et des services de Paris est intervenue volontairement à l'audience.

Par jugement du 25 avril 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a déclaré irrecevable l'action du syndicat U.S. CGT, ordonné la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, condamné la SA Française Services Groupe à verser à Madame [A] les sommes suivantes :

- 20 827,52 euros au titre d'un rappel de salaire outre les congés payés afférents,

- 3282,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

- 1747,78 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a rejeté le surplus des demandes formulées par la salariée et n'a pas non plus fait droit à la prétention émise par l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Française Services Groupe a relevé appel du jugement déféré.

La SA Française Services Groupe dont le nouveau nom est devenu la SA Global Facility Services, a été placée en redressement judiciaire par un premier jugement du tribunal de commerce de Créteil du 26 juin 2014 puis en liquidation judiciaire par un nouveau jugement du même tribunal de commerce le 1er avril 2015.

Me [P] [J] désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la SA Global Facility Services venant aux droits de la SA Française Services Groupe sollicite l'infirmation du jugement déféré, s'oppose à l'ensemble des demandes formulées par la salariée, conclut à l'irrecevabilité du syndicat en ses demandes et réclame le versement d'une indemnité de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [A] assistée par le délégué syndical conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et lui a accordé un rappel de salaire à hauteur de 20 827,52 euros outre les congés payés afférents, a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, lui a alloué une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi qu'une indemnité légale de licenciement.

Elle sollicite sa réformation pour le surplus.

Madame [A] demande en effet à la cour de lui allouer les sommes suivantes :

- 9039,58 euros au titre de l'indemnité nourriture outre les congés payés afférents,

- 1359,84 euros au titre des jours fériés (hors 1er mai) outre les congés payés afférents,

- 5517,54 euros au titre du 13e mois,

- 4000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la minoration des droits sociaux,

- 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour le marchandage et la discrimination indirecte qu'elle a subie,

- 9848,64 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ou subsidiairement 8105,84 euros,

- 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse,

- 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans l'hypothèse où la cour réformerait le jugement déféré sur les montants de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité légale de licenciement, elle propose que celles-ci soient respectivement fixées aux sommes suivantes :

- 3035,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

-1625,03 euros, subsidiairement encore 1502,46 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Madame [A] sollicite encore la remise du certificat de travail, d'une attestation destinée au pôle emploi, des bulletins de paie afférente aux demandes sous astreinte de 50 € par jour et par document.

Le syndicat CGT HPE intervenant en cause d'appel sollicite 10 000 € à titre de dommages-intérêts en application des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail outre 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'AGS s'associe aux écritures et aux déclarations orales du représentant du liquidateur de la SA Global Facility Services venant aux droits de la SA Française Services Groupe, s'oppose en conséquence aux diverses demandes formulées par Madame [A].

En toute hypothèse, elle rappelle les limites de sa garantie.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

***

MOTIFS

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;

L'article L. 3123-14 du code du travail dispose que le contrat de travail à temps partiel doit être écrit et contenir obligatoirement les mentions relatives à la durée du travail.

En l'absence d'écrit, le contrat de travail est présumé conclu à temps complet.

Toutefois, cette présomption est simple et peut être renversée par l'employeur à condition pour lui d'établir tout à la fois quelle était la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue entre les parties et que le salarié n'a pas été mis dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail ni qu'il était obligé de se tenir constamment à sa disposition.

Madame [A] explique que le contrat de travail d'origine est rédigé dans les termes suivants :

« durée hebdomadaire du travail : 12 heures selon les besoins du service et une amplitude horaire de six heures à 21 heures, un jour de repos hebdomadaires non définis. La répartition journalière hebdomadaire ou mensuelle pourra être modifiée ».

Elle confirme que des avenants qualifiés de temporaires au contrat de travail ont ensuite été conclus pour des horaires allant parfois jusqu'à 151,67 heures par mois, ainsi pour le mois de janvier 2010, ce dont elle justifie.

Elle en déduit que ses horaires ont varié de 52 heures à 156 heures par mois, qu'elle était ainsi contrainte de se tenir à la disposition permanente de son employeur. Elle observe par ailleurs que les plannings communiqués ne sont pas conformes aux exigences légales et ne peuvent constituer les enregistrements des horaires obligatoires dès lors qu'ils ne mentionnent ni les heures d'arrivée, ni les heures de pause repas, ni les heures de départ.

Me [J] ès qualités soutient que la société a eu recours aux avenants temporaires au contrat de travail pour permettre à la salariée de s'organiser et de ne pas avoir à se tenir constamment à la disposition de son employeur, qu'elle a signé les avenants en pleine connaissance de cause et n'avait jusqu'en avril 2011 formulé aucune contestation.

Il fait également observer que Madame [A] confond « cadencement » et heures de travail dès lors qu'il existe dans le secteur de la propreté des standards permettant de contrôler le travail trop rapide ou trop lent, que ces standards ne peuvent être confondus avec des heures de travail.

Outre le contrat de travail initial, sont communiqués aux débats quelques plannings d'avril 2009, d'août 2010 et de décembre 2010 ainsi que des avenants dits « temporaires » au contrat de travail. Il est à relever que l'avenant signé le 01 janvier 2010 a porté à 151h67 les heures de travail de la salariée pour ce mois là, ce qui correspondait effectivement à un temps plein.

La cour relève en tout état de cause que les documents contractuels ne définissent pas la répartition des horaires de travail évoquant globalement le nombre d'heures mensuelles à accomplir, que les plannings communiqués ne couvrent pas toute la période et ne correspondent pas à des plannings envoyés à la salariée avant même qu'elle exécute ses missions dans la mesure où figurent sur ces documents des observations telles que : 1h30 supplémentaire à régler, six jours de maladie, cinq jours de maladie, ce qui révèle que ces plannings rapportent a posteriori les horaires accomplis et ne démontrent pas que la salariée était prévenue dans le délais légaux du planning de ses missions.

C'est donc à juste titre qu'après avoir constaté que le contrat initial ne précise nullement le nombre d'heures complémentaires pouvant être exécuté par la salariée, que les avenants ne modifiaient pas l'amplitude initiale de 6 h à 21 h, que les plannings étaient insuffisants à établir la répartition des horaires et surtout à montrer que la salariée avait connaissance de leur répartition dans le délai de prévenance, que les premiers juges ont conclu que l'employeur ne rapportait pas la preuve tant de la répartition convenue des horaires que du fait que la salariée n'a pas été mise dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail en sorte qu'elle n'était pas obligée de se tenir constamment à sa disposition.

Le jugement déféré sera donc confirmé tant en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein qu' en ce qu'il a accordé à la salariée un rappel de salaire à hauteur de 20 827,52 euros outre les congés payés afférents.

Sur les demandes au titre de l'indemnité de repas ;

Se fondant sur l'arrêté Croizat du 22 février 1946, Mme [A] réclame le paiement d'une indemnité de repas dès lors qu'elle était affectée à l'hôtel Pullman.

L'arrêté du 22 février 1946 a pour objet de fixer les salaires du personnel travaillant dans tous les hôtels, cafés, restaurants, établissements de vente de denrées alimentaires ou de boissons à consommer sur place et s'applique aux personnels ressortissants de l'industrie hôtelière ainsi qu'au personnel de l'industrie hôtelière travaillant dans les établissements dont l'activité principale ne ressortit pas de l'hôtellerie mais où s' effectue cependant, à titre accessoire la vente de denrées ou de boissons à consommer sur place.

L'article 1er de l'arrêté du 1er octobre 1947 précise que « l'article 7de l'arrêté du 22 février 1946 fixe les salaires des ouvriers et employés des hôtels cafés restaurants », qu' « il est modifié en ce que l'employeur est tenu soit de nourrir l'ensemble de son personnel soit de lui allouer une indemnité compensatrice ».

Si ce même texte prévoit qu'il s'applique aussi au personnel de l'industrie hôtelière travaillant dans les établissements dont l'activité principale ne ressortit pas de l'hôtellerie mais où s'effectue cependant à titre accessoire la vente de denrées ou de boissons à consommer sur place, la cour relève que la salariée, bien qu'affectée à l'hôtel Pullman, avait pour employeur la SA Global Facility Services venant aux droits de la SA Française Services Groupe, entreprise de propreté, n'effectuant, même à titre accessoire, aucune vente de denrées ou de boissons.

Madame [A] ne peut prétendre à l'application de ces dispositions.

Sur le préjudice résultant du marchandage et de la discrimination indirecte allégués ;

Mme [A] estime subir un préjudice en lien avec une opération illicite de sous-traitance s'analysant en un marchandage lequel vise de surcroît en majorité des femmes d'origine étrangère ce qui est constitutif pour elle d'une discrimination indirecte.

Madame [A] fait valoir que :

- elle est d'origine étrangère,

- elle a toujours été affectée depuis son embauche sur le même site, l'hôtel Sofitel de Paris Bercy, devenu Pullman Bercy,

- elle effectue les mêmes prestations que les femmes de ménage directement membres du personnel de la société gérant l'hôtel Pullman, et notamment l'entretien des chambres,

- elle est privée des avantages conférés par la convention collective appliquée aux autres femmes de ménage dépendant directement de la société gérant l'hôtel à savoir la convention collective des hôtels, restaurants, cafés,

- elle ne perçoit ni 13e mois, ni les primes d'intéressement et de participation, ni les indemnités de nourriture, ni les jours fériés (hors le 1er mai).

- elle n'a pas accès aux 39 heures correspondant à la durée légale du travail au sein de l'hôtel Pullman Paris Bercy,

- elle est pénalisée par l'abattement de 10 % calculé sur le salaire brut,

- les budgets du comité d'entreprise sont bien inférieurs et génèrent des activités sociales bien moins favorables,

- une productivité plus élevée est exigée d'elle,

- elle est soumise à une clause de mobilité en région parisienne rendant son affectation très précaire.

Elle considère que l'opération de sous traitance litigieuse n'a apporté aucune spécificité technique ou technologique à l'hôtel dont le coeur de métier est l'hébergement et par suite le nettoyage des chambres offertes à la clientèle, ce qui est confirmé par le fait que l'hôtel emploie directement des femmes de ménage exerçant des missions identiques sous le même contrôle d'une gouvernante.

Elle estime que cette opération permettait la fourniture à l'hôtel Pullman d'une main-d''uvre bon marché, flexible dont le statut collectif est inférieur à celui des salariés de l'hôtel et par suite, à son détriment.

Me [J], ès qualités soutient que la SA Française Services Groupe était une entreprise de propreté, leader français du nettoyage des hôtels de luxe et de grand luxe, qu'elle s'était vue attribuer le code Naf 81. 23 Z, correspondant à l'activité de nettoyage courant de tout type de bâtiments, qu'elle dépendait de la convention collective nationale des entreprises de propreté, ce que la salariée a toujours su depuis l'origine de la collaboration, cela étant mentionné tant sur le contrat de travail que sur ses bulletins de salaire.

Il fait observer que la convention collective nationale des entreprises de propreté est plus favorable à la salariée que celle des hôtels, cafés restaurants du fait de grilles de salaires distinctes.

Il ajoute que l'activité unique de la société est celle du nettoyage des hôtels de luxe et de grand luxe, laquelle est exercée dans le cadre d'une prestation de services de mise en propreté des parties communes et des chambres de l'hôtel, assurée par les personnels mis à disposition avec son propre matériel, son propre savoir-faire, et ce, dans la cadre autorisé légalement de la sous-traitance.

Il rappelle que le juge n'a pas à se substituer à l'employeur et n'a pas en particulier à contrôler ses choix de gestion, le droit de gérer et la liberté d'entreprendre relevant même d'un principe constitutionnel constamment reconnu.

L'article L. 8231-1 du code du travail dispose que le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d''uvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application des dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail est interdit.

La sous-traitance doit assurer l'exécution d'une tâche objectivement définie dans le cadre de laquelle la main-d''uvre, mise à la disposition de l'entreprise utilisatrice mais sur laquelle le prestataire conserve l'autorité, permet d'obtenir un résultat que l'entreprise utilisatrice n'aurait pas obtenu de son personnel par un manque avéré de savoir-faire ou de compétence technique spécifique.

En présence d'un tel contrat de sous traitance ou de prestation de service, le caractère licite d'une telle convention dépend du maintien du lien de subordination avec la société d'origine, du caractère forfaitaire du coût de la prestation qui doit être nettement définie, de la mise en oeuvre par le salarié mis à la disposition d'un savoir faire spécifique distinct de celui des salariés de l'entreprise d'accueil.

Dans le cas d'espèce, il est patent que le contrat de sous-traitance conclu entre la SA Française Services Groupe et la société gérant l'hôtel Pullman consistait pour la première, entreprise de nettoyage, à fournir à la seconde, par les femmes de ménage mises à disposition, une prestation de nettoyage des chambres de l'hôtel ainsi que des parties communes. Les prestations étaient rémunérées en fonction du nombre de chambres nettoyées.

Il n'est pas utilement contesté que la société gérant l'hôtel Pullman avait aussi engagé des femmes de ménage assurant de façon similaire notamment le nettoyage des chambres en sorte qu'il n'est pas établi que la SA Française Services Groupe a apporté par la prestation fournie une spécificité technique ou un savoir faire particulier que ne possédait pas le personnel de l'hôtel.

Toutefois, le seul contrôle du travail réalisé par les gouvernantes n'est pas suffisant pour établir que le lien de subordination a été transféré à la société utilisatrice, alors qu'il ressort au contraire des pièces versées au débat que le responsable des ressources humaines de la SA Française Services Groupe a été amené à notifier à trois reprises des sanctions disciplinaires à Mme [A], en 2008, 2010 et 2011 en sorte qu'il est ainsi justifié qu'il a exercé le pouvoir disciplinaire de l'employeur et que la salariée a été maintenue sous la subordination de la société de nettoyage.

En conséquence, dès lors que le lien de subordination a été maintenu entre la salariée et la SA Française Services Groupe, son employeur, le marchandage allégué n'est pas caractérisé.

Par ailleurs, en dehors d'une lettre d'un inspecteur du travail en date du 5 octobre 2011 qui avait été adressée à un représentant du personnel FO de l'hôtel Concorde Montparnasse, qui n'est pas pertinente puisque les parties visées dans la lettre ne sont pas les parties de la présente instance, et que ledit inspecteur annonce qu'il procédera à une enquête dont il n'est pas précisé si elle a eu lieu, ni quelles en ont été les conclusions, Mme [A] n'apporte aucun élément de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination indirecte en raison de ce qu'elle était une femme d'origine étrangère.

En conséquence, la salariée ne peut voir ses demandes de dommages et intérêts prospérer.

Sur les demandes au titre du 13ème mois, des jours fériés ;

Ces demandes ne peuvent prospérer, Mme [A] ne pouvant solliciter l'application des dispositions relevant de la convention collective des hôtels, cafés, restaurant, la relation contractuelle la liant à son employeur étant soumise à la convention collective de la propreté.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses prétentions à ce titre.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

La requalification de la relation contractuelle à temps plein et le rappel de salaire en résultant, révèle les graves manquements de l'employeur justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée par les premiers juges.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a accordé à la salariée une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents ainsi qu'une indemnité légale de licenciement, sauf à fixer les sommes accordées comme créances au passif de la liquidation judiciaire de la SA Global Facility Services venant aux droits de la SA Française Services Groupe.

Par ailleurs, compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant retenu de la rémunération de la salariée (1641,44 euros), de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que les premiers juges ont procédé à une exacte évaluation de son préjudice en lui allouant la somme de 15 000 euros, en application de l'article L.1235-3 du Code du travail.

Le jugement sera confirmé sur ce point aussi sauf à fixer la somme accordée comme créance au passif de la liquidation judiciaire de la SA Global Facility Services venant aux droits de la SA Française Services Groupe.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

En application de l'article L. 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé, par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Encore faut il que soit établi le caractère intentionnel de l'abstention en cause.

Mme [A] soutient que son employeur qui a été pénalement condamné pour travail dissimulé, par un jugement correctionnel définitif pour des pratiques similaires, l'a en réalité rémunérée en fonction du nombre de chambre nettoyées soit à la tâche et non en fonction du temps de travail effectif, qu'elle a été amenée à réaliser de nombreuses heures n'ayant pas été rémunérées du fait du système illégal mis en place en toute connaissance de cause par l'employeur avec la complicité du donneur d'ordres. Elle considère en conséquence qu'elle peut se prévaloir de la réalisation d'un travail dissimulé et obtenir l'indemnité légalement prévue.

Si les premiers juges ont à bon droit accordé un rappel de salaire après avoir requalifié la relation de travail à temps partiel en temps plein, en raison du fait que l'employeur n'apportait pas la preuve lui incombant de la répartition convenue des horaires de travail et de ce qu'elle était dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle travaillerait devant ainsi se maintenir à la disposition permanente de l'employeur, force est de constater que Madame [A] n'apporte pas d'éléments pour démontrer une dissimulation frauduleuse des heures de travail effectivement accomplies. Elle n'établit pas notamment que les heures retenues et mentionnées par l'employeur n'étaient pas en adéquation avec le nombre de chambres nettoyées, qu'elle était amenée à accomplir des heures non reconnues comme heures de travail effectif pour réaliser la prestation attendue.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la remise de bulletin de paie abattement forfaitaire et sur la demande de dommages et intérêts subséquents ;

Madame [A] sollicite la remise de bulletins de paie depuis l'embauche sans application d'un abattement forfaitaire et réclame des dommages-intérêts à hauteur de 5000 € pour le préjudice subi du fait de cet abattement réalisé.

En dépit des termes de la circulaire ministérielle du 8 novembre 2012, qui n'a pas force de loi, la cour relève que l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, n'ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais qu'aux professions prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, lequel ne vise pas nommément les ouvriers de nettoyage de locaux. Si ces ouvriers sont assimilés par les services fiscaux aux ouvriers du bâtiment expressément visés par le texte, c'est à la condition que, comme ces derniers, ils travaillent sur plusieurs chantiers.

Comme Mme [A] ne travaillait que sur un seul site, l'abattement ne pouvait effectivement pas être opéré.

Il sera fait droit à la demande de remise de bulletin sans abattement.

Aucune circonstance particulière ne commande d'assortir l'obligation mise à la charge du liquidateur de remettre à la salariée d'un bulletin de salaire récapitulatif, de l'attestation destinée au pôle emploi et d'un certificat de travail d'une astreinte.

Par ailleurs, dans la mesure où sur la part des salaires déjà réglés, Mme [E] a bénéficié d'avantages résultant de ce qu'elle a ainsi versé moins de cotisations et de charges sociales, elle ne justifie pas d'un préjudice particulier susceptible de devoir être indemnisé. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur ce point.

Sur l'opposabilité de l'arrêt au CGEA AGS IDF Est ;

Le présent arrêt sera déclaré opposable au CGEA AGS IDF Est qui devra sa garantie dans les limites du plafond applicable, mais à l'exclusion des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui n'entrent pas dans le champ de sa garantie.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235 -4 du code du travail ;

Dans les cas prévus aux articles L. 1235 - 3 et L. 1235-11 du code du travail, l'article L. 1235-4 fait obligation au juge d'ordonner, même d'office, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage. Dans le cas d'espèce, une telle condamnation sera prononcée à l'encontre de Me [J] ès qualités, pour les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite d'un mois.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à Mme [A] une indemnité de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 1200 euros sur le même fondement pour les frais exposés par elle en cause d'appel.

Me [J] ès qualités qui succombe dans la présente instance sera débouté de sa demande à ce titre et condamné aux entiers dépens.

Sur l'intervention du syndicat CGT HPE ;

Le syndicat explique intervenir dans cette affaire en cause d'appel en application de l'article L. 2132-3 du code du travail pour réclamer des dommages-intérêts compte-tenu du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession par les pratiques de la Société Française de Services Groupe. Il considère que les infractions commises par la société est une violation manifeste de l'ordre public social qu'il a vocation à défendre.

Le liquidateur soutient que le premier syndicat intervenant dans cette affaire à savoir le syndicat CNT du nettoyage s'est désisté, que le syndicat CGT du commerce et de la distribution des services de Paris est intervenu en bureau de jugement et a été déclaré irrecevable du fait de désistement du précédent syndicat.

Il considère en conséquence que le syndicat CGT HPE est irrecevable en ses demandes aussi puisqu'il a substitué le syndicat CNT qui s'est désisté.

Or, l'intervention volontaire d'un syndicat est recevable à tout stade de la procédure, nonobstant les désistements de deux précédents syndicats présents en première instance.

Par ailleurs, l'action introduite par un syndicat sur le fondement de la défense de l'intérêt collectif des salariés de la profession qu'il représente, qui résulte de la liberté syndicale consacrée par l'article 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 11 de la Déclaration européenne des droits de l'homme et du citoyen et l'article 2 de la Convention de l'organisation internationale du travail n°87, est recevable du seul fait que ladite action repose sur la violation d'une règle d'ordre public social en ce qui a trait au travail à temps partiel.

Dans la mesure où il a été retenu que l'employeur n'avait pas rapporté la preuve lui incombant pour combattre la présomption de travail à temps plein, la cour évalue à la somme de 800 euros le montant du préjudice subi par le syndicat. Une indemnité de 500 euros sera également allouée au syndicat pour les frais exposés dans le cadre de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- requalifié le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein,

- accordé un rappel de salaires et les congés payés afférents,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- accordé sur le principe une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, l'indemnité légale de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- alloué une indemnité de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [A] de ses demandes au titre des indemnités de repas, des treizièmes

mois, des jours fériés, du travail dissimulé,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Met en tant que de besoin Me [S] en tant qu'administrateur hors de cause,

Déclare le syndicat CGT HPE recevable en son action,

Fixe la créance de Mme [A] au passif de la SA Global Facility Services venant aux droits de la SA Française Services Groupe selon les modalités suivantes :

- 20 827,52 euros au titre d'un rappel de salaire outre les congés payés afférents,

- 3282,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

- 1747,78 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que Me [J] ès qualités devra remettre à Mme [A] un certificat de travail, un bulletin de paie récapitulatif sans abattement pour les rappels de salaires à lui revenir, une attestation destinée au pôle emploi,

Déboute Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts pour l'abattement opéré et de sa demande d'astreinte,

Condamne Me [J] ès qualités à verser à la salariée une indemnité de 1200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par Me [J] ès qualités aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite d'un mois,

Dit que le présent arrêt est opposable au CGEA AGS IDF Est qui devra sa garantie à l'égard de la salariée dans les limites du plafond applicable et à l'exclusion des indemnités qui lui ont été allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Me [J] ès qualités à verser au syndicat CGT HPE 800 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession et 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Me [J] ès qualités aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 13/04575
Date de la décision : 11/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°13/04575 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-11;13.04575 ?
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