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16/12/2016 | FRANCE | N°14/05470

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 16 décembre 2016, 14/05470


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 16 décembre 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/05470



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS Section Encadrement RG n° 13/00191





APPELANTE

SCP BTSG en la personne de Me [A] [R] - Mandataire ad'hoc de la SAS AVOMAISON ANCIENNEMENT BELZACQ

[Adresse 1]

[Localité

1]

représenté par Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN substitué par Me Sabine NIVOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : T10





INTIMES

Monsieur [V] ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 16 décembre 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/05470

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS Section Encadrement RG n° 13/00191

APPELANTE

SCP BTSG en la personne de Me [A] [R] - Mandataire ad'hoc de la SAS AVOMAISON ANCIENNEMENT BELZACQ

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN substitué par Me Sabine NIVOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

INTIMES

Monsieur [V] [A]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Albane DENANTES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0746

SA ROUSSEL STORES

[Adresse 3]

[Localité 3]

non représentée

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 4]

[Localité 4]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Sabine NIVOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 juin 2016 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

Madame Valérie AMAND, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Nicole BEAUSSEAUX, lors des débats

ARRÊT :

- Réputé Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Madame FOULON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par la SCP BTSG ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS AVOMAISON du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section encadrement - Chambre 4, rendu le 26 Mars 2014 qui a mis hors de cause la SA ROUSSEL STORES, a fixé la créance de Monsieur [A] [V] au passif de la SAS AVOMAISON anciennement BELZACQ avec opposabilité à l' AGS aux sommes de :

1.824,75 € à titre de salaire sur mise à pied plus congés payés afférents

21.258,87 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus congés payés afférents

17.007 € à titre d' indemnité de licenciement

les intérêts légaux de ces sommes à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu' au jour d'ouverture de la procédure collective

42.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

La SAS BELZACQ avait pour activité la fabrication et la pose de stores et volets ;

Monsieur [V] [A] né au mois d'avril 1959 est entré au sein de la SA BELZACQ en qualité de salarié technico commercial, statut technicien, niveau D le 17 février 2005 ; suivant contrat en date du 26 Mai 2011, il a été promu cadre position B 2ème échelon, catégorie 1, coefficient 100 avec effet au 1er Mai 2011 ; sa rémunération était composée d'une partie fixe et d'une partie variable sans que sa rémunération mensuelle brute totale (fixe + variable) ne puisse être inférieure à la rémunération minimale conventionnelle mensuelle pour un salarié relevant de la catégorie professionnelle des ingénieurs et assimilés cadre coefficient 100 dans la région parisienne ;

Aux termes de l'article 3.1 du contrat de travail la rémunération fixe mensuelle brute était de 3650 € ; la rémunération variable selon l'article 3.2 est déterminée par avenant pour chaque année civile ;

La convention collective applicable était celle des ingénieurs, assimilés et cadres du bâtiment de la région parisienne, l'entreprise comptait moins de 11 salariés ;

A compter du 1er octobre 2012, Monsieur [V] [A] est en arrêt maladie ; la SAS BELZACQ a fait procéder à une contre-visite le 19 octobre 2012 et l'arrêt de travail a été déclaré médicalement justifié ;

Le 22 novembre 2012, il a été convoqué par la SAS BELZACQ à un entretien fixé au 3 décembre 2012 avec mise à pied conservatoire en vue d'une mesure de licenciement pour faute lourde ; le 24 novembre 2012, le salarié a répondu à son employeur « la dégradation de mon état de santé est consécutif aux méthodes que vous avez employées pour me pousser à la démission à la suite de mon refus de poursuivre l'activité de la société avec vous sous le statut d'agent commercial » il indique en outre faire toutes réserves sur le diagnostic de son ordinateur en présence d'un huissier effectué en son absence alors qu'il l'avait restitué depuis le 24 octobre 2012 en même temps que l'ensemble de ses outils de travail ;

Monsieur [V] [A] a été licencié le 6 décembre 2012 pour faute lourde ; la lettre de licenciement fait état des faits suivants :

- destruction de correspondances commerciales stockées sur votre portable « faisant partie du fonds de commerce » alors que « dans le cadre de la cession du fonds de commerce, nous devons transmettre à l'acquéreur les devis et commandes non terminées ainsi que toutes les correspondances échangées avec les clients »

- tous les messages antérieurs au 9 octobre 2012 ont été supprimés de votre ordinateur portable

- nous déplorons les faits suivants :

des chantiers ont été facturés lorsque vous nous avez signalé qu'ils étaient terminés. Vous avez été commissionné sur ces chantiers, sur relance faute de paiement les clients nous ont fait savoir que les travaux ne sont pas conformes, ils nous disent s'être rapprochés de vous mais vous ne nous avez pas transmis ces informations pour agir et les messages sont supprimés de votre boîte mail ainsi que l'a constaté l'huissier

le chantier LYSANDRE a été sous-traité à une entreprise compétente. Le chantier était si mal préparé qu'il n'est toujours pas terminé

des demandes des clients pour intervention qui vous ont été transmises ne l'ont pas été à la société YXIME, les travaux ne sont pas faits et le client ne veut pas payer

Dans le cadre de la convention de cession de fonds de commerce, le chantier ADP Viel va être réalisé par l'acquéreur la SA ROUSSEL STORES. Le dossier ne comportait pas les plans, pas de contrat, il a fallu reconstituer tous éléments administratifs avec ROUSSEL STORES

cette conduite met en cause la bonne marche de la société (....)

Aux termes de cette lettre, il est demandé au salarié de restituer tout le matériel en sa possession et notamment l'ordinateur portable de marque TOSHIBA

Monsieur [V] [A] a contesté son licenciement suivant courrier en date du 18 décembre 2012 en faisant valoir :

- qu' outre le fait qu'il est en arrêt maladie, la mesure de licenciement fait suite à sa dénonciation le 8 novembre 2012 des agissements de harcèlement de la société suite à son refus de continuer à travailler sous un nouveau statut d'agent commercial avant que ne soit envisagée la cession de la société

- que les mails supprimés antérieurement au 9 octobre 2012 sont sans rapport avec la société

- tous les mails professionnels ont été déplacés dans le dossier archive «présent lors de la restitution de mon ordinateur le 24 octobre 2012 à votre demande »

- lors de l'entretien préalable du 3 décembre 2012 vous m'avez indiqué avoir effectué une copie de sauvegarde dont vous m'avez réclamé le mot de passe que je vous ai communiqué à nouveau

- vous avez toujours pu avoir accès en temps réel à l'ensemble de mes données professionnelles par le système Exchange de microsoft

- dans un tableau du 8/8/2012 je vous ai alerté des malfaçons constatées ainsi que les prestataires concernés

- le chantier LYSANDRE a été fait en corrélation avec Monsieur [J] qui n'a émis aucune suggestion ou réserve particulière ( plusieurs réunions ont eu lieu sans réserves)

- les demandes du client Yxime ont toujours été transmises à Monsieur [U], responsable technique

- dans un long développement détaillé il expose les faits du dossier VIEL (ADP)

- il indique que l'ordinateur TOSHIBA inutilisable est dans le bas de son armoire à rideau comme indiqué au cours de l'entretien préalable

- il rappelle qu'il a géré plus de 300 chantiers en 2011 avec une absence de support technique depuis le licenciement de Monsieur [B], que Monsieur [U] embauché au cours du 1er trimestre 2012 n'avait jamais travaillé auparavant dans le domaine du store.

Dans cette lettre de contestation Monsieur [V] [A] indique que, dans le contexte de la cession du fonds de commerce à ROUSSEL STORES, son licenciement concomitant fait échec au transfert de son contrat de travail et qu'aucun salarié n'étant repris çà le conforte dans l'idée que les deux sociétés ont agi de façon concertée pour mettre fin à son contrat de travail en violation de la loi ;

Enfin, il demande le règlement de ses commissions impayées pour un montant brut de 5621,59 € pour les mois d'août à octobre inclus outre les affaires en portefeuille et les devis acceptés durant son arrêt de travail ;

Monsieur [V] [A] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 7 janvier 2013 ;

Le 7 Février 2013 aux termes d'un acte enregistré le 12 février 2013, la SAS BELZACQ a cédé à la SA ROUSSEL STORES moyennant le prix de 175.000 € les éléments suivants de son fonds de commerce : la clientèle, le nom commercial, l'enseigne « STORES BELZACQ », l'achalandage de son fonds de commerce, la marque « BELZACQ », le droit de jouissance des lignes téléphoniques et internet, le nom de domaine, l'adresse mail, le matériel, les objets mobiliers, agencements, les contrats de crédit bail objet de l'annexe, le stock de marchandises ;

L'article 2.1.7 de cet acte de cession stipule que le cédant déclare qu'il n'emploie plus aucun salarié et qu'aucun salarié n'est en cours de préavis ;

Suivant procès- verbal en date du 21 Mars 2013 de l'associée unique de la SAS BELZACQ, la dénomination sociale de la SAS BELZACQ est devenue la « SAS AVOMAISON » avec transfert de son siège social ;

Le 23 octobre 2013, la SAS BELZACQ a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire avec désignation de la SCP BTSG prise en la personne de Me [G] en qualité de liquidateur judiciaire ;

La SCP BTSG ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS AVOMAISON demande d'infirmer le jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, de débouter le salarié de l'ensemble de ses prétentions, d'ordonner en conséquence la restitution de la somme de 26.096,07 € et de condamner Monsieur [V] [A] à lui payer la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

Monsieur [V] [A] demande de juger son licenciement discriminatoire et lié à son état de santé, de le déclarer nul et de fixer sa créance au passif de la SAS BELZACQ aux sommes de :

1824,75 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied plus les congés payés afférents

21 258, 87 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus congés payés afférents

17.007 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

100.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement illicite en réparation intégrale de ses préjudice professionnel, matériel et moral.

Subsidiairement, il demande de confirmer le jugement qui a jugé sans cause réelle et sérieuse son licenciement et d'infirmer partiellement le jugement sur le quantum des créances à fixer au passif en lui allouant outre les intérêts légaux à compter du 25 janvier 2013, les sommes de :

1824,75 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied plus les congés payés afférents

21 258, 87 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus congés payés afférents

17.007 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

100.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation de tous ses préjudices confondus

En tout état de cause , il demande d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à titre de rappel de commissions et de rappel de salaire au titre du mois de novembre 2012 et de fixer au passif avec opposabilité à l' AGS à hauteur du plafond légal exclusion faite des cotisations et contributions aux organismes sociaux les sommes de :

2.364,62 € à titre de rappel de salaire du mois de novembre 2012

236,46 € au titre des congés payés afférents

10.796,83 € à titre de rappel de commissions plus congés payés afférents

Il demande par ailleurs l'infirmation du jugement en ce qu'il a mis la société ROUSSEL STORES, cessionnaire, hors de cause et de prononcer la condamnation solidaire de cette dernière en raison de la collusion frauduleuse des deux sociétés.

Il sollicite enfin la condamnation solidaire des sociétés BELZACQ et ROUSSEL STORES à lui payer la somme de 3000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

LA SOCIETE ROUSSEL STORES demande la confirmation du jugement, le rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre et la condamnation de Monsieur [A] à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

L' AGS (CGEA) d' Ile de France Ouest demande l'infirmation du jugement dans toutes ses dispositions ; elle s'associe aux explications de la SCP BTSG ès qualités en ce qui concerne les conditions de la rupture du contrat de travail et le rejet de l'intégralité des prétentions de Monsieur [A] ; subsidiairement , elle demande l'infirmation du montant de la somme allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le rejet de la demande relative aux commissions et la condamnation solidaire de la société ROUSSEL STORE ; en tout état de cause elle oppose les limites légales de sa garantie.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre .

Il ressort de l'ensemble des pièces versées aux débats que la SAS BELZACQ bien que réalisant un chiffre d'affaires important, enregistrait des résultats d'exploitation négatifs ce qui devait l'amener dans le courant de l'année 2012 à rechercher des solutions de redressement en associant Monsieur [V] [A] à ses recherches selon les termes mêmes de l'employeur dans son courrier au salarié en date du 12 novembre 2012 duquel il ressort que l'employeur a bien envisagé parmi les solutions outre la réduction du personnel, celle de voir Monsieur [V] [A] ne plus intervenir pour le compte de la société qu'en qualité d'agent commercial, ce que ce dernier a refusé ;

Il est non moins établi par ce même courrier que la SAS BELZACQ cherchait parallèlement à vendre son fonds de commerce puisqu'elle reconnaît dans ce courrier que « le premier intérêt marqué n'est apparu que le 25 septembre » ;

Il ressort encore des pièces produites qu'au cours du mois de septembre 2012 la SAS BELZACQ a présenté à son personnel qui ne comptait déjà plus que 8 salariés dont 7 sur le site de [Localité 5] (1 assistante au service commercial et administratif et 6 au service production à savoir 3 poseurs, un employé au service coupe/couture, un chef d'atelier et un responsable technique) un plan de licenciement pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; un rapport d'activité mentionnait par ailleurs que les actionnaires ont dû faire un apport de 29.000 € pour payer les salaires du mois d'Août 2012 ;

Le projet de licenciement visait donc tout le personnel de l'établissement de [Localité 5], seul le technico-commercial (Monsieur [V] [A]) rattaché au siège social de l'[Adresse 5] n'étant pas licencié ; le calendrier des licenciements visait le 27 Septembre 2012 pour l'envoi des convocations à l' entretien préalable et le 17 octobre 2012 pour l'envoi des lettres de licenciement après entretien préalable du 8 octobre 2012 ;

C'est dans ce contexte qu'inquiet de son avenir dans la société et de la pérennité de son emploi, Monsieur [V] [A] avait demandé un rendez-vous à l'inspecteur du travail qui lui avait été fixé au 28 Septembre 2012, ce que le salarié rappelle dans le courrier qu'il lui a envoyé le 23 Septembre 2012 en lui faisant part des difficultés qu'il rencontrait ( vendre en sachant que le client ne pourra pas espérer de SAV, tentative de sa patronne de le déstabiliser en le culpabilisant sur les causes de l'échec de la société, contexte exécrable, sentiment que l'employeur va chercher à le licencier pour faute grave ou à le pousser à partir) ;

Dans un courrier en date du 8 novembre 2012 adressé à son employeur Monsieur [V] [A] évoque la recherche systématique de le prendre en défaut (reproches infondés sur des insuffisances de devis, demande de révision de ses devis par [Q] [U], mise en cause lors de l'annulation de commandes ...) ; il indique ne pas comprendre cette attitude si ce n'est pour le déstabiliser avec les conséquences qui en ont résulté pour sa santé et il fait état de son inquiétude quant à ses conditions de travail lors de sa reprise en l'absence de tout support ;

Il ressort par ailleurs de la 2ème note d'information diffusée par la SAS BELZACQ concernant « l'évolution des mesures du projet dans le cadre du licenciement économique de moins de 10 salariés sur une période de 30 jours », qu'elle annonçait avoir eu un premier contact avec la SA ROUSSEL STORES le 22 octobre 2012 et avoir retenu l'offre de cette dernière avec signature d'une lettre d'intention le 5 novembre 2012 ; aux termes de cette note il est indiqué que cette cession nécessite « la suppression d'un poste de chef d'atelier » puisque ROUSSEL STORES a la même technicité que la SAS BELZACQ et qu'elle a son propre responsable d'atelier ;

Ainsi, il résulte de tout ce qui précède, qu'à la date de la signature de la lettre d'intention le 31 octobre 2012 qui n'est pas versée aux débats, le seul salarié subsistant au sein de la SAS BELZACQ, entreprise cédante, à une société ayant déjà son propre personnel qualifié pour l'activité reprise, était le contrat de travail de Monsieur [V] [A] qui était en congé maladie et dont la date de reprise n'était pas certaine, son arrêt de travail ayant d'ailleurs été prolongé le 3 décembre 2012 pour état dépressif ;

Parallèlement, les 5 octobre 2012 et 8 novembre 2012 Monsieur [V] [A] a réclamé à l'employeur le paiement de ses commissions qui n'apparaissent plus sur ses bulletins de salaire depuis le mois de Septembre 2012 ; le 22 octobre 2012 l'employeur a adressé un mail à son salarié l'avisant que son arrêt maladie se prolongeant il viendra rechercher à son domicile le 24 octobre suivant « les outils commerciaux de la société » ; le 24 octobre 2012 le salarié a restitué le véhicule, le téléphone portable, l'ordinateur professionnel de la société, sa carte essence, la documentation commerciale, les échantillons, les clefs du siège (showroom de l'avenue [Adresse 5], les clefs d'accès à l'atelier et au bureau de [Localité 5] et le cahier de relevés DL) cette feuille de restitution signée par l'employeur et le salarié n'a fait l'objet d'aucune réserve ni de mention d'aucun manquant ;

C'est seulement le 16 novembre 2012 que l'employeur envoie un message à Monsieur [V] [A] lui indiquant ne pas avoir trouvé sur l'ordinateur qu'il a restitué les messages antérieurs au 9 octobre et lui demande d'être présent le 19 novembre jour où « l'acquéreur » viendra faire l'inventaire des dossiers, stocks et matériel qu'il rachète ; toujours en arrêt de travail, le salarié ne pourra pas se rendre à ce rendez-vous ;

Le 22 novembre 2012 la SAS BELZACQ a fait dresser un procès-verbal d'huissier, non contradictoire avec Monsieur [V] [A] qui n'a pas été convoqué, concernant son ordinateur PC qui lui avait été repris le 24 octobre 2012 ; l'huissier indique que dans la boîte de réception Microsoft Outlook seuls sont présents des mails datés du 1er octobre 2012 pour le premier et du 20 novembre 2012 pour le dernier, il conclut « il apparaît que Monsieur [A] a procédé à la suppression de l'ensemble de ses mails antérieurs au 01.10.2012 » ;

La conclusion de l'huissier quant au fait que la suppression de mails a été réalisée par Monsieur [V] [A] n'a aucun caractère probant au regard du fait que les constatations ont été faites plus de trois semaines après que l'ordinateur a été restitué à l'employeur sans qu'aucune certitude de l'absence d'intervention extérieure à Monsieur [V] [A] ne soit établie de manière probante par les deux attestations produites par l'appelante dont l'une émane de l'employeur lui-même par conséquent sans valeur, puisque l'informaticien n'indique même pas à quelle date les messages ont été supprimés ; par ailleurs il n'a été fait aucune recherche dans le dossier archives où Monsieur [V] [A] indique avoir classé les correspondances commerciales ;

Eu égard aux explications fournies par le salarié quant à la remise papier des dossiers en cours, au fait que tous les devis étaient en réalité directement transmis à Monsieur [U] avant transmission au client, selon instructions données par l'employeur et que la société était en temps réel informée de l'activité du salarié au travers du système Exchange la cour considère que le reproche de destruction d'informations commerciales par Monsieur [V] [A] n'est pas sérieusement établi ;

Sur le second grief tenant à des réclamations de clients n'ayant pas acquitté leur facture qui n'auraient pas été transmises par Monsieur [V] [A], la cour observe que l'employeur ne les cite pas et il est au contraire établi par le salarié que le 8 Août 2012 il avait adressé un état complet commenté et détaillé des affaires en cours au regard desquelles figurait ce qu'il restait à faire , des affaires en demande de SAV, des poses non terminées et non facturées et des poses non soldées ; le grief n'est pas sérieusement établi ;

Concernant le chantier LYSANDRE visé dans la lettre de licenciement, le salarié, sans que la preuve contraire soit sérieusement rapportée, fait observer que la lettre de licenciement vise un compte rendu de Monsieur [J] du 17 novembre 2012 ; l'appelante verse aux débats la lettre de la société LISANDRE , cette lettre datée du 25 octobre 2012 est adressée à la SAS BELZACQ et non à Monsieur [V] [A] qui était en arrêt maladie depuis près d'un mois, de sorte qu'il ne saurait lui être reproché de ne rien avoir fait suite à cette lettre ;

S'agissant des deux autres chantiers cités YXIME et ADP Viel, les griefs invoqués ne sont pas de nature à justifier et à caractériser la volonté du salarié de nuire à son employeur ni à justifier l'existence d'une faute grave au regard des explications données par Monsieur [V] [A] dans la réponse qu'il a faite à l'employeur suite à la réception de sa lettre de licenciement dont l'essentiel a été cité ci-avant ;

Eu égard au nombre de chantiers traités par Monsieur [V] [A] , au fait qu'il n'est pas justifié qu'antérieurement au mois d'Août 2012, période où la société était en difficulté et au bord du dépôt de bilan, ce à quoi se refusait l'associée unique, et encore plus précisément avant l'arrêt maladie du salarié, Monsieur [V] [A] ait fait l'objet de la moindre remontrance ou d'insatisfaction dénoncée par son employeur qui reconnaît qu'il réalisait 80% du chiffre d'affaires de la société, et encore au fait que des pièces versées aux débats il ressort que Madame [M] ( Présidente de la société ) a même entendu associer Monsieur [V] [A] dans la recherche d'une solution pour redresser la société, ce qui témoigne de la qualité reconnue à ce salarié investi dans sa profession, la cour considère que les griefs invoqués n'étaient pas de nature ni à caractériser la volonté du salarié de nuire à son employeur ni à invoquer valablement une faute grave à son encontre ou simplement à justifier un licenciement pour faute réelle ;

Au cours de l'entretien préalable, Madame [M] répondra « non » au salarié qui lui indiquait que ce qu'on lui reprochait c'était en fait son absence, mais elle ajoutera cependant « çà m'a posé préjudice malgré tout» ; de même, elle indique au début de l'entretien que depuis le 1er octobre Monsieur [V] [A] n'a assuré aucun contact client «par rapport à votre maladie et Monsieur [U] n'est pas formé pour » ; Il se déduit de ces remarques que l'employeur n'a pas admis que son salarié soit en arrêt maladie alors qu'il n'était plus que le seul commercial de la société ;

Le salarié a été licencié alors qu'il était en arrêt maladie et que son contrat de travail était suspendu, cependant l'employeur ne se fonde pas directement sur la maladie de Monsieur [V] [A] et la nécessité de le remplacer, d'ailleurs il ne le sera pas puisque la SAS BELZACQ indiquera dans l'acte de cession de son fonds de commerce qu'elle n'a pas de contrat de travail en cours de préavis et n'emploie aucun salarié ;

Il s'ensuit que l'employeur n'invoquant pas la nécessité de remplacer Monsieur [V] [A] pour assurer la bonne marche de l'entreprise, c'est bien l'arrêt de travail en raison de son état de santé que l'employeur a cherché à sanctionner par le biais maladroit et non sérieusement justifié de griefs non sérieusement fondés, sans nature constitutive de faute lourde ni même grave, ; il convient dès lors de juger le licenciement discriminatoire et nul en application des dispositions conjuguées des article L 1132-1 et L 1132-4 du Code du Travail .

Sur les demandes à caractère financier

Il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée et de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué au salarié les sommes de 1824,75 € plus 182,47 € ;

La convention collective applicable prévoit qu'en cas de maladie le salarié est maintenu à 100% de sa rémunération jusqu'au 90ème jour déduction faite des indemnités journalières de la Sécurité sociale ; eu égard au bulletin de salaire de novembre 2012 et aux relevés des IJSS, il convient d'allouer au salarié un reliquat de salaire de 2364,62 € plus 236,46 € pour congés payés afférents ;

C'est par ailleurs par une juste application des droits du salarié que le Conseil des Prud'hommes a fixé les montants de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement ;

Eu égard au salaire de Monsieur [V] [A], au droit à réparation intégrale de son préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement, à son ancienneté de 8 ans, au fait qu'il a été pris en charge par pôle emploi puis a créé sa propre société en 2013 (la société ASVF dont l'activité est la vente de volets, stores intérieurs, menuiseries alarmes, réparation et installation) que cette société a connu à la clôture de son premier exercice le 31 décembre 2013 un bénéfice de 70.632 €, il y a lieu de lui allouer la somme de 60.000 € à titre d'indemnité en réparation de l'intégralité de ses préjudices

Sur la demande de rappel de commissions

Monsieur [V] [A] réclame le paiement de la somme de 10.796,83 € laquelle correspond en fait à la somme de 5.621,59 € au titre des commissions dont il estime avoir été privé sur les affaires facturées en Août, Septembre et octobre 2012 et à la somme de 5.175, 24 € correspondant aux affaires en portefeuille en cours et signées à la date de son départ ;

La SCP BTSG ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS AVOMAISON soutient que Monsieur [V] [A] a été intégralement réglé de ses droits, elle fait valoir que sur la période du 1er Mai 2011 au 30 Septembre 2012 il avait perçu des commissions indues suite à des erreurs de comptabilisation et qu'il y a lieu à déduction des commissions versées par anticipation sur des factures non encaissées ;

Le mode de rémunération variable du salarié avait fait l'objet d'un avenant signé par les partie le 26 Mai 2011 ; il prévoyait 4% du chiffre d'affaires mensuel facturé et encaissé dans le mois exception faite des acomptes et déduction faite des affaires impayées ; il était en outre précisé que les commissions versées sur affaires non encaissées trois mois francs après la facturation seront reprises et restituées après encaissement s'il survient sans que ce recouvrement ait entraîné un surcoût pour l'entreprise ;

La somme de 5.621,59 € correspond selon tableaux annexés par le salarié à la lettre de contestation de son licenciement le 18 décembre 2012 au montant des commissions qu'il estimait lui être dues pour Août (1901,53 € ), Septembre 1.202,51 € et octobre 2517,55 € ;

L'appelant verse aux débats pour chacun de ces mois le décompte détaillé du chiffre d'affaires des commissions dues sur ce montant, celui des reprises sur factures non réglées dans les 90 jours avec les noms des clients, le montant des commissions qui avaient été générées et par ailleurs les commissions sur factures réglées à plus de 90 jours sur la période janvier 2012 à novembre 2012;

Il ressort de l'ensemble de ces décomptes qu'il est dû à Monsieur [V] [A] un reliquat de commissions de 976,63 € ; à cette somme doit s'ajouter la somme de 592,80 € déduite à tort au titre des commissions sur facture non réglée puisque Monsieur [V] [A] indique que cette affaire ne lui appartenait pas, la preuve contraire n'étant pas rapportée par l'appelante ; en dehors de cette erreur aucun autre des éléments produits par Monsieur [V] [A] ne justifiant que la sincérité des décomptes communiqués par La SCP BTSG ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS AVOMAISON puisse être mise en doute et que la SAS BELZACQ n'ait pas pris en compte l'intégralité des encaissements il y a lieu de fixer le montant global des commissions restant dû sur cette période à la somme de 1569,43 € plus les congés payés afférents pour 156,94 € ;

Concernant la second période, le salarié produit la liste nominative des commandes et leur montant, déduction faite de la commission d'architecte, qu'il avait en portefeuille à son départ ; l'appelante ne communique aucune pièce concernant les 21 affaires visées par Monsieur [V] [A], elle ne rapporte donc pas la preuve du non encaissement des factures correspondant à ces commandes ou qu'elles auraient déjà donné lieu à versement de la commission afférente, il s'ensuit qu'il y a lieu d'accueillir la demande en paiement de commissions pour la somme de 5175,24 € plus congés payés afférents pour 517,52 € ;

C'est au total la somme globale de 6.744,67 € qui sera allouée à Monsieur [V] [A] à titre de rappel de commissions plus 674,46 € pour congés payés afférents ;

Sur les autres demandes

Il y a lieu de confirmer la mise hors de cause de la SA ROUSSEL STORES, aucun élément dans les pièces communiquées ne justifiant l'existence d'une complicité de sa part avec la société cédante pour mettre un terme au contrat de travail de Monsieur [V] [A] et éviter son transfert lors de la cession du fonds de commerce qui est intervenue postérieurement au licenciement ; aucune considération d'équité ne justifie toutefois la condamnation de Monsieur [V] [A] à lui payer les frais irrépétibles qu'elle a exposés qu'elle conservera à sa charge ;

Aux termes de l'article L 3253-8 du code du travail in fine « la garantie des créances (...) inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale ou d'origine conventionnelle imposée par la loi » ;

La présente décision est en conséquence opposable à l'AGS (CGEA) d' Ile de France Ouest dans les limites de sa garantie légale, c'est à dire en application de l'article L 3253-17 du Code du Travail, toutes créances du salarié confondues et en l'espèce dans les limites du plafond 6 tel que prévu à la date à laquelle est due la créance du salarié conformément à l'article D 3253-5 du Code du Travail et appliqué aux seules créances salariales déduction faite des charges sociales qui n'ont pas le caractère d'une créance salariale ;

Il se déduit de la teneur de cet arrêt qu'il y a lieu de rejeter la demande de restitution de la somme de 26.096,07 € formulée par la SCP BTSG ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS AVOMAISON qui en outre conservera à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés, ladite somme correspondant au règlement des condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit prononcée par en première instance ;

La situation respective des parties ne justifie pas qu'il soit fait droit à la demande de Monsieur [V] [A] au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qui concerne la mise hors de cause de la SA ROUSSEL STORES, les sommes allouées à Monsieur [V] [A] au titre des rappels de salaire sur mise à pied, congés payés afférents, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et indemnité de licenciement outre les intérêts légaux de ces sommes à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu' à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective de la SAS AVOMAISON anciennement BELZACQ et en ce qu'il a fixé les dites sommes au passif de la liquidation judiciaire de cette société

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau

Dit que le licenciement de Monsieur [V] [A] est nul

Fixe la créance de Monsieur [V] [A] au passif de la SAS AVOMAISON anciennement SAS BELZACQ aux sommes de :

2364,62 € à titre de rappel de salaire sur novembre 2012 plus 236,46 € pour congés payés afférents

6.744,67 € à titre de rappel de commissions plus 674,46 € pour congés payés afférents

60.000 € à titre d'indemnité pour licenciement illicite en réparation de l'intégralité de ses préjudices

Dit que les condamnations confirmées ou prononcées par la présente décision sont énoncées en brut et qu'elles sont opposables à l'AGS (CGEA) d' Ile de France Ouest dans les limites de sa garantie légale plafond 6 tel que prévu à la date à laquelle est due la créance du salarié et conformément à l'article D 3253-5 du Code du Travail et dit que le plafond 6 est applicable aux créances salariales déduction faite des charges sociales

Rejette les autres demandes des parties.

Dit que les entiers dépens seront pris en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société AVOMAISON anciennement la SAS BELZACQ ;

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/05470
Date de la décision : 16/12/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/05470 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-16;14.05470 ?
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