La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2016 | FRANCE | N°15/04454

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 14 décembre 2016, 15/04454


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 14 Décembre 2016



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04454 - S 15/04453



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 février 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 13/04782







APPELANT (15/04454)

Monsieur [F] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date nais

sance 1] 1955 à [Localité 1] (DJERBA)

comparant en personne, assisté de M. Alain BENARD (Délégué syndical ouvrier)



APPELANT(15/04453)

Syndicat ALLIANCE SOCIALE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 14 Décembre 2016

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04454 - S 15/04453

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 février 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 13/04782

APPELANT (15/04454)

Monsieur [F] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1] (DJERBA)

comparant en personne, assisté de M. Alain BENARD (Délégué syndical ouvrier)

APPELANT(15/04453)

Syndicat ALLIANCE SOCIALE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par M. Alain BENARD (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE (15/04453 et 15/04454)

SAS COGNITIS FRANCE

[Adresse 5]

[Adresse 6]

non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 septembre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Laure TOUTENU, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [F] [I] a été engagé par la SAS COGNITIS FRANCE, qui exerce une activité de conseils et de prestations de services en matière de formation principalement dans le domaine informatique, suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 2 octobre 2006, en qualité d'ingénieur concepteur, statut cadre, position 2.2, coefficient 130 de la convention collective nationale dite Syntec, avec reprise d'ancienneté au 16 juillet 1997, moyennant une rémunération brute annuelle de 44 977,32 € sur douze mois, prime de vacances incluse.

M. [I] a été désigné conseiller du salarié le 19 mai 2005. Il a ensuite été investi de divers mandats de représentation du personnel au sein de la société COGNITIS FRANCE en étant désigné délégué syndical CGT le 5 décembre 2006 et à nouveau le 5 janvier 2011, puis élu délégué du personnel le 7 février 2011.

Soutenant qu'il était victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral, M. [I] a saisi, le 17 avril 2013, le conseil de prud'hommes de [Localité 2] de demandes salariales et indemnitaires. Devant le bureau de conciliation il a demandé la production forcée par la société COGNITIS FRANCE de diverses pièces relatives aux salariés de l'entreprise se trouvant dans une situation comparable à la sienne ainsi que la désignation de conseillers rapporteurs, à charge pour eux de se faire remettre divers documents, de fournir au bureau de jugement les éléments de nature salariale entre le demandeur et les salariés constituant son panel de référence et d'établir des comparaisons entre le salaire du demandeur et les salaires de ses collègues constituant le panel.

Par décision du bureau de conciliation rendue le 24 janvier 2014, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a ordonné à la société COGNITIS FRANCE de communiquer à M. [I], dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance, les pièces suivantes :

-la photocopie des bulletins de salaire d'un panel de salariés représentatifs exerçant les mêmes fonctions que M. [I] (ingénieur concepteur), placés dans une situation comparable à la sienne en termes d'ancienneté (en retenant la date du 5 juillet 1997) et de niveau de diplôme ayant la position 2.2, coefficient 130 et la position 2.3, coefficient 150 et ce, de leur date d'embauche jusqu'au 31 août 2013

-la photocopie de leur contrat de travail

et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard courant à l'expiration du délai d'un mois imparti jusqu'à parfait exécution.

Devant le bureau de jugement, M. [I] a demandé son reclassement, sous astreinte, à la position 3.2 coefficient 210, subsidiairement à la position 3.1 coefficient 170 et plus subsidiairement à la position 2.3 coefficient 150 de la convention collective applicable, avec obligation pour l'employeur de lui verser la rémunération correspondante et d'établir des bulletins conformes, le paiement de sommes à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, pour préjudice moral et de carrière, pour harcèlement moral et la liquidation de l'astreinte ordonnée par décision du 24 janvier 2014.

Le syndicat Alliance Sociale est intervenu volontairement à l'instance et a sollicité le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 11 février 2015, le conseil de prud'hommes, section encadrement, a débouté M. [I] et le syndicat Alliance Sociale de leurs demandes, a débouté la société COGNITIS FRANCE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [I] aux dépens.

M. [I] et le syndicat Alliance Sociale ont l'un et l'autre interjeté appel de cette décision par déclarations du 24 avril 2016, ayant donné lieu à l'enregistrement de deux instances sous les numéros de répertoire général 15/04453 et 15/04454.

A la suite de l'audience des plaidoiries du 6 avril 2016, une médiation a été ordonnée par la cour par ordonnance du 6 mai 2016. L'affaire a été rappelée à l'audience du 28 septembre 2016, date à laquelle les parties, n'ayant pas parvenues à trouver une issue amiable à leur litige, se sont référées à leurs écritures visées par le greffier le 6 avril 2016.

M. [I] demande à la cour de :

' constater le transfert illicite de son contrat de travail entre la société SAPIENS et la société COGNITIS FRANCE

' condamner la société COGNITIS FRANCE au paiement de la somme de 30 000 € pour préjudice subi

' constater la violation du statut protecteur, lors du transfert illicite de son contrat de travail

' dire que la qualification (position 2.3, coefficient 150) au sein de la société COGNITIS FRANCE est acquise depuis le 1er septembre 1999

' condamner la société COGNITIS FRANCE à lui verser la somme de 50 000 € pour violation du statut protecteur

' constater la nullité de la clause de non-engagement

' condamner la société COGNITIS FRANCE à lui verser la somme de 20 000 € à ce titre

' dire qu'il est victime de discrimination syndicale

' à titre principal :

- ordonner à la société COGNITIS FRANCE de le reclasser dans le mois suivant la notification de l'arrêt à la position 3.2 coefficient 2010 de la convention collective Syntec, avec effet à la date de la décision, sous astreinte de 100 € par jour de retard constaté un mois après la notification de l'arrêt

- ordonner à la société COGNITIS FRANCE de le rémunérer au salaire brut de 9 036,92 € sur douze mois, d'établir des bulletins de paie conforme, sous astreinte de 100 € par jour de retard constaté un mois après la notification de l'arrêt

- condamner la société COGNITIS FRANCE à lui verser les sommes suivantes

' 317'328,40 € en réparation du préjudice financier subi au titre de la discrimination syndicale

' 20'000 € en réparation du préjudice moral et de carrière subie au titre de la discrimination syndicale

' à titre subsidiaire :

- ordonner à la société COGNITIS FRANCE de le reclasser dans le mois suivant la notification de l'arrêt, à la position 3.1, coefficient 170 de la convention collective Syntec, avec effet à la date de la décision, sous astreinte de 100 € par jour de retard constaté un mois après la notification de l'arrêt

- ordonner à la société COGNITIS FRANCE de le rémunérer au salaire brut de 5 683 € sur 12 mois, d'établir les bulletins de paie conforme, sous astreinte de 100 € par jour de retard constaté un mois après la notification de l'arrêt

- condamner la société COGNITIS FRANCE à lui verser les sommes suivantes

' 116'103,40 € en réparation du préjudice financier subi au titre de la discrimination syndicale

' 20'000 € en réparation du préjudice moral et de carrière subie au titre de la discrimination syndicale

' à titre infiniment subsidiaire :

- ordonner à la société COGNITIS FRANCE de le reclasser, dans le mois suivant la notification de l'arrêt, à la position 2.3 coefficient 150 de la convention collective Syntec, avec effet à la date de la décision, sous astreinte de 100 € par jour de retard constaté un mois après la notification de l'arrêt

- ordonner à la société COGNITIS FRANCE de le rémunérer au salaire brut de 4 646,18 € sur 12 mois, d'établir les bulletins de paie conforme, sous astreinte de 100 € par jour de retard constaté un mois après la notification de l'arrêt

- condamner la société COGNITIS FRANCE à lui verser les sommes suivantes :

' 53'913,46 € en réparation du préjudice moral et de carrière subie au titre de la discrimination syndicale

' 20'000 € en réparation du préjudice financier subi au titre de la discrimination syndicale

' en tout état de cause :

' constater le harcèlement moral subi par M. [I]

' condamner la société COGNITIS FRANCE à lui verser la somme de 50'000 € au titre du harcèlement moral

' constater que la société COGNITIS FRANCE n'a pas exécuté la décision du 24 janvier 2014

' condamner la société COGNITIS FRANCE à lui verser la somme de 95'800 € au titre de la liquidation de l'astreinte

' condamner la société COGNITIS FRANCE à lui verser la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

' condamner la société COGNITIS FRANCE à verser au syndicat Alliance Sociale la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

' "ordonner l'exécution provisoire"

' condamner la société COGNITIS FRANCE aux entiers dépens.

Reprenant oralement ses conclusions visées par le greffier, la société COGNITIS FRANCE demande à la cour de :

' confirmer le jugement déféré

' dire que le contrat de travail de M. [I] n'a pas été transféré de la société SAPIENS à la société COGNITIS FRANCE et par conséquent le débouter de ses demandes de dommages et intérêts pour transfert illicite de son contrat de travail et de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur

' dire et juger que M. [I] n'a pas été victime de discrimination syndicale et le débouter de ses demandes à ce titre

' dire et juger que M. [I] n'a pas été victime de harcèlement moral et le débouter de ses demandes à ce titre

' dire et juger que la décision rendue par le bureau de conciliation a été exécutée et débouter M. [I] de ses demandes à ce titre

' dire et juger irrecevable l'intervention volontaire du syndicat Alliance Sociale

' condamner M. [I] et le syndicat Alliance Sociale au paiement de la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

' à titre subsidiaire :

- limiter le quantum des dommages et intérêts pour discrimination à la somme de 6 457,90€

- limiter à de plus justes proportions le quantum des dommages et intérêts au titre des autres chefs de demande.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice il convient de joindre les instances enregistrées sous les numéros de répertoire général 15/04453 et 15/04454.

Sur le transfert allégué du contrat de travail

M. [I] soutient qu'il a été engagé le 16 juillet 1997 par la société SAIC Conseils en qualité d'ingénieur concepteur, statut cadre, position 2.2 coefficient 130 de la convention collective Syntec, que son contrat de travail a été transféré à compter du 1er juillet 1998 à la société SAPIENS, qu'en août 2006, les salariés de la société SAPIENS sont été informés que celle-ci connaissait des difficultés économiques et qu'elle envisageait de céder son activité "prestations de services", que les salariés ont été reçus individuellement par les dirigeants des sociétés SAPIENS et COGNITIS FRANCE , que dans les mêmes conditions, M. [I] a été convoqué à son tour par les dirigeants qui lui ont remis trois documents à signer sur place, soit un contrat de travail en date du 25 septembre 2006, une lettre de démission de la société SAPIENS en date du 27 septembre 2006, une lettre avec en tête de la société SAPIENS, accusant réception de sa démission, en date du 27 septembre 2006, ainsi que les documents de fin de contrat concernant SAPIENS. M. [I] affirme que la collusion frauduleuse entre les sociétés SAPIENS et COGNITIS FRANCE est caractérisée et que sa démission lui a été imposée. Il en déduit l'existence d'un transfert illicite de son contrat de travail de la société SAPIENS vers la société COGNITIS FRANCE, en violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et sollicite, pour la première fois en cause d'appel, des dommages et intérêts pour transfert illicite de son contrat de travail, pour violation du statut protecteur et tendant à dire que sa qualification à la position 2.3 coefficient 150 au sein de la société COGNITIS FRANCE est acquise depuis le 1er septembre 1999.

La société COGNITIS FRANCE soulève la prescription des nouvelles demandes de M. [I], en faisant valoir que le délai de 30 ans dont M. [I] bénéficiait pour contester sa démission a été réduit à 5 ans à compter du 19 juin 2008, de sorte que ce délai a expiré le 19 juin 2013, qu'ainsi ses demandes, présentées pour la première fois le 29 décembre 2015, date de la communication des écritures d'appel du salarié, sont prescrites.

Subsidiairement la société intimée conclut à l'inapplicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail en l'absence de transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité. Elle fait valoir en effet que le projet de cession d'activité partielle entre les sociétés SAPIENS et COGNITIS FRANCE ne s'est pas réalisé, qu'il n'y a eu aucun transfert d'actifs entre ces deux sociétés, que seuls trois salarié, dont M. [I], ont démissionné pour rejoindre la société COGNITIS FRANCE, au terme d'un nouveau contrat de travail. La société intimée ajoute qu'elle a repris l'ancienneté de M. [I] acquise par ce dernier chez son précédent employeur dans le cadre d'une négociation salariale et dans un souci d'éthique compte tenu du projet de cession avortée.

*

Il ressort des pièces versées aux débats par M. [I] que ce dernier a été engagé par la société SAIC Conseils à compter du 16 juillet 1997, suivant contrat de travail conclu le 15 juillet 1997, transféré à la SA SAPIENS le 1er juillet 1998 et qu'il a démissionné sans réserves par lettre du 27 septembre 2006 dont la SA SAPIENS a accusé réception le même jour.

Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail.

Il en résulte que la prescription de l'action en contestation de sa démission par M. [I] donnée le 27 septembre 2006 et tendant à voir reconnaître l'existence d'un transfert illicite de son contrat de travail à cette date a été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 17 avril 2013.

Les demandes de M. [I] ne sont donc pas atteintes par la prescription.

Il est constant qu'un projet de cession partielle d'activité a été envisagé entre les sociétés SAPIENS et COGNITIS FRANCE en 2006 mais qu'il ne s'est pas réalisé. M. [I] n'invoque au demeurant nullement l'existence d'un transfert d'entité économique autonome entre les sociétés SAPIENS et COGNITIS FRANCE, lesquelles ont conservé chacune une activité concurrente. Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail sont inapplicables. Il doit être relevé enfin que M. [I] ne produit aucune pièce au soutien de son affirmation selon laquelle il aurait été contraint de démissionner pour signer un contrat de travail avec la société COGNITIS FRANCE.

En conséquence le contrat de travail de M. [I] n'a pas été transféré de la société SAPIENS et la société COGNITIS FRANCE, de sorte que M. [I] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour transfert illicite du contrat de travail et de toutes ses prétentions subséquentes au transfert invoqué à tort, ainsi de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur à l'occasion du transfert allégué et tendant à dire que sa qualification position 2.3 coefficient 150 est acquise depuis le 1er septembre 1999.

Sur la clause de non-engagement

Le contrat de travail conclu entre M. [I] et la société COGNITIS FRANCE comporte en son paragraphe IX une "clause de non engagement" qui stipule :

"En cas de départ de la société quels qu'en soient la cause et l'auteur, Monsieur [F] [I] s'engage à ne pas solliciter les services gracieux ou à titre onéreux directement par personnes interposées, des membres du personnel travaillant, au sein de la société COGNITIS FRANCE ou de l'une des sociétés du groupe COGNITIS et ceci pendant la durée d'un an à compter de son départ effectif (quelle que soit la nature juridique du lien contractuel).

En cas de violation de cette obligation de non-engagement, Monsieur [F] [I] sera tenu au versement d'une indemnité forfaitaire égale à un an de salaire brut perçu par le salarié (calculé sur la moyenne de ses trois derniers mois de salaire ayant précédé la notification de la résiliation du contrat de travail), ceci sans préjudice pour la société COGNITIS FRANCE de réclamer la résiliation de l'éventuel contrat de travail signé par le salarié sollicité suite à son départ de la société COGNITIS FRANCE".

M. [I] soutient que cette clause s'analyse en une clause de non-concurrence qui est nulle en l'absence de contrepartie financière et sollicite paiement, pour la première fois en cause d'appel, de dommages et intérêts à ce titre.

La société COGNITIS FRANCE s'oppose à cette demande nouvelle en faisant valoir que la clause de non-engagement, qui fait seulement interdiction à M. [I] de débaucher le personnel de son ancien employeur une fois le contrat rompu, ne porte pas atteinte à la liberté de travail du salarié en ce qu'elle ne lui interdit pas d'entrer au service d'une entreprise concurrente ou d'exercer une activité concurrente à celle de son ancien employeur, qu'au surplus le salarié ne peut invoquer un préjudice subi du fait d'une prétendue nullité de la clause litigieuse qui n'a vocation à s'appliquer qu'après la rupture des relations de travail.

La clause de non-engagement insérée dans le contrat de travail, qui se limite à interdire à M. [I] de solliciter, après la rupture de son contrat de travail et pendant une durée d'un an, à solliciter à titre gracieux ou onéreux des salariés travaillant au sein de la société COGNITIS FRANCE ou dans l'une des sociétés du groupe COGNITIS, ne s'analyse pas en une clause de non-concurrence dès lors qu'elle ne lui interdit pas d'entrer au service d'une entreprise concurrente de la société COGNITIS FRANCE et que par conséquent elle ne porte pas atteinte à sa liberté de travailler.

En tout état de cause la clause litigieuse n'a vocation à s'appliquer qu'après la rupture du contrat de travail, de sorte que M. [I], dont le contrat de travail est en cours, est mal fondé à invoquer un quelconque préjudice au titre de cette clause.

Il sera en conséquence débouté de ses demandes en nullité de la clause de non-engagement et de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la discrimination syndicale

M. [I] affirme que malgré ses diplômes - il a le niveau BAC + 4 et est titulaire de plusieurs diplômes équivalents à une maîtrise en informatique - , son âge, soit plus de 60 ans, ses 19 années d'ancienneté, son expérience de plus de 35 années en informatique, ses compétences reconnues, il subit une discrimination depuis qu'il est investi de mandats syndicaux.

Il fait valoir que les bilans annuels réalisés par son employeur montrent la différence de comportement de celui-ci à son égard, que l'employeur diffuse à l'extérieur de multiples versions de son curriculum vitae (CV), qu'à force de produire des versions de son CV différentes et adaptées à la demande du client potentiel, la société COGNITIS FRANCE finit par perdre toute crédibilité, qu'il lui est attribué en outre dans ces CV de prétendues missions qu'il n'a jamais réalisées.

M. [I] soutient qu'il subit une discrimination en matière de classification, qu'à cet égard il avait la position 2.3, coefficient 150 jusqu'en octobre 2006 et a été rétrogradé à compter de cette date à la position 2.2, coefficient 130, qu'il devrait être classé à la position 3.2 coefficient 2010, subsidiairement à la position 3.1 coefficient 170 et plus subsidiairement à la position 2.3 coefficient 150.

Il fait valoir qu'il résulte de la liste de trois salariés, que la société COGNITIS FRANCE a été contrainte de produire, que par comparaison avec des collègues exerçant le même emploi, il subit une différence de rémunération mensuelle en sa défaveur de 194 € par rapport à celle de M. [P] [J], alors qu'il dispose d'un diplôme supérieur, de 483 € par comparaison avec celle de M. [A] [C], dont l'ancienneté est pourtant inférieure à la sienne, de 1 252 € par rapport à celle de M. [P] [K], qui a les mêmes fonctions, la même classification et le même coefficient. Il soutient que cette liste de salariés est incomplète, qu'ainsi auraient du y figurer MM. [F], [P], [H], [R], [D] [G], Mmes [N], [Q], [D].

Il affirme encore que la comparaison de sa situation avec d'autres salariés collectivement faite à partir de la grille de salaires extraite de la NAO 2013 fourni au comité d'entreprise met en évidence une inégalité de traitement, qu'il en est de même au vu du panel, bien qu'incomplet, produit par l'employeur qui fait apparaître une différence de traitement en terme d'évolution de salaire.

M. [I] souligne enfin que depuis qu'il assume des mandats syndicaux, soit depuis mai 2005, il n'est plus affecté sur aucun poste correspondant à son profil, ni en interne, ni en clientèle, qu'il est "assigné à résidence", qu'il a n'a eu aucune promotion.

La société COGNITIS FRANCE affirme queM. [I] a exercé des fonctions syndicales dès son embauche, qu'elle n'a jamais apprécié sa situation professionnelle au regard de ses mandats comme le montrent ses entretiens d'évaluation quasi annuels, les nombreuses formations dont il a bénéficié et ses affectations sur des missions pour des clients importants de 2006 à 2009, qu'il est normal que le CV du salarié soit modifié selon les appels d'offre afin de mettre en exergue les compétences recherchées par le client, qu'aucune mission fictive ne figure sur le CV officiel du groupe GFI dont elle fait partie.

La société COGNITIS FRANCE souligne que si depuis novembre 2009, elle rencontre des difficultés à positionner M. [I] sur des missions, cela n'a rien à voir avec ses mandats syndicaux qui préexistaient, qu'ainsi elle envoie régulièrement son CV aux clients en réponse aux appels d'offres et que M. [I] lui-même a refusé les missions qui lui ont été proposées en juin 2015, estimant, à tort, qu'elles ne correspondaient pas à sa qualification.

La société intimée soutient également que M. [I] n'est pas placé dans une situation moins favorable que ses collègues de travail, que sa classification actuelle correspond à ses fonctions d'ingénieur concepteur, qu'il ne peut prétendre à une position supérieure à la position 2.2, n'exerçant pas de fonctions d'encadrement, que sa classification est la même que celle des trois salariés composant le panel de comparaison retenu par le conseil de prud'hommes et que celle des ingénieurs concepteurs engagés comme M. [I] en 2006, qu'en l'absence de transfert de contrat de travail entre les sociétés SAPIENS et COGNITIS FRANCE, l'argument de la rétrogradation est inopérant. La société COGNITIS FRANCE fait encore valoir que la rémunération mensuelle de M. [I] n'est pas inférieure à celle des ingénieurs concepteurs engagés en 1997, ayant la même ancienneté que l'appelant. La société COGNITIS FRANCE indique au surplus qu'il ressort des contrats de travail et bulletins de paie des ingénieurs concepteurs engagés en 2006, qu'elle a spontanément versés aux débats, que sur 16 salariés, 6 étaient moins bien rémunérés que M. [I] en 2013, 8 en 2014 et 7 en 2015 parmi les 11 personnes encore salariées de l'entreprise, les autres n'étant pas placés dans une situation identique. Elle soutient que les comparaisons effectuées par M. [I] avec MM. [J], [C] et [K] ne sont pas pertinentes, compte tenu de la différence d'ancienneté avec le premier, de la différence de fonctions avec les deuxième et troisième, et qu'aucun des salariés cités par l'appelant, qui selon lui auraient du figurer sur le panel de comparaison qu'elle a produit, ne sont dans une situation comparable à la sienne, de sorte que la production de leurs bulletins de paie n'est pas justifiée.

La société affirme enfin que les comparaisons faites par M. [I] avec d'autres salariés collectivement sont dépourvues de tout fondement dans la mesure, d'une part où il ne peut comparer sa rémunération avec celle des salariés en position 2.3, 3.1 ou 3.2, d'autre part que la position 2.2 coefficient 130 regroupe des métiers différents.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales.

En vertu de l'article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions qui précèdent, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En application des dispositions qui précèdent, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

M. [I] ne soutient pas qu'il ne bénéficie plus d'évaluations mais que leur examen "démontre une différence de comportement de l'employeur" à son égard. Au préalable la cour relève que les évaluations du salarié effectuées par la société SAPIENS produites par M. [I], ne peuvent être prises en considération dès lors qu'elles ne concernent pas son employeur actuel. S'agissant des évaluations établies par la société COGNITIS FRANCE, leur examen ne fait apparaître aucun changement négatif dans l'appréciation du salarié par l'employeur.

Quant aux différents CV de M. [I] établis par la société COGNITIS FRANCE en vue de proposer les services de M. [I] dans le cadre des appels d'offres de clients, s'ils font apparaître quelques différences dans la présentation de ses compétences en mettant en exergue certains points plutôt que d'autres, les différentes versions ne modifient pas fondamentalement son profil. Enfin il n'est pas établi que des missions fictives aient été mentionnées par l'employeur.

M. [I] soutient qu'il subit une discrimination quant à la classification qui lui est attribuée. Il invoque en premier lieu une rétrogradation s'analysant en une modification unilatérale de son contrat de travail en faisant valoir qu'il est passé de la position 2.3, coefficient 150 de la convention collective applicable lorsqu'il était salarié de la société SAPIENS, à la position 2.2 coefficient 130 qui lui a été octroyée par la société COGNITIS FRANCE suivant contrat de travail conclu le 25 septembre 2006 avec effet au 2 octobre suivant. Cependant ce changement de position conventionnelle ne peut constituer une rétrogradation s'analysant en une modification de son contrat de travail en l'absence de transfert de contrat de travail entre les sociétés SAPIENS et COGNITIS FRANCE.

M. [I] soutient également qu'il devrait être placé à la position 3.2 coefficient 210, à défaut à la position 3.1 coefficient 170, ou à tout le moins à la position 2.3 coefficient 150 de la convention collective applicable.

L'annexe 2 "classification des ingénieurs et cadres" à la convention collective Syntec définit lesdites positions de la manière suivante :

- position 3.2 coefficient 210 :

"Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant, et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature".

- position 3.1 coefficient 170 :

"Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en 'uvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef".

- position 2.3 coefficient 150 :

"Ingénieurs ou cadres ayant au moins six ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leurs supérieurs, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens et ingénieurs travaillant à la même tâche".

Il résulte de ces définitions conventionnelles, que peuvent prétendre à ces positions les salariés qui exercent des fonctions d'encadrement.

En l'espèce M. [I] n'allègue ni ne justifie exercer de telles fonctions. Il considère qu'eu égard à ses diplômes, ses compétences, son expérience, son ancienneté et son âge il peut prétendre aux positions revendiquées. Cependant ces critères sont en eux-mêmes insuffisants dès lors que le salarié ne remplit pas la condition d'exercice de fonctions d'encadrement prévue par les dispositions conventionnelles.

Au demeurant la société COGNITIS FRANCE justifie que la classification de M. [I], soit position 2.2, coefficient 130, est conforme à celle de ses collègues ingénieurs concepteurs ayant une ancienneté similaire remontant à 1997.

M. [I] soutient en outre qu'il subit une différence de traitement en termes de classification et de rémunération en se comparant avec plusieurs salariés de l'entreprise.

La comparaison avec M. [P] [J], qui est classé à la même position conventionnelle, n'est pas pertinente dès lors que ce salarié a une ancienneté remontant au 11 janvier 1993 et qu'il a donc une ancienneté de plus de 4 ans supérieure à celle de l'appelant expliquant la différence de rémunération de 194 € par mois avec ce dernier.

Il en est de même de la comparaison avec M. [A] [C] et M. [P] [K], qui certes bénéficient d'une classification supérieure à la position 2.3 coefficient 150 et perçoivent la rémunération afférente à celle-ci, mais exercent des fonctions différentes, pour le premier de consultant confirmé et pour le second d'architecte technique, dans le cadre desquelles ils sont amenés l'un et l'autre à encadrer d'autres salariés comme la société COGNITIS FRANCE en justifie.

En exécution de la décision du bureau de conciliation rendue le 24 janvier 2014, la société COGNITIS FRANCE a communiqué le contrat de travail et les bulletins de salaire, anonymisés, d'un panel de trois salariés exerçant les mêmes fonctions d'ingénieur concepteur que M. [I], placés dans une situation comparable en termes d'ancienneté, soit 1997, et de classification, soit position 2.2 coefficient 130. Il ressort de la comparaison entre la situation de ces salariés et celle de M. [I] que celui-ci a perçu pour le mois d'avril 2013 un salaire brut de base s'élevant à 3 748,11 € alors que pour le même mois :

- le salaire de base du salarié n° 1 était de 3 560 € ;

- le salaire de base du salarié n° 2 était de 3 094,77 € pour un temps de travail de 4/5ème, soit 3 868,46 € pour un temps plein

- le salaire de base du salarié n° 3 était de 3 686 €

Le salaire mensuel de M. [I] est donc supérieur à la rémunération mensuelle moyenne perçue par les salariés figurant dans le panel de comparaison.

En outre la société COGNITIS FRANCE verse aux débats les contrats de travail et bulletins de salaire anonymisés de 16 ingénieurs concepteurs engagés en 2006, soit la même année que M. [I] mais n'ayant pas la même ancienneté, puisque celle de l'appelant remonte à 1997, identifiés par les lettres A à Q. Il résulte des éléments produits, qu'outre la différence d'ancienneté, les fonctions effectives de ces salariés diffèrent pour certains de celles exercées par M. [I], ce qui explique pour 7 d'entre eux (salariés A, B, D, L, N, O et K) la rémunération supérieure qu'ils perçoivent. Par ailleurs en 2015, 7 d'entre eux étaient moins bien rémunérés que M. [I].

M. [I] fait valoir que ces 16 salariés ont bénéficié d'une évolution de salaire plus importante que lui entre 2006 et 2014, dans la mesure où son évolution de salaire a été de 2,2% alors que celle des autres salariés a été comprise entre 13,80% (salarié P) et 34,40% (salarié N).

Cependant il résulte du tableau comparatif des rémunérations annuelles qu'en 2006 M. [I] percevait une rémunération de 45 000 € alors que la rémunération des autres salariés était inférieure à 40 000 € pour tous les salariés du panel sauf le salarié N (43 384 €).

S'agissant des autres salariés dont le nom est cité par M. [I], qui soutient qu'ils auraient du figurer dans le panel de comparaison et qu'ainsi l'employeur aurait du produire les contrats de travail et les bulletins de paie de ces salariés afin de comparer leur rémunération avec la sienne, la cour constate à l'examen des pièces produites par la société COGNITIS FRANCE que :

- M. [E] [F], qui exerçait les fonctions d'ingénieur concepteur et a quitté l'entreprise en février 2015 avait été engagé en 2007 et n'avait donc pas une ancienneté comparable à celle de M. [I]

- Mme [Z] [N] est ingénieur concepteur et a la même classification que celle de l'appelant

- Mme [Q] [Q] exerce des fonctions différentes de chef de projet

- M. [B] [P] exerce des fonctions différentes d'ingénieur d'encadrement

- M. [R] [H] exerce des fonctions d'ingénieur concepteur mais a une ancienneté différente (14 mai 1998)

- M. [W] [R] exerce des fonctions d'ingénieur concepteur mais a une ancienneté différente (6 avril 1999)

- M. [V] [O] [G] exerce des fonctions différentes de chef de projet

- s'agissant de Mme [S] [D], elle figure déjà dans le panel de comparaison des salariés engagés en 2006.

La demande de production des contrats de travail de ces salariés, hormis celui de Mme [D] qui est produit par l'employeur, et bulletins de salaire de ces salariés n'est pas justifiée, aucune cohérence n'apparaissant dans ce panel proposé compte tenu de la disparité pour l'essentiel des fonctions et de l'ancienneté.

Enfin M. [I] invoque sa situation d'inter-contrats, précisant à cet égard que plus aucune mission ne lui a été confiée depuis octobre 2009 et ajoutant qu'il ne dispose d'aucun bureau dans les locaux de l'entreprise, qu'il est ainsi tenu à l'écart et maintenu à son domicile pour pouvoir répondre à toute demande de son employeur pendant les heures ouvrables.

La situation d'inter-contrats dans laquelle se trouve M. [I] depuis 2009 est établie par les mentions figurant sur les bulletins de paie et les comptes-rendus d'évaluation du salarié et au demeurant non contestée par l'employeur. En revanche l'obligation pour le salarié de rester chez lui pour pouvoir répondre à d'éventuelles sollicitations de l'employeur n'est nullement démontrée, la société COGNITIS FRANCE justifiant à l'inverse que M. [I] comme les autres salariés en attente d'affectation et donc en situation d'inter-contrat, signent des fiches hebdomadaires d'autorisation d'absence leur permettant de rester à domicile tout en ayant la possibilité de vaquer librement à leurs occupations.

En définitive M. [I] n'établit pas la matérialité des faits qu'il allègue relatifs à sa notation, à son curriculum vitae, à sa classification, ni la réalité d'une disparité de rémunération ou de progression de carrière avec des salariés placés dans une situation comparable. Pour autant le seul fait qu'il soit en inter-contrats depuis octobre 2009, soit depuis 7 ans, constitue un élément laissant présumer l'existence d'une discrimination syndicale à son encontre.

A cet égard la société COGNITIS FRANCE établit qu'elle a présenté le CV de M. [I] à plusieurs clients chaque année de 2009 à 2013, qu'en 2014 une mission s'est présentée mais le profil de M. [I] n'a pas été retenu et qu'en 2015, trois missions chez Natixis ont été proposées à celui-ci qui n'a cependant pas souhaité y donner suite. En effet il ressort des échanges de courriels versés aux débats que M. [I] a répondu aux appels d'offre qui lui ont été transmis le 25 juin 2015 en indiquant par courriel du 30 juin : "après une analyse des trois appels d'offres, je me demande s'il n'y a pas un problème de qualification par rapport à mon profil", sans plus de précisions sur l'inadéquation alléguée des missions proposées par rapport à son profil, lesquelles ne sont pas davantage données dans le cadre de la présente procédure, étant relevé que par courriel du 31 juillet 2015 le directeur d'agence dont dépend M. [I] a fait observer à celui-ci qu'il aurait été utile qu'il puisse répondre pour chaque appel d'offre de façon détaillée en mettant en évidence ses compétences en adéquation avec celles demandées et celles qu'il ne maîtrisait pas, précisant sur ce point : "ce qui est tout à fait fréquent, car en général on ne maîtrise pas tout dans les appels d'offres ...", et lui a demandé qu'il fasse cet exercice sur les trois appels d'offre du mois de juin afin de permettre à "notre cellule d'appel d'offre de mieux cibler à l'avenir ton profil", mais que cette demande est restée sans réponse de la part de M. [I]. En outre il n'est nullement allégué que le salarié ait exercé des fonctions en interne depuis son embauche par la société COGNITIS FRANCE qui justifie qu'elle n'a pas de missions à lui confier en interne en rapport avec ses compétences, étant relevé que le salarié ne précise nullement quel poste il serait susceptible d'occuper à ce titre.

Par conséquent la société COGNITIS FRANCE démontre que la situation d'inter-contrats dans laquelle se trouve M. [I] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination qui n'est donc pas établie.

Le jugement qui a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes au titre de la discrimination sera donc confirmé.

Sur le harcèlement moral

En application de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [I] soutient qu'il subit depuis près de 15 ans des agissements répétés de harcèlement moral caractérisés par une pression permanente, laquelle engendre un stress considérable, plusieurs tentatives de licenciement, plusieurs "refus de salaire", une "assignation à résidence" et un dénigrement de la part des dirigeants et de certains salariés de l'entreprise. Il affirme également que sa classification a été rétrogradée, qu'il n'a aucune promotion, qu'il est affecté sur des formations prétendument obligatoires, sans suivi et sans aucune mission prévue ni en interne, ni en externe. Il souligne le climat selon lui dégradé de l'entreprise. Il affirme que les agissements de l'employeur ont altéré sa santé physique et morale, précisant à cet égard qu'il a fini par subir plusieurs hospitalisations et est affecté notamment d'un ulcère. Il souligne la violence et la gravité de sa situation ainsi que son épuisement et son surmenage.

Au préalable il est rappelé que la rétrogradation invoquée et la revendication d'une classification supérieure à celle attribuée au salarié ont été écartées.

Par ailleurs l'ensemble des faits invoqués par M. [I] survenus pendant sa relation de travail avec la société SAPIENS, tels que la procédure avortée de licenciement dont il a fait l'objet en 2003, le non-paiement de ses salaires la même année, ne peuvent venir au soutien de sa demande indemnitaire fondée sur le harcèlement moral qu'il forme à l'encontre de la société COGNITIS FRANCE en l'absence de transfert de son contrat de travail.

Ni le dénigrement, ni le surmenage, ni la dégradation du climat de travail invoqués par M. [I] ne sont démontrés. En outre les litiges entre certains salariés de la société COGNITIS FRANCE ou du groupe GFI Informatique dont elle fait partie, avec leur employeur, quant bien même ils ont donné lieu pour certains à condamnation de celui-ci, ne concernent pas directement M. [I] et ne peuvent en conséquence venir au soutien de l'allégation de harcèlement moral dont il se prétend victime.

Les formations dont M. [I] bénéficie régulièrement, dont une formation (consultant expert-chef de projet) d'une durée de trois mois en 2015, ne peuvent être constitutives de harcèlement moral alors qu'elles s'inscrivent dans le cadre de l'exécution par l'employeur de son obligation de formation et d'adaptation.

M. [I] fait état d'une détérioration de son état de santé. La cour observe toutefois que les pièces médicales produites, datant de 2004, font état des suites d'une intervention chirurgicale, au demeurant antérieure à l'embauche de M. [I] par la société COGNITIS FRANCE, et que pour la période postérieure, seuls deux arrêts de travail sont produits, datant pour l'un de 2007 et pour l'autre de 2012, mentionnant pour le premier:"céphalées, épuisement surmenage" et pour le second "harcèlement", "insomnie", sans toutefois qu'aucun certificat médical explicitant les difficultés du salariés ou témoignages ne viennent corroborer ces mentions portées sur des arrêts de travail anciens. La dégradation de l'état de santé du salarié en lien avec ses conditions de travail au sein de la société COGNITIS FRANCE n'est donc pas matériellement établie.

M. [I] invoque la situation d'inter-contrats dans laquelle il se trouve depuis 2009 et l'absence de promotion, lesquelles sont établies. Ces éléments font présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur démontre par les présentations régulières du CV de M. [I] auprès de clients, et par les propositions d'appels d'offre faites au salarié, auxquelles ce dernier n'a pas donné suite, que la situation d'inter-contrats de l'appelant est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. La société COGNITIS FRANCE justifie également qu'il en est de même de l'absence de promotion de M. [I] dès lors qu'il est justifié que la classification octroyée au salarié correspond à celle attribuée aux salariés exerçant comme lui des fonctions d'ingénieur-concepteur et que la rémunération qu'il perçoit se situe dans une position médiane par rapport à celle de ses collègues se trouvant sans une situation comparable.

Le harcèlement moral allégué n'est donc pas établi. Le jugement qui a débouté le salarié de sa demande indemnitaire à ce titre doit dès lors être confirmé.

Sur la demande de liquidation d'astreinte

Le jugement déféré qui a débouté M. [I] de sa demande de liquidation de l'astreinte prononcée par ordonnance du bureau de conciliation du 26 janvier 2014 après avoir constaté à juste titre que la société COGNITIS FRANCE avait exécuté ladite décision lui ordonnant de communiquer diverses pièces relatives à un panel de salariés représentatifs, doit être confirmée.

Sur la demande du syndicat Alliance Sociale

M. [I] ayant été débouté de l'ensemble de ses demandes, la demande indemnitaire du syndicat Alliance Sociale sera également rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [I] supportera les dépens d'appel. Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

ORDONNE la jonction des instances enregistrées sous les numéros de répertoire général 15/04453 et 15/04454 ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE M. [F] [I] de ses demandes nouvelles en paiement de dommages et intérêts pour transfert illicite et violation du statut protecteur et tendant à dire que sa qualification à la position 2.3 coefficient 150 est acquise depuis le 1er septembre 1999;

DÉBOUTE M. [F] [I] de sa demande nouvelle en nullité de la clause de non-engagement et de dommages et intérêts à ce titre ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [F] [I] aux dépens d'appel ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/04454
Date de la décision : 14/12/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/04454 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-14;15.04454 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award