RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 13 Décembre 2016
(n° , 05 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/00147
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 14/00652
APPELANTE
Association GROUPE SOS SOLIDARITES anciennement dénommée Association HABITAT SOINS venant aux droits de l'Association FRANCAISE DES SCLEROSES EN PLAQUE (AFSEP)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Jérôme ARTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097 substitué par Me Gautier KERTUDO, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097
INTIMEES
Madame [G] [A]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
née le [Date naissance 1] 1954 au CONGO
représentée par Me Ariane SIC SIC, avocat au barreau de PARIS, toque : C1477
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président
Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Valérie LETOURNEUR, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Madame [G] [A] a été engagée par l'Association Française des Sclérosés en plaques et affectée à la Résidence [Établissement 1] , à compter du 30 mars 2009, en qualité de médecin généraliste, au salaire mensuel brut de 2393,01 euros.
La Résidence [Établissement 1], gérée par l'association, a été reprise par l'Association GROUPE SOS SOLIDARITE et le contrat de travail s'est poursuivi.
Madame [A] a été licenciée par courrier du 18 juillet 2013. La lettre de rupture était rédigée dans les termes suivants :
« Suite au dépôt d'une plainte de Mme [S], vous concernant, j'ai été amenée à prendre à votre encontre une mesure de mise à pied à titre conservatoire, le 5 juin 2013.
Pour faire suite à votre demande nous avons repoussé l'entretien disciplinaire à une date de votre choix, et l'on comprend très bien aujourd'hui pourquoi.
Je vous ai donc reçu le 1er juillet dans le cadre d'un entretien disciplinaire, et vous étiez assistée de Mme [M], déléguée syndicale CGT.
J'ai entendu vos explications relatives à la plainte déposée par cette famille. J'ai également entendu vos explications relatives au jugement du conseil de l'ordre des médecins vous concernant.
À la suite de la plainte déposée par cette famille, le conseil de l'Ordre m'a transmis le jugement vous concernant, celui-ci prononce à votre encontre de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux, pendant une période de six mois, dont trois mois avec sursis. La décision a été prononcée en séance publique, le 22 janvier 2013.
Outre le fait que vous avez reconnu lors de notre entretien avoir proposé vos services à Mme [S], il s'avère qu'il vous était interdit durant toute cette période de délivrer des soins aux résidents de la MAS, qui sont tous assurés sociaux et de surcroît, qui sont accueillis dans un établissement financé en quasi-totalité par l'assurance-maladie.
Vous avez volontairement omis d'informer votre employeur de votre incapacité juridique à remplir votre emploi, et vous avez perçu indûment des salaires financés par l'assurance-maladie.
Après vous avoir entendu et avoir pris connaissance des éléments mentionnés ci-dessus, je vous informe que j'ai pris la décision de vous licencier pour faute grave à la date du 19 juillet 2013.
Sachez Madame, que j'étudie avec le conseil de l'établissement l'éventualité d'une procédure au pénal en ce qui vous concerne. Sachez enfin que les résidents et leurs familles sont susceptibles d'entreprendre à votre encontre le même type de démarche. »
Madame [A] a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud'hommes.
Par jugement du 24 novembre 2015, le conseil de prud'hommes d'Evry a estimé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur au paiement de :
' 2379,04 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
' 14'358 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,
' 4344,07 euro de rappels de salaire sur la période de mise à pied et les congés payés afférents,
' 15'025,50 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Il a débouté l'Association de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné la remise des documents sociaux, le remboursement à Pôle Emploi des indemnités chômage.
L'association GROUPE SOS SOLIDARITE a relevé appel de cette décision.
Par conclusions visées au greffe le 10 octobre 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, l'Association GROUPE SOS SOLIDARITE demande à la cour l'infirmation du jugement, le rejet des demandes de Madame [A] et sa condamnation à 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées au greffe le 10 octobre 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, Madame [G] [A] sollicite la confirmation du jugement à l'exception du montant de l'indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle demande la condamnation de l'Association aux sommes de 10'768 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 57'432 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience.
MOTIFS :
Sur la notification du licenciement
Madame [A] fait valoir qu'il n'a pas été destinataire de la lettre de licenciement et que la signature apposée sur l'accusé réception produit par la partie adverse ne serait pas la sienne.
En application de l'article L 1232 -6 du code du travail, lorsque l'employeur a décidé de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
En l'espèce, l'employeur transmet la lettre de licenciement exposant les motifs de la rupture datée du 18 juillet 2013 et portant copie du code-barre du recommandé numéro 1A088 040 60 725. Il produit également un accusé réception du même numéro comportant une date de distribution du 20 juillet 2013 et adressée au nom de Madame [A] et à son adresse. Cet accusé réception comporte sous la mention « signature du destinataire » une signature.
Il résulte de ces éléments que l'employeur a régulièrement procédé à la notification de la lettre de licenciement et il appartient à la salariée qui la conteste de prouver que la notification n'est pas régulière.
En transmettant trois attestations établissant qu'elle vivait seule avec ses deux enfants et qu'elle n'a pas confié de pouvoir à son gardien ou à sa voisine pour réceptionner son courrier, la salariée n'établit pas qu'elle n'ai pas été destinataire de la lettre, que la notification effectuée à sa personne soit un faux et ce même si la calligraphie de la signature apposée sur l'accusé réception n'est pas totalement identique à celle de sa pièce d'identité, établie 5 ans plus tôt, en 2011.
De même, la réclamation adressée à la poste deux ans plus tard en mars 2015 alors que la procédure contentieuse était déjà engagée, ne prouve pas non plus l'absence de notification. Le moyen sera rejeté.
Sur la rupture du contrat de travail
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.
Madame [A] a été embauchée le 30 mars 2009.
Par décision de la Section des Assurances Sociales du Conseil National de l'Ordre des Médecins du 22 janvier 2013, elle a été sanctionnée d'une « interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant six mois dont trois mois avec le bénéfice du sursis et avec le remboursement à la caisse primaire d'assurance-maladie [Localité 1] de la somme de 12'888,28 euros ». L'article 3 de cette décision prévoit que la sanction prend effet du 1er avril 2013 à zéro heure et cessera de porter effet le 30 juin 2013 à minuit. À cette date, Madame [A] à continuer à exercer ses fonctions au sein de l'Association.
L'obligation de loyauté qui pèse sur le salarié à l'égard de son employeur imposait que la salariée informe l'Association de l'interdiction d'exercer dont elle faisait l'objet. Dans le cas d'espèce, contrairement aux affirmations de Madame [A], les motifs de la sanction ne tiennent pas uniquement à des problèmes administratifs ou de nomenclature, mais portent également sur l'existence d'acte abusifs et fictifs.
Il convient également d'écarter le moyen tiré de ce que les faits sanctionnés soient extérieurs au contrat de travail liant les parties à la date d'exécution de la sanction. En effet, conformément à son contrat de travail, Madame [A] avait dans l'Association les fonctions d'un médecin généraliste. A ce titre elle avait des fonctions de diagnostic, de prévention et de soins des affections médicales (« article 3 : Attributions » du contrat de travail). Par voie de conséquence, l'interdiction de donner des soins s'appliquait bien au travail qu'elle exerçait chez son nouvel employeur.
L'argument tiré de ce que les patients n'auraient pas été assurés sociaux est inopérant, les patients accueillis au sein de l'association étant nécessairement pris en charge par la sécurité sociale et le financement de l'association étant également partiellement sous financement de la sécurité sociale.
Enfin, doit être également rejeté, le moyen tiré de ce que l'association n'aurait subi aucun préjudice tiré de la pratique exercée par sa salariée. En employant un médecin généraliste, frappé d'une interdiction d'exercer, l'image comme la responsabilité de l'Association s'en trouvaient nécessairement affectées. L'importance des fonctions de Madame [A] au sein de l'Association exigeait une pratique professionnelle irréprochable et une confiance totale de l'employeur.
Au vu de l'ensemble de ces motifs, il convient de considérer que l'omission d'informer son employeur par un médecin frappé d'interdiction d'exercer constitue une faute grave rendant impossible le maintien de la relation de travail.
Il convient en conséquence, d'infirmer le jugement et et de débouter Madame [A] de ses demandes fondées sur le licenciement illégitime.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement ;
DÉCLARE le licenciement pour faute grave justifié ;
DÉBOUTE Madame [A] de l'ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant ;
VU l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [A] à payer à LE GROUPE SOS SOLIDARITÉ en cause d'appel la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [A] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT