Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/23625
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014039852
APPELANTE
SAS MEDIACO CHAMPAGNE-ARDENNE, anciennement dénommée MEDIACO ZEIMETT
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 343 480 109
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Représentée par Me Isabelle MONIN LAFIN de la SELARL ASTREE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : C0230
INTIMEES
SAS ADECCO FRANCE
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 998 823 504
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Pauline VILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1019
Représentée par Me François VACCARO de la SELARL VACCARO ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Marion PAOLETTI, avocate au barreau de PARIS, toque : B1019
SASU DERICHEBOURG INTERIM
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 3]
N° SIRET : 602 044 638
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Marilyn GATEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0555
Représentée par Me Geoffrey CENNAMO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0750
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, rédacteur
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Mediaco Champagne Zeimett, nouvellement dénommée Mediaco Champagne Ardenne est une spécialiste de la réalisation d'opérations de levage, de manutention et de maintenance industrielle.
Elle a régulièrement fait appel aux sociétés d'intérim des groupes Derichebourg Interim (ci-après dénommée Derichebourg) et Adecco France (ci-après dénommée Adecco) entre 1996 et 2011.
La société Mediaco Champagne Ardenne a été condamnée par 7 jugements en date du 25 juin 2013 à verser à 7 salariés intérimaires auxquels elle avait eu recours, les indemnités afférentes à la requalification de leurs contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée et à la requalification de la rupture de leurs contrats de travail en licenciements sans cause réelle et sérieuse.
Ces jugements n'ont pas été frappés d'appel. La société Mediaco Champagne Ardenne a réglé la somme de 325 146,38 euros à l'ensemble de ses anciens intérimaires en application des jugements rendus le 25 juin 2013.
Par exploits d'huissier des 20 et 30 juin 2014, la société Mediaco Champagne Ardenne a assigné les sociétés Derichebourg Interim et Adecco devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation des défenderesses à lui payer 50 % du préjudice subi à la suite des 7 condamnations prononcées au profit des salariés intérimaires auxquels elle avait eu recours, leur reprochant de ne pas l'avoir alertée sur les conséquences des renouvellements des contrats de mission, d'avoir manqué à leur devoir de conseil et de mise en garde et d'avoir fait preuve de déloyauté contractuelle.
Par jugement en date du 28 octobre 2015, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Mediaco Champagne Ardenne de toutes ses demandes et l'a condamnée à verser à chacune des défenderesses une indemnité de procédure de 3 000 euros chacune au titre de 3 000 euros ainsi qu'aux dépens de l'instance.
La société Mediaco Champagne Ardenne a relevé appel de ce jugement le 24 novembre 2015.
Par conclusions notifiées le 7 octobre 2016, la société Mediaco Champagne Ardenne demande à la cour, au visa des articles 1134, 1135 et 1147 du code civil, 122 du code de procédure civile, de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et de confirmer le jugement entrepris en en ce qu'il a reconnu la compétence territoriale des juridictions parisiennes, en ce qu'il a reçu l'action de la société Mediaco Champagne Ardenne à l'encontre des sociétés Adecco France et Derichebourg Interim et de le réformer pour le surplus.
Elle prie la cour, en conséquence de :
- dire et juger que les sociétés Derichebourg Interim et Adecco France sont responsables d'abstentions dolosives en n'ayant pas alerté Mediaco Champagne Ardenne sur le risque potentiel d'une requalification possible en contrats de travail à durée indéterminée, la pratique que ces sociétés d'intérim ont favorisé, consistant à inciter Mediaco au recours à des travailleurs intérimaires selon les durées, les contrats et les personnes tels que décrits dans les motifs ;
- dire et juger que les sociétés Derichebourg Interim et Adecco France ont commis une faute engageant leur responsabilité contractuelle à l'égard de Mediaco.
- dire et juger que les sociétés Derichebourg Interim et Adecco France ont engagé leur responsabilité civile professionnelle en raison de leur défaut de conseil et de mise en garde ;
En conséquence,
- condamner la société Derichebourg Interim à verser à la société Mediaco Champagne Ardenne la somme de 110 853,67 euros ;
- condamner la société Adecco France à verser à la société Mediaco Champagne Ardenne la somme de 57 991,84 euros.
- condamner solidairement les sociétés Derichebourg Interim et Adecco France au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- débouter les sociétés Derichebourg Interim et Adecco France de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Par conclusions notifiées le 12 janvier 2016, la société Derichebourg Interim demande à la cour, au visa des articles 1382 et suivants du code civil de :
A titre principal,
- dire que les demandes de la société Mediaco Champagne Ardenne sont irrecevables en vertu du principe de l'autorité relative des jugements prud'homaux l'ayant condamnée ;
- condamner la société Mediaco Champagne Ardenne à payer à la société Derichebourg Intérim la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
- condamner la société Mediaco Champagne Ardenne à payer à la société Derichebourg Intérim la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 23 septembre 2016, la société Adecco France demande à la cour, au visa des articles L 1251-1 et suivant du code du travail de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société Mediaco Champagne Ardenne à lui payer une indemnité de procédure de 7 000 euros ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 17 octobre 2016.
SUR CE,
Les parties ne contestent pas le jugement déféré sur la compétence.
Sur la recevabilité de l'action de la société Mediaco Champagne Ardenne
La société Derichebourg soutient que la société Mediaco Champagne Ardenne est irrecevable en son action en vertu du principe de l'autorité relative des jugements prud'homaux l'ayant condamnée faute d'avoir été mise en cause dans le cadre de l'instance prud'homale ayant abouti aux jugements définitifs du 25 juin 2013 ni par les demandeurs, ni par la société Mediaco Zeimett.
La société Medico Champagne Ardenne invoque les jugements prud'hommaux comme actes juridiques au soutien de son action.
Elle est donc recevable en son action et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur le fond
L'article 1251-40 du code du travail dispose que le salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice qui a méconnu notamment l'article L 1251.5 du code du travail qui dispose que le recours à un contrat de mission ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi stable lié à l'activité de l'entreprise, les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au jour de sa mission. C'est ce qu'a fait le conseil de prud'hommes de Reims qui, par jugements du 25 juin 2013, a requalifié les contrats de travail de Messieurs [N], [K], [U], [P], [Y], [S] et [E] en contrats à durée indéterminée en raison de la violation par la société Mediaco Champagne Ardenne, de l'article L 1251.5 du code de travail
En l'espèce, le conseil de prud'hommes de Reims a donc estimé que les salariés intérimaires employés par les sociétés Adecco et Derichebourg et mis à la disposition de Mediaco Zeimette avaient occupé un poste et un emploi permanents au sein de la société utilisatrice qui avait donc eu recours de manière illégale à l'intérim. Il est donc établi que les emplois occupés par les salariés intérimaires étaient manifestement liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
Le recours au travail temporaire fait l'objet de deux contrats, un contrat de prestations de service entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice, dénommé contrat de mise à disposition et un contrat de travail entre l'entrepreneur de travail temporaire et le salarié temporaire, appelé contrat de travail temporaire ou contrat de mission.
La société Mediaco Champagne Ardenne soutient que les intimées n'ont pas respecté leur devoir de conseil et de mise en garde en mettant à sa disposition du personnel dans des conditions illégales ; que la conclusion, à de très nombreuses reprises, et en violation répétée des délais de carence, par les sociétés des groupes Derichebourg et Adecco, de contrats de mise à disposition concernant Mmrs [N], [K], [U], [P] [Y], [S] et [E] alors qu'elles avaient parfaitement conscience de contribuer à la violation de l'article L. 1251-5 du code du travail doit s'analyser à la fois comme une abstention dolosive et comme un défaut de conseil et de mise en garde. Elle précise qu'elle a noué une relation de confiance depuis 1996 avec les sociétés des groupes Derichebourg et Adecco qui connaissent parfaitement son activité et son organisation et qui ont permis la mise à disposition des sept intérimaires de façon récurrente entre 2006 et 2011. Elle reproche à ces dernières de n'avoir pas contrôlé les conditions de recours au contrat de travail temporaire et de ne pas l'avoir conseillée de ne pas continuer à avoir recours à ces salariés via l'intérim ; qu'en n'alertant pas la société Mediaco Champagne Ardenne de son recours illégal à l'intérim et de ses conséquences, les sociétés Derichebourg et Adecco ont commis une faute en lien direct avec la condamnation de la demanderesse par le conseil des prud'hommes de Reims au paiement de la somme de 325 146,38 euros.
La société Medicaco Champagne Ardenne n'exerce pas une action en garantie à l'encontre des sociétés d'intérim et n'invoque pas, contrairement à ce que soutient la société Derichebourg et ce qu'a retenu le tribunal, un manquement à ses propres obligations contractuelles. Elle soutient que ces dernières ont engagé leur responsabilité contractuelle à son égard pour violation de leur obligation de conseil et de mise en garde en leur qualité de professionnelles de l'intérim quant à la conclusion du contrat de mise à disposition ainsi que d'une obligation de contrôle des conditions dans lesquelles il est recouru au contrat de travail temporaire.
Il résulte de l'article L 1222-2 du code du travail que le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail et que l'employeur peut avoir recours à des contrats de travail à durée déterminée et d'intérim à condition de respecter les règles restrictives qui sont attachées à ces contrats exorbitants du droit commun.
Il résulte des dispositions des articles L 1251-16 et L 1251-17 du code du travail, que les sociétés d'intérim ne sont tenues qu'à des obligations formelles relatives au contenu du contrat, de transmission desdits contrats aux salariés embauchés sous ce statut et de rémunération de ces derniers.
La société Mediaco Champagne Ardenne ne saurait se fonder sur l'article 1147 du code civil pour faire peser sur les société Adecco et Derichebourg une obligation générale d'information et de conseil quant à la pertinence du recours au contrat de travail à titre temporaire et à sa fréquence, étant au surplus rappelé que le cadre légal du recours restrictif à ce type de contrat est rappelé dans les conditions générales des contrats de mise à disposition.
Le jugement entrepris sera donc confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la société Mediaco Champage Ardenne de sa demande en paiement.
Il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
La société Mediaco Champagne Ardenne succombant en son appel sera condamnée aux dépens de la présente procédure et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à chacune des intimées la somme de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME Le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 28 novembre 2015 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Mediaco Champagne Ardenne aux dépens d'appel ;
DEBOUTE la société Mediaco Champagne Ardenne de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE la société Mediaco Champagne Ardenne à payer à la société Adecco France et à la société Derichebourg Interim la somme de 2 5000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS