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12/12/2016 | FRANCE | N°14/13963

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 12 décembre 2016, 14/13963


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3





ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2016



(n° , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 14/13963



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2014 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 09/09693





APPELANTS



Monsieur [P] [C]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 7]

[Adresse 4]



[Localité 6]



Société MACIF MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[L...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2016

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/13963

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2014 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 09/09693

APPELANTS

Monsieur [P] [C]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Société MACIF MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentés par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistés de Me Myriam HOUFANI de la SELARL PYTKIEWICZ - CHAUVIN de LA ROCHE - HOUFANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0089

INTIMÉS

Monsieur [R] [Y]

CODE FISCAL SPG GPP 25T04 H119Y

[Adresse 7]

[Localité 2]

Monsieur [T] [Y]

CODE FISCAL XXXXXXXXXXXXX

[Adresse 2]

[Localité 3]

Monsieur [M] [Y]

CODE FISCAL XXXXXXXXXXXXX

[Adresse 5]

[Localité 2]

Monsieur [O] [Y]

CODE FISCAL XXXXXXXXXXXXX

[Adresse 9]

[Localité 2]

Madame [A]

CODE XXXXXXXXXXXXX

[Adresse 6]

[Localité 1]

Monsieur [Z]

CODE FISCAL XXXXXXXXXXXXX

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentés par Me Sylvie EX-IGNOTIS de la SCP FOUCHE-EX IGNOTIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 155

Etablissement Public CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Assigné le 26.08.2014 à personne habilitée. Non constituée.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre entendu en son rapport, et Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

Madame Stéphanie ARNAUD-MONGAY, Vice-Présidente placée

Qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Thierry RALINCOURT, Président, et par Mme Patricia PUPIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 4/05/2005, [V] [Y], né le [Date naissance 2]/1930 et alors âgé de 74 ans, a été victime d'un accident corporel de la circulation (accident de la vie privée) dans lequel a été impliqué un véhicule conduit par [P] [C] et assuré par la société MACIF qui ne conteste pas le droit à entière indemnisation de la victime.

Par assignation du 11/09/2009, [V] [Y] a agi en indemnisation de son préjudice corporel.

Par ordonnance du 3/02/2010, le Juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Créteil a désigné le Docteur [I] en qualité d'expert pour examiner [V] [Y]. Le rapport d'expertise a été clos le 21/05/2012.

[V] [Y] est décédé le [Date décès 1]/2012 en cours de première instance, laquelle a été reprise par ses héritiers [R], [T], [M] et [O] [Y], [F] et [L] [K].

Par jugement du 3/06/2014 (instance n° 09/09693), le Tribunal de grande instance de Créteil a :

- déclaré [P] [C] entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont [V] [Y] a été victime le 4 mai 2005,

- condamné en conséquence in solidum [P] [C] et la MAClF à payer à [R], [T], [M] et [O] [Y] et [L] '[J] et [F] [K], en leur qualité d'héritiers d'[V] [Y], les sommes suivantes :

$gt; 501 587,50 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice corporel subi par [V] [Y],

dit que les provisions versées par la MACIF devront être déduites, lors du règlement, du montant de cette condamnation,

$gt; 140 796,43 euros au titre des articles L.211-9 et -13 du code des assurances,

$gt; 5 000 euros (somme globale) par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné in solidum [P] [C] et la société MACIF aux entiers dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire.

Sur appel interjeté par déclaration du 2/07/2014, et selon dernières conclusions notifiées le 27/01/2016, il est demandé à la Cour par la société MACIF et [P] [C] de :

- leur donner acte de ce qu'ils ne contestent pas le droit à réparation de feu [V] [Y]

- entériner les conclusions du Professeur [I] en date du 21 mai 2012,

- dire et juger que la tierce personne sera fixée à hauteur de 8 heures par jour jusqu'à la date du décès de la victime,

- réduire, comme étant excessives, les indemnités allouées en première instance, au montant des offres mentionnées ci-après,

- rejeter les réclamations des ayants droit d'[V] [Y] au titre des frais restés à charge, ces derniers n'étant pas justifiés comme en relation avec l'accident,

- rejeter les réclamations des ayants droit d'[V] [Y] au titre des frais futurs, ces derniers n'étant pas justifiés,

- dire et juger que pour déterminer si la MACIF a respecté ses obligations au titre de l'article L.211-9 du code des assurances, il y aura lieu de tenir compte uniquement de l'envoi du rapport du Docteur [I] compte tenu de sa désignation par ordonnance du Juge de la mise en état de Creteil du 3 février 2010,

- dire et juger que la MACIF avait adressé une offre provisionnelle à la victime dès le 6 octobre 2005,

- dire et juger que l'offre définitive que devait adresser la MACIF ne pouvait être adressée qu'après envoi du rapport du Professeur [I] adressé aux parties le 22 mai 2012,

- constater que la MACIF a adressé son offre à la victime le 18 septembre 2012, date à laquelle elle ne connaissait pas son décès,

- dire et juger que la MACIF a donc parfaitement respecté ses obligations en application de l'article L.211-9 du code des assurances,

- infirmer dès lors le jugement entrepris sur la condamnation au titre du doublement des intérêts,

- rejeter la réclamation des ayants droit d'[V] [Y] au titre du doublement des intérêts,

- dire et juger qu'il y aura lieu d'imputer sur l'indemnisation définitive la provision d'ores-et-déjà versée à hauteur de 16 000 euros,

- dire et juger qu'il y aura lieu pour la Cour d'ordonner la restitution des surplus des indemnités versées par la MACIF au titre de l'exécution provisoire,

- rejeter la réclamation des ayants droit d'[V] [Y] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ou à tout le moins la réduire à de plus justes proportions.

Selon dernières conclusions notifiées le 21/09/2015, il est demandé à la Cour par [R] et [M] [Y], [H] [Q] veuve de [T] [Y], [F] et [L] [K] (les consorts [Y]-[J]) de :

- rejeter l'ensemble des demandes de [P] [C] et de la société MACIF,

- confirmer le jugement dont appel en ses dispositions relatives :

$gt; au droit à réparation intégrale de la victime,

$gt; à l'indemnisation du poste « Dépenses de santé actuelles »,

$gt; à une indemnisation du poste « assistance tierce personne » sur la base d'une assistance complète soit 24 heures / 24, et suivant les périodes, répartitions et taux horaires retenus par le premier Juge conduisant à l'allocation d'un montant total de 355 387,50 euros,

$gt; au rejet du calcul prorata temporis proposé par l'assureur MACIF pour les postes « Déficit fonctionnel permanent », « Préjudice d'agrément », et « Préjudice esthétique »,

$gt; à l'application de la sanction prévue par l'article L 211-13 du Code des assurances du 4 janvier 2006 au 18 septembre 2012, sur l'indemnité totale allouée à la victime avant déduction de la créance des tiers payeurs,

$gt; à la condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- sur appel incident relatif au montant de l'indemnisation de l'ensemble des postes de préjudice, à l'exception des postes « dépenses de santé actuelles » et « assistance tierce personne », augmenter, comme étant insuffisantes, les indemnités allouées en première instance, à hauteur des montants mentionnés ci-après,

- dire le jugement (sic) commun et opposable à la CPAM du Val-de-Marne,

- condamner [P] [C] et la société MACIF solidairement au paiement d'une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner [P] [C] et la société MACIF solidairement aux entiers dépens, lesquels comprendront le coût de l'expertise judiciaire et celui des frais de traduction conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile.

jugement

demandes

offres

préjudices patrimoniaux

temporaires

- tierce personne

19 712,00 euros

permanents

- dépenses de santé à charge

0,00 euros

2 858,00 euros

0,00 euros

- assistance de tierce personne

355 387,50 euros

355 387,50 euros

104 000,00 euros

préjudices extra-patrimoniaux

temporaires

- déficit fonctionnel temporaire

16 700,00 euros

40 000,00 euros

13 772,00 euros

- souffrances endurées

15 000,00 euros

30 000,00 euros

15 000,00 euros

permanents

- déficit fonctionnel permanent

110 000,00 euros

130 000,00 euros

51 834,00 euros

- préjudice esthétique permanent

1 500,00 euros

10 000,00 euros

531,00 euros

- préjudice d'agrément

3 000,00 euros

20 000,00 euros

0,00 euros

subsidiairement

664,00 euros

- préjudice sexuel

0,00 euros

10 000,00 euros

0,00 euros

subsidiairement

232,00 euros

- TOTAL

501 587,50 euros

598 245,50 euros

205 745,00 euros

La CPAM du Val-de-Marne, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat mais a fait savoir par courrier du 27/10/2015 que le décompte définitif des prestations servies à [V] [Y] ou pour son compte s'est élevé à la somme de 181 916,64 euros ventilée comme suit :

- prestations en nature : 172 611,23 euros

- frais futurs : 9 305,41 euros.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1 - sur la réparation du préjudice corporel

Le Docteur [I], expert, a émis l'avis suivant sur le préjudice corporel subi par [V] [Y] :

- état antérieur : maladie de Parkinson évoluant depuis une dizaine d'années, auparavant non invalidante, et qui, après une phase de stabilité, s'est aggravée à partir de mai 2007

- blessures provoquées par l'accident : traumatisme crânien sans perte de connaissance initiale, développement dans les jours suivants d'un très volumineux hématome sous-dural hémisphérique droit et de la faux du cerveau associé à un effet de masse

- déficit fonctionnel temporaire :

$gt; total du 4/05/2005 au 19/03/2006

$gt; partiel à 75 % du 20/03/2006 jusqu'à la consolidation

- assistance temporaire par tierce personne : 8 heures / jour (assistance par une auxiliaire de vie non médicalisée)

- souffrances endurées : 4,5 / 7

- consolidation fixée au 1/05/2007

- déficit fonctionnel permanent : 65 %

- préjudice d'agrément : présent

- préjudice esthétique : 1 / 7

- préjudice sexuel : nuancé en fonction de l'âge

Au vu de ces éléments et des pièces produites par les parties, le préjudice corporel d'[V] [Y] sera indemnisé comme suit.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

* assistance par tierce personne

La société MACIF fait valoir à l'appui de son appel :

- que l'Expert judiciaire, dans son premier pré-rapport, avait retenu un besoin d'assistance par tierce personne de 24 heures / 24, mais qu'ensuite, connaissance prise de l'entier dossier médical d'[V] [Y], il aurait évalué ce besoin à seulement 8 heures par jour dans son second pré-rapport et dans son rapport définitif,

- que l'Expert judiciaire aurait relevé l'existence de deux processus ayant évolué en sens opposé, l'un vers l'amélioration, concernant vraisemblablement les séquelles de l'accident du 4/05/2005, et l'autre vers l'aggravation, concernant vraisemblablement l'évolution de la maladie de Parkinson,

- que l'indemnisation devrait donc être allouée sur la base de 8 heures d'assistance par jour, au taux horaire de 5,50 euros avant la consolidation et de 6,50 euros de la consolidation au décès, compte tenu du coût de l'assistance en Sardaigne.

En réplique, les consorts [Y]-[J] concluent à la confirmation du jugement qui a indemnisé une assistance de 24 heures sur 24 aux taux horaires de 7,50 euros pour 6 heures d'assistance active et de 5 euros pour 18 heures d'assistance passive (compte tenu du coût de la vie en Sardaigne), et ce à compter du retour d'[V] [Y] au domicile familial à sa sortie du centre de réadaptation, et jusqu'à son décès.

Ils font valoir :

- que l'expert judiciaire, bien qu'il n'ait retenu qu'un besoin d'assistance de 8 heures par jour, aurait relevé que, même en l'absence de maladie de Parkinson, un traumatisme crânien aussi sévère que celui subi lors de l'accident du 4/05/2005 entraînerait habituellement une perte d'autonomie nécessitant un placement en institution,

- que l'avis expertal ne lierait pas le juge,

- qu'à compter du retour d'[V] [Y] à domicile, sa perte d'autonomie aurait été totale, alors que l'intéressé aurait été totalement autonome avant l'accident.

Sur le plan médico-légal, l'Expert judiciaire a relevé qu'au jour de l'expertise (examens de la victime en dates des 30/09/2010 puis 6/12/2011) :

- [V] [Y] était totalement dépendant pour les actes de vie quotidienne et était assisté 24 heures / 24 par une auxiliaire de vie,

- la complexité de l'analyse venait de l'intrication entre deux pathologies différentes :

$gt; le traumatisme crânien sévère avec hématome sous-dural volumineux provoqué par l'accident du 4/05/2005,

$gt; un syndrome parkinsonien sévère, révélé progressivement au cours du temps dans les suites de l'accident (rapport page 23).

L'Expert a, au terme d'une analyse minutieuse, exclu l'existence d'un syndrome parkinsonien post-traumatique, et en a déduit qu'il convenait de faire la part de ce qui est imputable directement au traumatisme crânien, de ce qui est en rapport avec l'état antérieur caractérisé par un syndrome parkinsonien (rapport pages 23-24).

A cet égard, l'Expert a relevé que, quelques mois avant l'accident du 4/05/2005, [V] [Y] avait consulté un neurologue en raison d'un tremblement de la main droite évoluant depuis plus de 10 ans, et que ce praticien avait évoqué le diagnostic de maladie de Parkinson.

L'Expert a déduit des observations qui précèdent (rapport page 25) :

- que les troubles moteurs présentés par [V] [Y] semblaient s'être aggravés à partir de mai 2007, cette aggravation n'étant pas imputable au traumatisme (de l'accident du 4/05/2005), mais étant la conséquence du syndrome parkinsonien,

- que, jusqu'en mai 2007, les troubles cognitifs étaient au premier plan et les troubles moteurs étaient beaucoup plus discrets ; que les troubles tant moteurs que cognitifs se sont accentués par la suite ; que, très vraisemblablement, cette aggravation est en rapport avec la maladie de Parkinson évoluant pour son propre compte ; que, depuis, l'aggravation a été très marquée ;

- qu'en l'absence de maladie de Parkinson, l'état se serait probablement stabilisé avec des troubles cognitifs séquellaires (mémoire, orientation, fonctions exécutives) sans troubles moteurs ni de la marche ; qu'à l'inverse, en l'absence de traumatisme crênien, la maladie de Parkinson serait restée peu invalidante jusqu'à mi-2007, et que l'aggravation aurait ensuite été progressive sur plusieurs années avec, comme habituellement, des troubles surtout moteurs, l'atteinte cognitive étant plus tardive.

Sur le plan juridique, il résulte des observations médico-légales qui précèdent : que les effets de la maladie Parkinson dont était atteint [V] [Y] s'étaient déjà révélés avant l'accident du 4/05/2005 ; que les effets de cette pathologie n'ont pas été provoqués par ledit accident et qu'ils se sont développés après l'accident, indépendamment des traumatismes causés par lui, notamment à compter de la mi-2007.

Dès lors, l'assistance par tierce personne n'est indemnisable qu'au titre de la seule diminution d'autonomie causée par les séquelles du traumatisme crânien et de l'hématome sous-dural (évacué chirurgicalement) causés par l'accident du 4/05/2005, à l'exclusion des effets croissants sur les plans moteur et cognitif de l'évolution de la maladie de Parkinson à compter de la mi-2007.

Il s'en déduit que l'indemnisation de l'assistance par tierce personne à raison de 24 heures sur 24 sollicitée par les consorts [Y]-[J] outrepasserait le lien de causalité entre l'accident du 4/05/2005 et les séquelles en résultant exclusivement, et porterait atteinte au principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.

En l'état des éléments d'appréciation analysés par l'Expert judiciaire sur les conséquences respectives des séquelles de l'accident du 4/05/2005 et de l'évolution de la maladie de Parkinson, il y a lieu d'entériner son avis selon lequel, si le besoin d'assistance d'[V] [Y] par tierce personne était totale lors de l'expertise, seul un besoin de 8 heures d'assistance par jour peut être imputé aux séquelles dudit accident.

Enfin, les consorts [Y]-[J] relèvent vainement que l'Expert judiciaire a énoncé que "même en l'absence de maladie de Parkinson, un traumatisme crânien aussi sévère (que celui subi par [V] [Y]) entraîne habituellement une perte d'autonomie nécessitant un placement en institution", alors que l'Expert a relativisé la portée de cette appréciation en énonçant expressément qu' "il ne s'agit que d'une observation générale, et dans le cas précis il est difficile d'être plus précis faute d'élément de preuve indiscutable".

A cet égard, l'Expert a cité les notes en date du 17/09/2006 (environ 6 mois après la sortie d'[V] [Y] du centre de réadaptation et son retour dans un logement familial en Sardaigne) prises par un gériatre de Cagliari ayant examiné l'intéressé : "actuellement, très bonne récupération des capacités motrices".

La période indemnisable a couru du 19/03/2006, date du retour d'[V] [Y] dans un logement familial sarde suite à son départ du centre de réadaptation, jusqu'au 1/05/2007, date de consolidation, soit 409 jours calendaires.

Compte tenu des jours fériés et des congés payés, la société MACIF a retenu avec pertinence une durée indemnisable de 448 jours correspondant à une durée annale de référence de 400 jours.

Sur la base d'un taux horaire de 6 euros tenant compte du coût de la vie sarde en 2006-2007, l'indemnisation de ce poste de préjudice sera liquidée à :

6 euros * 8 heures * 448 jours = 21 504 euros.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

* dépenses de santé futures

Les consorts [Y]-[J] demandent l'indemnisation de diverses dépenses exposées par [V] [Y] entre le 21/07/2007 et le 28/01/2012.

Il n'est aucunement démontré que les dépenses d'optique (changement de lentilles de contact et de montures de lunettes) soit en lien de causalité directe avec les séquelles de l'accident du 4/05/2005, l'Expert judiciaire n'ayant retenu aucun trouble indemnisable de la vue de la victime.

Il n'est pas davantage démontré que les consultations d'orthopédiste des 16/10/2007 et 7/08/2008 soient en lien de causalité directe avec les séquelles de l'accident du 4/05/2005, dès lors que l'Expert judiciaire a relevé que le Docteur [S], gériatre sarde, avait constaté le 17/09/2006 qu'[V] [Y] présentait une très bonne récupération des capacités motrices, ce qui était en accord avec le dossier du centre de réadaptation (quitté par [V] [Y] en mars 2006) indiquant que la marche était considérée comme "autonome" à la fin du séjour de l'intéressé (cf. rapport d'expertise page 25).

Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage démontré que les autres consultations médicales, les frais de réadaptation facturés en 2008, les radiographies du 13//10/2009, les séances de physiothérapie réglées le 20/10/2009 et l'analyse sanguine du 28/01/2012 aient été en lien de causalité avec les séquelles de l'accident du 4/05/2005, plutôt qu'avec l'évolution défavorable de la maladie de Parkinson (observées depuis mi-2007), ou avec l'état général d'un patient âgé de 77 ans.

Le rejet de ce chef de demande doit être confirmé.

* assistance par tierce personne

Ce poste de préjudice couvre la période du 2/05/2007 au [Date décès 1]/2012, date du décès d'[V] [Y].

L'offre indemnitaire présentée par la société MACIF à hauteur de 104 000 euros, sur une base horaire de 6,50 euros, pour un besoin d'assistance journalière de 8 heures, une durée annale équivalant à 400 jours, et une période indemnisable arrondie à 5 ans, est satisfactoire.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

* déficit fonctionnel temporaire

Les consorts [Y]-[J] demandent une indemnisation de 20 000 euros pour la période de déficit total, et une indemnisation de 20 000 euros pour la période de déficit partiel.

La société MACIF offre une indemnisation basée sur un taux journalier de 22 euros appliqué aux périodes retenues par l'Expert judiciaire.

L'indemnisation de ce poste de préjudice pour 320 jours de déficit total et 408 jours de déficit partiel à 75 %, conformément à l'avis expertal, sera liquidée à 15 650 euros.

* souffrances endurées

L'Expert les a quantifiées au degré 4,5 / 7 en retenant l'hospitalisation prolongée et l'intervention neurochirurgicale du 8/05/2005 pour l'évacuation de l'hématome sous-dural.

L'indemnisation de ce poste de préjudice allouée en première instance à hauteur de 15 000 euros sera confirmée.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

* déficit fonctionnel permanent

Ainsi que le fait valoir à bon droit la société MACIF, en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, et en application de la règle d'évaluation du préjudice au moment où le juge statue, en cas de décès de la victime directe avant la liquidation de son préjudice, ses héritiers ne sont fondés à réclamer l'indemnisation des préjudices subis par leur auteur que pour la période écoulée jusqu'à son décès.

L'Expert ayant quantifié le déficit fonctionnel permanent d'[V] [Y] au taux 65 %, et la victime étant âgée de 76 ans au jour de sa consolidation, l'indemnisation de ce poste de préjudice devrait être liquidée à la somme de 119 275 euros en tenant compte de l'espérance de vie statistiquement prévisible d'un homme, selon les tables de survie établies pour les années 2006-2008 .

Dans la mesure où la durée de vie d'[V] [Y] n'a atteint qu'environ 5 ans à compter de sa consolidation, il y a lieu de liquider l'indemnisation de son préjudice sur la base d'une conversion en rente annuelle de l'indemnité capitalisée supra, avec application du barème invoqué par la MACIF selon lequel le taux de conversion est de 7,524 pour un homme âgé de 76 ans, soit :

119 275 euros / 7,524 * 5 ans = 79 263 euros.

* préjudice esthétique permanent

L'Expert l'a quantifié au degré 1 / 7 en retenant la présence de la cicatrice résultant de l'intervention d'évacuation de l'hématome sous-dural.

Sur la base d'une indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 1 500 euros en fonction de l'espérance de vie statistiquement prévisible d'un homme âgé de 76 ans selon les tables de survie établies pour les années 2006-2008, l'indemnisation de ce poste de préjudice sera liquidée à la somme de 997 euros pour une durée de vie de 5 ans, selon la modalité de calcul précitée.

* préjudice d'agrément

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire qu'[V] [Y] a été privé, du fait des séquelles de l'accident du 4/05/2005, de la possibilité de se livrer à son activité de loisirs consistant en la fabrication de vitraux.

Sur la base d'une indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 8 000 euros en fonction de l'espérance de vie statistiquement prévisible d'un homme âgé de 76 ans selon les tables de survie établies pour les années 2006-2008, l'indemnisation de ce poste de préjudice sera liquidée à la somme de 5 316 euros pour une durée de vie de 5 ans, selon la modalité de calcul précitée.

* préjudice sexuel

L'Expert judiciaire a retenu qu'[V] [Y] vivait maritalement avant l'accident du 4/05/2005.

Le Tribunal n'a pas retenu l'existence du préjudice allégué aux motifs pertinents que ce poste tend à indemniser non pas la cessation de la vie de couple (la cohabitation des concubins n'ayant, en l'occurrence, pas repris à la sortie d'[V] [Y] du centre de réadaptation), mais l'altération de la faculté d'entretenir des relations sexuelles, altération qui n'est pas établie en l'occurrence pour [V] [Y] ou, à tout le moins, dont l'imputation aux séquelles de l'accident du 4/05/2005 plutôt qu'à l'évolution de la maladie de Parkinson à partir de la consolidation du 1/05/2007, n'est pas établie.

Le rejet de ce chef de demande doit être confirmé.

Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que l'indemnisation du préjudice corporel de la victime est récapitulée comme suit :

Le présent arrêt, partiellement infirmatif, constitue le titre ouvrant droit, le cas échéant, à la restitution des sommes versées en exécution provisoire du jugement. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur la demande de la société MACIF en restitution du surplus des indemnités versées par elle.

2 - sur le doublement du taux de l'intérêt légal

Les consorts [Y]-[J] concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a appliqué cette sanction légale à la société MACIF pour la période du 4/01/2006, date d'expiration du délai de 8 mois ayant couru à compter du jour de l'accident, jusqu'au 18/09/2012, date de présentation de la première offre d'indemnisation par ledit assureur.

La société MACIF fait valoir en réplique :

- qu'elle a versé deux provisions les 6/10/2005 et 6/06/2006, et qu'elle aurait donc adressé une offre provisionnelle avant le 4/01/2006, dans le délai initial de 8 mois,

- qu'il ne saurait être soutenu qu'elle aurait eu connaissance de l'état définitif de la victime le 11/09/2009 au vu d'un rapport d'expertise extra-judiciaire, alors qu'elle a précisément contesté ce rapport et obtenu du Juge de la mise en état la désignation d'un expert judiciaire,

- que le délai de présentation d'une offre définitive n'aurait couru qu'à compter de la réception, par la société MACIF, en date du 22/05/2012, du rapport du Docteur [I], et qu'elle aurait présenté son offre d'indemnisation le 18/09/2012, dans le délai de 5 mois ayant couru à compter de sa prise de connaissance de la consolidation de la victime,

- que la sanction de l'article L.211-13 du Code des Assurances ne serait donc pas encourue.

En droit, l'article L.211-9 alinéas 2 à 4 du code des assurances, invoqué par les consorts [Y]-[J] dispose :

Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. (...) L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

L'article L.211-13 du même code, invoqué par les intimés, dispose :

Lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L.211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

En fait, la MACIF se borne à produire deux quittances signées par [V] [Y] les 6/10/2005 et 16/06/2006 pour la perception de deux provisions de 1 500 euros et 4 500 euros.

La MACIF ne justifie aucunement de ce qu'elle ait présenté à [V] [Y] une offre d'indemnisation, éventuellement provisionnelle, conforme aux exigences de l'article L.211-9 alinéa 2 précité du Code des Assurances, dans le délai de 8 mois à compter de l'accident du 4/05/2005, imparti par ce même texte.

En conséquence, la sanction de l'article L.211-13 du même code a couru à l'encontre de la société MACIF à compter 5/01/2006.jusqu'au 18/09/2012, date de présentation de son offre indemnitaire pour un montant total de 489 853,23 euros (avant imputation de la créance de la CPAM et sans déduction des provisions versées), dont les consorts [Y]-[J] ne soutiennent pas que ladite offre aurait été manifestement insuffisante ou incomplète.

Le montant de cette offre constitue donc l'assiette du taux doublé de l'intérêt légal dont le montant de 140 796,43 euros retenu par le Tribunal doit être confirmé comme n'étant contesté ni par la société MACIF (à titre subsidiaire) ni par les consorts [Y]-[J].

3 - sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

La condamnation de [P] [C] et de la société MACIF aux dépens de première instance comprenant le coût de l'expertise judiciaire du Docteur [I] doit être confirmée.

Les consorts [Y]-[J] soutiennent à tort que les frais de traduction en langue française du dossier médical d'[V] [Y], rédigé en langue italienne, et soumis à l'examen de l'Expert judiciaire, devraient être inclus dans les dépens.

En premier lieu, le Docteur [I] énonce expressément que cette traduction a été réalisée à la diligence et aux frais d'[V] [Y] (rapport page 2), et non à l'initiative de l'Expert qui aurait recouru à un sapiteur dont la rémunération aurait été incluse dans les frais d'expertise judiciaire et aurait eu la nature juridique de dépens en application de l'article 695 § 4 du Code de Procédure Civile.

En second lieu, il résulte des dispositions de l'alinéa 1er du § 2 dudit article 695 qu'ont seuls la nature de dépens les frais de traduction des actes de procédure.

Le Tribunal a exactement retenu que l'indemnisation des frais de traduction exposés par [V] [Y] relevait de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Dès lors que, d'une part, [P] [C] et la société MACIF sont jugés débiteurs envers les consorts [Y]-[J], et que, d'autre part, le jugement entrepris est infirmé en défaveur de ces derniers, chacune des parties conservera la charge des dépens d'appel exposés par elle, et la demande indemnitaire présentée en cause d'appel par les intimés doit être écartée.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Créteil en date du 3/06/2014 en ce qu'il a :

- déclaré [P] [C] entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont [V] [Y] a été victime le 4 mai 2005,

- condamné in solidum [P] [C] et la MACIF à payer aux héritiers d'[V] [Y], les sommes suivantes :

$gt; 140 796,43 euros au titre des articles L.211-9 et -13 du code des assurances,

$gt; 5 000 euros (somme globale) par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné in solidum [P] [C] et la société MACIF aux entiers dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire.

Infirme ledit jugement en ses autres dispositions et, statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne [P] [C] et la société MACIF in solidum à payer à [R] et [M] [Y], [H] [Q] veuve de [T] [Y], [F] et [L] [K], ès qualités d'héritiers d'[V] [Y], une somme de 241 730 euros (deux cent quarante et un mille sept cent trente euros) en réparation du préjudice corporel causé à [V] [Y] par l'accident du 4/05/2005, en deniers ou quittances, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter dudit jugement.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.

Déclare le présent arrêt commun à la CPAM du Val-de-Marne.

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens d'appel exposés par elle.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/13963
Date de la décision : 12/12/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°14/13963 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-12;14.13963 ?
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