Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2016
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15727
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CRETEIL en date du 23 Juin 2015 - RG n° 2014F00357
APPELANTES
1) SAS ERTECO FRANCE anciennement DIA FRANCE
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
ayant pour avocat plaidant Me Daniel ROYTA, cabinet FIDAL, barreau des Hauts-de-Seine, toque : PN 702
2) SAS ED FRANCHISE
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
ayant pour avocat plaidant Me Daniel ROYTA, cabinet FIDAL, barreau des Hauts-de-Seine, toque : PN 702
INTIMÉE
SELARL SMJ prise en la personne de Maître [W] [Y], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société EOTH.
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Thierry SERRA de l'AARPI SERRA ABOUZEID ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur François FRANCHI, Président de chambre
Madame Michèle PICARD, Conseillère
Madame Christine ROSSI, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Pauline ROBERT
Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Mme Pauline ROBERT, greffier présent lors du prononcé.
*
La société Eoth a signé le 1er octobre 2010 un contrat de franchise avec la société Ed Franchise et un contrat de location gérance, un contrat d'approvisionnement et une convention dite "de ristourne" avec la société Ed, devenue la société Dia France, puis devenue la société Erteco France.
Les résultats de la société Eoth ayant été inférieurs aux prévisions, et après plusieurs incidents de paiement le groupe Dia a fait injonction à la société Eoth de lui payer la somme de 84.191, 06 euros dans un délai de dix jours. Cette somme n'était pas réglée et le 14 février 2013 le groupe Dia notifiait à la société Eoth un défaut de paiement pour la somme de 170.373, 33 euros deux prélèvements ayant fait l'objet de rejet en juillet et août 2012, ces impayés s'ajoutant au solde de la somme de 84.191, 06 euros non payé.
Par courrier du 28 mars 2013 la société Dia France informait la caution, monsieur [A], des sommes restant à courir au 31 décembre 2012 au titre des contrats de location gérance et d'approvisionnement, soit 121.591,54 euros.
C'est ainsi que le 12 avril 2013, les parties signaient un protocole de résiliation anticipée de l'ensemble des contrats liant Ed Franchise, Erteco France et Eoth qui prévoyait notamment que les sociétés Erteco France et Ed Franchise consentaient à abandonner leurs créances à hauteur maximum de 106.408,82 euros, que la société Eoth et ses cautions s'engageaient à payer aux sociétés Erteco et Ed Franchise, concomitamment a la signature du protocole, la somme de 21.500 euros par remise d'un chèque de banque certifié en contrepartie de la renonciation par Erteco et Ed Franchise de rechercher les cautions et qui précisait notamment que la société Eoth n'était pas en cessation des paiements.
Le 15 avril 2013, la société Eoth déclarait sa cessation des paiements et le tribunal de commerce de Créteil prononçait le 24 avril 2013 l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. La société SMJ a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Eoth.
Au terme de ce jugement la date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 1er juillet 2012.
Le 10 juillet 2013, les sociétés Dia France et Ed Franchise ont déclaré leurs créances au passif de la société Eoth, pour 89.175,41euros (dont 17.764,46 euros à titre privilégié et 71.410,95 euros à titre chirographaire) pour la société Dia France et pour 619,82 euros pour la société Ed Franchise, soit au total 89.795,23 euros.
Par actes d'huissier en date du 20 mars 2014, la société SMJ, ès-qualités, a assigné les sociétés Dia France et Ed Franchise devant le tribunal de commerce de Créteil, lui demandant notamment de déclarer nulles certaines opérations effectuées entre les parties postérieurement à la date de cessation des paiements.
Par jugement en date du 23 juin 2015, le tribunal de commerce de Créteil a :
- dit la société SMJ, ès-qualités, recevable en ses demandes,
- condamné solidairement les sociétés Dia France et Ed Franchise à verser à la société SMJ ès-qualités, la somme de 90.789,79 euros au titre de l'annulation des paiements effectués durant la période suspecte de la société Eoth,
- dit les sociétés Dia France et Ed Franchise mal fondées en leurs demandes reconventionnelles et les en a débouté,
- condamné solidairement les sociétés Dia France et Ed Franchise à payer à la société SMJ, ès-qualités, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement sous réserve qu'en cas d'appel, il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée a son profit,
- condamné solidairement les sociétés Dia France et Ed Franchise aux dépens.
Les sociétés Dia France et Ed Franchise ont interjeté appel de ce jugement le 20 juillet 2015.
***
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2016, les sociétés Erteco France (anciennement Dia France) et Ed Franchise demandent à la cour d'appel, au visa des articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-3 du code de commerce ; des articles 1131, 1134, 1289 et s., 1304 et s., 1315 et 2044 et s. du code civil et des articles 6, 9, 696 et 700 du code de procédure civile de :
- Infirmer le jugement déféré,
A titre principal :
- Constater que le protocole de résiliation du 12 avril 2013 est une transaction au sens de l'article 2044 du code civil,
- Constater que la validité du protocole de résiliation du 12 avril 2013 n'est pas remise en cause par la Selarl SMJ, ès-qualités,
En conséquence :
- Juger que toutes les clauses du protocole de résiliation du 12 avril 2013 ont l'autorité de la chose jugée en dernier ressort au sens de l'article 2052 du code civil, dont celles ayant trait aux contestations nées ou à naître concernant les créances détenues par les sociétés Dia France et Ed Franchise à l'égard de la société Eoth d'une part, et des cautions, d'autre part,
- Dire irrecevables les demandes de nullité de la Selarl SMJ, ès-qualités, fondées sur les articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-3 du code de commerce,
- Débouter la Selarl SMJ, ès-qualités, de toutes ses fins, demandes et conclusions formulées à l'encontre des sociétés Dia France et Ed Franchise.
A titre subsidiaire :
- Constater qu'il n'est pas démontré que les sociétés Erteco France et ED Franchise avaient connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Eoth au moment des paiements réalisés par cette dernière postérieurement au 1er juillet 2012 ;
- Constater que la compensation intervenue entre la somme de 20.364,24 € correspondant au montant du stock repris par Erteco France lors de la reprise du fonds de commerce et une partie de la créance détenue par cette dernière à l'égard de la société Eoth constituait un mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires au sens de l'article L. 632-1, I, 4° du Code de commerce ;
En conséquence,
- Rejeter les demandes de nullité de la Selarl SMJ fondées sur les articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-3 du Code de commerce ;
A titre très subsidiaire :
- Dans l'hypothèse où il serait fait droit aux demandes de nullité de la Selarl SMJ, et en conséquence à ses demandes de condamnation des sociétés Erteco France et ED Franchise à lui régler une somme au titre de l'annulation des paiements intervenus :
. Prononcer la nullité du protocole de résiliation du 12 avril 2013 dans son ensemble, conformément aux dispositions de l'article 1131 du Code civil.
. Ordonner la compensation de cette somme avec les créances des sociétés Erteco France et ED Franchise définitivement admises par le Juge Commissaire dans ses Ordonnances du 20 mars 2014, ce par application des dispositions des articles 1289 et suivants du Code civil.
En tout état de cause :
- Débouter la Selarl SMJ de toutes ses fins, demandes et conclusions formulées à l'encontre des sociétés Erteco France et ED Franchise ;
- Condamner la Selarl SMJ à payer aux sociétés Erteco France et ED FRANCHISE la somme de 10.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la Selarl SMJ aux entiers dépens de la procédure et autoriser Maître Bellichach à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2016, la Selarl SMJ, ès-qualités, demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant de condamner les sociétés Erteco France et Ed Franchise à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE
Sur la recevabilité des demandes de nullité de la Selarl SMJ
Les sociétés Erteco France et Ed Franchise font valoir que l'autorité de la chose jugée attachée au protocole de résiliation anticipé du 12 avril 2013 fait obstacle à toute action de la Selarl SMJ, ès-qualités, au sens de l'article 2052 du code civil. La Selarl SMJ ne peut, par principe, remettre en cause certaines de ses stipulations. Les sociétés Erteco et Ed Franchise n'ont à aucun moment entendu renoncer à l'application du protocole.
La Selarl SMJ fait valoir en premier lieu que l'autorité de la chose jugée des stipulations du protocole de résiliation anticipé du 12 avril 2013 tirée de l'article 2052 du code civil ne saurait lui être opposée comme obstacle à toute action, qu'en effet, le texte précité dispose que "les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort [...]" . En l'espèce, le liquidateur judiciaire et la collectivité des créanciers qu'il représente, n'est purement et simplement pas partie à l'accord litigieux et par voie de conséquence, conformément au principe de l'effet relatif des conventions, l'autorité de la chose jugée attachée au protocole ne lui est pas opposable. En second lieu, la Selarl SMJ fait valoir que les actes dont l'annulation a été demandée par le liquidateur judiciaire sont intervenus antérieurement à la signature du protocole et que dans ces conditions, il est d'autant plus impossible de rattacher ceux-ci à la résiliation des contrats dans la mesure où celle-ci est intervenue postérieurement. En conséquence, l'autorité de la chose jugée du protocole de résiliation anticipé du 12 avril 2013, ne peut lui être opposé, elle est donc recevable en son action en nullité.
La cour rappelle qu'aux termes des dispositions de l'article 2052 du code civil 'Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. (...)'.
En cas de liquidation judiciaire le mandataire liquidateur représente notamment les créanciers. Il n'a pas été partie à la transaction et celle ci ne peut donc lui être opposée comme fin de non recevoir dès lors qu'il la conteste en sollicitant la nullité sur le fondement des articles L 632-1 et suivants du code de commerce qui supposent une fraude de la part du créancier.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur les demandes de nullité formulées par la Selarl SMJ, ès-qualitès.
Les sociétés Dia France et Ed Franchise requièrent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a annulé sur demande de la Selarl SMJ les trois paiements dont elles ont été bénéficiaires au cours de la période suspecte de la société Eoth, respectivement à hauteur de 48.925,55 euros, 20.364,24 euros et 21.500 euros, soit un montant total de 90.789,79 euros.
La Selarl SMJ, demande quant à elle la confirmation du jugement déféré sur ce point.
Sur la demande en nullité formulée par la Selarl SMJ sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce, des paiements de créances des sociétés Dia France et Ed Franchise à l'égard de la société Eoth intervenus postérieurement à la date de cessation des paiements pour un montant de 48.925, 55 euros
La Selarl SMJ fait valoir que les deux conditions d'application de l'article L. 632-2 du code de commerce, à savoir le paiement pour dettes échues effectuées pendant la période suspecte et la connaissance par le créancier de l'état de cessation des paiements du débiteur sont remplies. Elle soutient qu'il ressort des correspondances adressées par la société Dia France à la société Eoth que la société Dia France a bénéficié du paiement d'une dette échue en pleine période suspecte. En second lieu, la Selarl SMJ fait valoir qu'au regard des différents incidents de paiements et de l'audit ayant été diligenté par la société Dia France, il est certain que cette dernière avait connaissance de la cessation des paiements de la société Eoth au plus tard le 25 juillet 2012, soit antérieurement aux paiements litigieux intervenus à son profit. En conséquence, l'annulation par le tribunal de commerce de Créteil du paiement de la somme de 48.925,55 euros par la société Eoth au profit des sociétés Ed Franchise et Dia France est pleinement justifiée. Quant au montant des paiements, la Selarl SMJ considère qu'il correspond à la différence entre un arrêté des créances du 31 janvier 2013 pour 170.373, 32 euros et le suivant au 11 mars 2013 pour 121.447, 78 euros.
Les sociétés Dia France et Ed Franchise contestent les paiements litigieux en faisant valoir que la Selarl SMJ ne les établit pas, la diminution de somme de 48.925,55 euros pouvant représenter d'autres opérations que des paiements telles des ristournes, des remises, etc. Elles rappellent par ailleurs les dispositions de l'article L. 632-2 du code de commerce et font valoir que la Selarl SMJ ne démontre pas qu'elles auraient eu connaissance de l'état de cessation des paiements fixé au 1er juillet 2012, alors que cette preuve lui incombait. Elles ajoutent qu'il ressort de leurs pièces versées aux débats, qu'elles ne pouvaient pas avoir connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Eoth. Elles soutiennent en effet qu'à l'occasion de différents échanges intervenus en avril 2013 avec la société Eoth, cette dernière leur déclaré à plusieurs reprises, qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements. En conséquence elles demandent l'infirmation le jugement déféré.
La cour relève en premier lieu qu'il résulte des arrêtés de créances des 14 février 2013 et 11 mars 2013 qu'entre ces deux dates la dette de Eoth a diminué de 48.925, 55 euros. La Selarl SMJ établit donc que la société Eoth a effectué des paiements correspondant à la différence entre ces deux sommes. Les sociétés Erteco et Ed contestant ces paiements, il leur appartient d'apporter des éléments qui démontreraient que les paiements avaient une autre cause que le règlement d'une dette, ce qu'elles ne font pas. Les premiers juges seront donc confirmés sur ce point.
Aux termes des dispositions de l'article L 632-2 du code de commerce « Les paiements pour dettes échues effectuées à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.»
La nullité des ces paiements est facultative et nécessite notamment qu'il s'agisse du paiement d'une dette échue effectué pendant la période suspecte et que soit établie la connaissance par le bénéficiaire des paiements de la cessation des paiements du débiteur.
Le paiement suspect dont la Selarl SMJ demande la nullité a été effectué dans la période allant du 31 janvier au 11 mars 2013, soit pendant la période suspecte.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le chiffre d'affaires de la société Eoth en 2011 était bien inférieur aux prévisions et que la société accusait une perte de 8, 4 K€ au lieu du bénéfice de 22 K€ prévu. De même en 2012 le chiffre d'affaire baisse encore et la société accuse une nouvelle perte de 111 K€.
Le bilan de la société en 2011 fait apparaître des dettes sociales, fiscales et fournisseurs pour plus de 140 K€ alors que les disponibilités s'élevaient 68 K€. En 2012 les dettes s'élèvent à plus de 240 K et les disponibilités sont de 32 K€.
En juin 2012 la société Eoth était mise en demeure de payer la somme de 84.191, 06 euros en vertu du contrat d'approvisionnement. La créance de Dia France n'étant pas réglée cette dernière demandait à monsieur [Q] [S], conseiller en franchise, d'effectuer une radiographie de la situation de la société Eoth le 3 juillet 2012. Monsieur [S] informe alors Dia France des difficultés rencontrées par la société Eoth. Des recommandations sont alors faites à la société Eoth par la société Dia France. Malgré ces recommandations la situation de la société Eoth ne s'améliorant pas et continuant même à se dégrader la société Dia lui notifie un nouveau défaut de paiement de 170.373' 33 euros le 14 février 2013. La société Dia relève dans son courrier les incidents de paiement antérieurs des mois de juillet et août 2012.
Le 11 mars 2013 la société Ed Sas ordonne à la société Eoth de la payer d'un montant de 121.447 euros et elle informe le 28 mars la caution, monsieur [A], dirigeant de Eoth et caution personnelle, du montant des dettes cautionnées au titre des contrats de location gérance et d'approvisionnement.
Le 12 avril la société Eoth signe avec les sociétés Dia France et Ed Franchise la transaction déjà mentionnée et le lendemain la société Eoth déclare sa cessation des paiements.
Il ressort de cet enchaînement d'événements que les sociétés Ed Franchise et Erteco, victimes d'incidents de paiement à répétition et ayant bénéficié d'un accès privilégié aux comptes de la société et donc à sa situation financière, ne pouvaient ignorer que cette dernière était en cessation des paiements au moment où les paiements ont été effectués. Les affirmations de la société Eoth selon lesquelles elle ne se trouvait pas en état de cessation des paiements ne pouvaient être sérieusement crues par les appelantes et ce d'autant plus que la société Eoth, franchisée, s'était engagée dans le contrat de franchise à informer le franchiseur régulièrement et systématiquement de sa situation financière et notamment à lui transmettre quotidiennement certaines informations et trimestriellement les comptes d'exploitation mensuels complets outre les bilans et comptes de résultat.
Ces informations devaient également être communiquées par la société Eoth, locataire gérant, à son bailleur, la société Erteco, au moins une fois par mois.
La cour considère avec les premiers juges que les sociétés Erteco et Ed Franchise avaient toutes deux connaissance de la cessation des paiements de la société Eoth au moment où elles ont bénéficié des règlements litigieux.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué sur ce point.
Sur la demande en nullité formulée par la Selarl SMJ sur le fondement de l'article L. 632-1 du code de commerce, des paiements intervenus par application du protocole de résiliation anticipé du 12 avril 2013, par compensation entre les créances de la société Dia France (ventes de marchandises à la société Eoth) et celles de la société Eoth (reprise du stock par la société Dia France) intervenue au moment de la reprise du fonds de commerce à hauteur de 20.364,24 euros.
La Selarl SMJ fait valoir que le protocole de résiliation anticipé du 12 avril 2013 prévoit notamment que la société Eoth autorise les sociétés Dia France et Ed Franchise à opérer de droit la compensation des dettes de la société Eoth avec la somme résultant de la reprise du stock. Elle ajoute que le montant du stock repris et ayant fait l'objet dune compensation s'élève à 20.364,24 euros. Elle soutient que cette compensation étant intervenue postérieurement à la date de cessation des paiements, il convient de noter que ce mode de règlement n'est pas listé dans l'article L. 632-1 du code de commerce. En conséquence, elle demande à la cour d'annuler la compensation.
Les sociétés Erteco et Ed Franchise font valoir que par application du protocole de résiliation du 12 avril 2013, la société Dia France avait récupéré du stock qui était présent au moment de la reprise du fonds de commerce mis à la disposition de la société Eoth. Elles ajoutent que ce stock repris a fait l'objet d'une facture émise par la société Eoth, réglée par la société Dia France, par compensation d'un montant global de 20.364,24 euros. Elles ajoutent que cette compensation présentait l'ensemble des conditions de la compensation légale prévue aux articles 1289 et suivants du code civil (créances réciproques, fongibles, liquides et exigibles). En conséquence, cette compensation devait échapper à la nullité prévue à l'article L. 632-1, I, 4° du code de commerce.
Les sociétés Dia France et Ed Franchise demandent donc l'infirmation du jugement déféré.
Aux termes des dispositions de l'article L 632-1 du code de commerce 'Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : (...) Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires'.
Il est constant que le paiement par compensation a été effectué après la date de cessation des paiements et que la compensation ne figure pas dans la liste des paiements pour dettes échues autorisés..
Les nullités énumérées à l'article L 632-1 du code de commerce sont des nullités de droit qui ne nécessitent pas que le créancier ait connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur.
Le paiement pas compensation de la somme de 20.364,24 euros sera en conséquence annulé.
Sur la demande en nullité formulée par la Selarl SMJ sur le fondement de l'article L. 632-3 du code de commerce, des paiements intervenus par application du protocole de résiliation anticipé du 12 avril 2013, par chèque de banque de 21.500 euros remis par la société Eoth.
La Selarl SMJ fait valoir que le protocole de résiliation anticipée signé le 12 avril 2013, stipulait que la société Eoth et ses cautions s'engageaient à payer aux sociétés Dia France et Ed Franchise concomitamment à la signature du protocole, la somme de 21.500 euros par remise d'un chèque de banque certifié le même jour. Elle ajoute que les sociétés Dia France et Ed Franchise ont ainsi été bénéficiaires d'un chèque de la société Eoth au cours de la période suspecte, hypothèse visée par l'action en rapport de l'article L. 632-3 du code de commerce. De surcroît, au moment de ce règlement, les sociétés Dia France et Ed Franchise avaient une parfaite connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Eoth. En conséquence, les conditions de l'action en rapport de l'article L. 632-3 du code de commerce étant réunies, c'est à bon droit que le tribunal de commerce de Créteil a dit que « l'encaissement de ce chèque de banque contrevient aux dispositions de l'article L. 632-3 du code de commerce » et a condamné solidairement les sociétés Dia France et Ed Franchise à payer la somme de 21.500 euros à la Selarl SMJ.
Les sociétés Dia France et Ed Franchise font valoir que l'administrateur ou le mandataire judiciaire peut exercer une action en rapport contre le tireur de la lettre de change ou, dans le cas de tirage pour compte, contre le donneur d'ordre, ainsi que contre le bénéficiaire d'un chèque et le premier endosseur d'un billet à ordre, s'il est établi qu'ils avaient connaissance de la cessation des paiements. Or elles soutiennent comme précédemment qu'elles n'avaient pas connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Eoth. Elles ajoutent que suivant la jurisprudence rendue au visa de l'article L. 632-2 du code de commerce, «la preuve de la connaissance de la cessation des paiements ne résulte pas de la seule proximité de la date de l'opération critiquée et de celle du jugement d'ouverture». En conséquence, elles demandent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il n'a pas rejeté la demande de nullité de la Selarl SMJ fondée sur l'article L. 632-3 du code de commerce.
Aux termes des dispositions de l'article L 632-3 du code de commerce le mandataire liquidateur peut exercer une action en rapport contre le bénéficiaire d'un chèque s'il est établi qu'il avait connaissance de la cessation des paiements.
Il est constant que le chèque de banque litigieux a été tiré sur le compte de la société Eoth le 12 avril 2013.
La cour rappelle qu'elle a retenu précédemment que les sociétés Erteco et Ed Franchise avaient connaissance de la cessation des paiements de la société Eoth.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point également.
Sur la nullité du protocole de résiliation du 12 avril 2013.
Les sociétés Erteco France et Ed Franchise font valoir que dans l'hypothèse où la cour devait confirmer le jugement déféré, elle ordonnerait néanmoins l'annulation du protocole de résiliation du 12 avril 2013 dès lors que les obligations mises à leur charge dans le jugement déféré, sont devenues sans cause au sens de l'article 1131 du code civil du fait de l'annulation des paiements intervenus en période suspecte.
La Selarl SMJ cite le Doyen Philippe Simler, selon lequel': «'(') est fondamentalement erronée toute décision qui prononcerait une nullité pour disparition de la cause postérieurement à la formation du contrat ». La Selarl SMJ fait donc valoir que cela justifie de manière certaine qu'en première instance les juges aient rejeté la demande des sociétés Erteco France et Ed Franchise.
La cour relève que le protocole litigieux du 12 avril 2013 dont l'annulation est demandée avait notamment pour objet de résilier l'ensemble des contrats liant la société Eoth et ses cautions avec les sociétés Ed Franchise et Erteco. Ces résiliations comportaient des contreparties réciproques dont des paiements, des abandons de créances et les compensations litigieuses notamment.
Le protocole comportait des obligations à la charge de chacune des parties et l'annulation des paiements effectués par la société Eoth pendant la période suspecte de même que l'action en rapport, a provoqué un déséquilibre important à l'économie générale du contrat tel que voulu par les parties lors de sa conclusion et a privé de toute contrepartie réelle l'engagement des société Ed Franchise et Erteco.
La cour considère par ailleurs que la déclaration de créance des société Erteco et Ed Franchise ne peut s'analyser en une volonté de de ne pas exécuter le protocole mais simplement à une mesure conservatoire dans l'hypothèse où le protocole se trouverait privé d'autorité.
Cependant la disparition de la cause du contrat ne peut donner lieu à la nullité du contrat la cause ayant existée au moment de sa signature.
La cour note que seule la caducité peut être prononcée mais aucune demande n'a été formulée en ce sens. La demande en nullité sera en conséquence rejetée.
Sur le défaut de réunion des conditions de la compensation de dettes connexes.
Les sociétés Erteco et Ed Franchise font valoir que dans l'hypothèse où la cour devait confirmer le jugement déféré, elle ordonnerait la compensation des sommes devant être restituées par leur soin du fait de la nullité des actes passés en période suspecte avec leurs créances admises au passif de la société Eoth.
La Selarl SMJ, ès-qualités, fait valoir que suivant les dispositions de l'article L. 622-7 du code de commerce, seul le paiement par compensation de créances connexes est autorisé en période suspecte. En l'espèce, les dettes des sociétés Dia France et Ed Franchise, résultant de l'annulation des actes passés en période suspecte, ne présentent aucune connexité avec leurs créances admises au passif de la liquidation judiciaire de la société Eoth. Par conséquence, les sociétés Erteco et Ed Franchise, ne sauraient se prévaloir d'une quelconque compensation.
La cour rappelle que la compensation ne peut se faire qu'entre créances connexes en vertu de l'article L622-7 du code de commerce et qu'en l'espèce les créances admises au passif de la liquidation judiciaire n'ont pas de liens de connexité avec les sommes devant être restituées en vertu de l'interdiction des paiements opérés pendant la période suspecte.
La demande de compensation sera donc rejetée.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
La Selarl SMJ sollicite le paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais exposés et non compris dans les dépens. Il convient donc de faire droit à la demande.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Créteil le 23 juin 2015,
Y ajoutant,
Condamne solidairement les sociétés Erteco et Ed Franchise à payer à la Selarl SMJ, ès qualités, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne solidairement les sociétés Erteco et Ed Franchise aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Pauline ROBERT François FRANCHI