Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 08 DECEMBRE 2016
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04867
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2015 - Tribunal de Commerce de PARIS - 4ème chambre - RG n° 2013002137
APPELANTE
SARL PHOENIX REUNION anciennement dénommée RENNIE ET THONY MARKETING OCEAN INDIE
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de son gérant, M. [O] [J], domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Mathilde PARENT-LAGESSE, avocat au barreau de PARIS, toque : R255
INTIMEE
SA TRANSIT ET TRANSPORT ROUTIERS AERIENS ET MARITIMES - Sigle : T TRAM
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par et assistée de Me Olivier DECOUR de l'AARPI GODIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259
Ayant pour avocat plaidant Me François CITRON, avocat au barreau de PARIS, toque : R259
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Octobre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne DU BESSET, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Louis DABOSVILLE, Présidente de chambre
Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère
Madame Anne DU BESSET, Conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président, et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
Selon acte sous seing privé du 20 février 2009, la société française Rennie et Thony Marketing Océan Indien, devenue Phoenix Réunion, filiale du groupe mauricien de brassage de bières Phoenix Beverages Limited, qui importe des bières à [Localité 1], a chargé la société Transit et Transports routiers aériens et Maritimes (ci-après dénommée T.Tram) en qualité de commissionnaire en douane d'un mandat de représentation et, ainsi, de procéder aux formalités requises.
Le 21 juin 2011, la société T.Tram a effectué pour le compte de la société Phoenix Réunion deux déclarations en douane portant les n°20728627 et 20728638 concernant deux types de bières, dénommées selon le cas Phoenix Fresh Citron et Phoenix Fresh Orange, dont des échantillons de chaque ont alors fait l'objet de prélèvements par l'administration des douanes pour contrôle et analyse.
Le 23 juin 2011, d'autres échantillons de bières Phoenix Fresh Citron et Orange ont été prélevés par les services douaniers dans les locaux du commissionnaire en premier lieu en la présence de celui-ci et en second lieu en la présence du directeur de la société Phoenix Réunion.
L'analyse ayant mis en exergue que les bières prélevées s'avéraient en raison de leur teneur élevée en sucre 'inverti' (à savoir supérieure à 35 grammes par litre), soit selon le laboratoire de 46,3 ou 40 g/l pour la Phoenix Fresh Citron et de 42,9 ou 37 g/l pour la Phoenix Fresh Orange, imposables au titre de la taxe dite 'premix' prévue par l'article 1613 bis du code général des impôts, le 13 septembre 2011, la société Phoenix Réunion s'est vue notifier par l'administration des douanes les infractions afférentes portant sur les importations effectuées du 2 mai au 11 juillet 2011, ainsi que l'avis de paiement correspondant, pour un montant total de 458.277 euros, taxe sur la valeur ajoutée (TVA) incluse.
Puis, le 20 octobre 2011, la société Phoenix Réunion s'est vue notifier un premier avis de mise en recouvrement pour ce montant, qu'elle a contesté selon courrier daté du 27 octobre 2011 ; par suite, le 26 décembre 2011, un deuxième avis de mise en recouvrement annulant et remplaçant le premier lui a été notifié pour 243.629 euros (dont 5.536 euros de TVA) ; le même jour, la société Phoenix Réunion et l'administration des douanes ont signé concernant cette dette un moratoire avec octroi de facilité de paiement ; enfin, le 23 janvier 2012, un troisième et dernier avis de mise en recouvrement annulant et remplaçant le deuxième a été notifié pour 243.629 euros (dont, alors, 19.086 euros de TVA).
Estimant que du fait de ce redressement, la société T.Tram avait manqué à ses obligations contractuelles et engagé sa responsabilité à son égard, la société Phoenix Réunion l'a fait assigner par acte du 23 novembre 2012 devant le tribunal de commerce de Paris, lequel, par jugement du 29 janvier 2015, a dit son action non prescrite mais mal fondée, l'en a déboutée et l'a condamnée à payer la somme de 10.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté le 3 mars 2015 par la société Phoenix Réunion contre cette décision ;
Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 septembre 2016 par la société Phoenix Réunion, par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles L. 110-4 du code de commerce, 354 du code des douanes français et 221.3 du code des douanes communautaire, ainsi que 1991 et suivants du code civil, de :
- dire et juger que son appel est recevable et fondé ;
- confirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a écarté les exceptions d'irrecevabilité
soulevées et dit son action non prescrite ;
- infirmer le jugement dont appel, en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes ;
Et, statuant à nouveau,
- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes.
- dire que la responsabilité de la société T.Tram en qualité de commissionnaire en douane est engagée ;
En conséquence,
- condamner la société T.Tram à lui payer la somme de 711.287 euros à titre de dommages et intérêts, majorés des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2011, date de la mise en demeure ;
- condamner la société T.Tram à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 janvier 2016 par la société T.Tram, par lesquelles il est demandé à la cour de :
1. A titre principal :
- Recevoir la société T. TRAM en son appel incident,
- Réformer le jugement en ce qu'il a jugé l'action de la société PHOENIX REUNION non prescrite ;
Et statuant à nouveau,
- Dire et juger l'action formée contre la société T.TRAM par la société PHOENIX REUNION, irrecevable comme prescrite en application des conditions générales de prestations de la société T.TRAM, expressément acceptées par la société demanderesse.
- Confirmer le jugement sur les frais irrépétibles et les dépens.
Et, y ajoutant,
- S'entendre la société PHOENIX REUNION condamner à payer à la société T.TRAM la somme de 50.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
2. Subsidiairement :
- Dire et juger que la société T.TRAM n'a commis aucune faute dans l'exécution de son mandat.
- En conséquence, débouter la société PHOENIX REUNION de sa demande.
- Confirmer le jugement ;
Et, y ajoutant,
- S'entendre la société PHOENIX REUNION condamner à payer à la société T.TRAM la somme de 50.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
3. Très subsidiairement :
- Dire et juger que l'éventuel acquittement de la taxe prémix par la société PHOENIX REUNION qui commercialise des boissons alcooliques favorisant l'alcoolisme de la jeunesse, ne constitue pas, compte tenu de la nature de cette taxe, un préjudice indemnisable.
- Constater que l'intégralité du redressement est constituée soit de la taxe prémix, destinée à compenser les coûts de santé publique occasionnés par l'alcoolisme généré par les boissons litigieuses, soit ont pour assiette ladite taxe.
- En conséquence, débouter la société PHOENIX REUNION de toute demande relative au redressement litigieux.
- En tout état de cause, dire que la TVA est une taxe récupérable par la société PHOENIX REUNION dont l'acquittement ne saurait constituer un préjudice.
- Dire et juger que l'amende éventuellement acquittée par la société PHOENIX REUNION lui est personnelle et ne saurait être répercutée sur la société T.TRAM.
- Dire et juger que la société PHOENIX REUNION n'apporte pas la moindre preuve d'un quelconque préjudice causé par l'arrêt de ses importations, ni de la justification des frais d'avocat qu'elle allègue.
- En conséquence, débouter la société PHOENIX REUNION de l'intégralité de ses demandes.
- Confirmer le jugement sur les frais irrépétibles et les dépens.
Et, y ajoutant,
- S'entendre la société PHOENIX REUNION condamner à payer à la société T.TRAM la somme de 50.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2016.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'action au regard de la prescription :
Sur le délai applicable :
C'est à bon droit que les premiers juges ont rappelé que par application combinée des articles L110-4 du code de commerce et 2254 du code civil, le délai de prescription de droit commun en matière commerciale est de cinq ans, mais qu'il peut être aménagé conventionnellement sans pouvoir toutefois être réduit à moins d'un an ou étendu à plus de dix ans.
En l'espèce, ce régime de droit commun doit recevoir application s'agissant d'une action en responsabilité opposant des commerçants à raison de l'exécution d'un mandat de représentation en douane, lequel contrat n'est soumis à aucune prescription spéciale. En effet, contrairement à ce que soutient la société Phoenix Réunion, la prescription triennale prévue par les codes des douanes (communautaire et national) est inapplicable en ce qu'elle concerne le seul droit de reprise de l'administration fiscale.
Par suite, les parties ayant aménagé, ainsi qu'elles en avaient le pouvoir, le délai de prescription applicable, ce, en vertu de l'article 11 des conditions générales du mandat de commissionnaire en douane qui stipule en effet que 'Toutes les actions auxquelles le contrat conclu entre les parties peut donner lieu sont prescrites dans le délai d'un an à compter de l'exécution du dit contrat.', le délai annal ainsi stipulé doit recevoir application.
Sur le point de départ du délai :
Les parties sont en désaccord sur le point de départ du délai de prescription, fixé par le tribunal de commerce à la date de l'avis définitif de mise en recouvrement, soit selon lui au 26 janvier 2012 (date retenue par erreur, s'agissant en réalité du 23 janvier 2012), la société Phoenix Réunion demandant la confirmation du jugement sur ce point et la société T.Tram retenant pour sa part le 27 octobre 2011, date à laquelle le montant de la dette douanière a été arrêté de façon définitive à 243.629 euros, ou 'à titre surabondant' le 13 septembre 2011, date du procès-verbal de constat des infractions douanières, de sorte que l'action, introduite le 23 novembre 2012, serait dans les deux cas selon elle prescrite.
Or, en matière de responsabilité contractuelle, par application de l'article 2224 du code civil, l'action ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu connaissance précédemment, de sorte qu'elle soit à même d'exercer ses droits.
En l'espèce, le dommage qui est constitué pour la société Phoenix Réunion par la dette douanière et les frais annexes ne peut être considéré comme réalisé qu'à la date de l'avis définitif de mise en recouvrement, ainsi que l'ont exactement apprécié les premiers juges, soit au 23 (et non au 26) janvier 2012. En effet, contrairement à ce que soutient la société T.Tram, le sinistre n'était pas caractérisé auparavant, en particulier le 13 septembre ou le 27 octobre 2011, puisque à ces dates il était encore susceptible d'être contesté, ce qui a d'ailleurs été le cas à la dernière date citée, sa liquidation définitive n'ayant été arrêtée qu'au terme d'une phase de négociation, le 23 janvier 2012.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de la société Phoenix Réunion, engagée le 23 novembre 2012, recevable au regard de la prescription. La société T.Tram n'ayant pas maintenu aux termes de ses dernières écritures sa fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir, il n'y a pas lieu à statuer sur ce point.
Sur le fond :
Sur les fautes :
Vu les articles 395 et 396 du code des douanes (national), ainsi que 1992 du code civil ;
La société Phoenix Réunion reproche en substance à la société T.Tram d'avoir commis quatre fautes dans l'exécution de son mandat de commissionnaire en douanes, à savoir :
- la souscription de déclarations en douane irrégulières,
- un manquement à son devoir d'information et de conseil quant à l'existence de la taxe premix,
- de ne pas l'avoir informée en temps utile du premier contrôle douanier du 23 juin 2011,
- de ne pas l'avoir assistée et conseillée lors du déroulement de la procédure douanière.
Le premier grief, soit la souscription de déclarations en douane erronées, est à l'évidence caractérisé puisque ces déclarations ont fait l'objet d'une rectification par l'administration des douanes au titre de droits éludés, la taxe premix et la TVA, ainsi que d'une amende douanière. Il est observé d'ailleurs que la société T.Tram demeure silencieuse dans ses écritures à propos de ce grief, ce dont il se déduit qu'elle ne conteste pas à tout le moins sa matérialité.
Par ailleurs, c'est sans pertinence que celle-ci prétend qu'elle n'était pas débitrice d'un devoir d'information et de conseil vis-à-vis de la société Phoenix Réunion concernant la tax premix, dont il est rappelé qu'aux termes de l'article 1613 bis du Code général des impôts, elle est due lors de la mise en consommation en France et acquittée selon le cas notamment par les importateurs, au motif que celle-ci est un alcoolier ayant nécessairement connaissance de cette taxe. En effet, en tant que commissionnaire agréé en douanes et, ainsi, spécialiste de l'acquittement des droits relatifs au passage de frontière (y compris les contributions indirectes telles que la taxe litigieuse), il appartenait à la société T.Tram de prendre toutes les mesures utiles lui permettant d'effectuer des déclarations conformes à la législation en vigueur concernant les marchandises dont elle avait la charge des formalités douanières.
Par suite, dès lors que les étiquettes des bières aromatisées Phoenix Fresh mentionnent dans leur composition la présence de sucre, étiquettes dont la société T.Tram se devait d'avoir connaissance, celle-ci ne le contestant d'ailleurs pas, reconnaissant même avoir connu l'existence de l'ingrédient litigieux (ceci ressortant expressément de ses courriers des 21 septembre et 4 octobre 2011), il lui incombait d'interroger la société Phoenix Réunion sur la teneur exacte en sucre et de l'informer sur le risque pour elle d'être redevable de la taxe premix, peu important à cet égard que celle-ci soit un spécialiste de l'importation de bières. En d'autres termes, puisque au regard de la législation sur les premix, la souscription de déclarations conformes imposait à la société T.Tram de se renseigner sur la proportion exacte de sucre auprès de la société Phoenix Réunion, il est indifférent de savoir si celle-ci était ou non déjà au fait de la dite législation, son éventuelle connaissance de cette législation n'étant pas de nature à dispenser le commissionnaire de son obligation d'exécuter une déclaration conforme et de son devoir corrélatif d'information de son client relativement à la taxe litigieuse.
En outre et en toutes hypothèses, si la société Phoenix Réunion est certes une société française spécialisée dans l'importation des bières, elle n'est pas pour autant spécialisée dans la législation douanière française - sans quoi, ainsi qu'elle l'observe à bon droit, l'utilité pour elle de recourir aux services d'un commissionnaire en douane serait nettement moindre - étant observé au surplus que les bières qu'elle importe sont produites par sa société-mère de droit mauricien, Phoenix Beverages Limited, ce, à l'île Maurice, où il n'est pas contesté qu'il n'existe pas de législation équivalente à la taxe premix, peu important à cet égard que 'Phoenix' soit une marque déposée et le cas échéant défendue en justice par cette dernière.
Concernant son devoir de conseil, étant admis que la législation premix présente, dans un but sanitaire, un aspect punitif et dissuasif, il peut seulement être reproché à la société T.Tram de ne pas avoir mis en garde sa cliente quant à cette législation et, le cas échéant, mené une réflexion de concert avec elle sur les moyens d'éviter une imposition à ce titre, mais ce, dans la seule mesure du possible, c'est-à-dire pour les importations non encore engagées. La deuxième faute alléguée est donc bien également établie.
En revanche, s'agissant du troisième grief, il n'est pas établi que le défaut d'information de la société Phoenix Réunion quant à l'existence de premiers prélèvements douaniers effectués le 23 juin 2011 à 8 heures dans les locaux du commissionnaire soit fautif, dès lors qu'il ressort des pièces produites et en particulier du procès-verbal n°6 de l'administration des douanes que l'analyse par les laboratoires de [Localité 1] ou de [Localité 2] des deux séries de prélèvements effectués ce jour-là a conclu à la présence de sucre dans une proportion incriminée.
Enfin, comme l'ont exactement apprécié les premiers juges, le dernier reproche formulé, le défaut d'assistance lors du déroulement de la phase de négociation avec l'administration des douanes n'est pas établi, dès lors que cette phase échappait à la mission et à la compétence de la société T.Tram, qui avait par ailleurs fourni tous les documents nécessaires à l'exercice du contrôle douanier et qui au demeurant a néanmoins assisté sa cliente à tout le moins lors d'une réunion du 26 septembre 2011, ainsi qu'il ressort du courrier de celle-ci du 29 septembre 2011 ; à cet égard, force est de relever que la société T.Tram est mal venue de reprocher ici à la société Phoenix Réunion de s'être mal défendue face à l'administration des douanes en s'abstenant de lui opposer le caractère inapplicable de la procédure suivie, ainsi que sa prise de position contraire lors d'un précédent contrôle datant de 2010, conformément aux article L80A et B du livre des procédures fiscales, moyens par lesquels selon elle un dégrèvement total aurait pu être obtenu, puisque à supposer que ce soit le cas, il lui aurait appartenu de conseiller elle-même ces moyens en temps utile, en particulier lors de [Localité 1] précitée.
En conséquence, la société T.Tram ayant manqué ses obligations d'information, de conseil et d'effectuer une déclaration conforme, sera tenue de réparer les dommages en découlant pour la société Phoenix Réunion.
Sur le préjudice consécutif :
La société Phoenix Réunion sollicite à titre de dommages intérêts la somme de 711.287 euros, se décomposant comme suit :
* au titre de la dette douanière,
- dette douanière : 224.543 euros
- amende douanière : 6.000 euros
- frais bancaires inhérents à la caution : 3.722 euros
- honoraires d'avocats pour faire face à la procédure douanière : 29.523 euros
* au titre de l'arrêt d'exploitation,
- perte de marge sur l'année 2011 : 101.717 euros
- perte de marge sur l'année 2012 : 345.782 euros.
Or, le paiement des droits éludés au titre de la taxe premix (224.543 euros) n'est pas un préjudice indemnisable en ce qu'il s'agit de l'exécution par le contribuable d'une obligation légale, indépendamment des manquements commis par le commissionnaire en douane.
En revanche, il s'avère que les fautes de celui-ci ont conduit la société Phoenix Réunion à devoir exposer les frais de défense inhérents à la procédure de redressement et supporter une amende douanière, ce dont elle sera indemnisée à hauteur de la seule somme de 6.000 + 3.722 + 12.200 = 21.922 euros. En effet, ainsi que l'objecte avec raison la société T.Tram, la société Phoenix Réunion ne justifie pas s'être acquittée des autres factures d'honoraires d'avocats (que celle de 12.200 euros HT), lesquelles sont en effet manifestement libellées à l'ordre de sa société-mère, Phoenix Beverages Limited, qui s'est désistée de l'instance devant le tribunal de commerce, le mot suivant 'Phoenix' figurant dessus, qui a été effacé, ne pouvant être 'Réunion', la demanderesse s'appelant à l'époque des dites factures Rennie et Thony Marketing Océan Indien (le changement de dénomination datant du 24 décembre 2012).
Enfin, la société Phoenix Réunion sera déboutée de sa demande tendant à se voir indemniser de sa perte de marge 2011 et 2012 prétendument consécutive à son arrêt des importations de bières Phoenix Fresh dans leur composition imposable à la taxe premix, dans la mesure où le lien causal entre ce dommage, à le supposer avéré, et les fautes de la société T.Tram n'est pas démontré. En effet, la cessation alléguée des importations relève d'un choix de politique commerciale de la société Phoenix Réunion, politique dont celle-ci décide librement et est responsable en tant que spécialiste de l'importation de bières, appartenant au surplus à un groupe de brassage de bières, supposé comme tel connaître la composition des boissons importées et s'adapter si besoin en fonction de l'incidence fiscale de cette composition. Par ailleurs, à supposer que la recette des bières Phoenix Fresh ait été modifiée pour présenter un taux de sucre inférieur à celui incriminé, ceci serait une conséquence de la prise en compte de la loi fiscale par la société Phoenix Réunion et la chute des importations et des ventes qui en résulterait pourrait tout aussi bien être imputable à leur moindre attractivité consécutive, puisque précisément leur caractère très sucré et aromatisé visait à accroître cette attractivité auprès en particulier du public jeune et/ou féminin, comme l'excipe à bon droit la société T.Tram.
En conséquence, cette dernière sera condamnée au paiement d'une indemnité de 21.922 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2015, date du jugement dont appel, en application de l'article 1153-1 alinéa 2 in fine du code civil.
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Le jugement entrepris sera infirmé sur la charge des dépens et les frais de défense non compris dedans ; ainsi, la société T.Tram qui succombe supportera les dépens et, par équité, sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 12.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Phoenix Réunion ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant de nouveau,
Condamne la société Transit et Transports routiers aériens et Maritimes (ci-avant dénommée T.Tram) à payer à la société Phoenix Réunion la somme de 21.922 euros à titre de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2015 ;
Condamne la société Transit et Transports routiers aériens et Maritimes à payer à la société Phoenix Réunion la somme de 12.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société Transit et Transports routiers aériens et Maritimes aux dépens.
Le Greffier Le Président
B. REITZER L. DABOSVILLE