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07/12/2016 | FRANCE | N°14/10469

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 07 décembre 2016, 14/10469


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 07 Décembre 2016



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10469



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 septembre 2014 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F13/05386





APPELANTE

SASU ELAN I.T. RESOURCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 440 24 6 2 700

représenté

e par Me Antoine RICARD, avocat au barreau de PARIS, J058







INTIME

Monsieur [V] [S]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1978 à

représenté par Me Catherine SCHLEEF, avoca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 07 Décembre 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10469

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 septembre 2014 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F13/05386

APPELANTE

SASU ELAN I.T. RESOURCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 440 24 6 2 700

représentée par Me Antoine RICARD, avocat au barreau de PARIS, J058

INTIME

Monsieur [V] [S]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1978 à

représenté par Me Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, C1909

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président

Madame Christine LETHIEC, conseillère

Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée

Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [V] [S] a été engagé par la SARL Elan IT Resource, pour une durée indéterminée à compter du 3 décembre 2007, en qualité d'ingénieur analyste, avec le statut de cadre, moyennant un salaire brut annuel de 35 000 €, position 2.1, coefficient 105 de la convention collective Syntec.

A compter du 1er février 2010, sa rémunération annuelle a été augmentée à 37 000 € brut, le coefficient et la position du salarié restant inchangés.

Par lettre du 24 janvier 2013, M. [S] était convoqué pour le 7 février 2013 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 12 février 2013 suivant pour faute grave.

La société Elan IT Resource employait plus de dix salariés à la date de la rupture du contrat de travail.

Le 25 avril 2013, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à la contestation de son licenciement.

Par jugement du 9 septembre 2014 notifié le 22 septembre 2014, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- condamné in solidum le groupe Elan IT Ressource SASU et "la société Experis IT" à payer à M. [S] les sommes suivantes, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

' 990 € à titre de rappel de salaire suivant ordre de mission du 16 juillet 2012

' 3 458,33 € à titre de rappel de salaire janvier 2013

' 1 556,25 € à titre de rappel de salaire février 2013

' 10 374,99 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' 5 763,89 € à titre d'indemnité de licenciement

avec intérêts de droit à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation

' 41 499,96 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement

' 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné la consignation intégrale des sommes auprès de la caisse de dépôts et consignations

- condamné le groupe Elan IT Ressource SASU et la "société Experis IT" aux dépens.

La SASU Elan IT Ressource a interjeté appel de cette décision le 30 septembre 2014.

Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 3 octobre 2016, M. [S] demande à la cour de déclarer la société Elan IT Ressource irrecevable en son action, et d'ordonner en conséquence la radiation de l'action engagée. A défaut, à titre subsidiaire, il sollicite la confirmation du jugement, outre la condamnation de la société Elan IT Ressource à lui payer la somme de 2 500 € au titre de ses frais irrépétibles, avec intérêts légaux à compter de la saisine, et exécution provisoire.

Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement, la SASU Elan IT Resource demande à la cour de rejeter la demande de radiation formée par M. [S]. Elle sollicite l'infirmation du jugement, le rejet de l'ensemble des demandes de M. [S], outre sa condamnation à lui payer un montant de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.

Par arrêt en date du 19 octobre 2016, la cour a sursis à statuer sur l'ensemble de demandes, ordonné la réouverture des débats aux fins de renvoi à l'audience du 23 novembre 2016 devant le président de chambre, délégué par le premier président, pour statuer sur la demande fondée sur les dispositions de l'article 526 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 23 novembre 2016, le président de chambre a constaté le désistement de la demande de M. [S] sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile et ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 28 novembre 2016, les parties étant dispensées de comparaître.

Lors de l'audience du 28 novembre 2016, l'affaire a été mise en délibéré.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la cause du licenciement

La lettre de licenciement du 12 février 2013, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants:

" [...] depuis le 2 janvier 2013, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail.

Nous avons essayé de vous contacter à de nombreuses reprises et vous avons laissé des messages et envoyé des mails aux quels vous n'avez pas daigné répondre.

Sans nouvelles de votre part, un courrier recommandé vous a été adressé le 11 janvier 2013, par lequel nous vous mettions en demeure de reprendre votre poste dans les plus brefs délais ou, à défaut, de nous communiquer les justificatifs relatifs à votre absence.

Nous ne pouvons tolérer plus longtemps un tel comportement, fortement préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise. C'est pourquoi, nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat pour faute grave, sans préavis ni indemnité de rupture [...]".

M. [S] conteste formellement l'abandon de poste, et indique que le rendez vous du 2 janvier 2013 ne consistait qu'à reprendre des échanges quant à une possible rupture conventionnelle ou une augmentation de salaire, qu'il ne s'agissait pas de l'affecter sur une nouvelle mission, que le rendez-vous du 8 janvier 2013 était festif et non obligatoire, que le courriel du 10 janvier 2013 sollicitait des informations mais ne le mettait pas en demeure de reprendre ses fonctions alors que l'employeur ne disposait d'aucune mission pour lui, qu'il était resté à disposition de son employeur et qu'en l'absence de mission et de rendez vous précis, il se trouvait à son domicile en intercontrat, en l'absence de local au siège. Il précise qu'il n'avait pas d'obligation à se rendre à l'entretien préalable et que son absence ne peut lui être reprochée ou constituer un motif de licenciement.

La société Elan IT Resource fait valoir que le salarié a souhaité négocier une rupture conventionnelle ou une augmentation de salaire supérieure à celle proposée, qu'il a tardé à communiquer son curriculum vitae actualisé afin d'être positionné sur une nouvelle mission. La société Elan IT Resource expose que M. [S] ne s'est pas présenté au bureau à compter du 2 janvier 2013, malgré plusieurs rendez vous, une demande de prise de contact restée sans réponse et une mise en demeure de reprendre son poste, qu'en outre, il n'est pas venu s'expliquer à l'entretien préalable de licenciement, que sans nouvelles du salairé, elle n'a pas eu d'autre choix que de constater son abandon de poste.

Il résulte des dispositions de l'article L 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui justifie la rupture immédiate du contrat de travail.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile.

En l'espèce, au vu de l'ordre de mission du 16 juillet 2012, M. [S] était affecté chez le client EXMC - Axa Tech du 17 juillet 2012 au 31 décembre 2012 à [Localité 3].

Ainsi, cette mission a pris fin à la date du 31 décembre 2012 et le salarié se trouvait à compter du 1er janvier 2013 en intermission en l'absence de nouvelle affectation.

Il ressort des échanges de courriels versés aux débats que l'employeur a demandé à plusieurs reprises au salarié, au cours du mois de décembre 2013, son curriculum vitae afin que ses services puissent être proposés à d'autres clients, que durant le même mois M. [S], qui n'a envoyé son curriculum vitae que le 26 décembre, a sollicité une revalorisation de son salaire ou à défaut une rupture conventionnelle de son contrat de travail, demande à laquelle M. [F] [X], directeur de "Business Unit" a répondu par courriel du 21 décembre 2013 en indiquant qu'il n'avait "pas de réponse à date", qu'il lui ferait "un retour au plus tard début janvier, lui confirmant "d'attendre au bureau le 2 janvier 2013 afin de poursuivre [leurs] échanges". Puis le 10 janvier 2013, M. [X] a adressé un courriel à M. [S] pour lui indiquer qu'il s'étonnait de ne pas le voir au bureau depuis le 2 janvier compte tenu de la fin de sa mission au 31 décembre et de ce qu'il n'avait déposé aucune demande d'absence. Ce courriel a été suivi d'une lettre du 11 janvier 2013, signée du directeur général de l'entreprise, mettant en demeure M. [S] de se reprendre ses fonctions avant le 17 janvier 2013 ou à défaut de lui fournir un motif valable d'absence, demande à laquelle M. [S] n'a pas répondu.

Le salarié, qui ne s'est pas présenté au siège de l'entreprise à compter du 2 janvier 2013 sans motif, ne peut invoquer a posteriori pour justifier ses absences sa situation d'intercontrat alors que l'employeur lui a demandé expressément à deux reprises, d'abord par courriel puis par lettre de mise en demeure, de se présenter dans les locaux de l'entreprise.

Les manquements du salarié constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement mais non une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

Le jugement qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse sera infirmé.

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture

La cour retient un salaire mensuel brut moyen de 3 458,33€, montant non discuté.

En vertu de l'article 15 de la convention collective, M. [S], en sa qualité de cadre a droit à une indemnité de préavis de trois mois.

En application de l'article 19 de la convention collective, M. [S] est également fondé à percevoir une indemnité de licenciement d'un tiers de mois de salaire par année de présence.

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Elan IT Resource à payer à M. [S] les sommes de 10 374,99€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis conventionnelle et de 5 763,89€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Le licenciement de M. [S] étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, il y a lieu d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Elan IT Resource au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 41 499,96€ de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaires

M. [S] sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué un rappel de salaire à hauteur de 3 458,33€ au titre du mois de janvier 2013 et de 1 556,25€ au titre du 1er au 13 février 2013. Il fait valoir qu'il se trouvait en intercontrat suite à la fin de sa dernière mission le 31 décembre 2012, qu'il avait dûment adressé un curriculum vitae actualisé à son employeur aux fins d'être positionné sur une nouvelle mission, qu'aucune proposition ne lui a été faite, qu'ainsi il se trouvait à son domicile, à disposition de son employeur, que son employeur était tenu de lui fournir une prestation de travail et de lui payer la rémunération correspondante.

La société Elan IT Resource fait valoir que les sommes réclamées sur la période du 1er janvier au 13 février 2013 n'ont pas été payées en raison de l'abandon de poste de M. [S].

Au vu de l'ordre de mission du 16 juillet 2012, M. [S] était affecté chez le client EXMC - Axa Tech du 17 juillet 2012 au 31 décembre 2012 à [Localité 3].

Or, à compter de janvier 2013, M. [S] s'est trouvé en absences injustifiées. L'employeur était donc fondé à ne pas lui verser de salaire à compter de cette date. La décision entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a alloué au salarié un rappel de salaire pour la période du 1er janvier au 13 février 2013.

Sur la demande de rappel de frais suivant ordre de mission du 16 juillet 2012

M. [S] indique que l'ordre de mission du 16 juillet 2012 comprenait un forfait de 15 € par jour travaillé, que ces frais ne lui ont jamais été payés pour les 66 jours travaillés.

La société Elan IT Resource fait valoir que M. [S] n'a pas communiqué ses justificatifs relatifs à ses frais professionnels alors que le salarié est tenu de respecter les règles en vigueur au sein de l'entreprise pour le remboursement des frais professionnels et l'article 10 de son contrat de travail et que la note précise bien que l'ensemble des frais fait l'objet d'un remboursement sur présentation de justificatifs dans les limites fixées par les ordres de mission.

La société Elan IT Resource produit un courriel du 31 janvier 2012 de M. [T], directeur, prévoyant 15 € de frais par jour pour les futures missions du salarié, un ordre de mission du 16 juillet 2012 mentionnant ce même montant au titre de frais de mission (repas, transport) sur une base forfaitaire par jour travaillé du 17 juillet 2012 au 31 décembre 2012.

L'employeur fait valoir que les frais n'ont pas été justifiés par M. [S] et produit un courriel de demande de justificatifs.

Cependant, au vu de l'ordre de mission du 16 juillet 2012, l'employeur s'est engagé à régler un montant de 15€ par jour de façon forfaitaire, c'est à dire sans production de justificatifs, au titre de frais de transport et repas pour la durée de la mission chez le client EXMC - AXA tech du 17 juillet 2012 au 31 décembre 2012. Il y a donc lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a condamné la société Elan IT Resource à payer à M. [S] la somme de 990 € au titre des 66 jours travaillés et des frais forfaitaires correspondants suivant ordre de mission du 16 juillet 2012.

Sur les autres demandes

Il n'est pas contesté que "Experis IT" qui ne constitue qu'un nom commercial, comme il résulte de l'extrait Kbis versé aux débats, n'a pas d'existence juridique, et que seule la société Elan It Resource a la qualité d'ancien employeur de M. [S]. En conséquence il n'y a pas lieu à condamnation in solidum contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes dont la décision sera infirmée à ce titre.

La société Elan IT Resource succombant à la présente instance en supportera les dépens et sera condamnée à payer à M. [S] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer [Localité 3] de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SASU Elan It Resource à payer à M. [V] [S] les sommes suivantes :

' 990€ à titre de rappel de frais suivant ordre de mission du 16 juillet 2012

' 10 374,99€ à titre d'indemnité conventionnelle de préavis

' 5 763,89€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau :

DIT n'y avoir lieu de condamner "Experis It" qui n'a pas d'existence juridique ;

DIT que le licenciement de M. [V] [S] est justifié par une cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SASU Elan IT Resource à payer à M. [V] [S] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SASU Elan IT Resource aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 14/10469
Date de la décision : 07/12/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°14/10469 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-07;14.10469 ?
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