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05/12/2016 | FRANCE | N°14/09649

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 05 décembre 2016, 14/09649


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3



ARRET DU 05 DECEMBRE 2016



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/09649



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/00290





APPELANTS



Madame [D] [M], Agissant tant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants m

ineurs : [J] [M] né le [Date naissance 1] et de [M] [M] née le [Date naissance 2]

née le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 1] (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 2]





Madame ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRET DU 05 DECEMBRE 2016

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/09649

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/00290

APPELANTS

Madame [D] [M], Agissant tant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs : [J] [M] né le [Date naissance 1] et de [M] [M] née le [Date naissance 2]

née le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 1] (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Madame [N] [E]

née le [Date naissance 4] à [Localité 1] (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Monsieur [X] [M]

né le [Date naissance 5] 1929 à [Localité 2] (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Monsieur [C] [M]

né le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 1] (MAROC)

[Adresse 5]

[Adresse 6]

Madame [O] [M]

née le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 1] (MAROC)

[Adresse 7]

[Adresse 4]

Madame [N] [M]

née le [Date naissance 7] 1961 à [Localité 3] (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Madame [U] [M]

née le [Date naissance 6] 1965 à [Localité 4] (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Monsieur [G] [M]

né le [Date naissance 7] 1968 à [Localité 4] (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Monsieur [E] [M]

né le [Date naissance 8] 1971 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Monsieur [R] [M]

né le [Date naissance 9] 1981 à [Localité 2] (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Association BUREAU CENTRAL FRANCAIS DES SOCIETES D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS AUTOMOBILES « BCF »

Association Loi 1901

[Adresse 8]

[Adresse 9]

Représentés par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 et assistés de Me Sabine LIEGES avocat plaidant; de la SCP MACL toque P 184

INTIMEES

Madame [Z] [I]

née le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 6]

[Adresse 10]

[Adresse 11]

Représentée par Me Marc PANTALONI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0025

Société GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES

N°SIRET : 398 972 901 080 12

[Adresse 12]

[Adresse 13]

Représentée par Me Marc PANTALONI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0025

Société INSTITUDO NACIONAL DE SUGURIDAD SOCIAL 6 TRESORERIA GENERAL DE LA SEGURIDAD SOCIAL

[Adresse 14]

[Adresse 2] (ESPAGNE)

Défaillante

Assignation devant la Cour d'appel de Paris, délivrée à personne habilitée en date du 27 avril 2012

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Octobre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre, et de Madame Claudette NICOLETIS entendue en son rapport,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

Madame Sophie REY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Zahra BENTOUILA

ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Thierry RALINCOURT, président et par Mme Sophie LE FOURN, greffier présent lors du prononcé.

***

Le 29 septembre 2002, entre 3 heures et 3 heures 30, sur l'autoroute A9 dans le sens [Localité 7]/[Localité 8] sur la commune de [Localité 9], M. [L] [M], né en [Date naissance 10], qui se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique (1,07g), a perdu le contrôle de son véhicule, assuré par la société AXA Seguros, qui a percuté les glissières de sécurité de chaque côté de l'autoroute, avant de s'immobiliser sur la troisième voie, la plus à gauche dans le sens de circulation, à coté du terre-plein central de l'autoroute, l'avant droit du véhicule empiétant sur la voie médiane.

Quelques minutes plus tard, Mme [Z] [I], assurée par la société GMF ASSURANCES (GMF), qui circulait sur la voie centrale de l'autoroute, dans le même sens que M. [M], a aperçu celui-ci sur la voie centrale mais l'a percuté, malgré sa tentative d'évitement. M. [M] est décédé un peu plus d'une heure après l'accident .

La société GMF n'a pas fait d'offre d'indemnisation à Mme [D] [M], tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentante légale de ses enfants mineurs [J] et [M] [M], Mme [N] [E], M. [X] [M], M. [C] [M], Mme [O] [M], Mme [N] [M], Mme [U] [M], M. [G] [M], M. [E] [M], M. [R] [M] (les consorts [M]) mais leur a versé une provision d'un montant de 20.000 €.

Par jugement du 19 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :

- exclu le droit à indemnisation des consorts [M] des conséquences du décès de M. [L] [M],

- débouté les consorts [M] de l'ensemble de leurs demandes,

- ordonné la réouverture des débats afin que les parties concluent sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 et l'article L.211-25 du code des assurances sur la demande en paiement de la GMF,

- dit que l'affaire serait rappelée à une audience ultérieure.

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

- réservé les dépens.

Le tribunal a retenu que M. [L] [M], piéton au moment où il a été heurté par le véhicule de Mme [I], a commis une faute inexcusable qui est la cause exclusive de l'accident et qui a pour conséquence d'exclure le droit à indemnisation de ses proches. Le tribunal a rouvert les débats sur la demande de la société GMF en indemnisation du préjudice matériel de son assurée.

Par déclaration d'appel du 9 novembre 2010, les consorts [M] et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS (BCF) ont interjeté appel du jugement.

Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 24 août 2016, par lesquelles les consorts [M] et le BCF demandent à la cour de :

- infirmer le jugement

- dire et juger les appelants recevables et bien fondés à solliciter de la part de la GMF et de son assurée l'indemnisation de leurs entiers préjudices consécutifs au décès de M. [L] [M],

- condamner solidairement la GMF et Mme [Z] [I] à payer :

* à Mme [D] [M], en son nom propre, la somme de 25.000 € en indemnisation de son préjudice moral, celle de 235.790,40 € en indemnisation de son préjudice patrimonial et celle de 4.427,44 € en indemnisation des frais funéraires,

* à M. [J] [M] la somme de 20.000 € en indemnisation de son préjudice moral et celle de 33.884,40 € en indemnisation de son préjudice patrimonial,

* à Mme [D] [M], es qualité d'administratrice légale de sa fille [M], la somme de 20.000 € en indemnisation de son préjudice moral et celle de 24.848 € en indemnisation de son préjudice patrimonial,

- condamner sous la même solidarité que dessus, la GMF et Mme [I] à payer :

* à Mme [N] [E] épouse [M] et M. [X] [M], la somme de 15.000 € chacun en indemnisation de leur préjudice moral,

* à Mme [O] [M] et [C] [M], Mme [N] [M], Mme [U] [M], M. [G] [M], M. [E] [M], M. [R] [M] la somme de 7.500 € chacun en indemnisation de leur préjudice moral,

- déclarer la décision à intervenir commune et opposable à L'INSTITUDO NACIONAL DE SEGURIDAD SOCIAL,

- condamner sous la même solidarité que dessus la GMF Assurances et Mme [Z] [I] à payer à chacun des demandeurs, la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire GMF Assurances tant irrecevable que mal fondée en son action dirigée à l'encontre du BCF,

- la condamner reconventionnellement à payer au BCF la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner sous la même solidarité GMF Assurances et Mlle [I] en tous dépens de première instance et d'appel, dont le montant sera directement recouvré par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 25 novembre 2015, par lesquelles la société GMF et Mme [Z] [I] demandent à la cour de ':

A titre principal

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a exclu le droit d'indemnisation des ayants-droit de M. [L] [M], au regard du comportement inexcusable de la victime, cause exclusive de l'accident,

En conséquence, exclure le droit à réparation des ayant-droits de M. [L] [M],

A titre infiniment subsidiaire

- réduire de 50% le droit à indemnisation des ayants-droit de M. [L] [M],

En tout état de cause,

- cantonner les sommes qui pourraient être allouées au titre du préjudice moral de la manière suivante, sous déduction de la somme de 20.000 € déjà versée par la GMF:

° 20.000 € à Mme [M] veuve

° 15.000 € à chacun des enfants de M. [L] [M]

° 10.000 € aux parents de M. [L] [M],

° 5.000 € à chacun des frères et soeurs de M. [L] [M],

- dire et juger qu'en l'espèce le revenu disponible du ménage nécessaire pour calculer le préjudice patrimonial de Mme [M] veuve et des enfants de M. [L] [M] n'est pas établi,

*débouter en l'état la demande formulée à ce titre jusqu'à présentation des 3 derniers avis d'imposition du ménage traduits par un traducteur assermenté en français,

A titre subsidiaire,

- fixer le montant du préjudice économique de Mme [D] [M], veuve, à la somme de 47.769,76 €, et après imputation des prestations servies par les organismes sociaux, constater qu'il ne revient rien à Mme [D] [M],

- fixer le montant du préjudice économique de M. [J] [M], à la somme de 9.117,96 €, et après imputation des prestations servies par les organismes sociaux, constater qu'il ne revient rien à M. [J] [M],

- fixer le montant du préjudice économique de Mme [M] [M], à la somme de 9.641,88 €, et après imputation des prestations servies par les organismes sociaux, constater qu'il ne revient rien à M. [J] [M],

- fixer le montant du préjudice matériel (frais d'obsèques) de Mme [D] [M] à la somme de 4.427,44 €,

- constater que les appelants ont renoncé à leurs demandes formulées au titre des articles L.211-9 et L. 211-13 du code des assurances,

En tout état de cause,

- condamner in solidum les consorts [M] et le BCF à verser à la GMF la somme de 5.004,80 € au titre du préjudice matériel subi par Mme [I], avec intérêt au taux légal à compter de la date de règlement par la GMF à sa sociétaire, outre la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner in solidum les consorts [M] et le BCF à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner In solidum les consorts [M] et le BCF aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par actes d'huissier des 3 avril 2012 et 9 octobre 2015, les consorts [M] ont assigné devant la cour d'appel de Paris et signifié leurs conclusions à l'INSTITUDO NACIONAL DE SEGURIDAD SOCIAL, lequel n'a pas constitué avocat.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Sur le droit à indemnisation des consorts [M] :

Les consorts OUKHAYA et le BCF critiquent le jugement en ce qu'il a retenu que M. [L] [M], piéton au moment de l'accident, a commis une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident.

Les appelants exposent qu'en versant une provision, la GMF a admis leur droit à indemnisation et est irrecevable en son argumentation fondée sur la faute inexcusable ; que la société GMF, sur laquelle pèse la charge de la preuve, ne rapporte pas la preuve de ce que le décès de M. [M] procède d'une faute inexcusable et exclusive de celui-ci ; que l'origine exacte du premier accident, imputée à une perte de contrôle, est inconnue ; que même si M. [M] avait commis une faute lors du premier accident , cette faute est sans aucun lien avec la survenance du second accident, causé par Mme [I] ; que les conditions dans lesquelles M. [M] a été heurté sont établies par la déposition de Mme [I] devant la police, il en résulte que la victime, qui avait pénétré régulièrement sur l'autoroute, tentait de se mettre à l'abri et d'appeler les secours en se rendant sur la bande d'arrêt d'urgence ; qu'il ne peut être retenu que M. [M] aurait dû se mettre à l'abri sur le terre-plein central ; que l'état d'alcoolémie d'un piéton ne saurait constituer une faute inexcusable.

Surabondamment, les consorts [M] et le BCF soutiennent que même si l'existence d'une faute inexcusable de M. [M] était retenue, cette faute n'est pas la cause exclusive de l'accident, puisque Mme [I] circulait à une vitesse excessive et a eu un comportement manifestement inadapté, puisqu'elle n'a pas tenté de se déporter sur la voie de droite, ce qui aurait évité l'accident.

La société GMF et Mme [I] répondent que les fautes commises par M. [M], tant en qualité de conducteur que de piéton, sont la cause exclusive de l'accident ; que la victime a perdu le contrôle de son véhicule, probablement en raison de son taux d'alcoolémie plus de deux fois supérieur au taux autorisé pour la conduite d'un véhicule ; qu'en sortant de son véhicule du côté passager, alors que son véhicule se trouvait à proximité directe du terre-plein central de l'autoroute, M. [M] a eu un comportement anormal qui l'exposait à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que le comportement de M. [M], qui a entamé la traversée des voies puis s'est ravisé, ne permettait pas à Mme [I] de man'uvrer autrement qu'en freinant ; que les traces de 40 m. de freinage laissées par le véhicule de Mme [I] ne correspondent pas à une vitesse excessive, s'agissant d'une autoroute ; que le tribunal a considéré à juste titre que la victime a commis une faute inexcusable, alors que Mme [I] a tout fait pour éviter l'accident et a eu un comportement adapté aux circonstances.

Les intimés exposent qu'en procédant au règlement d'une provision dans un cadre amiable, la société GMF n'a pas admis le droit à indemnisation des appelants ; que la faute inexcusable de M. [M], cause exclusive de son accident, est parfaitement établie au sens des dispositions de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, de sorte que ses ayants-droit ne peuvent prétendre à l'indemnisation de leurs préjudices.

Il n'est pas contesté que M. [M], qui était sorti de son véhicule accidenté, avait la qualité de piéton au moment de l'accident. Aux termes de l'alinéa 1er de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 'Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.'

Il résulte du procès-verbal d'enquête, que lorsque Mme [I] a vu M. [M], celui-ci se trouvait à coté de la portière passager de son véhicule, sur la voie du milieu de l'autoroute, mais empiétait sur la voie de droite. Mme [I] a déclaré aux policiers 'il semble avoir fait un mouvement pour se rendre sur la droite de la chaussée, mais à la vue de ma voiture il s'est ravisé et a voulu se mettre à l'abri en passant de l'autre côté, vers l'avant de sa voiture. j'ai donné un coup de volant et j'ai freiné pour l'éviter. C'est à ce moment que je l'ai percuté.'

Il apparaît que M. [M], dont le véhicule était immobilisé sans feu de signalisation, de nuit, en biais sur les voies de gauche et du milieu de l'autoroute, laquelle n'était pas éclairée, a quitté son véhicule pour gagner la partie droite de la chaussée, où se trouvent la bande d'arrêt d'urgence et le poste d'appel d'urgence. Ce comportement, bien que présentant un risque, n'est pas constitutif d'une mise en danger volontaire, mais a été rendu nécessaire par les circonstances et avait pour finalité de permettre à M. [M] de quitter les voies de circulation pour rejoindre la bande d'arrêt d'urgence, d'où il pouvait appeler les secours. Il ne peut lui être reproché de ne pas avoir choisi de se rendre sur le terre-plein central, car cet endroit, d'où il ne pouvait sortir, ne lui permettait ni d'être en sécurité, ni d'alerter les secours. Le jugement doit être infirmé en ses dispositions ayant retenu que M. [M] a commis une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident.

Sur les préjudices de Mme [D] [M] et de ses enfants [J] et [M] [M] :

- Frais d'obsèques :

Mme [M] demande le remboursement des frais funéraires, qui se sont élevés à la somme de 4.427,44 €.

Les intimées offrent au titre du préjudice matériel (frais d'obsèques) la somme de 4.427,44 €, correspondant aux frais réels.

La demande de Mme [M] au titre des frais d'obsèques sera accueillie à hauteur de : 4.427,44 €

- perte de revenus :

Mme [M] et ses deux enfants exposent qu'au jour du décès le revenu annuel de M. [M] s'élevait environ à 7.000 € et que, au jour de la liquidation du préjudice, il peut être raisonnablement estimé qu'il n'aurait pas été inférieur à 8.000 € ; que compte tenu du revenu du ménage, il peut être raisonnablement estimé que 50 % de ce revenu était consacré aux charges incompressibles pour assurer notamment le logement de la famille ; que la part réservée aux enfants ne peut être inférieure à 15 %, les époux ne conservant pour leurs besoins personnels que 10% du revenu ; qu'au vu de ces éléments, le préjudice patrimonial de Mme Veuve [M] ne saurait être inférieur aux bases suivantes :

- du jour de l'accident au 31/12/2015 : 7.000 € x 60 % = 4.200 € x 13 = 54 600 €

- à compter du 01/01/2016 : 8.000 € x 60 % = 4.800 € x 37,748 (prix d'euro de rente viagère femme à l'âge de 33 ans barème Gazette du Palais 2013) = 181 190,40 €.

Soit au total 235 790,40 €.

Le préjudice patrimonial de [J] [M] pourra être évalué de la façon suivante :

- à compter du jour de l'accident jusqu'au 31/12/2015 : 1.050 x 13 = 13 650 €

- à compter du 01/01/2016 : 8.000 € x 15% x 16,862 (prix d'euro de rente

temporaire jusqu'à l'âge de 25 ans, homme barème Gazette du Palais 2013) =

20 234,40 €

Soit au total : 33 884,40 €.

Le préjudice patrimonial de [M] [M] pourra être évalué de la façon suivante :

- à compter du jour de l'accident jusqu'au 31/12/2015 : 1.050 € x 13 = 13 650 €

- à compter du 01/01/2016 : 8.000 € x 15 % x 17,666 = 21 199,20 €.

Soit au total : 34 849 €.

Les appelants exposent que, par application de la jurisprudence de la CJCE interprétant l'article 93 du règlement communautaire numéro 1408/71, les conditions ainsi que l'étendue du droit à recours de l'organisme social de la victime à l'encontre de l'auteur responsable d'un dommage, s'exercent selon le droit du pays de l'institution qui a versé les prestations ; que l'article 127 de la Loi Générale De Sécurité Sociale espagnole dispose 'Indépendamment des actions exercées par les travailleurs ou par leur ayant cause, l'Institut National de la Santé et le cas échéant, les mutuelles des accidents du travail et maladie professionnelle de la sécurité sociale auront le droit de réclamer au tiers responsable, ou le cas échéant au subrogé légalement ou contractuellement dans leurs obligations le montant des prestations de santé qu'ils ont versées' ; que le recours récursoire de l'organisme social espagnol est limité, pour ce qui concerne les prestations versées, aux frais de soins médicaux et hospitaliers à l'exclusion de toute prestation ayant un caractère économique et en particulier de toute prestation à cause de mort ; que l'organisme social espagnol n'a aucune créance à faire valoir qui s'impute sur le préjudice économique de Mme [M] et de ses enfants.

La société GMF et Mme [Z] [I] concluent au débouté des demandes d'indemnisation du préjudice économique. La société GMF conteste le montant au titre des revenus du ménage, au motif qu'elle ne dispose d'aucune information sur le revenu éventuel de Mme [M], ce qui ne lui permet pas de déterminer le revenu disponible. L'intimée fait valoir qu'elle est dans l'impossibilité de formuler une offre, car seuls les avis d'imposition des années 2001 et 2002 traduits en français ont été communiqués ; que les dernières pièces produites par les appelants montrent que M. [M] ne travaillait plus depuis le mois de juin 2002, et était radié de la sécurité sociale depuis le 16 septembre 2002 ; que dans le cadre d'une demande formulée à l'amiable, la compagnie AXA SEGUROS a fondé la demande au titre du préjudice économique sur la base d'un revenu mensuel net, non justifié, de 473,22 € ; que les prestations servies par l'organisme social aux appelants, sur lesquelles aucune information n'est fournie, devront être déduites du montant alloué pour l'indemnisation des victimes ;

A titre subsidiaire, les intimés proposent de chiffrer comme suit le préjudice économique de Mme [M] et de ses enfants :

Pour Mme [M] :

- revenu disponible du ménage :

revenus du ménage : 5.678,64 € (473,22 € x 12) - consommation personnelle du de cujus , - 30 % = 3.975,05 €, revenus de Mme [M] : 0,00 € Aucun élément n'est versé aux débats par les appelants pour justifier, ou non, l'existence d'un revenu de Mme [M]

Total : 3.975,05 €

- répartition de ce préjudice économique à hauteur de 60% pour Mme [M] et à hauteur de 20% pour chacun des enfants.

- préjudice de Mme [M] : 3.975,05 € x 60% = 2.385,03 €

soit une capitalisation : 2.385,03 x 20,029 47.769,76 €

- créance de l'organisme social (rente arrérage) 92.211,91 € (Rente mensuelle 383,66 x 12 4.603,92 x 20,029 = 92.211,91 €)

Soit indemnité due à Madame [M] : 0,00 €

Pour les enfants [J] et [M] [M] :

3.975,05 € x 20% = 795,01 €

- capitalisation pour [J] : 795,01 € x 11, 469 = 9.117,96 €

- créance de l'organisme social (rente) : 17.129,18 €

(124,46 x 12

1.493,52 € x 11,469 = 17.129,18)

- indemnités dues à [J] : 0,00 €

- capitalisation pour [M] : 795,01 € x 12,128 = 9.641,88 €

- créance de l'organisme social (rente) : 18.113,41 €

(124,46 x 12

1.493,52 € x 12,128 = 18.113,41)

- indemnités dues à [M] : 0,00 €

Il résulte des avis d'imposition versés aux débats que M. [M] a perçu en 2001, soit sur 7 mois et demi, un revenu de 6.611,14 € et en 2002, soit sur 8 mois et demi, un revenu de 6.785,36 €. Le relevé de carrière produit montre que la victime enchaînait, depuis 1992, des contrats de travail de courtes durées et des périodes de chômage, toutefois M. [M] a été engagé en qualité de chauffeur livreur par le même employeur du 15 mai 2001 au 16 septembre 2002.

Eu égard à ces éléments il y a lieu de retenir un revenu net annuel de 7.000 € en 2002, actualisé à la somme de 8.000 € en décembre 2009, cette somme n'excédant pas l'évolution du montant des salaires en Espagne durant la période considérée de 7 ans.

Les avis d'imposition produits montrent que Mme [M], âgée de 27 ans lors du décès de son époux, comme étant née le [Date naissance 3] 1975, ne percevait pas de salaire.

Il y a lieu de retenir un revenu net annuel du foyer de 8.000 €.

La part de revenu que le défunt consommait peut être fixée à 20 %, soit 1.600 €.

La perte annuelle du foyer s'élève à la somme de 6.400 €.

Le préjudice viager du foyer est de 6.400 € x 30,610 (prix d'euro de rente viagère d'un homme de 39 ans, barème gazette du palais 2013) = 195 904 €.

Le préjudice temporaire des enfants, en leur attribuant chacun 15 % de la perte annuelle du foyer (6.400 € x 15 % = 960 €) , jusqu'à l'âge de 20 ans à défaut d'information sur leur situation, peut être évalué comme suit :

- M. [J] [M], né le [Date naissance 8] 1996, âgé de 6 ans lors du décès de son père :

960 € x 12,803 (euro de rente limitée à 20 ans pour un garçon âgé de 6 ans) =

12..290,88 €

- Mlle [M] [M], née le [Date naissance 11] 1997, âgée de 5 ans lors du décès de son père :

960 € x 13,643 (euro de rente limitée à 20 ans pour une fille de 5 ans) = 13.097,28 €

- le préjudice économique de Mme [M] est de :

195 904€ - (12.290,88€ + 13.097,28€) = 170 515,84 €

Conformément aux dispositions de l'article 93 du Règlement n° 1408/71 du Conseil, la subrogation et l'étendue du droit de recours d'une institution de sécurité sociale à l'encontre de l'auteur d'un dommage survenu sur le territoire d'un autre État membre sont déterminées par le droit de l'État membre dont relève cette institution. Il résulte de l'article 127.3 de la loi générale sur la sécurité sociale espagnole et de la jurisprudence du Tribunal suprême espagnol du 30 avril 2008 relative à cet article que le recours de l'organisme de sécurité sociale contre le responsable est limité aux prestations de santé, soit les soins médicaux et hospitaliers, à l'exclusion de toute autre prestation sociale, notamment à cause de mort. En conséquence, les pensions versées par l'INSTITUDO NACIONAL DE SEGURIDAD SOCIAL n'ouvrent pas droit à un recours subrogatoire de l'organisme social et ne peuvent être déduites de l'indemnisation des victimes par ricochet.

- préjudice d'affection :

Mme [D] [M] et ses deux enfants sollicitent au titre de leur préjudice moral la somme de 25.000 € pour Mme [M] et celle de 20.000 € pour chacun des enfants, mineurs au moment de l'accident.

La société GMF et Mme [I] offrent, au titre de préjudice d'affection, la somme de 20.000€ pour Mme [M] et celle de 15.000 € pour chacun des enfants, [J] et [M].

L'indemnisation du préjudice d'affection sera fixée comme suit :

- Mme [M] 25.000 €

- [J] [M], 20.000 €

- [M] [M], 20.000 €

Sur le préjudice des proches de M. [M] :

Les consorts [M] sollicitent l'indemnisation du préjudice d'affection de :

- Mme [N] [E] épouse [M], mère de la victime : 15.000 €

- M. [X] [M], père de la victime :15.000 €

- Mme [O] [M], soeur de la victime : 7.500 €

- M. [C] [M], frère de la victime : 7.500 €

- Mme [N] [M], soeur de la victime : 7.500 €

- Mme [U] [M], soeur de la victime : 7.500 €

- M. [G] [M], frère de la victime : 7.500 €

- M. [E] [M], frère de la victime : 7.500 €

- M. [R] [M], frère de la victime : 7.500 €

Les intimés exposent qu'il n'existait pas de proximité géographique entre les parents et les frères et s'urs de M.[M], lequel vivait en Espagne, alors que ses parents ainsi que ses frères et soeurs vivaient au Maroc. La société GMF offre toutefois d'indemniser ces préjudices de la manière suivante :

- 10.000 € aux parents.

- 5.000 € à chacun des frères et s'urs.

Les appelants produisent le livret d'identité et d'état-civil marocain établissant leur lien de filiation avec la victime, ainsi que des certificats de vie en date du mois de février 2004. Compte tenu de ce que la victime vivait en Espagne depuis de nombreuses années alors que le reste de sa famille vivait au Maroc et qu'aucun élément n'est produit sur la nature des relations unissant les appelants à la victime, il y a lieu de dire satisfactoire l'offre faite par la société GMF.

La société GMF demande que la Cour prenne acte de ce que les appelants ont renoncé à la demande d'indemnité moratoire au titre des dispositions de l'article L 211-13 du code des assurances. les appelants ne s'opposent pas à cette demande.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de "donner acte" formée par la GMF, laquelle ne tend qu'à la formulation d'une constatation qui n'est pas susceptible de conférer un droit à la partie requérante.

Sur la demande de la société GMF en réparation du préjudice matériel subi par Mme [I] :

La société GMF demande la condamnation des consorts [M] et du BCF à lui rembourser une somme de 5.004,80€ versée à son assurée en réparation du préjudice matériel résultant de l'accident du 29 septembre 2002.

Les intimés contestent la recevabilité du recours dirigé par la société GMF contre le BCF et subsidiairement soutiennent que ce recours est mal fondé au motif que le décès de M. [M] procède strictement de la faute de Mme [I].

Cependant dans son jugement du 19 octobre 2010, le tribunal a ordonné la réouverture des débats sur la demande de la société GMF au titre du préjudice matériel de son assurée ; en conséquence, le jugement dont appel ne s'étant pas prononcé sur la demande de la société GMF, la Cour, qui ne peut statuer que sur la chose jugée en première instance, ne peut connaître de cette demande.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, et par arrêt réputé contradictoire

Infirme le jugement en ses dispositions excluant le droit à indemnisation de Mme [D] [M], tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentante légale de ses enfants mineurs [J] et [M] [M], Mme [N] [E], M. El [X] [M], M. [C] [M], Mme [O] [M], Mme [N] [M], Mme [U] [M], M. [G] [M], M. [E] [M], M. [R] [M] , et les déboutant de leurs demandes ;

Et statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que M. [L] [M] n'a pas commis une faute inexcusable cause exclusive de l'accident survenu le 29 septembre 2002 ;

Condamne la société GMF ASSURANCES et Mme [Z] [I] in solidum à verser les sommes suivantes, provisions versées non déduites :

- Mme [D] [M] :

* 4.427,44 € au titre des frais d'obsèques

* 170 515,84 € au titre du préjudice économique

* 25.000 € au titre du préjudice d'affection

- M. [J] [M] ::

* 12.290,88 € au titre du préjudice économique ;

* 20.000 € au titre du préjudice d'affection ;

- Mlle [M] [M] :

* 13.097,28 € au titre du préjudice économique ;

* 20.000 € au titre du préjudice d'affection ;

- Mme [N] [E] épouse [M] : 10.000 € ;

- M. [X] [M] : 10.000 € ;

- Mme [O] [M] : 5.000 € ;

- M. [C] [M] : 5.000 € ;

- Mme [N] [M] : 5.000 € ;

- Mme [U] [M] : 5.000 € ;

- M. [G] [M] : 5.000 € ;

- M. [E] [M] : 5.000 € ;

- M. [R] [M] : 5.000 € ;

Dit que la cour n'a pas le pouvoir de statuer sur la demande formée par la société GMF ASSURANCES de réparation du préjudice matériel subi par Mme [Z] [I] ;

Déclare le présent arrêt opposable à L'INSTITUDO NACIONAL DE SEGURIDAD SOCIAL ;

Condamne la société GMF Assurances et Mme [Z] [I] in solidum à payer à l'ensemble des consorts [M] une somme globale de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne solidairement la société GMF Assurances et Mlle [I] aux dépens de première instance et d'appel, dont le montant sera directement recouvré par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/09649
Date de la décision : 05/12/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°14/09649 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-05;14.09649 ?
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