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02/12/2016 | FRANCE | N°15/15259

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 02 décembre 2016, 15/15259


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 02 DÉCEMBRE 2016



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15259



Décision déférée à la cour : jugement du 28 mai 2015 du tribunal de commerce de PARIS - RG n° 13/37876





APPELANTE



S.A. DES PRODUITS MARNIER LAPOSTOLLE ladite société agissant poursuites et diligences en la pers

onne de son président du directoire domicilié en cette qualité audit siège

RCS PARIS B 552 073 371

[Adresse 1]

[Adresse 2]



Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - D...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 02 DÉCEMBRE 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15259

Décision déférée à la cour : jugement du 28 mai 2015 du tribunal de commerce de PARIS - RG n° 13/37876

APPELANTE

S.A. DES PRODUITS MARNIER LAPOSTOLLE ladite société agissant poursuites et diligences en la personne de son président du directoire domicilié en cette qualité audit siège

RCS PARIS B 552 073 371

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocate au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Me Johann LISSOWSKI de la SELARL LISSOWSKI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2067

INTIMÉE

SOCIÉTÉ THE ROYAL BANK OF SCOTLAND (RBS)

établissement de crédit de droit écossais dont le siège social est [Adresse 3] en son établissement principal

RCS PARIS B 421 259 730

[Adresse 4]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Ayant pour avocats plaidants Me Andrea PINNA et Me Anne-Fleur DORY, du Cabinet DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, toque : K035

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 octobre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, présidente de chambre

Madame Muriel GONAND, conseillère

Madame Marie-Ange SENTUCQ, conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE, lors des débats : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise CHANDELON, présidente et par Madame Josélita COQUIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société des Produits Marnier Lapostolle (ci-après « Marnier »), fondée en 1827 et cotée sur le compartiment B de l'Eurolist de la bourse de Paris, exerce une activité de production et de commercialisation de spiritueux et vins. Réalisant une part importante de son chiffres d'affaires à l'exportation (88,6% en 2008), notamment vers les États Unis (56,8% la même année), elle a souhaité couvrir son risque de change. Pour ce faire, elle s'est rapprochée de la société de droit anglais « The Royal Bank of Scotland PLC » (RBS) dès la fin de l'année 2001 pour souscrire différents instruments financiers, de type « forwards ». Exposant qu'après lui avoir recommandé des produits adaptés à ses objectifs de novembre 2000 à novembre 2007, la RBS a contrevenu aux dispositions de l'article L533-13 du code monétaire et financier (CMF) transposant, avec effet à cette date, la directive MIF, en lui proposant des instruments ne répondant pas à ses objectifs, notamment le forward « 24 Period Target redemption » (PTR1) du 1er juillet 2008 et le forward « 24 Period Target redemption » (PTR1) du 3 juillet 2008 » (PTR2) la société Marnier a engagé la présente procédure par exploit du 14 juin 2013.

Par jugement du 28 mai 2015, le tribunal de commerce de Paris l'a déboutée de toutes ses prétentions, a rejeté la demande reconventionnelle formée par la RBS pour procédure abusive et a alloué à cette dernière une indemnité de 50.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Le tribunal, après avoir considéré que la société Marnier qualifiait à tort la société RBS de conseiller d'investissement, a estimé qu'elle avait, en sa qualité de prestataire de service d'investissement (PSI), respecté les obligations mises à sa charge par l'article L533-13 II du CMI en se renseignant sur les connaissances et l'expérience de sa cliente.

Par déclaration du 15 juillet 2015, la société Marnier a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 10 février 2016, la société Marnier reproche au tribunal d'avoir appliqué les dispositions de l'article L533-13 II du CMF qu'elle n'avait pas invoquées au soutien de ses demandes. Estimant que la société RBS se serait comportée comme un conseiller en investissement en lui adressant des recommandations personnalisées, elle lui reproche de ne pas avoir recueilli les informations exigées par l'article L533-13 I du CMF, de sorte qu'au lieu de s'abstenir, comme l'y autorisait ce texte, elle lui a suggéré de souscrire des instruments inadaptés en raison, notamment, de leur durée de vie. Contrainte, pour supprimer l'effet multiplicateur de ces contrats, de verser des soultes d'un montant total de 12 360 000 €, elle sollicite la condamnation de la banque au paiement de cette somme majorée de 1 361 225,54 €, correspondant à la différence de valeur entre le cours du marché et le cours dégradé auquel elle a dû livrer ses dollars américains à la banque entre janvier et juillet 2010. Elle reproche subsidiairement à l'intimée d'avoir manqué à son obligation d'information telle qu'elle résulte de l'article L533-12 du CMF en ne lui précisant les coûts de sortie ni au stade pré-contractuel, ni davantage lors des trois restructurations du « PTR2 » en dépit de la longue durée des contrats. Estimant avoir été en situation de sur-couverture à compter du 4 septembre 2008, elle réclame une indemnisation dans les termes précités. Elle sollicite enfin la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle et réclame l'indemnisation de ses frais irrépétibles à hauteur de 80 000 €.

Dans ses dernières conclusions du 8 août 2016, la société RBS sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle. Elle réclame à ce titre la somme de 100 000 € de dommages-intérêts outre une indemnité du même montant sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2016.

CELA ETANT EXPOSE

LA COUR

Sur les forwards souscrits

Considérant que les forwards sont des contrats conclus de gré à gré auxquels la société RBS est partie, agissant « pour compte propre » au sens de l'article D321-1 du CMF ;

Qu'ils portent en l'espèce sur des produits dérivés dont la particularité réside dans une vente à terme à un prix fixé à l'avance d'une quantité déterminée d'actifs sous-jacent ;

Que les PTR objets du présent litige prévoient des options de change à terme avec accumulateurs et barrière désactivante ;

Que la société Marnier s'engageait à livrer une quantité de dollars américains prédéterminée que la banque lui réglait, en euros, à un taux bonifié fixé pour toute la durée du contrat;

Que le contrat était résilié de plein droit (« knock out » ou « KO ») lorsqu'un certain niveau de gain, dit « target » était acquis, résultant de la différence entre le cours constaté à chaque date d'observation (généralement mensuelle), dite « fixing » et le taux de change du marché à la date de sa conclusion ;

Que la quantité de dollars américains à livrer, au prix convenu, était multipliée par deux ou trois en cas de dégradation du taux de change, devenu inférieur à la valeur dite « pivot » également déterminée à la conclusion du contrat ;

Sur le PTR1

Considérant que ce produit était d'une durée de 24 mois, du 24 juillet 2008 au 28 juin 2010 ;

Qu'il prévoyait une livraison mensuelle de 1 million de dollars américains au cours bonifié EURO/USD de 1.56 et de 3 millions si le cours baissait sous la barre de 1.445 ;

Sur le PTR2

Considérant que ce produit était d'une durée de 21 mois, du 28 août 2008 au 28 avril 2010, avec un départ différé au 25 novembre 2008 ;

Qu'il prévoyait une livraison mensuelle de 1 million de dollars américains au cours bonifié EURO/USD de 1.535 et de 3 millions si le cours baissait sous la barre de 1.4425 ;

Que cet instrument a été restructuré à deux reprises pour augmenter sa durée de 3 mois et porter la valeur pivot à 1,435 ;

Sur le dénouement des opérations

Considérant qu'après avoir accusé une baisse constante depuis l'année 2002, le dollar s'est redressé en septembre 2008 à la suite, notamment, de la faillite de la banque américaine Lehman Brothers ;

Que le 4 septembre 2008 le taux de change EUR/USD a franchi la valeur pivot de 1,435 obligeant la société Marnier à vendre plus de dollars américains à un cours devenu dégradé ;

Qu'aux termes de plusieurs conventions signées le 26 février 2009, retenant la date de valeur du 16 octobre 2008, la société Marnier a dû régler :

3 980 000 € pour supprimer l'effet multiplicateur du contrat du 1er juillet 2008,

4 100 000 € pour supprimer l'effet multiplicateur du contrat du 3 juillet 2008 tel que restructuré le 12 août 2008,

2 985 000 € pour résilier ces deux contrats,

1 295 000 € pour résilier un instrument souscrit le 11 mars 2008 prévoyant une livraison de 17 500 000 US$ si le cours officiel EURO/USD était inférieur à 1,395 le 30 mars 2009 à midi ;

Considérant encore que les dollars américains livrés jusqu'au 28 juin 2010 à un cours dégradé ont généré pour la société Marnier une perte de 1 361 225,54 €, somme dont elle sollicite également le remboursement ;

Sur la nature du contrat liant les sociétés

Considérant que les parties ont signé, le 15 juin 2001 une convention cadre qui dispose :

Article 6-7 :

« Chaque partie déclare et atteste lors de la conclusion de la Convention et de chaque Transaction... qu'elle ne s'en remet pas aux avis (soit écrits soit oraux) de l'autre partie en ce qui concerne chaque Transaction, autre que les déclarations expressément faites par l'autre partie dans cette Convention et dans la Confirmation de cette Transaction ».

Article 6.8 :

« Chaque partie déclare et atteste lors de la conclusion de la Convention et de chaque Transaction...que...

Elle dispose des connaissances suffisantes à l'évaluation (soit interne soit en ayant recours à un conseil professionnel indépendant) de cette Transaction et a décidé elle-même de conclure cette Transaction ; et

Elle comprend les termes, conditions et risques de cette Transaction et accepte ces termes et conditions et les conséquences (financières ou autres) de ces risques ».

Considérant encore que chaque convention signée, comportait les paragraphes suivants, rédigés en langue anglaise, mais dont la traduction libre, figurant dans les conclusions de la banque, n'est pas contestée :

« (a) Non-Reliance. Il agit pour compte propre et a pris en toute indépendance la décision de conclure cette Transaction, après avoir considéré que cette Transaction était adaptée et adéquate, selon son propre jugement et après avoir eu recours à l'avis de tels conseillers dont la consultation aura été jugée nécessaire. Il ne s'appuie sur aucune communication (écrite ou orale) de l'autre partie que ce soit un conseil en investissement ou une recommandation à conclure cette Transaction, étant entendu que des informations et des explications concernant les termes et conditions de cette Transaction ne doivent pas être considérées comme un conseil en investissement ni une recommandation à conclure cette Transaction ; aucune communication (écrite ou orale) reçue de la part de l'autre partie ne saurait constituer une assurance ou une garantie quant aux résultats attendus par cette Transaction

(b) Assessment and Understanding. Il dispose de la capacité et des connaissances pour évaluer la pertinence (de son propre chef ou par des conseils professionnels indépendants) des termes, conditions et risques de cette Transaction ; il les comprend et les accepte. Il est également capable d'assumer les risques de cette Transaction et il les assume

(c) Status of Parties. L'autre partie n'agit, dans le cadre de cette Transaction, ni en qualité de fiduciaire, ni en qualité de conseiller »

Considérant que la société Marnier est mal fondée, en fait comme en droit, à soutenir que malgré l'intention contraire des parties telle qu'elle résulte de ces dispositions, il y a eu conseil en investissement ;

Considérant, en droit, que la société RBS a toujours négocié pour compte propre, comme contrepartie de la société Marnier, qualification exclusive de celle de conseiller en investissement ;

Considérant, en fait :

que la décision de recourir à des produits dérivés ayant une ambition autre qu'une simple couverture de change, laquelle s'opère par des ventes à terme ferme ou la souscription d'une assurance, procédés ne permettant pas de bénéficier de gains de change, résulte d'une politique délibérée et encadrée mise en oeuvre par la société Marnier hors tout conseil depuis au moins la fin d'année 2001, qu'aucune pièce du dossier ne permet de retenir l'existence des recommandations personnalisées qui permettraient seule, selon l'article D321-1 5° du CMF de requalifier les contrats signés ;

Sur la politique mise en 'uvre par la société Marnier

Considérant que la société Marnier a souscrit auprès de la banque 91 produits de type « forward » depuis la fin de l'année 2001 dans un contexte décrit comme suit dans tous ses rapports annuels depuis l'année 2003 :

« Compte tenu de l'exposition importante de la Société au risque de change, une politique active de couverture est mise en place, notamment sur les devises Nord-Américaines.

La politique générale de couverture proposée par le Directeur Financier chaque année, avant le début de l'exercice, est validée par le Comité de Direction. Cette politique peut être modifiée et rediscutée plusieurs fois au cours de l'exercice. Le choix des contreparties (salles de marché) fait l'objet d'une sélection rigoureuse et le pool bancaire avec qui les opérations de couverture sont traitées peut évoluer.

Les produits de couverture sont soigneusement analysés avant d'être proposés au Comité.

Les confirmations d'opérations sont minutieusement effectuées afin d'éviter tout dysfonctionnement.

Une revue systématique des positions de change est effectuée régulièrement avec le Trésorier et le Directeur Financier. Un reporting mensuel par type d'opérations est diffusé à la Direction Générale par le Trésorier.

Le suivi des engagements hors bilan est effectué par le Responsable Comptable (après vérification par le Trésorier puis par le Directeur Financier).

Enfin, les différents états concernant la position de change sont vérifiés à chaque situation comptable (semestrielle, 30 septembre, annuelle) par les commissaires aux Comptes puis tous les trimestres »

Considérant ainsi que la mise en 'uvre d'une politique de gestion de change dynamique a été décidée hors toute suggestion extérieure ;

Qu'il en a été de même pour son abandon, expliqué comme suit dans le rapport annuel de l'année 2009 :

« La politique de couverture du risque de change dollar de la société, qui réalise 59 % de ces ventes dans cette devise a été profondément modifiée au cours de l'exercice. A la fin de l'année 2008, la société était engagée sur un portefeuille de produits dérivés de change dont certaines échéances courraient jusqu'en décembre 2010. Au cours de l'exercice, la société a décidé de revenir à des contrats de couverture à terme classiques et de ne pas s'engager au-delà de l'exercice budgétaire suivant. Cette politique a été mise en 'uvre dans la mesure des ouvertures laissées par le portefeuille existant, les produits dérivés étant remplacés par des contrats à terme, au fur et à mesure de la désactivation ou de la déchéance des contrats. Au 31 décembre 2009, les engagements de change ne dépassent pas le 31 décembre 2010 et sont limités au seul dollar américain » ;

Sur l'absence de recommandation personnalisée

Considérant que des nombreux échanges de courriels entre d'une part Monsieur [A] [Q], directeur financier de la société Marnier, d'autre part Monsieur [D] [U], préposé de la banque, il résulte que le second se bornait à fournir les conditions de la banque, nécessairement fonction de l'état du marché, dans le cadre de la souscription de tel ou tel instrument financier souhaitée par la société Marnier ;

Que la discussion ne portait jamais sur l'opportunité de souscrire tel type de produit mais seulement sur les modalités de sa mise en 'uvre ;

Que la déclaration faite par Monsieur [Q] à la presse en début d'année 2008 confirme qu'il n'a jamais sollicité de recommandation personnalisée, dont il n'avait nul besoin, ayant une parfaite maîtrise des instruments financiers, dont les pièces du dossier démontrent qu'il les souscrivait dans plusieurs établissements bancaires, manifestement mis en concurrence :

« Notre cours budget (est) toujours ambitieux par rapport à la parité réelle...Quand les évolutions de cours sont défavorables, nous essayons de récupérer une partie de la baisse du chiffre d'affaires par des gains de change.

L'évolution défavorable du dollar par rapport à l'euro depuis environ trois ans nous a amenés à adopter une stratégie de couverture dynamique, le groupe couvrant systématiquement ses flux en dollars américains et canadiens.

Je choisis mes couvertures en fonction d'appréciations de marché et je retourne mes positions-une quinzaine déjà depuis le début de l'année- selon les mouvements, entre huit à dix fois par an. Cette gestion représente une partie non négligeable de ma fonction compte tenu des enjeux financiers. Ainsi je parviens en ce moment à couvrir les ventes à un cours amélioré d'une dizaines de figures par rapport au spot ».

Considérant que c'est ainsi à bon droit que le tribunal a rejeté l'existence d'une prestation de conseil en investissement ;

Sur le manquement de la banque à ses obligations d'information

Considérant que la société Marnier fonde cette demande subsidiaire sur :

l'article L533-11 du CMF qui impose au PSI d'agir d'une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients, l'article L533-12 du même code qui n'autorise que des informations présentant un contenu exact, clair et non trompeur, permettant au client de comprendre (le) type spécifique d'instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause, l'article 313-23 du règlement général de l'Autorité des Marché Financiers (RGAMF) qui précise que l'information doit être suffisamment détaillée, eu égard aux caractéristiques du client afin que celui-ci puisse prendre une décision en connaissance de cause, l'article 314-3 du RGAMF qui complète les termes de l'article L533-11 du CMF en précisant que le PSI favorise l'intégrité du marché ;

Considérant que l'insuffisance de l'information alléguée porte sur l'ignorance prétendue du «coût de sortie» des contrats voire même de la possibilité de résiliation anticipée ;

Que la société Marnier fait encore allusion à l'asymétrie du contrat, le risque pris par la banque étant minime, en raison de l'existence d'une barrière désactivante, par rapport au sien ;

Considérant, sur ce dernier point, que l'allusion à une lésion, que le droit français n'admet qu'à titre exceptionnel, sans en tirer les conséquences juridiques induites, manque de pertinence dès lors que, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, une partie catégorisée « professionnelle », comme la société Marnier, est présumée posséder l'expérience et les connaissances requises pour comprendre le fonctionnement de ces instruments et l'avantage offert à chaque partie en présence ;

Considérant que la société Marnier ayant procédé, de 2001 à 2008, à un certain nombre de restructurations ou résiliations revendiquées par son directeur financier dans l'interview précitée ne peut davantage sérieusement soutenir avoir ignoré ces mécanismes ;

Considérant par ailleurs que la banque est dans l'incapacité technique de fournir le montant de la soulte en cas de résiliation anticipée des contrats, lequel dépend des conditions du marché à cette date ;

Qu'au surplus il résulte des rapports des commissaires aux comptes de la société Marnier que les opérateurs financiers valorisaient, sous leur contrôle, les produits financiers souscrits, ce qui lui permettait de déterminer, au jour le jour le coût d'une résiliation ;

Considérant encore que bien que les textes adoptés pour transposer la directive MIF l'aient autorisé à présumer l'aptitude de sa cliente à appréhender les risques et en dépit de l'expérience acquise par celle-ci, force est de constater que Monsieur [U] lui rappelait régulièrement, dans sa note de présentation du produit, le risque pris, ainsi à titre d'exemple :

le courriel du 29 juillet 2005 attirait l'attention de la société Marnier sur les inconvénients de l'instrument : tu ne connais pas le montant final couvert si tous les fixing sont supérieurs à 1,3000 alors tu n'auras vendu aucun USD avec cette stratégie et tu peux vendre 1.250.000 USD par mois si le fixing est inférieur à 1.2425 soit 15 M USD au global,

celui du 12 mai 2016 Risque maximum:2*4 M USD à 1.2800 si le spot ne touche pas 1.3250 d'ici les échéances et si, sur chaque échéance le spot est inférieur à 1.2800,

les dernières présentations se bornant à indiquer les particularités du produit souscrit, soulignant avantages et inconvénients, le courriel du 16 janvier 2008 comportant ainsi, en lettres rouges un paragraphe « NOUVEAUTE » précisant, A partir du troisième fixing, i.e quand le strike passe à 1.4550, pour tout fixing inférieur au strike, au lieu de ne plus accumuler sur ton compteur de figures, tu augmentes ce dernier de 0,50 cents, soit ¿ figures.

Exemple : les deux premiers fixings sont à 1.4440, soit un target de 2*8=16 figures, et que le troisième fixing est à 1,4000, alors tu vends 3 M USD au strike de 1.4550, MAIS TU AUGMENTES TA TARGET DE 0,5 FIGURES, soit 16,5 figures ;

Et considérant enfin que dans le cadre de l'obligation qui pesait sur elle avant le 1er novembre 2007, la banque a communiqué à la société Marnier une fiche du produit dénommé «Target Profit» précisant, à l'aide d'un exemple chiffré, aussi bien le plafonnement du bénéfice réalisable si le fixing dépasse le cours de couverture que le risque pris par le client dans l'hypothèse inverse ;

Considérant ainsi que c'est à bon droit que la banque conclut avoir toujours respecté son devoir d'information et qu'il convient, confirmant le jugement déféré, de débouter la société Marnier de toutes ses prétentions ;

Sur les autres demandes

Considérant que le droit fondamental d'ester en justice ne dégénère en abus qu'en cas, sinon d'intention malveillante d'une partie, au moins d'erreur grossière sur l'étendue de ses droits ;

Considérant qu'en l'espèce la mauvaise analyse, par la société Marnier de l'ordonnance du 12 avril 2007 n'entre pas dans la définition précitée de sorte que c'est à bon droit que les juges consulaires ont rejeté la demande reconventionnelle ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société RBS une indemnité de 60 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Condamne la société des Produits Marnier Lapostolle à payer à la société «The Royal Bank of Scotland PLC» une indemnité de 60 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Condamne la société des Produits Marnier Lapostolle aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/15259
Date de la décision : 02/12/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°15/15259 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-02;15.15259 ?
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