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02/12/2016 | FRANCE | N°15/14457

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 02 décembre 2016, 15/14457


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 02 DÉCEMBRE 2016



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/14457



Décision déférée à la cour : jugement du 28 mai 2015 du tribunal de commerce de PARIS - RG n° 13/37885





APPELANTE



S.A. DES PRODUITS MARNIER LAPOSTOLLE

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en

cette qualité audit siège

RCS PARIS B 552 073 371

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocate au barreau de PARIS, ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 02 DÉCEMBRE 2016

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/14457

Décision déférée à la cour : jugement du 28 mai 2015 du tribunal de commerce de PARIS - RG n° 13/37885

APPELANTE

S.A. DES PRODUITS MARNIER LAPOSTOLLE

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

RCS PARIS B 552 073 371

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocate au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Me Johann LISSOWSKI de la SELARL LISSOWSKI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2067

INTIMÉE

S.A. DEUTSCHE BANK AKTIENGESELLSCHAFT LE MAIN

ayant son siège social [Adresse 2] agissant par sa succursale

RCS PARIS 310 327 481

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Dimitri LECAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J007

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 octobre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, présidente de chambre

Madame Muriel GONAND, conseillère

Madame Marie-Ange SENTUCQ, conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE, lors des débats : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise CHANDELON, présidente et par Madame Josélita COQUIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société des Produits Marnier Lapostolle (ci-après « Marnier »), fondée en 1827 et cotée sur le compartiment B de l'Eurolist de la bourse de [Localité 2], exerce une activité de production et de commercialisation de spiritueux et vins. Réalisant une part importante de son chiffre d'affaires à l'exportation (88,6 % en 2008), notamment vers les États Unis (56,8% la même année), elle a souhaité couvrir son risque de change. Pour ce faire, elle s'est rapprochée de la société de droit allemand Deutsche Bank AG dès l'année 2004 pour souscrire différents instruments financiers. Reprochant à la Deutsche Bank d'avoir contrevenu aux dispositions de l'article L533-13 du code monétaire et financier (CMF), entré en vigueur le 1er novembre 2007 dans le cadre de la transposition de la directive MIF, en lui proposant des instruments financiers ne répondant pas à ses objectifs, des « contrats accumulateurs » respectivement souscrits les 1er, 2 juillet et 18 août 2008, la société Marnier a engagé la présente procédure par exploit du 14 juin 2013.

Par jugement du 28 mai 2015, le tribunal de commerce de Paris l'a déboutée de toutes ses prétentions, a rejeté la demande reconventionnelle formée par la Deutsche Bank pour procédure abusive et a alloué à cette dernière une indemnité de 50.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Le tribunal, après avoir considéré que la société Marnier qualifiait à tort la société Deutsche Bank de conseiller d'investissement, a estimé qu'elle avait, en sa qualité de prestataire de service d'investissement (PSI), respecté les obligations mises à sa charge par l'article L533-13 II du CMF en se renseignant sur les connaissances et l'expérience de sa cliente..

Par déclaration du 2 juillet 2015, la société Marnier a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 24 septembre 2015, la société Marnier reproche au tribunal d'avoir appliqué les dispositions de l'article L533-13 II du CMF qu'elle n'avait pas invoquées au soutien de ses demandes. Estimant que la Deutsche Bank se serait comportée comme un conseiller en investissement en lui adressant des recommandations personnalisées, elle lui reproche de ne pas avoir recueilli les informations exigées par l'article L533-13 I du CMF, de sorte qu'au lieu de s'abstenir, comme l'y autorisait ce texte, elle lui a suggéré de souscrire des instruments inadaptés en raison, notamment, de leur durée de vie. Contrainte, pour supprimer l'effet multiplicateur de ces contrats, de verser des soultes d'un montant total de 5 854 000 €, elle sollicite la condamnation de la banque au paiement de cette somme majorée de 3 316 056 €, correspondant à la différence de valeur entre le cours du marché et le cours dégradé auquel elle a dû livrer ses dollars américains à la banque entre le 29 octobre 2008 et le 28 juin 2010. Elle reproche subsidiairement à l'intimée d'avoir manqué à son obligation d'information telle qu'elle résulte de l'article L533-12 du CMF en ne lui précisant pas les coûts de sortie des contrats, ni à un stade pré-contractuel ni davantage au moment de la restructuration du dernier produit souscrit, en dépit de la longue durée des contrats. Estimant avoir été en situation de sur-couverture à compter du 20 août 2008, elle réclame une indemnisation dans les termes précités. Elle sollicite enfin la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle et réclame l'indemnisation de ses frais irrépétibles à hauteur de 80 000€.

Dans ses dernières conclusions du 23 novembre 2015, la Deutsche Bank sollicite la confirmation du jugement déféré et réclame une indemnité de 100 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2016.

CELA ETANT EXPOSE

LA COUR

Sur les contrats accumulateurs souscrits

Considérant qu'ils imposaient à la société Marnier de livrer une quantité de dollars américains prédéterminée que la banque lui réglait, en euros, à un taux bonifié fixé pour toute la durée du contrat (Settlement Rate) ;

Que le contrat était résilié de plein droit lorsque la somme des différences calculées à chaque échéance entre le taux de conversion en vigueur à cette date (Spot Rate) et le Settlement Rate atteignait un certain seuil (Trigger Level) ;

Que ce mécanisme, dénommé barrière désactivante plafonnait les gains de change de la société Marnier ;

Que la quantité de dollars américains à livrer, au prix convenu, était multipliée par deux pour les trois contrats litigieux si le Spot Rate devenait inférieure au Settlement Rate ;

Considérant que ce dernier scénario suppose une forte dégradation du taux de change liée à une progression dollar américain par rapport à l'euro.

Sur le TFX2 (rebaptisé FX 3)

Considérant que ce produit, souscrit le 1er juillet 2008 était d'une durée de 24 mois ;

Qu'il prévoyait une livraison mensuelle de 2,2 millions de dollars américains si le taux de change EURO/USD était à l'échéance au moins égal à 1.457 et de 4,4 millions de dollars américains s'il devenait inférieur ;

Que le trigger level était de 0,20, montant porté à 0,35 dans le cadre d'un contrat de restructuration du 18 août 2008 ;

Sur le TFX3 (rebaptisé FX 4)

Considérant que ce produit, souscrit le 2 juillet 2008 était d'une durée de 24 mois ;

Qu'il prévoyait une livraison mensuelle de 1 million de dollars américains si le taux de change EURO/USD et EURO/CAD (dollar canadien), s'établissait en deçà d'un cours fixé à 1,3965 ;

Que le trigger level était de 0,20 ;

Sur le TFX4 (rebaptisé FX 5)

Considérant que ce produit, souscrit le 18 août 2008 était d'une durée de 12 mois ;

Qu'il prévoyait une livraison mensuelle de 2 millions de dollars américains si le taux de change EURO/USD était à l'échéance au moins égal à 1.388, de 4 millions s'il était inférieur ;

Que le trigger level était de 0,1 ;

Sur le dénouement des opérations

Considérant que la parité EURO/USD s'est dégradée à compter du mois de juillet 2008, le cours passant de 1,5913 le 21 juillet, à 1.5005 le 8 août 2008 puis 1,4696 le 18 du même mois ;

Que le seuil de déclenchement de l'effet multiplicateur était atteint :

le 4 septembre 2008 pour le FX3,

le 2 octobre 2008 pour les FX4 et FX 5 ;

Considérant que la société Marnier explique que dans un tel contexte, elle a pris la décision, le 16 octobre 2008, de supprimer les doublements des montants de dollars américains à livrer à la Deutsche Bank et a réglé, pour y parvenir, trois soultes de montants respectifs de 3 150 000 €, 1 574 000 €, 1 130 000 € dont elle sollicite le remboursement ;

Qu'elle sollicite également la différence entre le prix devenu dégradé acquitté par la banque et celui qu'elle aurait obtenu du marché pour la vente de ses dollars ;

Sur la nature du contrat liant les parties

Considérant que chacune des conventions signées (qui ne se limitent pas aux trois critiquées dans le présent litige, les parties étant en relation d'affaire depuis l'année 2004) comporte un paragraphe 5 intitulé « Déclarations » qui dispose :

(i) Non-dépendance. Elle (chaque partie) agit pour compte propre et elle a pris ses décisions de manière indépendant pour conclure la présente Opération et pour évaluer le caractère adéquat et approprié de l'Opération selon son propre jugement et les avis des conseils qu'elle jugeait nécessaires. Elle ne considère aucune communication (écrite ou verbale) de l'autre partie comme un conseil en investissement ou une recommandation pour conclure la présente Opération, étant entendu que les informations et explications relatives aux modalités de la présente Opération ne seront pas considéré(e)s comme des conseils en investissement ou une recommandation pour conclure l'Opération. Aucune communication (écrite ou verbale) reçue de la part de l'autre partie n'est réputée être une assurance ou une garantie concernant les résultats attendus de la présente Opération.

Évaluation et compréhension. Elle est en mesure d'évaluer les avantages et de comprendre (en son nom propre ou par l'intermédiaire de conseils professionnels indépendants), et comprend et accepte les modalités de la présente Opération. Elle est également en mesure d'assumer, et assume, les risques de l'Opération.

Statut des Parties. L'autre partie n'agit pas en qualité de « fiduciary » ou de conseil pour elle en ce qui concerne la présente Opération.

Considérant que la société Marnier échoue à démontrer que l'exécution du contrat a contredit cette intention annoncée et que la société Deutsche Bank lui a prodigué des conseils en investissement ;

Considérant ainsi :

que la décision de recourir à des produits dérivés dont l'ambition va au-delà d'une simple couverture de change (par ventes à terme ferme ou souscription d'assurance(s)), pour bénéficier de gains de change, résulte d'une politique délibérée et encadrée mise en 'uvre par la société Marnier depuis plusieurs années, qu'aucune pièce du dossier ne permet de retenir l'existence des recommandations personnalisées qui permettraient seule, selon l'article D321-1 5° du CMF, de requalifier les contrats signés ;

Sur la politique mise en 'uvre par la société Marnier

Considérant  que la société Marnier a souscrit plusieurs dizaines de produits de type « forward » (de gré à gré) depuis la fin de l'année 2001 auprès de différentes banques d'affaire ;

Que dans son rapport annuel de l'année 2007, le président du conseil d'administration de la société Marnier expose ainsi :

« Compte tenu de l'exposition importante de la Société au risque de change, une politique active de couverture est mise en place, notamment sur les devises Nord-Américaines.

La politique générale de couverture proposée par le Directeur Financier chaque année, avant le début de l'exercice, est validée par le Comité de Direction. Cette politique peut être modifiée et rediscutée plusieurs fois au cours de l'exercice. Le choix des contreparties (salles de marché) fait l'objet d'une sélection rigoureuse et le pool bancaire avec qui les opérations de couverture sont traitées peut évoluer.

Les produits de couverture sont soigneusement analysés avant d'être proposés au Comité.

Les confirmations d'opérations sont minutieusement effectuées afin d'éviter tout dysfonctionnement.

Une revue systématique des positions de change est effectuée régulièrement avec le Trésorier et le Directeur Financier. Un reporting mensuel par type d'opérations est diffusé à la Direction Générale par le Trésorier après validation par le Directeur Financier.

La comptabilisation des écritures est vérifiée pièce par pièce par le Directeur Financier.

Le suivi des engagements hors bilan est effectué par le Responsable Comptable (après vérification par le Trésorier puis par le Directeur Financier).

Enfin, les différents états concernant la position de change sont vérifiés tous les trimestres »

Que l'annexe aux comptes consolidés pour ce même exercice (§2.4.1.1) ajoute :

« Le Groupe a recours pour se couvrir à des produits dérivés de couverture tels que options de change, options de change à barrière, ventes à terme, termes accumulateurs, accumulateurs d'options et tous autres produits dérivés de couverture (target profit forward... )»

Que les commissaires aux comptes de la société précisent, dans leur rapport, qu'ils contrôlent le processus d'évaluation mis en 'uvre par les opérateurs financiers ;

Considérant ainsi que la mise en 'uvre d'une politique de gestion de change dynamique a été décidée puis conduite hors toute suggestion extérieure ;

Sur l'absence de recommandation personnalisée

Considérant qu'aucune des pièces produites par la société Marnier ne permet de constater qu'à un moment quelconque, la Deutsche Bank se serait prononcée sur l'opportunité de souscrire tel type de produit pour orienter sa décision finale, ne produisant à cet effet que deux pièces (4 et 7), des courriels des 29 janvier et 10 avril 2008 qui se bornent à décrire le produit commandé, précisant le strike, le trigger level, les dates de fixing et de Settlement ;

Que la déclaration faite par Monsieur [G] à la presse en début d'année 2008 confirme qu'il n'a jamais sollicité de recommandation personnalisée, dont il n'avait nul besoin, ayant une parfaite maîtrise des instruments financiers :

« Notre cours budget (est) toujours ambitieux par rapport à la parité réelle...Quand les évolutions de cours sont défavorables, nous essayons de récupérer une partie de la baisse du chiffre d'affaires par des gains de change.

L'évolution défavorable du dollar par rapport à l'euro depuis environ trois ans nous a amenés à adopter une stratégie de couverture dynamique, le groupe couvrant systématiquement ses flux en dollars américains et canadiens.

Je choisis mes couvertures en fonction d'appréciations de marché et je retourne mes positions-une quinzaine déjà depuis le début de l'année- selon les mouvements, entre huit à dix fois par an. Cette gestion représente une partie non négligeable de ma fonction compte tenu des enjeux financiers. Ainsi je parviens en ce moment à couvrir les ventes à un cours amélioré d'une dizaines de figures par rapport au spot ».

Considérant que c'est ainsi à bon droit que le tribunal a rejeté l'existence d'une prestation de conseil en investissement ;

Sur le manquement de la banque à ses obligations d'information

Considérant que la société Marnier fonde cette demande subsidiaire sur :

l'article L533-11 du CMF qui impose au prestataire de service d'investissement (PSI) d'agir d'une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients,

l'article L533-12 du même code qui n'autorise que des informations présentant un contenu exact, clair et non trompeur, permettant au client de comprendre (le) type spécifique d'instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause, l'article 313-23 du règlement général de l'Autorité des Marché Financiers (RGAMF) qui précise que l'information doit être suffisamment détaillée, eu égard aux caractéristiques du client afin que celui-ci puisse prendre une décision en connaissance de cause, l'article 314-3 du RGAMF qui complète les termes de l'article L533-11 du CMF en précisant que le PSI favorise l'intégrité du marché ;

Considérant que l'insuffisance de l'information alléguée porte sur l'ignorance prétendue du « coût de sortie » des contrats voire même de la possibilité d'une résiliation anticipée ;

Que la société Marnier fait encore allusion à l'asymétrie du contrat, le risque pris par la banque étant minime, en raison de l'existence d'une barrière désactivante, par rapport au sien ;

Considérant, sur ce dernier point, que l'allusion à une lésion, que le droit français n'admet qu'à titre exceptionnel, sans en tirer les conséquences juridiques induites, manque de pertinence dès lors que, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, une partie catégorisée « professionnelle » comme la société Marnier est présumée posséder l'expérience et les connaissances requises pour comprendre le fonctionnement de ces instruments et l'avantage offert à chaque partie en présence ;

Considérant que la société Marnier ayant de 2001 à 2008 procédé à un certain nombre de restructurations ou résiliations, comme le revendiquait son directeur financier dans l'interview précitée ne peut davantage sérieusement soutenir avoir ignoré ces mécanismes ;

Considérant par ailleurs que la banque est dans l'incapacité technique de fournir le montant de la soulte en cas de résiliation anticipée des contrats, lequel dépend des conditions du marché à cette date ;

Qu'au surplus les produits financiers souscrits étaient, comme indiqués précédemment, valorisés, ce qui lui permettait de déterminer, au jour le jour, le coût d'une résiliation ;

Considérant encore que bien que les textes adoptés pour transposer la directive MIF l'aient autorisée à présumer l'aptitude de sa cliente à appréhender les risques et en dépit de l'expérience acquise par celle-ci, force est de constater que la Deutsche Bank a pris l'initiative d'avertir la société Marnier de la crise financière observée ;

Qu'il apparaît ainsi que le directeur France de la banque, Monsieur [I], après avoir vainement tenté de joindre un des organes dirigeants de la société Marnier et son directeur financier a pu avoir un entretien téléphonique avec le trésorier, Monsieur [M], le 9 septembre 2015 ;

Qu'il résulte de la transcription de leur conversation que Monsieur [I] a tenu à préciser que sa démarche s'insérait dans un cadre exclusivement commercial envers une société considérée comme un de ses meilleurs clients dont les positions de change étaient importantes et que son intention n'était pas d'influencer ses choix ;

Qu'il a ensuite informé son interlocuteur qu'aux termes d'une expérience de 22 ans des salles de marché, il jugeait le mouvement affectant l'Euro/Dollar sans précédent, faisant état d'une violence sans aucun retour, d'un débouclage des carry trade dans le monde entier ainsi que d'une destruction massive de positions ;

Considérant qu'après lui avoir précisé que la direction et le PDG avaient été informés de la situation et que la décision prise était d'attendre, les premières échéances étant fin septembre, Monsieur [M] excluait à plusieurs reprises toute idée de retourner, exposant qu'au pire on peut toujours acheter en contrepartie des dollars qu'il faudrait livrer parce que l'on a une trésorerie en euros très très importante et qu'on n'est pas inquiet jusqu'à la fin de l'année ;

Et considérant qu'un courrier du 10 septembre a confirmé la position adoptée au cours de cette conversation téléphonique, la société Marnier précisant à la banque :

« La Direction Générale a pris bonne note de vos suggestions de modification couvertures que nous avons dans votre établissement.

Nous vous informons que nous ne souhaitons pas pour l'instant ni retourner ni modifier nos positions actuelles »

Considérant ainsi que la banque a été au-delà de ses obligations légales qui se bornent à exiger de porter à la connaissance du client les caractéristiques du produit livré, il ne peut lui être reproché un manquement à son devoir d'information et qu'il convient, confirmant le jugement déféré, de débouter la société Marnier de toutes ses prétentions ;

Sur la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Deutsche Bank une indemnité de 60 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Condamne la société des Produits Marnier Lapostolle à payer à la société Deutsche Bank AG une indemnité de 60 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Condamne la société des Produits Marnier Lapostolle aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/14457
Date de la décision : 02/12/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°15/14457 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-02;15.14457 ?
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