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02/12/2016 | FRANCE | N°14/26194

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 02 décembre 2016, 14/26194


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 02 DÉCEMBRE 2016



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/26194



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 12/11226





APPELANT



Monsieur [Y] [A]

né le [Date naissance 1] 1927 à [Localité 1] (Algérie)

[Adresse 1]
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[Adresse 1]



Représenté et ayant pour avocat plaidant Maître Linda KEBIR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1129





INTIMEES



Monsieur [H] [S]

Né le [Date naissance 2] 19...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 02 DÉCEMBRE 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/26194

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 12/11226

APPELANT

Monsieur [Y] [A]

né le [Date naissance 1] 1927 à [Localité 1] (Algérie)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Maître Linda KEBIR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1129

INTIMEES

Monsieur [H] [S]

Né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 2] (Algérie)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Maître Aurélia TORDJMAN, avocate au barreau de PARIS, toque : E0992

Maître [W] [V]

né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Maître Stéphane LATASTE de l'AARPI Chatain & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R 137

Compagnie d'assurances COVEA RISKS, prise en la personne de ses représentants légaux,

Immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° : 378 716 419

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Maître Stéphane LATASTE de l'AARPI Chatain & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R 137

PARTIES INTERVENANTES

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la Compagnie d'assurances COVEA RISKS

RCS n° 775 652 126

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Maître Stéphane LATASTE de l'AARPI Chatain & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R 137

Société MMA IARD venant aux droits de la Compagnie d'assurances COVEA RISKS

RCS n° 440 048 882

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Maître Stéphane LATASTE de l'AARPI Chatain & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R 137

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Anne-Marie GALLEN, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente de la chambre,

Madame Anne-Marie GALLEN Présidente,

Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de la chambre, et par Madame Sandrine CAYRE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

*********************

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte authentique du 19 mai 2004, M. [Y] [A] a pris en location-gérance un fonds de commerce de café-bar situé [Adresse 6] à l'enseigne « [Établissement 1] ». Suivant récipissé de déclaration de mutation du 27 mai 2004, M. [A] a déclaré exploiter le débit de boissons à compter du 11 juin 2004, succédant à Mme [V] [W] à laquelle il a acheté le fonds de commerce par acte notarié établi par Me [J] [N], daté du 23 mai 2005, pour la somme totale de 60 900 euros, ventilée en éléments incorporels à hauteur de 59 900 euros et de 1 000 euros pour le mobilier et le matériel.

M. [A] a a signé une reconnaissance de dette dactylographiée de 37 876 euros sur papier à en-tête de Me [W] [V], avocat, au profit de M. [H] [S] le 30 mai 2005.

Par acte sous seing privé intitulé 'acte de vente de fonds de commerce'en date du 15 septembre 2005 rédigé par Me [V], M. [S] s'est porté acquéreur du fonds de commerce « [Établissement 1] » exploité au [Adresse 6] auprès de M. [Y] [A], moyennant le prix de 60 900 euros.

Le 23 août 2006, M. [A] a déposé plainte avec constitution de partie civile auprès de M. Le Doyen des juges d'instruction de Paris contre l'acquéreur M. [S] des chefs de violences volontaires, tortures, extorsion, menaces, abus de faiblesse ainsi qu'abus de confiance Cette procédure pénale a donné lieu au renvoi de [W] [V] et de [H] [S] devant le tribunal correctionnel de Paris pour faux en écriture et abus de faiblesse au préjudice de M. [A] et à leur relaxe le 30 novembre 2011, confirmée en appel le 4 avril 2013, cette relaxe étant devenue définitive.

M. [A] a assigné parallèlement le même M. [S] et le rédacteur de l'acte de la reconnaissance de dette et de la vente du fonds de commerce devant le tribunal de commerce de Paris par acte d'huissier du 4 mars 2007, en nullité de l'acte de vente, de la reconnaissance de dette et pour restitution du fonds de commerce. Il a été débouté de ses demandes par jugement du tribunal de commerce du 5 février 2009, confirmé par la cour d'appel de Paris suivant arrêt du 20 novembre 2013.

Des loyers et charges étant restés impayés par M. [S], l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail en cause a été constatée par décision du 11 juillet 2008, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 février 2009.

C'est dans ces circonstances que M. [A] a fait assigner M. [S], Me [V] et la société Covea Risks en qualité d'assureur de ce dernier devant le tribunal de grande instance de Paris par actes des 4 et 7 mars 2008, en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

Par ordonnance des 22 janvier 2009 et 7 juillet 2011, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur les instances pénale et commerciale en cours.

Par jugement en date du 18 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

- condamné in solidum M. [S], M. [V] et la société Covea Risks à payer à M. [A] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire.

M. [A] a relevé appel de ce jugement le 23 décembre 2014 et a conclu pour la première fois devant la cour le 25 février 2015.

Par ordonnance du 16 février 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré les conclusions de M. [S] signifiées le 27 juillet 2015 irrecevables au visa de l'article 909 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 13 février 2015, M. [A] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- déclarer M. [S], Me [V] et son assureur tant irrecevables que mal fondés en leurs demandes reconventionnelles,

- condamner solidairement M. [S], Me [V] et son assureur à lui payer la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice financier subi,

- condamner solidairement M. [S], Me [V] et son assureur à lui payer la somme de 80 000 euros au titre des préjudices matériels et moraux subis,

- les débouter de toutes leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent,

- ordonner l'exécution provisoire,

- condamner solidairement M. [S], Me [V] et son assureur à lui payer à une somme de 40 000 euros hors taxe en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [S], Me [V] et son assureur par application de l'article 696 du code de procédure civile, en tous les dépens dont Me Kebir sera autorisée à poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Par leurs dernières conclusions signifiées par RPVA le 3 mars 2016, Me [V] et les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD venant aux droits de la société Covea Risks demandent quant à eux à la cour de :

- donner acte aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de ce qu'elles viennent aux droits de la société Covéa Risks et reprennent donc, à cette date, à l'identique, les droits et engagements souscrits par elle,

- leur donner acte de ce qu'elles poursuivent la défense sur l'action en cours, tant au nom de MMA IARD (SA) qu'au nom de MMA IARD Assurances Mutuelles,

- réformer le jugement entrepris,

- débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner reconventionnellement à verser aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la société Covéa Risks, la somme de 18 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

L'appelant soutient que M. [S] a abusé de son âge avancé et de son illettrisme pour prendre possession de son fonds de commerce de façon irrégulière dès 2003, endetter l'exploitant et le contraindre à conclure un acte de cession du fonds en remboursement de ses dettes avec le concours frauduleux de Me [V] ;

Il indique à ce titre que M. [S] lui a fait consentir un pouvoir dès 2005 et a ouvert un compte joint à leurs deux noms au LCL, qu'il a fait pression sur les témoins de M. [A] en situation irrégulière sur le territoire français et qu'il a porté plainte contre M. [A] pour l'intimider et le contraindre à quitter les lieux loués ;

Selon lui, en dépit de la relaxe des intimés pour abus de confiance et escroquerie sur le plan pénal, la nullité de l'acte de cession et de la reconnaissance de dettes sur le plan civil résulte des faits de violence, d'intimidation et d'emprise exercés par M. [S] au jour de la signature au sens de l'article 1109 du code civil, celui-ci l'ayant notamment menacé avec son chien d'attaque en présence de Me [V], le jour de la vente ;

Il relève au surplus que la reconnaissance de dette du 31 mai 2005 ne respecte pas les conditions de l'article 1326 du code civil, qu'aux termes de l'acte Me [V] se déclare de façon mensongère conseil des deux parties et reconnaît seul l'existence des dettes et que l'acte n'est pas signé par M. [A]. Il considère donc que la responsabilité civile de M. [S] et la responsabilité professionnelle de Me [V] se trouvent engagées. Il indique que Me [V] es-qualité ne rapporte pas la preuve de l'accomplissement de son obligation d'information et des vérifications usuelles, qu'il a reconnu la rédaction d'actes frauduleux en connaissance de la pression exercée sur M. [A] et de l'insolvabilité de M. [S] et qu'il s'est abstenu de procéder au séquestre du prix de vente dans l'intérêt du cédant ;

Il fonde notamment ses allégations sur des extraits concordants du procès-verbal d'audition de Me [V] en cours de procédure pénale, révélant qu'il était lui-même menacé par son client ;

M. [A] soutient que le préjudice subi résulte de la perte du fonds comprenant un logement par le fait de M. [S], contre lequel la clause résolutoire a joué faute de règlement des loyers sans que M. [A] soit assigné en intervention forcée à la procédure de référé, ainsi que de l'absence de paiement du prix de vente, de la perte des revenus tirés du fonds pendant 9 années et de la perte de chance de céder effectivement le fonds, outre l'inconsistance de la créance mentionnée dans la reconnaissance de dette du 31 mai 2005 ;

En réponse à la partie adverse, il réfute tout règlement sur le compte commun LCL ouvert par M. [S], les chèques tirés à partir de ce compte étant revenus impayés. En toute hypothèse, il affirme que les règlements en espèce ont été manifestement détournés de la comptabilité du fonds par M. [S], dont plusieurs témoins attestent qu'il s'accaparait le fond de caisse, et soutient que la compensation ne pouvait en toute hypothèse pas s'opérer entre le prix de vente et les prétendues créances de M. [S] ;

Me [V] et les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD exposent quant à eux :

- que la reconnaissance de dettes du 31 mai 2005 résulte du projet avorté de cession du second fond de M. [A] au profit de M. [S], lequel avait versé à titre d'acompte une somme de 35 000 euros conservée depuis lors par M. [A],

- que M. [S] a ouvert et crédité un compte commun avec M. [A] afin de lui permettre de poursuivre l'exploitation du fonds en cause, étant intéressé par sa reprise,

- qu'il ressort des témoignages visés au réquisitoire définitif du procureur de la République que M. [A] se trouvait en pleine possession de ses moyens et recherchait des liquidités pour la gestion de son fonds, ce qui accrédite l'existence de dettes et contredit tout abus de faiblesse,

- que M. [A] a dans un premier temps racheté le fonds avec le concours financier de M. [S] compte tenu du refus des propriétaires de céder directement à M. [S], à charge pour M. [A] de céder ultérieurement le fonds à M. [S], le prix de cession tenant compte des divers prêts consentis par ce dernier à hauteur de 38 000 euros,

- que ces prêts sont attestés par des bordeaux de virements à hauteur de 22 727 euros outre divers versements en espèce,

- que le reliquat du prix de vente n'a jamais été réglé faute d'être réclamé par M. [A],

- que la vente étant payée par compensation avec les dettes du cédant, il ne saurait être reproché à Me [V] de ne pas avoir consigné le prix,

- que l'avocat n'est pas tenu, contrairement au notaire, de vérifier les énonciations des parties ni de faire transiter par ses comptes les sommes en cause ; que la consignation au compte CARPA profite à l'acquéreur et aux créanciers de sorte que le cédant ne saurait se prévaloir de son absence ; qu'il n'était pas plus tenu d'expliciter les modalités de paiement du prix compte tenu de l'absence de toute contestation sur le prix lui-même,

- que le vice du consentement allégué par M. [A] n'est pas démontré ; que les témoignages attestent de la volonté de M. [S] d'acquérir rapidement mais non des pressions alléguées,

- qu'en toute hypothèse, la cour n'est pas saisie de l'appel du jugement du tribunal de commerce de Paris qui a rejeté les demandes de M. [A] en nullité de la vente,

de sorte que la reconnaissance de dette comme la cession de fonds sont valides et que la responsabilité de Me [V] ne peut se trouver engagée de ce chef ;

Les intimés soutiennent au surplus que M. [A] ne démontre pas la réalité du préjudice allégué, notamment le chiffre d'affaires réalisable dans les lieux voisins d'une lourde opération de travaux ou encore de l'impossibilité de recouvrir le reliquat du prix de vente ; qu'il n'existe en toute hypothèse aucun lien avec la faute alléguée de Me [V] ;

-Sur le vice du consentement

M. [A] fait valoir que si le tribunal a justement retenu que son consentement avait été vicié par M. [S] avec le concours de Me [V] lors de la vente du fonds de commerce, de la reconnaissance de dette et de la cession d'un véhicule Renault, il n'en a pas tiré toutes les conséquences en ne l'indemnisant que pour le préjudice moral subi à hauteur de 10 000 euros, considérant qu'il n'établissait notamment pas la réalité de son préjudice financier ;

Selon l'article 1109 du code civil, il n'y a point de consentement valable s'il n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par le dol ;

L'article 1112 du code civil dispose qu'il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. En cette matière, eu égard à l'âge, le sexe et la condition des personnes, l'illettrisme et l'affaiblissement sont notamment retenus comme pouvant avoir concouru à vicier le consentement d'une personne ;

Il ressort en l'espèce d'une pièce versée aux débats par le conseil de l'appelant que le 6 février 2006, soit 8 mois et 5 mois après la reconnaissance de dette et la vente du fonds de commerce au profit de M. [S], M. [A], alors âgé de 79 ans, a été examiné par le Docteur [Z], Psychiatre des Hôpitaux et médecin chef de l'EPS de Maison Blanche requis par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris 20ème en vue de se prononcer sur une mesure de protection de ses biens, et que ce médecin a indiqué que l'intéressé était atteint de troubles intellectuels d'allure démentielle nécessitant qu'il soit représenté de manière continue dans tous les actes de la vie courante et ressortant d'une mesure de tutelle, soit de la mesure de protection la plus lourde ; il doit être constaté que si les intimés font état du bon état psychique de M. [A] lors de la signature des actes, ils ne contestent pas la teneur du document médical rappelé qui n'est pas argué de faux ;

Il ressort aussi des déclarations de M. [V] recueillies dans le cadre de l'enquête pénale dont des éléments sont versés à la procédure, qu'ayant rencontré M. [S] dans le café '[Établissement 1]', celui-ci sachant qu'il était avocat au barreau de Paris, lui avait expliqué qu'il se chargeait d''éponger' les dettes de M. [A] et qu'il espérait ainsi devenir propriétaire du fonds de commerce ; M [V] a encore indiqué que M. [S], à l'époque maître chien accompagné d'un chien de race rotweiller, s'ingérait dans le fonctionnement du café pour évincer M. [A] et devenir maître des lieux dans l'intention manifeste de déposséder celui-ci de son fonds afin de pouvoir entrer en possession de l'appartement situé au-dessus du café pour y héberger ses enfants, suite à son divorce ; M. [V] a par ailleurs reconnu qu'à la demande et sous la pression de M. [S], il avait dressé la reconnaissance de dette et l'acte de vente du fonds, étant alors jeune avocat et désireux de se constituer une clientèle et n'ayant pas su résister à ces sollicitations, précisant que pour la reconnaissance de dette, il l'avait établie en l'absence de toute vérification de la réalité de la dette et que pour l'acte de cession du 21 septembre 2005, M. [S] avait 'pris le pas' et qu'en fait 'M. [A] n'avait pas droit à la parole, que M. [S] lui tendait les documents et lui disait de signer', et que 'M. [A] était comme un robot ', admettant même qu'il était possible que 'M. [A] n'ait pas compris, au moment de la signature, qu'il vendait son fonds de commerce';

Il n'est pas contesté enfin que M. [Y] [A] ne sait ni lire ni écrire le français;

Il s'en infère que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu que le consentement de M. [A] à l'acte de vente à tout le moins, les éléments de preuve qu'il incombe à l'appelant de rapporter n'étant pas assez précis concernant le vice ayant pu affecter son consentement pour la reconnaissance de dette et la vente du véhicule, avait été vicié ;

La cour considère que la violence a présidé à la rédaction de l' acte de vente du fonds de commerce, dès lors que selon les propres déclarations de M. [W] [V], M. [A], dont il n'est pas contesté qu'il était âgé et illettré et dont l'élément médical rappelé atteste de la fragilité psychique, à la période des faits, n'était pas en mesure de réaliser la portée de son engagement souscrit dans un contexte particulier, le soir dans le café lui- même, ce que les intimés ne démentent pas ;

C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le consentement de M. [Y] [A] avait été vicié et que M. [V], tenu en sa qualité d'avocat rédacteur de l'acte de veiller à assurer l'équilibre des intérêts en présence et d'informer chacune des parties de la portée des engagements souscrits, s'en est affranchi, dans le contexte de pression et d'inexpérience qu'il a alléguées, la SA Covea Risks n'ayant pas dénié son assurance ;

La cour constate toutefois que pas plus qu'il ne l'avait fait en première instance, l'appelant n'établit la réalité de son préjudice financier qu'il allègue à hauteur de 500 000 euros, dès lors qu'il ne conteste pas qu'il était en effet débiteur à l'égard de M. [S] de plusieurs sommes que celui-ci lui avait prêtées, nonobstant sa propre situation financière obérée ou encore

de son préjudice matériel qu'il indique avoir subi, confondu avec le préjudice moral, à hauteur de 80 000 euros ;

Il y a lieu néanmoins de majorer le montant des dommages et intérêts alloués par les premiers juges en réparation du préjudice résultant du vice de consentement subi par M. [A] et de condamner solidairement M. [S], M. [V] et son assureur à lui payer la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral subi, les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens méritant confirmation et les intimés M. [S], M. [V] et son assureur devant être condamnés in solidum à lui payer à une somme de 6 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel dès lors qu'ils succombent pour l'essentiel, Me [V] et son assureur étant déboutés de leurs demandes formées en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il condamné in solidum M. [H] [S], M. [W] [V] et la société Covea Risks à payer à M. [Y] [A] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Statuant de nouveau de ce chef réformé et ajoutant,

CONDAMNE in solidum M. [H] [S], M. [W] [V] et MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD venant aux droits de la société Covea Risks à payer à M. [Y] [A] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

LES CONDAMNE in solidum à lui payer une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. [W] [V] et la société Covea Risks de leurs demandes,

LES CONDAMNE aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

S. CAYRE C. BARTHOLIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/26194
Date de la décision : 02/12/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°14/26194 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-02;14.26194 ?
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