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30/11/2016 | FRANCE | N°15/13356

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 30 novembre 2016, 15/13356


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 30 Novembre 2016



(n° , 08 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/13356



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX RG n° 14/00446





APPELANT

Monsieur [H] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

repr

ésenté par Me Sophie CARTEROT, avocat au barreau de MEAUX





INTIMEE

SARL unipersonnelle EGATEX FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 397 687 344 00028

représentée par ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 30 Novembre 2016

(n° , 08 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/13356

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX RG n° 14/00446

APPELANT

Monsieur [H] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

représenté par Me Sophie CARTEROT, avocat au barreau de MEAUX

INTIMEE

SARL unipersonnelle EGATEX FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 397 687 344 00028

représentée par Me David DUPETIT, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie HYLAIRE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juin 2016

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sylvie HYLAIRE, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 16 août 1998, Monsieur [H] [S] a été engagé en qualité de VRP Multicartes par l'EURL Egatex France, qui emploie plus de 10 salariés et commercialise des collections de lingerie et vêtements d'intérieur, pour la vente des collections Egatex Femme et Soy.

Il était affecté sur le secteur [Localité 2] et région parisienne et il était prévu une rémunération à la commission d'un montant brut de 9,09% du chiffre d'affaires encaissé HT.

Le contrat prévoyait que Monsieur [S] s'engageait à ne commercialiser pour son compte ou pour le compte de tiers directement ou indirectement aucun produit en concurrence directe à ceux fabriqués ou commercialisés par la société Egatex. Il a déclaré représenter une autre société de lingerie de nuit non concurrente, la société LCL.

Monsieur [S] a cessé la représentation de la marque Soy en juillet 2009.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 2 juillet 2013, la société Egatex France demandait à Monsieur [S] de cesser immédiatement la représentation de la société Ringella, représentation d'une marque concurrente qu'il aurait prise sans son autorisation préalable et qui serait la cause de la baisse de son chiffre d'affaires.

Monsieur [S] répondait par lettre recommandée avec avis de réception du 19 juillet 2013 qu'aucune mention de son contrat ne prévoyait qu'il ne pouvait prendre de nouvelles représentations sans autorisation préalable, qu'il avait appliqué la procédure de l'entreprise en mentionnant la nouvelle représentation Ringella sur la fiche de mise à jour semestrielle et que, lors de l'entretien qu'il avait eu le 25 juin 2013, son interlocuteur avait reconnu que trois autres VRP de la société commercialisaient la marque Ringella depuis longtemps.

Concernant la baisse de ses résultats, Monsieur [S] l'attribuait à la fermeture de deux boutiques et à la baisse d'activité de 7 autres ainsi qu'à l'absence des commandes de réassorts se prenant au cours de l'automne.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 octobre 2013, la société Egatex France rappelait son interdiction ainsi que la baisse du chiffre d'affaires et demandait à Monsieur [S] de cesser la représentation de la marque Ringella ou d'accepter de laisser la représentation Egatex.

Monsieur [S] répondait à ce courrier par lettre recommandée avec avis de réception du 18 octobre 2013 et soulignait que les mauvais résultats de son secteur n'étaient liés ni à un manque de travail de sa part ni à la représentation d'autres cartes.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 janvier 2014, la société Egatex France a convoqué Monsieur [S] à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 janvier 2014, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 janvier 2014, la société Egatex France a notifié à Monsieur [S] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants:

'Selon un premier courrier recommandé du 2 juillet 2013, nous vous avons rappelé les obligations qui vous incombent par application de l'article L. 7313-6 du code du travail, qui vous fait interdiction de prendre de nouvelle représentation sans autorisation préalable de votre employeur.

Nous vous rappelons que votre contrat de travail de VRP Multicarte comporte l'obligation particulière suivante : 'Monsieur [S] s'engage à ne commercialiser pour son compte ou pour le compte de tiers, directement ou indirectement, aucun produit à concurrence directe avec ceux fabriqués ou commercialisés par la société Egatex'.

Nous vous sommions dans cette correspondance de bien vouloir cesser vos activités pour le compte de la marque Ringella, qui est une marque de produits directement en concurrence de ceux distribués par vous pour le compte de la société Egatex.

Vous n'avez malheureusement tenu aucun compte de cette demande, ce qui nous a obligé à vous mettre une nouvelle fois en demeure par courrier du 10 octobre 2013, dans lequel nous mettions par ailleurs en corrélation cette activité pour une marque concurrente avec la baisse de votre chiffre d'affaires pour les commandes de l'été 2014.

Nous vous rappelions à nouveau l'interdiction qui s'impose à vous de présenter toute marque concurrente sans notre autorisation préalable et attendions donc la justification de ce que vous cessiez la représentation de la marque Ringella.

Or, vous n'avez pas cessé cette représentation concurrente, ce que vous avez au demeurant confirmé lors de l'entretien préalable du 20 janvier 2014.

Nous devons donc faire le constat de la persistance de faits dont le caractère illicite vous a été rappelé et la réitération des manquements aux obligations issues de votre contrat de travail.

De tels agissements remettent en cause la bonne marche de notre société et sont consécutifs d'un grave manquement à vos obligations contractuelles.

En effet, non seulement vos agissements sont constitutifs d'un acte de déloyauté incompatible avec la poursuite du contrat de représentation de nos marques Egatex mais constituent également des actes de concurrence interdits pendant le cours de votre contrat de travail.

En effet, notre société ne peut accepter qu'un salarié VRP représente une marque concurrente et mette à son profit la clientèle de la société Egatex.

De surcroît, de tels agissements sont constitutifs d'une insubordination manifeste puisque vous n'avez tenu aucun compte des demandes de cessation des agissements fautifs que nous vous avions transmises et auxquelles vous avez répondu en prétendant que la marque Ringella ne serait pas concurrente de nos marques Egatex, ce qui est radicalement inexact.

Par ailleurs, nous constatons que ce comportement a des répercussions très négatives sur le chiffre d'affaires de vente que vous avez réalisé pour les saisons Hiver 2013 et Eté 2014.

En effet, nous constatons que vos ventes sont très en retrait par rapport à celles des autres salariés de notre société.

Cette insuffisance professionnelle nous paraît être directement liée aux nombreuses représentations d'autres marques y compris la marque concurrente Ringella et traduit en toute hypothèse un manque de diligence dans le maintien et le développement du chiffre d'affaires sur votre secteur, dont les résultats sont très inférieurs à ceux des autres salariés de la SARL Egatex relevant du même statut de VRP.

Ainsi et nonobstant les explications que vous nous avez données lors de l'entretien préalable, nous avons décidé pour ces motifs de vous licencier pour fautes graves dans la mesure où votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.'

Par jugement rendu le 12 novembre 2015, le conseil de prud'hommes de Meaux, saisi le 8 avril 2014 par Monsieur [S], l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 23 décembre 2015, Monsieur [S] a relevé appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 14 décembre.

Monsieur [S] demande à la cour d'infirmer la décision déférée, de considérer que son licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et de condamner la société Egatex France à lui payer les sommes suivantes :

- 3.589,76 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 358,97 € au titre des congés payés afférents,

- 264,13 € au titre du salaire retenu durant la mise à pied outre 26,41 € au titre des congés payés afférents,

- 3.122,52 € au titre de l'indemnité spéciale de rupture,

- 750,26 € à titre de régularisation de commissions des années 2011, 2012 et 2013 outre 75,02 € au titre des congés payés afférents,

- lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation,

- 8.121,64 € au titre de la clause de non-concurrence,

- 6.152,72 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La société Egatex France conclut à la confirmation de la décision déférée et demande à la cour de dire que le licenciement de Monsieur [S] repose sur une faute grave, de débouter Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes, et subsidiairement, de :

- cantonner aux sommes suivantes les condamnations :

* au titre de l'indemnité de préavis : 1.398,36 € bruts,

* au titre de l'indemnité spéciale de rupture : 2.838,67 €,

* au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2.796,72€,

- dire que la clause de non-concurrence ne peut être indemnisée que pour la période du 8 au 20 février 2014 soit une somme de 100 € maximum.

Par ailleurs, la société Egatex France demande à la cour de dire que la faute commise par Monsieur [S] consistant en la représentation d'une marque concurrente lui a causé un préjudice constitué par la baisse du chiffre d'affaires de vente et elle sollicite la condamnation de Monsieur [S] à lui payer la somme de 34.589 € à titre de dommages et intérêts outre la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de commissions

Monsieur [S] fait valoir que pour les années 2011, 2012 et 2013, il n'a été commissionné qu'à hauteur de 5% au lieu du taux contractuel de 9,09% et que si pour la saison Eté 2009, il avait accepté une baisse de son commissionnement sur les ventes en direction des grossistes parisiens, il avait été convenu un taux de 7 %.

La société Egatex France soutient que dans la mesure où les grossistes bénéficient d'un tarif préférentiel avec une remise de prix de 20%, cette catégorie de clientèle a toujours donné lieu à l'application d'un taux de commissionnement minoré à 5%. En 2009, il avait été envisagé avec Monsieur [S] une commission de 7% mais c'était à la condition que le tarif grossiste soit lui-même augmenté de 8%, ce qu'il n'a pas respecté en continuant à appliquer la remise de 20%.

Le contrat conclu entre les parties prévoit en son article 7 'Rémunération' que Monsieur [S] percevra une commission d'un montant brut représentant 9,09% du chiffre d'affaires encaissé hors taxe sur la valeur ajoutée.

Il appartient à la société Egatex France qui fait état d'un accord des parties sur un commissionnement moindre appliqué aux ventes aux grossistes de rapporter la preuve de cet accord. Or, les mails qu'elle verse aux débats échangés en juillet 2009 entre Monsieur [S] et Monsieur [N] [D] permettent seulement de retenir qu'au cours de l'été 2009, il avait été envisagé un autre système sans qu'il soit démontré ni un accord des parties sur un taux de 5 % ni que ce taux était systématiquement appliqué aux ventes auprès des grossistes.

Par conséquent, il sera fait droit à la demande de Monsieur [S].

Le tableau de calcul des sommes réclamées ne fait l'objet d'aucune critique et reprend les ventes réalisées par Monsieur [S] au cours des exercices 2011 à 2013 auprès de deux grossistes (sociétés Belco et Maison Niego).

En conséquence, la société Egatex France sera condamnée à payer à Monsieur [S] la somme de 750,26 € au titre des commissions restant dues outre celle de 75,02 € au titre des congés payés afférents.

Sur le licenciement

Il ressort de la lettre de licenciement que la société Egatex France reproche à Monsieur [S] une faute grave, choisissant ainsi la voie d'un licenciement pour motif personnel de nature disciplinaire. La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise ; la charge de la preuve pèse sur l'employeur.

Il est fait grief à Monsieur [S] d'avoir, malgré deux mises en demeure préalables, persisté à commercialiser une marque concurrente, caractérisant une insubordination, ce comportement ayant des répercussions sur son chiffre d'affaires de vente.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [S], ces faits ne peuvent être considérés comme prescrits dans la mesure où même si l'employeur a eu connaissance du grief allégué plus de deux mois avant l'engagement des poursuites, le comportement prétendument fautif du salarié s'est poursuivi et répété dans ce délai.

En revanche, il ressort des échanges de correspondance versés aux débats qu'après avoir signifié son désaccord à Monsieur [S] en juillet 2013, la société Egatex France est restée taisante sur son courrier en réponse du 19 juillet 2013 jusqu'au 10 octobre 2013 puis a attendu le début du mois de janvier 2014 pour engager la procédure de licenciement.

Dans la mesure où la société Egatex France a laissé perdurer plus de 6 mois les faits fautifs invoqués, ces faits ne peuvent revêtir la qualification de faute grave.

Sur le caractère réel et sérieux des faits reprochés, la société Egatex France fait valoir que Monsieur [S] aurait dû solliciter une autorisation préalable pour commercialiser la marque Ringella en application des dispositions de l'article L. 7313-6 du code du travail, qu'il n'était pas dans une situation identique à celle d'autres VRP, qui commercialisaient la marque Ringella, qui, soit travaillaient pour le réseau Senoretta, réseau de distribution différent de celui de la marque Egatex, soit détenaient déjà la carte Ringella avant d'avoir été engagés par la société Egatex.

Monsieur [S] fait observer que son contrat ne prévoyait pas d'autorisation préalable, que la pratique mise en oeuvre dans la société était un système de fiches déclaratives adressées deux fois par an à l'employeur, sur lesquelles le VRP mentionnait les marques qu'il représentait. Il ajoute que la marque Ringella n'était pas une marque concurrente mais complémentaire que d'autres VRP de l'entreprise représentaient également.

Sur le problème de l'autorisation préalable, le contrat liant les parties prévoyait : 'Monsieur [S] s'engage à ne commercialiser pour son compte ou pour le compte de tiers directement ou indirectement aucun produit en concurrence directe avec ceux fabriqués ou commercialisés par la société Egatex.

Il déclare par ailleurs représenter à ce jour les cartes suivantes...'

Ainsi, le contrat n'imposait pas au VRP de solliciter une autorisation préalable de l'employeur dès lors que la nouvelle marque n'était pas concurrente et il ressort des pièces produites que le système mis en oeuvre était un système déclaratif par le biais des fiches semestrielles remplies par le VRP, fiches comprenant une rubrique 'Maisons représentées'.

Monsieur [S] justifie s'être à plusieurs reprises adjoint des nouvelles marques, notamment de lingeries et la société Egatex France ne démontre par aucune pièce avoir signifié précédemment son désaccord à ce mode de procédé : contrairement à ce que prétend l'employeur, le mail daté du 20 octobre 2011 n'est pas 'une mise en demeure de cesser de tels agissements' et il ressort des documents produits par Monsieur [S] que les marques évoquées (Zetex et Ringella) avaient été commercialisées par lui en 2009 et que cette représentation avait cessé bien avant le courriel du 20 octobre 2011 et non en raison d'une « interdiction » signifiée par l'employeur.

Par ailleurs, Monsieur [S] justifie par la production des contrats de travail que deux au moins des VRP travaillant pour la société (Monsieur [N] et Madame [X]) commercialisaient la marque Ringella et la sommation qu'il a adressée quant à la production des contrats d'autres VRP (Messieurs [B], [I], [W] et Madame [P]) est restée sans effet.

Or, s'il est exact que Monsieur [N] et Madame [X] étaient déjà titulaires de la carte Ringella lorsque la société Egatex France les a engagés, leurs contrats de travail comportaient la même interdiction de commercialiser des marques concurrentes que celle figurant au contrat de Monsieur [S] et il ne peut être sérieusement soutenu que la société aurait engagé des salariés dont elle savait qu'ils commercialisaient une marque concurrente de ses produits.

En outre, si la société Egatex France invoque une stratégie commerciale différente pour la ligne Senoretta à laquelle certains des salariés commercialisant la marque Ringella étaient rattachés, aucun élément probant n'est produit de nature à démontrer la réalité de différences de stratégie alléguée et l'affirmation de Monsieur [S] selon laquelle les deux collections Senoretta et Egatex sont comparables dans leurs gammes de clientèle, de prix et sont distribuées dans les mêmes points de vente n'est pas démentie par les pièces versées aux débats par la société Egatex France.

Par ailleurs, aucune pièce n'a été produite par la société en ce qui concerne les VRP cités par Monsieur [S] (Messieurs [B], [I], [W] et Madame [P]) malgré la sommation de communiquer délivrée en sorte que la cour ne peut vérifier quelle était la situation exacte de ces personnes au regard de celle de Monsieur [S].

Enfin, si la société Egatex France fait valoir que plusieurs de ses VRP considéraient la marque Ringella comme une marque concurrente, les annotations portées sur les documents intitulés 'Analyse Egatex' soulignent que les prix de cette marque sont beaucoup plus bas, ce que, pour justifier que les produits n'étaient pas concurrentiels mais complémentaires, relève Monsieur [S], qui établit avoir été précédemment autorisé à commercialiser d'autres marques commercialisant des produits similaires et notamment de la lingerie de nuit.

Il sera en outre relevé que si le chiffre d'affaires de Monsieur [S] sur son secteur avait incontestablement subi une baisse, le lien entre la représentation de la marque Ringella et la diminution des ventes de la marque Egatex n'est pas établi : en effet, l'examen des tableaux de résultats versés aux débats par la société Egatex France fait certes apparaître une 'progression en 2014" du successeur de Monsieur [S] mais cette progression est très relative (24.075 € de CA pour 920 pièces en 2014 et 28.755 € pour 1.161 pièces en 2015) alors que le résultat antérieurement atteint en 2013 par Monsieur [S] était de plus de 41.000 € pour 1.613 pièces.

Par ailleurs, Monsieur [S] produit divers documents et notamment les rapports d'activité régulièrement adressés à son employeur, d'où il ressort qu'au cours de l'année 2013, il avait perdu une dizaine de clients ayant fermé pendant cette période et que son secteur rencontrait des difficultés liées à la crise économique avec une diminution du nombre moyen de pièces commandées par client.

Il verse également un récapitulatif non contesté par la société Egatex France qui démontre que sur 38 clients Egatex, 24 qui n'étaient pas clients Ringella représentaient 87% de la baisse de l'été 2014.

Enfin, si la société Egatex France produit une attestation comptable comparant les résultats de Monsieur [S] avec ceux des autres VRP qui traduit pour ces derniers une augmentation, dans la mesure où il n'est pas précisé s'il s'agit de l'ensemble des VRP de la société (qui commercialisaient des collections différentes) ou de VRP dans la même situation que Monsieur [S], la cour ne peut se fonder sur cette comparaison pour retenir que 'les ventes de Monsieur [S] étaient très en retrait par rapport à celles des autres salariés' comme il l'est reproché dans la lettre de licenciement.

En conséquence, il ne peut être retenu que les faits invoqués à l'appui du licenciement sont établis.

Il sera donc considéré que le licenciement de Monsieur [S] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse.

Les parties s'accordent sur une moyenne de rémunération d'un montant de 466,12 € par mois.

Monsieur [S] est en droit de prétendre à une indemnité de préavis correspondant à trois mois soit une somme de 1.398,36 € bruts outre 139,84 € bruts au titre des congés payés afférents et il sera débouté de sa demande supplémentaire à ce titre, calculée non sur la moyenne de sa rémunération mais sur une projection non justifiée des commissions perçues au cours de l'hiver 2013.

Il sera également fait droit à sa demande au titre du salaire retenu durant la période de mise à pied soit la somme de 264,13 € outre 26,41 € au titre des congés payés afférents.

Dans la mesure où Monsieur [S] ne verse aux débats aucune pièce concernant sa situation suite à son licenciement, il lui sera alloué, au regard de son ancienneté et de sa rémunération, la somme de 3.500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Sur la demande au titre de l'indemnité spéciale de rupture

Le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et Monsieur [S] a expressément renoncé au versement de l'indemnité de clientèle par courrier recommandé du 12 février 2014.

Il est par conséquent fondé à solliciter le paiement de l'indemnité spéciale de rupture prévue par l'article 14 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, dont le montant sera, au vu des modalités de calcul proposées par la société Egatex France et acceptées par Monsieur [S], fixé à la somme de 2.838,67 € outre 283,83 € au titre des congés payés afférents.

Sur la clause de non-concurrence

Le contrat liant les parties prévoyait une interdiction de concurrencer la société Egatex sur le secteur qui lui était confié pendant une durée de 24 mois, l'employeur se réservant la faculté de lever la clause qui n'était pas assortie d'une contrepartie financière, dans les 15 jours suivant la notification de la rupture.

L'employeur a délié Monsieur [S] de la clause, par un courrier du 20 février 2014 que Monsieur [S] reconnaît avoir reçu en première partie de ses écritures mais cette mainlevée est intervenue postérieurement au délai de 15 jours prévu par le contrat, délai résultant également de l'article 17 de l'accord national interprofessionnel applicable.

En l'absence de contrepartie financière et dans la mesure où la renonciation de l'employeur à se prévaloir de cette clause n'a pas été faite dans les délais résultant du contrat et de l'accord applicable, Monsieur [S] est en droit de prétendre au paiement de la contrepartie pécuniaire résultant de l'article 17, soit 2/3 de la rémunération moyenne des douze derniers mois pendant 24 mois.

La société Egatex France sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 8.121,64 € à ce titre, somme incluant les congés payés.

Sur les autres demandes

La société Egatex France sera déboutée de sa demande reconventionnelle tendant à mettre en oeuvre la responsabilité du salarié qui ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde qui n'est pas en l'espèce établie.

Succombant du chef de ses prétentions, elle sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Monsieur [S] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme la décision déférée,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Monsieur [S] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Egatex France à payer à Monsieur [S] les sommes suivantes:

- 750,26 € bruts au titre des commissions restant dues pour les années 2011, 2012 et 2013 et celle de 75,02 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 2.838,67 € au titre de l'indemnité spéciale de rupture outre 283,83 € au titre des congés payés afférents,

- 264,13 € au titre du salaire retenu durant la mise à pied outre 26,41 € au titre des congés payés afférents,

- 1.398,36 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 139,84 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 3.500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8.121,64 € bruts au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société Egatex France aux dépens ainsi qu'à payer à Monsieur [S] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/13356
Date de la décision : 30/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/13356 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-30;15.13356 ?
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